Le coefficient d’étalement à l’équilibre : un bilan des tensions de surface

Le coefficient d’étalement à l’équilibre : un bilan des tensions de surface

La tension de surface, notée σαβ, d’une interface entre une phase α et une phase β représente l’énergie libre nécessaire pour augmenter d’une unité l’aire de cette interface. Généralement, lorsque l’une des deux phases est une vapeur, on parle de tension superficielle alors que le terme de tension interfaciale est utilisé dans les autres cas. Dans le cas du mouillage, défini précédemment, les trois tensions de surface suivantes sont mises en jeu : la tension superficielle σSV, la tension superficielle σLV et la tension interfaciale σSL. Un simple bilan de ces trois tensions de surface permet de connaître l’état de mouillage d’équilibre du système. On introduit ainsi le coefficient d’étalement à l’équilibre S :

S = σSV − (σSL + σLV)

Ce coefficient est strictement négatif en cas de mouillage partiel et nul en cas de mouillage complet. En effet, une valeur négative de ce coefficient signifie que la présence d’une interface substrat/vapeur est plus favorable énergétiquement que la superposition de deux interfaces substrat/liquide et liquide/vapeur, d’où la présence d’une lentille de liquide qui ne s’étale pas, ce qui correspond à l’état de mouillage partiel (cf. figure (I.1)). Au contraire, l’annulation de ce coefficient signifie que l’interface substrat/vapeur n’existe plus et est remplacée par la superposition de l’interface substrat/liquide et de l’interface liquide/vapeur, ce qui correspond bien à l’existence d’un film de liquide, et donc à l’état de mouillage complet (cf. figure (I.1)). La règle d’Antonow [7], critiquée en détail par Rowlinson et Widom [8], affirme d’ailleurs abusivement que ce coefficient d’étalement à l’équilibre est toujours nul, et donc qu’il y a toujours mouillage complet lorsque trois phases coexistent à l’équilibre.

Notons qu’un coefficient d’étalement à l’équilibre strictement positif serait absurde d’un point de vue thermodynamique : cela correspondrait en effet à l’observation d’une interface substrat/vapeur alors que son remplacement par la superposition des deux autres interfaces serait moins coûteux en énergie. Il convient néanmoins de préciser que certains  auteurs utilisent la notion de coefficient d’étalement initial, qui fait intervenir les tensions interfaciales et superficielles des corps purs hors coexistence triphasique. Il s’agit donc d’une grandeur hors d’équilibre, qui est la force motrice de l’étalement, et peut donc être positive [2]. Cette notion peut d’ailleurs s’avérer très utile pour étudier la dynamique de l’étalement [9,10].

On peut finalement résumer ainsi le bilan des tensions de surface :

S < 0 ⇔mouillage partiel
S =0 ⇔ mouillage complet

Les notions de travail de cohésion et de travail d’adhésion

Il est également possible de traduire ce bilan des tensions de surface, de façon équivalente, en termes de travail d’adhésion et de travail de cohésion. Il est alors nécessaire de définir les termes précédents. Le travail de cohésion WLVL d’un milieu L dans un milieu V est le travail à fournir pour séparer un milieu L en deux morceaux de surfaces d’aire unité et éloignés d’une distance infinie dans le milieu V. Il s’agit donc de l’énergie libre nécessaire pour créer deux unités d’aire d’interface L/V [11] :

WLVL = 2σLV

Le travail d’adhésion WSVL des milieux S et L dans un milieu V est le travail à fournir pour séparer un milieu S et un milieu L de surfaces d’aire unité et les éloigner à l’infini dans le milieu V [11]. Il s’agit donc de la différence entre l’énergie libre nécessaire pour créer une unité d’aire d’interface S/V et d’interface L/V et le gain d’énergie libre consécutif à la disparition d’une unité d’aire d’interface S/L [11] :

WSVL = σSV + σLV − σSL

Le coefficient d’étalement à l’équilibre S, défini par l’équation (I.1), peut alors s’exprimer à l’aide des deux grandeurs précédentes :

S = WSVL − WLVL

L’état de mouillage partiel correspond donc à une situation où le travail d’adhésion du liquide avec le substrat est inférieur au travail de cohésion du liquide. Cela est tout à fait intuitif, dans la mesure où le fait que le liquide reste sous forme de lentille au lieu de s’étaler signifie bien que sa cohésion est plus forte que son adhésion avec le substrat. Aussi, l’état de mouillage complet correspond à la situation où les travaux de cohésion et d’adhésion se compensent parfaitement, c’est-à-dire où l’égalité WSVL = WLVL est vérifiée.

L’angle de contact

Dans l’état de mouillage partiel, la goutte qui résiste à l’étalement forme un angle de contact θ avec le substrat, comme indiqué sur la figure (I.1). Cet angle de contact est fixé par les trois tensions de surface du système, via la fameuse relation de Young [12] :

σSV = σSL + σLV cosθ

Cette relation traduit tout simplement l’équilibre mécanique des forces exercées par les trois interfaces sur la ligne triple de contact entre les trois phases du système. Il apparaît clairement sur la figure (I.1) que l’état de mouillage partiel correspond à un angle de contact non nul et que l’état de mouillage complet correspond à un angle de contact θ = 0°, ce qui est cohérent avec la description en termes de coefficient d’étalement à l’équilibre. En effet, le coefficient d’étalement à l’équilibre s’exprime simplement en fonction de l’angle de contact, à l’aide de l’équation (I.5) :

S = σ LV(cosθ −1)

Dans le cas extrême d’un angle de contact de 180°, on parle généralement de séchage complet, ce qui revient à dire que la phase V mouille complètement le substrat. De fait, un grand nombre d’auteurs utilise la terminologie suivante [2,13] :

θ = 0°: mouillage complet
0°<θ ≤90°: mouillage partiel
90°≤ θ <180°:séchage partiel
θ =180°:séchage complet

Le séchage est donc exactement le même phénomène que le mouillage, la distinction entre les deux étant purement terminologique. Nous parlerons ainsi uniquement de mouillage dans la suite de cette thèse.

La transition de mouillage

Notions de transition de phase et d’ordre d’une transition de phase

Une transition de phase est le passage d’un système d’un état d’équilibre thermodynamique donné à un autre état d’équilibre thermodynamique, accompagné d’une singularité de l’énergie libre du système [14]. En faisant varier, l’un après l’autre, les paramètres thermodynamiques pertinents, on explore tous les domaines d’existence des différentes phases du corps considéré ; on peut alors tracer son diagramme de phases. En 1933, Ehrenfest [15] introduit une classification des transitions de phase à partir d’un potentiel thermodynamique : l’énergie libre F. Lors d’une transition de phase du premier ordre, l’énergie libre est continue, mais ses dérivées premières par rapport à ses variables d’état sont discontinues. Dans la mesure où la dérivée première de F par rapport à la température est égale à l’opposée de l’entropie, ces transitions sont accompagnées d’un saut ∆S d’entropie, qui se traduit, à la température T, par l’existence d’une chaleur latente L = T∆S. On parle ainsi parfois, pour ces transitions, de transitions de phase avec chaleur latente. Lors d’une transition de phase du second ordre, appelée encore transition de phase continue ou transition de phase critique, l’énergie libre et ses dérivées premières sont continues, mais ses dérivées secondes par rapport à ses variables d’état sont discontinues à la transition [16]. Certaines propriétés essentielles de ces deux types de transitions de phase permettent de les différencier [17] :

1) Lors d’une transition de phase du premier ordre, il y a coexistence entre les deux phases différentes. C’est par exemple le cas de la transition de phase solide/liquide d’un corps pur. Ainsi, lorsqu’un morceau de glace fond, il coexiste avec l’eau liquide tant que la température reste égale à sa température de fusion (0°C). Au contraire, lors d’une transition du second ordre, il y a passage continu d’une phase à l’autre, sans qu’il n’y ait jamais coexistence des deux phases. C’est le cas de la transition liquide/gaz d’un corps pur lorsque l’on passe par le point critique de ce corps.

2) Lors d’une transition de phase du premier ordre, on peut parfois observer un phénomène d’hystérésis, c’est-à-dire que la transition de la phase de basse température à la phase de haute température n’a pas lieu à la même température que la transition réciproque. Ceci permet notamment d’expliquer le phénomène de surfusion : il est possible d’obtenir de l’eau liquide surfondue, c’est-à-dire à une température inférieure à 0°C, à la pression atmosphérique. Au contraire, une transition de phase du second ordre ne présente aucun phénomène d’hystérésis ; on dit qu’elle est parfaitement réversible.

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Table des matières

INTRODUCTION
I GENERALITES
I.1 Le mouillage
I.1.1 Les états de mouillage
I.1.2 Le coefficient d’étalement à l’équilibre : un bilan des tensions de surface
I.1.3 Les notions de travail de cohésion et de travail d’adhésion
I.1.4 L’angle de contact
I.2 La transition de mouillage
I.2.1 Notions de transition de phase et d’ordre d’une transition de phase
I.2.2 La transition de mouillage : l’argument de Cahn
I.2.3 Les erreurs de l’argument de Cahn
I.2.4 Le diagramme de phases de mouillage et la ligne de prémouillage
I.3 Les interactions entre molécules et entre interfaces
I.3.1 La distinction entre interactions intermoléculaires à courte portée et à longue portée
I.3.2 Les interactions intermoléculaires de van der Waals
a) L’interaction de van der Waals-Keesom
b) L’interaction de van der Waals-Debye
c) L’interaction de van der Waals-London
I.3.3 Interactions entre interfaces
a) Interaction entre interfaces due aux interactions intermoléculaires à longue portée
b) Interaction entre interfaces due aux interactions intermoléculaires à courte portée
c) Répulsion stérique entre interfaces due aux fluctuations thermiques
d) Effet gravitationnel
BIBLIOGRAPHIE
II LES TRANSITIONS DE MOUILLAGE
II.1 Les transitions de mouillage en présence d’interactions à courte portée
II.1.1 Transition de mouillage du premier ordre
a) Considérations thermodynamiques
b) Approche avec potentiel effectif entre interfaces
c) Observations expérimentales des transitions de mouillage et de prémouillage
d) Métastabilité des états de mouillage
II.1.2 Transition de mouillage critique
II.2 Les transitions de mouillage en présence d’interactions à courte et à longue portée
II.2.1 Cas où la constante de Hamaker est négative : situation agoniste
II.2.2 Cas où la constante de Hamaker est positive : situation antagoniste
II.2.3 Cas où la constante de Hamaker change de signe
BIBLIOGRAPHIE
III TECHNIQUES EXPERIMENTALES ET COMPOSES CHIMIQUES UTILISES
III.1 L’ellipsométrie
III.1.1 Principe théorique
III.1.2 Interprétation des mesures ellipsométriques
III.1.3 Ellipsomètre à modulation de phase
III.1.4 Cellules ellipsométriques utilisées
a) Cellules de mesure à température ambiante
b) Cellule thermostatée pour mesures à température variable
c) Cellule thermostatée pour mesures sous pression variable
III.2 La réfractométrie différentielle
III.2.1 Principe général
III.2.2 Dispositif expérimental pour mesures sous pression variable
III.3 Quelques méthodes de mesure de la tension de surface
III.3.1 La méthode du poids de la goutte
III.3.2 La méthode de l’anneau de du Noüy
III.3.3 La méthode de la goutte tournante
III.4 Nature et caractéristiques des composés chimiques utilisés
III.4.1 L’eau et les solutions aqueuses
a) Solutions aqueuses de chlorure de sodium
b) Solutions aqueuses de glucose
c) Un tensioactif soluble dans l’eau : l’AOT
III.4.2 Les alcanes linéaires
a) Nature chimique des alcanes
b) Purification des alcanes
c) Principales caractéristiques physiques des alcanes utilisés
III.4.3 Les différences d’indice de réfraction déterminées expérimentalement
a) Différence d’indice entre les alcanes purs et l’eau pure
b) Différence d’indice entre les alcanes purs et les solutions aqueuses
c) Différence d’indice entre le mélange d’alcanes étudié et l’eau pure
BIBLIOGRAPHIE
IV ETUDE EXPERIMENTALE DU MOUILLAGE DES ALCANES SUR L’EAU
IV.1 Transitions de mouillage des alcanes purs sur l’eau
IV.1.1 Etat de l’art
IV.1.2 Observation expérimentale de la transition de mouillage du premier ordre pour le pentane
IV.1.3 Etude expérimentale des transitions de mouillage de l’heptane sur l’eau salée
IV.1.4 Diagramme de phases expérimental de mouillage des alcanes purs sur l’eau
IV.2 Transitions de mouillage d’un mélange d’alcanes sur l’eau induites par la pression
IV.2.1 Motivations pour l’étude des transitions de mouillage d’un mélange d’alcanes
a) Concept de Nombre de Carbones Equivalent
b) Intérêt de la pression comme paramètre de contrôle
IV.2.2 Etude expérimentale du mouillage d’un mélange de propane et d’hexane sur l’eau
IV.2.3 Extension du diagramme de phases de mouillage des alcanes purs aux mélanges d’alcanes
IV.3 Etude du mouillage de l’octane sur l’eau « sucrée »
IV.3.1 Etude expérimentale du mouillage de l’octane sur une solution aqueuse de glucose
IV.3.2 Interprétation des résultats expérimentaux
IV.4 Conclusion sur l’étude expérimentale du mouillage des alcanes sur l’eau
BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION

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