Le champ de la médecine au Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle :séparation entre théorie et pratique

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Professionnalisation et formations

Le mouvement de professionnalisation résulte également d’une politique volontariste de développement de l’offre de formation professionnelle et d’incitation la poursuite d’études117 destinée à combler le manque de techniciens et d’ingénieurs118. En effet, dans les années 1950, les analyses prévisionnelles en termes de « besoins » socioéconomiques prévoient une pénurie de main‐d’œuvre qualifiée : « L’économie demande une main‐d’œuvre plus instruite119. » On estime qu’entre 1956 et 1961, le marché de l’emploi nécessitera 51 000 ingénieurs alors que seulement 24 000 diplômés sont prévus120.
Dès 1959, pour combler ce manque, le gouvernement gaulliste, sous la responsabilité de Jean Berthoin, ministre de l’Éducation nationale, conduit une politique de démocratisation du système éducatif. Il fixe la scolarité obligatoire à 16 ans121 et réorganise les structures de l’enseignement secondaire par le décret n° 59‐57 portant réforme de l’enseignement public122. Quelques années plus tard, cette politique va porter ses fruits : le nombre d’élèves dans les collèges d’enseignement général (CEG), passera de 474 500 en 1959‐1960 à 789 300 en 1963‐1964123.
Dans la foulée, prolongeant le décret de 1952 qui instaure une formation de 2 ans destinée à former des techniciens supérieurs et qui aboutit à l’obtention du brevet de technicien (BT)124, les pouvoirs publics créent le brevet de technicien supérieur125 en 1962.
Néanmoins, l’augmentation des effectifs dans les CEG ne suffit pas. Mise en chantier au début de l’année 1963, la réforme Fouchet‐Capelle élargit à toutes les classes l’orientation dans les collèges126 et propose, au niveau de l’enseignement supérieur, une « orientation sélective » afin de « recruter des élites sur une base démocratique127 ». Mais ce dispositif, reposant sur le contrôle des flux d’étudiants par une sélection à l’entrée, éveille la colère des étudiants128. Les protestations estudiantines contraignent le gouvernement au recul129.
Au demeurant, il faut attendre la réforme Fouchet en 1966 pour que la création d’une véritable offre de diplôme professionnel au sein de l’enceinte universitaire se concrétise. D’une part, cette réforme réorganise l’offre en trois cycles en spécialisant les filières. Cette réorganisation se manifeste par la mise en place de deux cycles successifs : le premier étant le DUEL ou le DEUS (diplôme universitaire d’études littéraires ou scientifiques) en 2 ans, le second d’un an ou 2 ans conduisant à la licence pour l’enseignement ou à la maîtrise pour la recherche. D’autre part, cette loi favorise la création des Instituts universitaires de technologie (IUT)130 délivrant le diplôme universitaire de technologie (DUT). Ces instituts marquent le premier pas vers une politique de création d’une offre de diplômes professionnels prévoyant l’aménagement de stages en entreprises ou l’intervention d’acteurs issus des milieux professionnels131.

Les thèmes abordés dans les rapports d’expertise

La nouvelle mission d’insertion attribuée à l’université à la suite de la loi LRU s’inscrit dans le droit fil des thématiques du débat national université‐emploi qui s’est ouvert le 25 avril 2006, quelques jours après la fin de la « crise du CPE » (contrat première embauche), c’est‐à‐dire le mouvement de contestation étudiante qui a suivi au mois de janvier l’annonce du projet de loi sur l’égalité des chances174. Cette loi a finalement été votée le 31 mars 2006175 mais son article 8, sur lequel s’étaient focalisés les griefs des acteurs protestataires les plus visibles (prévoyant l’instauration du CPE), a été abrogé le 21 avril 2006 et remplacé par des mesures facilitant l’embauche par les entreprises des jeunes de moins de 26 ans176, donnant ainsi un coup d’arrêt aux mobilisations. Ce débat a été installé dans le but explicite de trouver une solution politique aux causes présumées de cette protestation, en l’espèce, le fort taux d’échec des primo‐entrants de l’université, les difficultés d’insertion professionnelle des diplômés et, plus généralement, l’inquiétude des étudiants français vis‐à‐vis de l’avenir. La commission, chargée d’animer les discussions et d’organiser les échanges, a rédigé un rapport, dit « rapport Hetzel », autour de trois thèmes : le premier, l’information, l’orientation, l’insertion professionnelle ; le second, la professionnalisation des études ; et le troisième, l’apprentissage et le développement de l’alternance.
Le rapport oriente ses recommandations autour de la nécessité de combattre les échecs et la mauvaise insertion des sortants. Il s’agit plus précisément d’informer les étudiants pour mieux les orienter et orienter et professionnaliser pour les accompagner dans la construction de leur projet personnel et professionnel177. Relevons à cet effet que le rapport Hetzel a conseillé la création d’une direction des stages, des emplois et des carrières, partenaire du service public de l’emploi, des collectivités territoriales et des employeurs178 et d’un observatoire des parcours et de l’insertion professionnelle des étudiants dans chaque université. À ce titre, signalons que certaines universités se sont déjà dotées d’un observatoire comme l’Observatoire des formations et de l’insertion professionnelle (OFIPE) créé en 1997 à l’université de Marne‐la‐Vallée.
Ainsi, le rapport Hetzel préconise d’étendre à l’ensemble de l’enseignement supérieur les méthodes déjà développées dans les écoles « en passant d’une vision où le diplôme est considéré comme un couperet à une vision où le monde de l’emploi est progressivement intégré dans les différents cursus »179. Ces méthodes sont connues : généralisation des stages en entreprise, forums, visites, développement des formations en alternance (sans oublier l’importance attachée par les DRH au nombre et à la nature des fameux « petits boulots », favorisés en particulier par les CROUS).
Pour autant, cet objectif de « lutter contre l’échec dans les premiers cycles de l’enseignement supérieur » rejoint plus globalement un des objectifs de Lisbonne180. L’enjeu est d’amener 50 % d’une classe d’âge à l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur. A priori, des groupes de travail se sont penchés sur les moyens d’atteindre cet objectif. Pour ce faire, ils ont utilisé les analyses prévisionnelles en termes de besoins en main d’œuvre qualifiée d’ici 2015181. Les conclusions ont ensuite fait l’objet d’un compte rendu du Haut comité économie éducation emploi (HCEEE) intitulé « Objectif 50 % d’une génération diplômée de l’enseignement supérieur »182. D’après les statistiques actuelles relatives aux sortants de l’enseignement supérieur, en 2004, 42 % sont diplômés de l’enseignement supérieur alors que 17 % ont quitté le système éducatif sans diplômes183. Parmi ces sorties sans diplôme, on compte 11 % de bacheliers généraux, 29 % de bacheliers technologiques et 21 % de bacheliers professionnels184. Afin de parvenir à 50 % d’une génération diplômée du supérieur, il faudrait, outre augmenter le nombre de bacheliers, conduire à la réussite les sortants non diplômés, nombreux au sein du premier cycle185.

Les universitaires et la professionnalisation

Notre enquête auprès des universitaires avait pour principal objectif de comprendre comment les dossiers d’habilitation sont élaborés. Plus précisément, les formations sont‐elles construites en fonction de critères formels, voire informels, prescrits par les différentes instances impliquées dans la procédure d’habilitation ?
Qui intervient dans ce processus de conception ? De quelle manière les informations contenues dans ces maquettes doivent‐elles être traitées sur le plan sociologique ? Quelles informations relèvent d’une logique argumentaire ? Comment traiter notre matériau afin qu’il libère ses éléments objectifs ?
La procédure d’habilitation des dossiers se décline en étapes bien précises. Il existe au préalable un cadrage national de la part de la Direction de l’enseignement supérieur (DES) avec une maquette type. Les critères ministériels portent sur l’architecture de la formation : nombre d’heures de cours, nombre d’UE (unités d’enseignement), volume horaire, partage d’UE entre plusieurs options, coût de la formation (en heures), flux attendus, intitulé et descriptif des cours et des parcours, répartition des cours et des examens, etc. Cette charpente doit notamment permettre aux étudiants de se réorienter durant leur parcours tout en évitant qu’ils ne se canalisent trop tôt dans une discipline. Les critères portent également sur les objectifs de la formation : la cohérence entre les enseignements et les objectifs professionnels identifiés (débouchés, métiers visés), la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ou d’une langue étrangère (notamment l’anglais).

La procédure d’habilitation : des points de vue divergents

Malgré les étapes précises de la procédure d’habilitation, le discours des porteurs de projet est loin de faire consensus. Les responsables soulignent notamment l’imprécision voire l’absence de critères clairement définis permettant d’orienter leur action.
Les enquêtés mentionnent tantôt l’intervention du CA, du CEVU ou du CS (Conseil scientifique), ou des trois en même temps, tantôt celle du CA et du CEVU (dans ce cas, la décision du CEVU est validée par le CA) ou du CA et du CS. Mais, d’une manière générale, le dossier est soumis au CA et/ou CEVU de la faculté. Après avoir l’avis du CA et/ou CEVU, le doyen de la faculté valide le dossier qui, après la signature du Président de l’université, est soumis au ministère.
Au demeurant, les porteurs de projet semblent ne pas avoir bénéficié des mêmes consignes lors de l’élaboration du dossier. En effet, certains soulignent le flou » des consignes venant du ministère : « […] La durée de présence des étudiants, et le choix définitif de 5, 6 UE par semestre. Ces contraintes venant essentiellement de lʹUniversité les consignes ministérielles ayant été très floues » ; « Lors de la campagne d’habilitation, il y a eu un problème de communication. On ne sait pas qui fait quoi, on ne savait pas où s’en en était, on a jamais rien su : début septembre 2004, on ne savait pas encore si on avait été habilité pour l’ouverture à la mi‐septembre 2004. La demande n’a fait l’objet d’aucune correction ni d’aucun avis, ni fiche explicative ». D’autres précisent qu’ils ont eu comme principale consigne de faciliter l’harmonisation l’offre de diplôme LMD. Certains, enfin, tout en disant que les marges de manœuvre étaient somme toute importantes soulignent que la principale contrainte était budgétaire : « Nous étions encouragés à innover, ce que nous avons fait dans une large mesure (création de nouveaux parcours, création d’un master 2). Nous en avons profité pour refondre l’organisation des cours sur tous les niveaux. La seule contrainte – de taille – était budgétaire : tout cela devait être réalisé à moyens constants. Nous y sommes plus ou moins parvenus ».
cet effet, Catherine Agulhon s’est plus particulièrement penchée sur ce sujet et fait des constats beaucoup plus explicites : « Les enseignants s’engagent rapidement dans ces mutations et dans le contexte des contrats quadriennaux sans toujours en comprendre les finalités, sans bien maîtriser les critères de recevabilité.
Les incertitudes et le flou de cette procédure ont favorisé un éparpillement et une multiplication de l’offre, l’inquiétude et les craintes des enseignants sur la pertinence de leurs propositions, mais aussi sur le maintien de leur département, de leur discipline ou de leur poste… »207.

La professionnalisation des études universitaires : une question de moyens ?

Lorsque nous avons demandé aux porteurs de projet comment ils concevaient la question de la professionnalisation des études universitaires, ils ont orienté leur discours autour du manque de moyens matériels et humains, donc financiers, qui ne permet pas de professionnaliser les étudiants dans des conditions idéales. De fait, les contraintes budgétaires rendent la professionnalisation problématique dans la mesure où certaines formations ont de la difficulté à payer les professionnels qu’ils font intervenir (le quota de professionnels) et à acheter le matériel nécessaire. Du coup, certains sollicitent des subventions auprès de structures extérieures à l’université (pour certains, plus de 50 % de leur budget provient de l’extérieur). Cependant, bien que certains réussissent à combler en partie le manque d’argent, il n’en demeure pas moins qu’ils n’arrivent pas à tout combler et la qualité de la formation en subit les effets négatifs. Par exemple, un responsable d’un M1 s’est vu contraint de rendre optionnel le stage en milieu professionnel faute de moyens et de délaisser le tutorat ; une formation qui, au départ, prévoyait 1 500 heures a obtenu 7 heures par étudiants soit 700 heures (pour un effectif de 100 étudiants).
Ces contraintes confirment qu’il existe effectivement un décalage entre les contenus et les méthodes d’apprentissage élaborés dans les maquettes et appliqués en réalité.
la lumière de ce qui précède, les informations contenues dans les dossiers d’habilitation doivent être relativisées dans la mesure où elles relèvent davantage d’un discours destiné à convaincre et à justifier la pertinence et l’utilité d’une formation.
Ainsi, dans le cadre de notre analyse, nous ne pouvons pas nous appuyer aveuglément sur les informations contenues dans les maquettes. Nous remédierons à cela en recourant à la sociologie des professions afin de construire un cadre conceptuel en mesure de dépasser les biais mis au jour.

Les étudiants et la professionnalisation

Il s’agit dans cette section de présenter les résultats de l’enquête qualitative sur la question de la professionnalisation que nous avons conduite au début de nos recherches auprès d’étudiants209 ayant réalisé un DEA ou un DESS210 (cf. le point A.3. Enquête qualitative de l’annexe A « Méthodologie d’enquête »).

Poursuivre un DESS ou un DEA

Le choix de faire un DESS plutôt qu’un DEA ou un DEA plutôt qu’un DESS ne se pose pas nécessairement puisque ces formations, dans certains cas, s’inscrivent dans le prolongement d’études universitaires qui aboutissent à un titre précis comme cela peut être le cas pour certains DESS (comme celui de psychologie clinique qui permet d’avoir le titre de psychologue) ou qui sont la continuité d’une recherche comme cela peut être le cas d’un DEA qui peut s’avérer être la poursuite d’une recherche entamée durant la première année de master. La sélection à l’entrée (places limitées) est un facteur non négligeable dans le choix d’orientation de certains étudiants. De ce fait, un étudiant qui n’a pas été accepté dans une formation DESS peut décider d’arrêter ses études ou de s’orienter vers une formation DEA. Inversement, un étudiant qui n’a pas été admis en DEA peut décider de s’inscrire en DESS ou de s’insérer sur le marché du travail. Notons que dans certaines disciplines, il n’existe pas de formation de type DESS, le choix d’avoir choisi de faire un DEA ne se pose alors pas. Nous avons rencontré deux cas où la décision de s’orienter vers une formation DEA s’est effectuée parce que la formation DESS correspondant à leur cursus était considérée comme trop spécifique voire trop technique, amenant à des postes d’exécution plutôt qu’à des postes à responsabilités : « le seul DESS qui existe dans le domaine du cinéma prépare à occuper des postes d’assistants durant les tournages, je ne me voyais pas apporter les cafés au personnel ».
Les enquêtés, lorsque nous leur avons posé la question de la raison du choix de leur formation, soient tentés par l’opposition « classique » selon laquelle un master a une visée professionnelle et prépare à exercer une activité professionnelle précise, un DEA a une visée générale et prépare à la recherche : « J’ai choisi de faire un DEA pour souligner la chose recherche plutôt que professionnalisante sachant que je faisais des études non pas pour des visées professionnelles ; un DEA ce n’est pas professionnel ». Ils associent plutôt les formations DEA à l’acquisition de connaissances théoriques et les formations DESS à la mise en application « virtuelle » des théories.
Les enquêtés disent avoir acquis, durant leur cursus universitaire, une culture générale et/ou spécifique, une méthode de travail (raisonnement logique, méthode spécifique, ouverture d’esprit), des connaissances théoriques et/ou pratiques dans leur domaine d’études, une capacité d’analyse, d’écoute et d’adaptation. Ceux ayant effectué des stages précisent qu’ils ont acquis une certaine spécialisation et une connaissance du milieu professionnel. La participation du milieu professionnel à la formation semble être un élément qu’ils préconisent, les critiques qu’ils font à l’égard du cursus universitaire suivi témoignent de l’importance du rôle que devrait jouer le milieu professionnel au cours de leur formation. De fait, lorsqu’ils émettent des reproches, ils sont souvent liés à l’absence d’une préparation professionnelle211, c’est‐ à‐dire d’un manque de spécialisation, de connaissance du milieu professionnel et de la participation de professionnels aux enseignements. Bien que ces reproches soient davantage émis par les enquêtés de formations DEA, il n’en reste pas moins que certains enquêtés de formations DESS soulignent parfois les lacunes notamment en ce qui concerne le manque de préparation au monde du travail, i.e. le manque de mise en pratique des acquis théoriques en situation de travail.

La conception estudiantine de la professionnalisation : se construire une identité professionnelle

Pour les étudiants de notre échantillon, la professionnalisation renvoie au processus de construction d’une identité professionnelle. Deux stratégies se sont manifestées au cours de l’analyse des entretiens. Il s’agit d’une part de stratégies de reconversion qui s’opèrent lorsqu’il se produit […] un changement de stratégies et d’instruments de reproduction destiné à reproduire ou élever leur position en abandonnant leur condition »212, et, d’autre part, de stratégies de reproduction qui sont celles par lesquelles les membres d’une classe détentrice d’un capital tendent à maintenir ou à améliorer leur position.
Les enquêtés (au nombre de 7) qui se situent dans la logique de reproduction semblent s’être inscrits à l’Université et avoir poursuivi des études longues parce que c’est en quelque sorte le cheminement « normal », la voie à prendre : « je voulais avoir un diplôme d’études supérieures ; je ne me voyais pas en train de travailler, c’était comme normal pour moi d’aller à la fac, c’était comme si je ne pouvais pas concevoir de ne pas faire des études longues ». Leurs parents font partie des catégories sociales favorisées et ont fait des études courtes ou longues pour exercer leur profession qui se situe dans les catégories socioprofessionnelles « cadres, ingénieurs, professions libérales » ou « chef d’entreprise ». Il n’est pas exclu qu’ils aient eux‐mêmes été dans une logique de reconversion.
Luc Boltanski, Pierre Bourdieu et Monique de Saint‐Martin, « Les stratégies de reconversion, les classes sociales et le système dʹenseignement », Information sur les sciences sociales, vol. XII, n° 5, 1973, p. 61‐113.
Bien souvent, on remarque que, pour ces enquêtés, le choix de faire des études longues ne s’est pas nécessairement posé, comme si cela « allait de soi ». C’est comme s’ils ne pouvaient pas concevoir de ne pas faire des études supérieures. Ils dissocient le travail qualifié, voire hautement qualifié et à responsabilités du travail d’exécution, machinal qui est plutôt associé à un travail non qualifié voire technique. Hidi, qui a choisi de s’inscrire en psychologie parce qu’elle voulait « quelque chose en rapport avec l’aide à la personne », souligne sa préférence pour une formation de l’enseignement supérieur : « les connaissances, l’esprit critique, ouverture d’esprit, analyse, synthèse, plus que les formations dites techniques comme infirmière ou kiné qui étaient un peu trop technique, et je voulais plus une formation déjà ouvrant sur une culture générale importante, et puis d’analyse, avoir un diplôme d’études supérieures ». « Apprendre à travailler et connaître ce que c’est » semble être une devise de leurs parents soucieux de leur inculquer la « valeur » du travail : « le travail a toujours été important (…), ça fait aussi partie de l’éducation de mes parents (…), c’était un principe d’éducation pour leurs enfants ». Certains d’entre eux travaillent depuis le début de leurs études universitaires voire avant, surtout des jobs de vacances, en passant parfois par des petits boulots périodiques ou un emploi régulier. Le travail devient alors une sorte de valorisation personnelle et professionnelle qui s’oppose par ce fait même au travail « machinal », instrumental.Les enquêtés (au nombre de 10) qui se retrouvent plutôt dans une logique de reconversion estiment qu’un diplôme d’études supérieures est porteur en quelque sorte d’une protection contre la « galère » que leurs parents ont connu, et garant d’une certaine qualité de vie. Ces derniers proviennent de catégories sociales défavorisées qui, parfois, ont procédé à des stratégies de reconversion. Dans plusieurs cas, ils n’ont pas de diplôme, s’ils en ont un, il ne dépasse pas le niveau du baccalauréat. Ils exercent une profession qui se situe en grande partie dans la catégorie socioprofessionnelle « ouvrier », certains faisant partie des catégories socioprofessionnelles « employé » et « commerçant, artisan ».
Ces enquêtés considèrent que le diplôme est un moyen d’éviter de passer leur vie à travailler pour presque rien et une certaine sécurité d’emploi, l’exemple de leurs parents ayant affirmé leur volonté de faire des études longues. Simon, ayant entamé un cursus universitaire en psychologie et s’ayant orienté vers la recherche en licence, précise qu’il a fait des études longues dans le but d’éviter de reproduire la même chose que ses parents et par ce fait même d’avoir une « bonne situation » : « je voulais devenir autre chose que mes parents, déjà, au niveau social je dirais (…) j’ai pu voir les galères qu’ils ont pu rencontrer dans leur vie, donc je voulais dépasser ça et je trouvais que les études étaient à l’école peut‐être le meilleur moyen ; je pensais que les études étaient le moyen de réussir ».

Travail qualifié versus travail non qualifié

Ils opposent ici le travail qualifié voire hautement qualifié au travail non qualifié. Ils estiment que faire des études supérieures leur permettra d’améliorer leurs conditions objectives d’existence. Leurs parents ne les ont pas nécessairement poussés à faire des études supérieures mais les ont souvent appuyés dans la poursuite de leur cursus universitaire en les aidant financièrement (« ils ne m’ont pas poussé à faire des études, ils ne m’ont pas non plus imposé un type d’études mais ils étaient contents »). Il ne semble pas y avoir la même inculcation de la « valeur » du travail, dans la plupart des cas, les parents apportent une aide financière suffisante qui leur permet de ne pas être obligés de travailler durant les études (ils bénéficient parfois de bourses), comme s’ils étaient désireux de les protéger des « petits boulots » et du travail non qualifié. Le diplôme est alors porteur d’une vie professionnelle garante d’une certaine qualité de vie qui s’oppose ici au travail non qualifié, c’est‐à‐dire le travail machinal comme le travail ouvrier.
Pour toutes les personnes interrogées, on remarque que « le travail à responsabilités » est clairement dissocié du « travail d’exécution ». On privilégie le travail qualifié qui s’oppose ici au travail non qualifié, l’exemple de l’ouvrier cristallisant l’image de ce genre de travail. Le travail qualifié est un travail où l’on peut se réaliser professionnellement, où l’on est reconnu comme étant compétent, où l’on possède des responsabilités, des tâches de délégations, de création. Ce genre de travail ne peut être obtenu que par la reconnaissance des compétences nécessaires à son exercice, le diplôme permettant d’être reconnu comme tel. Le travail non qualifié, pour sa part, représente le travail d’exécution, parcellaire, répétitif et épuisant. Aucun épanouissement n’est possible, le travail salarié étant considéré comme subordination213. Ce genre de travail est souvent représenté par le travail en usine, le travail à la chaîne comme l’a bien montré le film « Les Temps Modernes » réalisé en 1936 par C. Chaplin. Dans cette mesure, le travail qualifié devient une sorte d’objectif atteindre afin d’éviter d’être contraint de travailler d’« arrache‐pied » toute sa vie pour des « miettes de pain » ne permettant pas de « profiter de la vie », d’aménager une vie hors travail combinant vie en couple, famille, loisirs, etc.
Dans la plupart des cas, on remarque que l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur garantit l’exercice d’un travail valorisant, intéressant et épanouissant plutôt qu’un travail non valorisant, instrumental voire machinal : « c’est effectivement de trouver un poste où on peut se construire personnellement, professionnellement, ne pas se lever le matin en se disant ah non il faut y aller, donc la distinction qu’on peut faire c’est les métiers dits élémentaires des métiers dits valorisants et constructifs de la personne ». Dans cette mesure, les études longues deviennent un moyen « d’échapper à l’usine »214 et d’avoir une vie professionnelle épanouissante tout en aménageant une vie hors travail.

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Table des matières

Introduction générale
Genèse du terme professionnalisation
Champ d’investigation et cadrage théorique
Démarche méthodologique : méthodologie, terrain d’enquête et matériau
Chapitre 1 Des conceptions hétéroclites de la professionnalisation
Introduction
1. Les politiques publiques et la professionnalisation
2. Les rapports d’expertise et la professionnalisation
3. Les universitaires et la professionnalisation
4. Les étudiants et la professionnalisation
Conclusion
Chapitre 2 Régulation de l’entrée dans un corps professionnel et fabrique de professionnels
Introduction
1. Les travaux sur la professionnalisation de l’enseignement supérieur
2. Régulation de l’entrée dans un corps professionnel
3. La fabrique de professionnels
Conclusion
Chapitre 3 La formation professionnelle généraliste
Introduction
1. Les métiers de l’enseignement et de la formation
2. Les professions issues du droit : la praxis après la théorie
Conclusion
Chapitre 4 La formation professionnelle spécialiste
Introduction
1. Le champ de la médecine au Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle :séparation entre théorie et pratique
2. La régulation de l’entrée dans le corps professionnel :de la Révolution au début des années 2010
3. La fabrique de professionnels du XIXe siècle au début des années 2010
4. L’odontologie : vers la formation professionnelle spécialiste ?
Conclusion
Chapitre 5 La formation professionnelle scientifique
Introduction
1. La science au cours de l’histoire
2. L’ingénierie et l’expertise scientifique : une fabrique de professionnels centréesur la recherche appliquée
3. Les formations professionnelles scientifiques au début des années 2010 : une fabrique de professionnels orientée vers la recherche fondamentale
4. La régulation de l’entrée dans un corps professionnel : monopole de la fonction publique
Conclusion
Chapitre 6 La formation professionnelle poïétique
Introduction
1. Les arts
2. L’information, la communication et les technologies de l’information et de la communication (TIC)
3. Les langues
4. Les lettres
5. Sport et motricité
Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie

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