Le coenzyme Q

Le coenzyme Q 

Le coenzyme Q ou ubiquinone (abréviation : Q) fait partie de la famille des quinones isoprénoïdes. Les quinones isoprénoïdes sont composées d’une tête aromatique hydrophile et d’une queue hydrophobe constituée d’unités isoprénoïdes (5 atomes de carbone), ce qui les rend liposolubles. Elles sont présentes dans la plupart des membranes des organismes vivants. Leur fonction principale est de transporter des électrons et des protons dans les chaînes respiratoires et photosynthétiques afin de créer une force proton-motrice à travers ces membranes. Cette force proton-motrice sert ensuite à la synthèse d’ATP qui est la forme de stockage chimique de l’énergie dans la cellule. Ces quinones possèdent également d’autres fonctions, notamment celle d’antioxydant membranaire. La plupart des quinones isoprénoïdes appartiennent à la famille des naphtoquinones ou des benzoquinones, cf. Schéma 1. Parmi les naphtoquinones, les ménaquinones participent au transfert d’électrons dans les chaînes respiratoire et photosynthétique des bactéries. Dans la famille des benzoquinones, on trouve les ubiquinones qui transfèrent les électrons dans la chaîne respiratoire des eucaryotes et de certaines bactéries (dont E. coli) ainsi que les plastoquinones qui participent au transfert d’électrons dans la chaîne photosynthétique au sein des chloroplastes chez les plantes et les archées (Nowicka et Kruk 2010).

Structure et localisation 

L’ubiquinone est composée d’un noyau quinone substitué par deux groupes méthoxy, un groupe méthyle et une chaîne polyisoprényle, cf. Schéma 2. Son noyau aromatique, hydrophile, lui permet d’interagir avec les protéines : c’est le siège de sa réactivité, liée à ses propriétés rédox (cf. page 8). Du fait de sa longue chaîne hydrophobe, le coenzyme Q est parfaitement soluble dans les bicouches lipidiques mais forme des agrégats micellaires lorsqu’il se trouve en milieu aqueux.

Chez les procaryotes, l’ubiquinone est présente dans la membrane plasmique. Chez S. cerevisiæ, on la retrouve principalement dans la membrane interne des mitochondries. Chez les plantes, l’ubiquinone est présente en majorité dans les mitochondries et on en trouve des traces dans la plupart des membranes excepté au sein des chloroplastes (Swiezewska et al. 1993). Chez les mammifères, elle est  présente dans les membranes biologiques de tous les tissus ainsi que dans le sang, au sein de lipoprotéines (Ernster et Dallner 1995).

Propriétés rédox

Le noyau quinone du coenzyme Q lui confère des propriétés rédox et acidobasiques qui lui permettent d’agir comme transporteur d’électrons et de protons mais aussi comme antioxydant. L’ubiquinone existe sous six formes, cf. Schéma 3. La forme totalement réduite est nommée ubiquinol (QH2) et forme avec l’ubiquinone un couple Q/QH2 dont le potentiel standard est de 112 mV : il y a échange de deux protons et deux électrons.

Fonctions 

Grâce à son noyau quinone et sa longue chaîne hydrophobe, l’ubiquinone joue un rôle essentiel dans la chaîne respiratoire en transférant les électrons depuis les complexes I et II jusqu’au complexe III, dans la membrane plasmique chez les procaryotes et dans la membrane interne de la mitochondrie chez les eucaryotes. Chez les mammifères, il s’agit du seul antioxydant liposoluble synthétisé de novo. Par ailleurs, l’ubiquinone est impliquée dans la régulation des pores de transition membranaire mitochondriaux et dans le transport de protons permettant le fonctionnement des protéines découplantes, cf. page 15 (Laredj et al. 2014).

Transport d’électrons dans la chaîne respiratoire mitochondriale
Le coenzyme Q est un élément essentiel de la chaîne respiratoire mitochondriale. Une fois réduit par le complexe I ou le complexe II, il va transmettre ses électrons au complexe III, ce qui permettra de réduire le cytochrome c. Le cytochrome c va lui-même transférer ses électrons au complexe IV, ce qui aboutit à la réduction à quatre électrons du dioxygène moléculaire O2, l’accepteur d’électrons final, en eau H2O. L’ensemble de ces réactions va permettre de générer un gradient de protons entre l’espace intermembranaire et la matrice de la mitochondrie. Le flux de protons résultant pour rétablir l’équilibre permet à l’ATP synthase de fonctionner et de stocker l’énergie pour la cellule sous forme d’ATP, cf. Figure 1.

Des complexes I (NADH-coenzyme Q-oxydoréductase) et II (succinate coenzyme Qoxydoréductase)… 

Le coenzyme Q est réduit soit par le complexe I, également appelé NADH coenzyme-Qoxydoréductase, soit par le complexe II, également nommé succinate-coenzyme-Qoxydoréductase. Le complexe I, cf. Figure 2, a été cristallisé dans son intégralité pour la première fois par Baradaran et al. en 2013 (Thermus thermophilus). Il est composé de trois modules : le module N comportant une NADH oxydase, le module Q qui réduit l’ubiquinone et le module P, qui sert à la translocation des protons. Les deux premiers modules sont essentiellement dans la matrice mitochondriale (cytoplasme dans le cas de T. thermophilus qui est une bactérie). Le module N transfère les électrons depuis le NADH via un FMN puis plusieurs centres Fe-S jusqu’au module Q qui permet la réduction de l’ubiquinone en lui transférant les électrons via d’autres centres Fe-S. Le FMN, qui peut transférer les électrons un par un, assure le transfert d’électrons entre le NADH, qui donne deux électrons à la fois sous forme d’hydrure H- , et les centres Fe-S, qui ne peuvent recevoir qu’un électron à la fois. Le module P, quant à lui, est transmembranaire et composé d’hélices α qui forment des demi-canaux de transport de protons. En fonction de l’état d’oxydation de l’ubiquinone, ces demi-canaux s’ouvrent et se ferment, permettant la translocation de protons depuis la matrice mitochondriale jusqu’à l’espace intermembranaire (du cytoplasme au périplasme dans le cas de T. thermophilus).

La première structure complète du complexe II d’un organisme eucaryote, composée de quatre protéines, a été obtenue en 2005 par Sun et al. Deux des protéines sont hydrophiles et situées dans la matrice mitochondriale : une flavoprotéine (Fp) et une protéine à centres Fe-S (Ip). Les deux autres (CybL et CybS), en contact avec la protéine à centres Fe-S, lient un hème. La flavoprotéine à FAD oxyde le succinate en fumarate et transfère les électrons récupérés à la protéine à centres Fe-S. Cette dernière transfère alors ses électrons à l’hème, permettant ainsi la réduction de l’ubiquinone, cf. Figure 3.

… au complexe III (coenzyme Q-cytochrome c-oxydoréductase) 

Une fois réduite par le complexe I ou le complexe II, l’ubiquinone transfère ses électrons au complexe III. Son transfert des complexes I et II au complexe III se fait par la libre diffusion de l’ubiquinol dans la membrane interne mitochondriale. Il a toutefois été montré par microscopie électronique que les complexe I et III pouvaient s’assembler en un supercomplexe : l’ubiquinone peut alors passer directement d’un complexe à l’autre (Lenaz et Genova 2009). La première structure complète du complexe III d’un organisme eucaryote, également nommé complexe cytochrome bc1, a été obtenue en 1998 par Iwata et al. Le complexe III est formé de trois sous unités : la protéine de Rieske contenant un centre [2Fe-2S], le cytochrome c1 porteur d’un hème et le cytochrome b porteur de deux hèmes. Mitchelle a proposé en 1975 l’hypothèse d’un transfert d’électron cyclique en deux étapes impliquant plusieurs formes du coenzyme Q et permettant la translocation des protons à travers la membrane et la réduction du cytochrome c, cf. Figure 4. Lors de la première étape, on a fixation et oxydation d’une molécule d’ubiquinol au site Q0. Deux protons sont alors injectés dans l’espace intermembranaire et deux électrons récupérés puis séparés :
– un des deux électrons est transféré le long d’une chaîne à haut potentiel au centre [2Fe2S] de la protéine de Rieske puis à l’hème du cytochrome c1 et enfin au cytochrome c, transporteur soluble dans l’espace intermembranaire;
– l’autre électron suit une chaîne de bas potentiel via les deux hèmes de type b jusqu’au site Q1 où il va réduire une molécule d’ubiquinone Q en ubisemiquinone Q•-. Lors de la deuxième étape, la réduction d’une deuxième molécule d’ubiquinol permet l’injection de deux protons supplémentaires dans l’espace intermembranaire ainsi que la réduction d’un deuxième cytochrome c et le transfert d’un électron à l’ubisemiquinone Q•-. Deux protons récupérés de la matrice permettent alors de former l’ubiquinol QH2 au site Q1.

Antioxydant membranaire (Bentinger et al. 2007) 

Les antioxydants ont un rôle clef dans le bon fonctionnement cellulaire car ils permettent de limiter les dégâts causés par les espèces réactives de l’oxygène (ROS). L’apparition de ROS est due en partie à la fuite d’espèces actives lors de l’activation de l’oxygène moléculaire dans des réactions enzymatiques, notamment dans le processus de respiration, mais peuvent aussi résulter de l’activation de l’oxygène moléculaire par des ions cuivre ou fer. Il peut y avoir libération notamment du radical superoxyde O2•- ou du radical hydroxyle HO• . Les ROS sont très réactives chimiquement car elles possèdent des électrons de valence non appariés : elles peuvent dès lors réagir avec toutes les molécules rencontrées, lipides, protéines, ADN et causer des dégâts plus ou moins conséquents. L’ubiquinone est un antioxydant très important : c’est le seul antioxydant membranaire produit directement au sein de toutes les cellules. Elle agit dans toutes les membranes de tous les tissus dans lesquels elle est présente dans des proportions 5 à 10 fois plus élevées que celles de la vitamine E (également appelé α-tocophérol, c’est un antioxydant présent dans l’alimentation). Pour être active en tant qu’antioxydant, l’ubiquinone doit être sous forme réduite ubiquinol et il s’avère que plus de la moitié du pool d’ubiquinone est sous forme réduite dans les tissus. De nombreuses études ont montré que l’ubiquinol permet d’empêcher l’oxydation des lipides. L’oxydation des lipides est une réaction en chaîne qui est initiée par l’action d’un radical superoxyde ou hydroxyle sur un acide gras polyinsaturé d’où résulte la formation d’un radical centré sur un carbone (LH → L• ). Suit la phase de propagation où le radical formé réagit avec l’oxygène moléculaire en formant un radical peroxyle (LOO• ) qui peut réagir avec un nouveau lipide et propager la réaction. Les antioxydants membranaires comme la vitamine E agissent durant cette phase de propagation en éliminant LOO• . La vitamine E est alors régénérée par l’action de l’ascorbate, cf. Figure 5. L’ubiquinol agit en amont de la formation de LOO• en limitant la réaction dès la phase d’initiation : en effet, QH2 peut réagir avec le radical perferryle pour former l’ubisemiquinone et H2O2. Il est même possible que l’ubisemiquinone réagisse avec L• pour former l’ubiquinone qui sera réduite par la suite sous l’action du NADPH (Nicotinamide Adénine Dinucléotide Phosphate). L’ubiquinol est également capable de limiter la phase de propagation et est plus efficace que l’ascorbate pour régénérer la vitamine E. L’ubiquinol est donc un antioxydant particulièrement efficace en ce qui concerne les lipides.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

CHAPITRE I : Introduction bibliographique
I) Le coenzyme Q
I.1) Structure et localisation
I.2) Propriétés rédox
I.3) Fonctions
I.3.a) Transport d’électrons dans la chaîne respiratoire mitochondriale
i) Des complexes I (NADH-coenzyme Q-oxydoréductase) et II (succinate-coenzyme Qoxydoréductase)
ii) … au complexe III (coenzyme Q-cytochrome c-oxydoréductase)
I.3.b) Antioxydant membranaire (Bentinger et al. 2007)
I.3.c) Autres fonctions proposées (Bentinger et al. 2010)
II) Biosynthèse du coenzyme Q
II.1) Biosynthèse des métabolites
II.1.a) Précurseurs du noyau aromatique
II.1.b) Biosynthèse du farnésylpyrophosphate (FPP) et de l’isopentényl-pyphosphate (IPP)
II.2) Voie de la biosynthèse de l’ubiquinone
II.2.a) Biosynthèse de l’acide hexaprénylhydroxybenzoïque (HHB)
i) Biosynthèse de la chaîne hexaprényle : Coq1
ii) Couplage de la chaîne hexaprényle : Coq2
II.2.b) Modification du noyau aromatique et mise en évidence d’un complexe multiprotéique
i) Modification du noyau aromatique
ii) Etudes in vitro réalisées avec des enzymes directement impliquées dans la modification du noyau aromatique
iii) Composition et rôle du complexe
II.3) Mutations et déficience en coenzyme Q chez l’Homme (Doimo et al. 2014)
III) Coq6 de S. cerevisiæ, monooxygénase à flavine catalysant l’hydroxylation en C-5 de l’ubiquinone
III.1) Une monooxygénase à flavine de classe A
III.1.a) Généralités sur les monooxygénases à flavine
III.1.b) Mécanisme enzymatique, exemple de PHBH
III.2) Hydroxylation en C-5 et substrat de Coq6
III.2.a) Preuve de l’implication de Coq6 dans l’hydroxylation en C-5
III.2.b) Identité chimique du substrat de Coq6
III.3) Une source d’électrons atypique : l’adrénodoxine réductase et l’adrénodoxine
III.3.a) Preuves in vivo 34
III.3.b) Adrénodoxine réductase et adrénodoxine
i) Généralités sur les ferrédoxines NADP+ réductases (FNR)
ii) Généralités sur les protéines à centre Fe-S (Lill 2009)
iii) Fonctions connues de l’adrénodoxine réductase et de l’adrénodoxine
IV) Objectifs de la thèse
CHAPITRE II : Matériel et Méthodes
I) Matériel biologique
I.1) Souches bactériennes
I.2) Vecteurs plasmidiques
I.3) Milieu de culture
II) Biologie moléculaire
II.1) Préparation de bactéries compétentes
II.2) Transformation de bactéries par choc thermique
II.3) Extraction et purification de plasmides
III) Méthodes biochimiques
III.1) Analyse des protéines et électrophorèse
III.1.a) Dosage de protéines
III.1.b) Electrophorèse sur gel polyacrylamide en conditions dénaturantes
III.1.c) Western Blot
III.2) Surexpression et purification des protéines
III.2.a) mBP-Coq6 de S. cerevisiæ, 96,5 kDa
i) Surexpression et récupération des extraits solubles
ii) Colonne d’affinité dextrine Sepharose
iii) Colonne d’exclusion stérique Superdex S200
III.2.b) Δ1-24Coq6 de Saccharoyces cerevisiæ, 51,5 kDa
i) Clivage par le facteur Xa
ii) Colonne échangeuse d’anions Uno Q1
III.2.c) Adrénodoxine réductase humaine (hAdR), 51.7 kDa
i) Surexpression et récupération des extraits solubles
ii) Colonne d’affinité Ni Sepharose
iii) Colonne d’exclusion stérique Superdex S75
III.2.d) ScAdx de S. cerevisiæ, 12,7kDa
i) Surexpression et récupération des extraits solubles
ii) Colonne échangeuse d’anions Uno Q6
iii) Colonne de tamisage moléculaire Superdex S75
III.3) Evaluation des cofacteurs
III.3.a) Dosage du fer
III.3.b) Dosage du soufre
III.3.c) Caractérisation des flavines
i) Détermination de la nature des flavines par HPLC
ii) Détermination du taux de flavine
III.3.d) Titration des cofacteurs des enzymatiques
III.4) Tests d’activité de Coq6 de S. cerevisiæ
III.4.a) Conditions expérimentales
III.4.b) Analyse HPLC sur colonne C18
IV) Analogues de substrats
IV.1) Acide 3-farnésyl-4-hydroxybenzoïque (FHB)
IV.2) Acide 3-farnésyl-4,5-dihydroxybenzoïque (FHB-OH)
IV.3) Farnésylhydroquinone (FHQ)
IV.4) Farnésylphénol (FPol)
IV.5) Farnésylcatéchol (FCat)
V) Méthodes biophysiques
V.1) Spectroscopie d’absorption UV-visible
V.2) Stopped flow en anaérobiose
V.2.a) Conditions expérimentales
V.2.b) Modélisation de la réaction
V.3) Spectroscopie de fluorescence
V.3.a) Origine de la fluorescence
V.3.b) Inhibition de la fluorescense
RESULTATS
CHAPITRE III : Purification, caractérisation biochimique et étude structurale préliminaire de Coq6 de S. cerevisiæ
I) Introduction
II) Purification de la protéine de fusion MBP-Coq6 de S. cerevisiæ
II.1) Surexpression et colonne d’affinité dextrine Sépharose
II.2) Comportement oligomérique de MBP-Coq6
II.3) Tentative de clivage du lien entre la MBP et Coq6 par le facteur Xa
III) Purification de Δ1-24Coq6 de S. cerevisiæ
III.1) Surexpression et purification de MBP-Δ1-24Coq6
III.2) Clivage du lien entre la MBP et Δ1-24Coq6 par le facteur Xa
III.3) Comportement oligomérique de Δ1-24Coq6
IV) Caractérisation de la flavine de Coq6
IV.1) Titration de la flavine par le dithionite
IV.2) Absence de réduction directe par le NADPH et le NADH
V) Cristallographie et modèle bioinformatique
V.1) Cristaux de MBP-Coq6
V.2) Construction et étude d’un modèle bioinformatique par homologie de Coq6 de S. cerevisiæ
VI) Conclusion
CHAPITRE IV : Conclusion

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *