Le caractère aléatoire du procès d’assises comme argument motivant la correctionnalisation

Intérêt du sujet et illustration du débat

À mon sens, ce sujet est particulièrement intéressant car il provoque nombre d’émoi et pose plusieurs questions connexes. Les justiciables ne comprennent tout simplement pas certaines décisions de justice, particulièrement les affaires relatives aux mœurs, notamment les affaires relatées dans la presse.
D’ailleurs, afin d’étayer notre propos, nous citons à titre d’exemple l’affaire de correctionnalisation en atteinte sexuelle, du « viol » d’un homme de 28 ans sur une fillette de 11 ans.
Les magistrats n’ayant pu retenir l’emprise, la surprise, la violence ou quelque contrainte que ce soit, nécessaire à la qualification de viol, ont préféré requalifier en « atteinte sexuelle », ce qui a provoqué l’indignation dans les médias et auprès des justiciables ne comprenant toujours pas les contraintes textuelles de qualification et le risque encouru de qualifier une infraction en crime si la matérialité même de cette infraction n’est pas avérée.
A vrai dire, les affaires concernant les mineurs sont les plus sensibles et cette affaire a d’ailleurs lancé un nouveau débat juridique concernant « la présomption de non consentement ». En effet, dans un contexte où les violences sexuelles sont au cœur d’un débat sociétal, un projet de loi s’articule au sein du gouvernement.
Celui-ci considère que l’établissement d’une présomption de défaut de consentement aurait probablement le mérite de faciliter grandement la preuve d’un viol commis sur un mineur.
Alors, infléchir vers les condamnations pour viol sur mineurs oui, mais cette présomption est tout de même discutable, par exemple, sera-t-elle simple ou irréfragable ?
Admettons que, deux adolescents de 13 ou 14ans ont un rapport sexuel consenti. Les parents de l’adolescente l’apprennent et porte plainte contre l’adolescent pour viol avec présomption de non consentement sur « la victime ».
Le prévenu (qui peut tout à fait être mineur donc) et qui comparait pour viol sur sa petite amie peut-il se défendre et apporter la preuve de consentement ?
Et d’ailleurs, est-ce juste pour lui de devoir rapporter une telle preuve ?
Celui-ci pourra être condamné et verra inscrit sur son casier judiciaire pour le restant de sa vie « condamnation pour viol » ; de plus, si on veut aller plus loin, il sera fiché (de droit) au FIJAIS pour plus de 20ans (Sic !).
Un autre exemple serait un jeune homme ou une jeune fille mineure se présentant au commissariat pour dénoncer des faits de viol afin de se venger d’une personne avec qui elle aurait eu des rapports sexuels consentis Etc.
En bref, les dérives d’une telle présomption ne sont pas à négliger. Et le législateur est naïf de croire qu’une telle mesure sera coercitive pour les jeunes adolescents ou préadolescents qui souhaiteraient avoir leurs premières expériences sexuelles avant la majorité sexuelle.
Par ailleurs, l’intérêt de l’Étude réside également dans l’idée de se questionner quant à la légitimité du Tribunal correctionnel de juger de ces infractions juridiquement criminelles. Le Tribunal correctionnel est-il le lieu idoine pour juger de telles infractions ? L’idéal judiciaire étant de rendre des jugements Juste dans toutes les acceptions du terme. En revanche, en France, le phénomène de la correctionnalisation s’accroît d’année en année. Aujourd’hui, pour donner un exemple présenté dans le Monde Diplomatique par Sophie BOUTBOUL dans son article Quand le viol n’est plus un crime, « 60 à 80% des affaires de viol poursuivies ne sont pas examinées par les Cours d’assises, où sont jugés les crimes, mais par les tribunaux correctionnels, comme délits. Une pratique nécessaire pour lutter contre l’encombrement des assises, selon le ministère de la justice. Mais qui n’est pas sans incidence pour les victimes ».
Et c’est là encore que réside en partie l’intérêt du sujet, à savoir l’impact réel de cette correctionnalisation sur des victimes se sentant souvent réifiées face aux auteurs de leur dommage mais également face au traitement de leur peine et de leur souffrance par l’institution judiciaire.
Certes, l’instant d’audience, le jugement, ne doit en aucun cas être « l’instant de vengeance » des victimes sur les auteurs.

Problématique

Ainsi, il s’agira de se demander dans le cadre de ce Mémoire, tout d’abord, les raisons du phénomène de correctionnalisation d’un crime en délit, raisons pragmatiques mais également stratégiques. Ensuite, quelles en sont les victimes ; les conséquences de la correctionnalisation sur celles-ci et l’arsenal juridique mis ou non à leur disposition pour faire face à la requalification.

Analyse épistémologique de la correctionnalisation du crime

L’ensemble de cette partie consistera à expliquer les différentes raisons à la correctionnalisation.
Par une analyse critique des multiples justifications apportées en faveur de la correctionnalisation, il s’agira de constater, d’une part, la Nécessité de cette procédure pour le système judiciaire français (Titre I), et d’autre part, en quoi la correctionnalisation fait office de véritable rempart contre la Cour d’assises, qui voit peu à peu son hégémonie s’estomper (Titre II)

La correctionnalisation justifiée par : La Nécessité

La correctionnalisation est souvent abordée comme étant un mal nécessaire. De ce fait, elle est souvent accompagnée de justifications plus ou moins factuelles. Très fréquemment, on distingue plusieurs causes objectives. Ainsi, tout d’abord, le coût de la justice est le premier élément justificateur de la correctionnalisation (Chap1) ; et le bon fonctionnement de la justice (rapidité et efficacité) est la deuxième justification la plus avancée (Chap 2)

Justifiée en vertu du coût de la justice

« La question n’est pas : « Je classe où je poursuis. » C’est : « J’engage des frais de justice ou je ne les engage pas. » Si l’on n’engage pas de frais de justice, cela veut dire que l’on demande aux enquêteurs de ne pas aller au-delà de la réception de la plainte. Donc de classer l’affaire. C’est l’aspect financier qui induit la réponse technique » (procureur d’un TGI de la région parisienne). »
En effet, le manque de moyens est une réalité et la justification budgétaire est de plus en plus fréquemment mise en avant pour justifier d’une pratique judiciaire plus ou moins Juste (S1), et c’est cette même justification qui incite à la correctionnalisation, notamment la correctionnalisation ab initio (S2).

Le motif budgétaire de plus en plus avancée

Le principe d’opportunité des poursuites intègre aujourd’hui, et depuis plusieurs années déjà, la question du coût de la justice. Le mot d’ordre judiciaire n’est plus, « protéger la société grâce à la justice pénale » mais, « budgétiser la justice pénale ».
Il en résulte, dès lors, une logique d’efficience (optimisation de l’utilisation des moyens engagés) qui fait perdre son sens au procès pénal en partie.
En pratique, tant les officiers de police judiciaire, que les magistrats du parquet sont forcés de prendre en compte ce paramètre. Le phénomène de correctionnalisation n’a pas échappé à la règle. Il en résulte même de la prise en compte de cette volonté d’économie des moyens judiciaires.
En effet, si les magistrats correctionnalisent, c’est également du fait du coût du procès d’assises, bien supérieur au coût d’un procès correctionnel.
Me Benjamin MARKOWICZ, qualifie même la Cour d’assises de « roulette française ».
Et il est vrai que bien souvent les procès d’assises sont longs et coûteux.
Lors du procès d’Orlando Leblond, braqueur en série, reconnu coupable de meurtre, tentative de meurtre, prise d’otage et une quinzaine de vols avec violence, la presse avait pointé du doigt ce gouffre financier.
Le journal RTBF a souligné et retranscrit les cris de colère des différents praticiens du droit à ce sujet.
Et notamment, Me Yves DEMANET, avocat de partie civile dans ce procès avait exprimé son indignation : « Ceci est une folie, c’est une absurdité́, c’est une dinguerie ! ». « Il n’y a aucun État au monde qui peut payer pendant plus d’un mois une présence d’autant de magistrats, de greffiers, d’huissiers d’audience, de services de sécurité́, de transports pour des gens qui sont en aveux. De deux choses l’une : ou bien très vite on réforme la Cour d’assises et la Cour d’assises à encore un avenir, ou bien on la supprime ».
Il est une réalité, c’est que les restrictions financières et le manque de moyens judiciaires, engagent de plus en plus fortement la responsabilité des magistrats. La prise de décision de correctionnalisation, notamment ab initio participe de l’engagement de cette responsabilité, tant morale que civile.
« Pour certains d’entre eux, le danger se situe clairement quant à la difficulté d’anticiper, à partir d’une affaire bénigne en apparence, des rebondissements plus graves qui justifieraient d’engager des frais à priori superflu »
En effet, une chose qui n’effleure pas l’esprit du justiciable, c’est bien l’impératif de maîtrise du budget par les magistrats et c’est tout à fait justifié. Il est évident que cela n’a pas à entrer en compte dans l’esprit du justiciable qui Ester en justice afin de voir son préjudice reconnu et réparé, ou bien même de celui, sur le banc des accusés, qu’une instruction précautionneusement exécutée participerait à innocenter.
Cependant, il est inenvisageable pour un juge d’instruction de demander des expertises coutant plus de 50 000€ pour écarter une hypothèse « très peu probable ». Est-ce bénéfique à la révélation de la vérité ?
Nous pouvons émettre des réserves à ce sujet. Cela participera, dès lors, plutôt à la construction de la « Vérité Judiciaire » plutôt qu’à la recherche de « La Vérité » des faits.

Justifiée en vertu du bon fonctionnement de la justice

Les contingences budgétaires ont aujourd’hui remporté la bataille, face à l’exigence de qualité du traitement judicaire. L’exigence de rapidité des procédures ne permet plus un traitement des affaires criminelles approprié. Ainsi, la correctionnalisation est utilisée de plus en plus fréquemment et cela, notamment pour lutter contre le retard accumulé.
Dans le cadre de notre étude, cette correctionnalisation est reconnue sans ambiguïté par les magistrats du parquet (parquet mineur comme parquet majeurs), et les magistrats du siège qui y voient un facteur de bonne administration de la justice.
Ainsi nous étudierons en quoi cette pratique est certes illégale, mais aujourd’hui « indispensable » (S1), et en quoi sa sollicitation toujours plus importante réside dans le phénomène d’encombrement des Cours d’assises (S2).

Une pratique parfois illégale mais incontournable

La correctionnalisation est un phénomène empli de contradictions, et pour cause, elle est aussi nécessaire qu’illégale.
En effet, la correctionnalisation judiciaire est illégale car elle méconnaît un caractère d’ordre public fondamental : la règle de compétence en matière pénale.
Ce mécanisme de modification de compétences, pose problème, c’est une coquille procédurale, une faille que le système exploite au quotidien sans plus s’en cacher.
La contradiction arrive jusqu’au sommet de la pyramide, car bien entendu, la Cour de cassation sanctionne cette pratique lorsqu’elle résulte des décisions qui lui sont soumises. Ainsi est Cassé, l’arrêt de Cour d’appel qui déclare coupable d’agression sexuelle les prévenus qui avouent avoir sodomisé et s’être fait pratiquer des fellations par la victime.
Ainsi, la pratique de la correctionnalisation, tant nécessaire pour le bon fonctionnement de la justice, qu’utilisé par convenance et confort, s’est même vue légalisée en partie par la loi du 9 mars 2004, dite PERBEN II.
Pour Sylvie GRUNVALD « Cette légalisation avait pour objectif de rendre la juridiction correctionnelle compétente pour connaître des actes commis, entérinant la distorsion entre la réalité factuelle et la dénomination de l’acte jugé par la justice pénale » . Ainsi par la correctionnalisation on oublie les principes même de légalité criminelle et de compétence, pourtant d’ordre public, car, « la règle de procédure supplante la règle de qualification ».
La correctionnalisation permet, en donnant compétence au Tribunal correctionnel, de juger des faits criminels, volontairement qualifiés de délits démontre d’un malaise dans l’organisation et le fonctionnement judiciaire Français.
Le caractère d’ordre public, impératif par son essence, est lui-même mis à mal face aux exigences de gestions des tribunaux ; Constat terrifiant. Et en effet, c’est une réalité indéniable, la correctionnalisation permet de raccourcir les délais de jugement (face à une surcharge des rôles de Cour d’assises), à juger de manière plus rapide, moins solennelle, mais sans pour autant ôter le caractère réparateur de l’audience pour la partie civile reconnue alors officiellement en sa qualité de victime. D’ailleurs, la correctionnalisation peut intervenir en toute matière, même si les cas les plus fréquents concernent les infractions sexuelles. Mais au-delà de l’illégalité, on peut également se poser une autre question, plus complexe et à laquelle la réponse aujourd’hui est encore le déni : l’anticonstitutionnalité de cette pratique. Mikaël BENILLOUCHE pose la question d’une manière très claire : « La correctionnalisation judiciaire, pratique considérée comme illégale, est-elle également inconstitutionnelle ? » . Et pour lui la Cour de cassation a manqué l’occasion de permettre au Conseil constitutionnel de répondre à cette question en refusant de transmettre des questions prioritaires de constitutionalité formées en ce sens.
En l’espèce les QPC portaient sur l’article 469 al4 du Code de procédure pénale qui prévoit la possibilité d’une correctionnalisation judiciaire par la juridiction d’instruction, et ce, si la victime était constituée partie civile et assistée d’un avocat lorsque le renvoi en jugement a été ordonné.
La Cour de cassation, pour refuser de transmettre les QPC a considéré que la question était certes nouvelle mais non sérieuse. Cet article étant combiné avec l’article 186-3 al 1 du CPP, dans son application, la Cour de Cassation relève que « des considérations d’intérêt général imposent, pour une bonne administration de la justice, que d’autres parties civiles que la victime directe ne puisse faire obstacle à l’application de ces principes en déclinant la compétence du Tribunal correctionnel ».

La correctionnalisation comme rempart à la Cour d’assises

C’est un constat, on ne peut plus évident, la correctionnalisation sert de barrage au procès d’assises.
L’aléa, le temps, l’argent etc, investis dans un procès d’assises est absolument conséquent. Bien entendu, le magistrat ne peut pas correctionnaliser toutes les affaires, de ce fait, afin de créer un filtre plus ou moins neutre celui-ci se fonde sur différents critères permettant d’établir si telle ou telle affaire est correctionnalisable (Chap 1). Avec, bien sûr, au somment des critères de correctionnalisation, la nature « aléatoire » du procès criminel (Chap 2)

Les critères d’analyses du magistrat souhaitant correctionnaliser

Ainsi, le magistrat qui correctionnalise utilise différents arguments afin de justifier de sa décision. Tout d’abord, il prend en compte la victime, que ce soit lors d’une correctionnalisation ab initio ou d’opportunité (S1) ; ensuite, il étudie avec minutie tous les éléments qu’il a au dossier (S2).

La prise en compte de la victime dans le processus de correctionnalisation

La prise en compte de la victime dans la procédure de poursuite judiciaire peut paraître malvenue, et pourtant, dans le cas où une affaire est en passe d’être correctionnalisée la victime est au centre de la pensée du magistrat.
En effet, celui-ci décide en fonction de l’impact de la procédure judiciaire sur la victime (§1), mais prend également en compte la volonté de celle-ci (§2)

Une prise de décision en toute bienveillance à l’égard de la victime en cas de correctionnalisation

Le magistrat qui correctionnalise doit prendre en considération différents éléments, à l’image du juré d’assises il interprète un dossier potentiellement correctionnalisable avec son intime conviction. La conviction que c’est la meilleure solution pour la victime, notamment. De nombreux témoignages de magistrats nous montrent que la victime reste au centre des préoccupations dans le cadre d’une procédure de correctionnalisation. C’est notamment sa personnalité qui joue un rôle primordial dans la décision de requalification. Par bienveillance, le magistrat analyse la procédure qui s’apparente être la plus douce pour la victime. On retrouve beaucoup cette considération dans le cadre des mineurs, ou des victimes d’infractions sexuelles qui sont les plus fragiles. Mme MASSOUD, substitute du procureur avant de passer à l’instruction témoigne : « Au parquet des mineurs, j’étais réfractaire à la correctionnalisation des viols ab initio — sans instruction —, car il y a toujours des investigations à faire pour comprendre le passage à l’acte, avant toute décision. ».
Aujourd’hui, en tant que juge d’instruction, elle pratique tout de même la correctionnalisation d’opportunité et s’exprime là-dessus : « Il n’y a pas de règle, donc j’analyse le contexte. On peut disqualifier parce qu’on a une victime pour qui on sent que la confrontation avec l’auteur présumé, très longue aux assises, ne sera pas adaptée. Certains faits nous font en revanche choisir les assises : une victime vulnérable, une victime ayant subi plusieurs viols, un auteur récidiviste. »
On analyse donc le contexte, à l’aveugle, ou presque, avec le peu d’éléments au dossier et avec l’expérience. L’objectif en réalité, c’est la protection de la victime, qui peut ou non s’être constituée partie civile.
Le magistrat en réalité anticipe le comportement de la victime. Et, il est parfois très douloureux voire insurmontable pour une victime de témoigner aux assises et de ressasser pendant toute la durée du procès son trauma.

L’étude capitale du dossier dans l’appréciation de la déqualification

Pour M. REDON, « dans l’appréciation du renvoi devant la Cour d’assises ou devant le Tribunal correctionnel, l’opportunité de la voie choisie pour la poursuite se fait en fonction de critères divers, tirés de la personnalité du mis en cause, des circonstances de la commission de l’infraction, de l’importance des préjudices, de l’ancienneté́ des faits, en étant sur ce point particulièrement attentif à la question de la prescription qui sera celle applicable aux délits et non plus aux crimes. »
Ainsi, le magistrat prend en considération l’individualité des parties présentes au dossier (§1) mais également des circonstances de l’acte préjudiciable en classant alors les affaires par « gravité des faits ».

Les circonstances atténuantes de la gravité

La modification de la qualification criminelle au profit d’une qualification délictuelle apporte une perception différente de la gravité de l’acte. En effet, la gravité est amoindrie. À titre d’exemple, la loi ne permet pas de classifier les viols. Cependant, les magistrats ont recours à une appréciation de la gravité des faits. Dès lors, on créé quelque part une nouvelle catégorie, la catégorie des viols correctionnalisables. Mme Sarah MASSOUD, juge d’instruction est très honnête quant à la réalité de la pratique judiciaire à ce sujet : « Il ne faut pas être malhonnête : nous faisons une différence entre viol digital et pénétration pénienne, et c’est horrible, car un viol digital peut détruire. (…) L’ampleur du traumatisme n’est pas forcément liée à la distinction juridique. » De ce fait, il n’y a plus « Le Viol », mais des viols distingués selon différents critères de gravités telles que par exemple les circonstances de l’acte. Ainsi, en premier lieu, des distinctions sont introduites pour qualifier les faits et notamment selon le type de pénétration sexuelle. M. Édouard DURAND, juge des enfants à Bobigny pose un terme explicite, il explique « la loi ne distingue pourtant pas les modalités de pénétration (…) Elle ne prévoit pas de circonstances atténuantes de la gravité. ». Cette notion de « circonstances atténuantes de gravité » est au cœur du phénomène de correctionnalisation.

Le caractère aléatoire du procès d’assises comme argument motivant la correctionnalisation

Le caractère aléatoire du procès d’assises est donc, ce qui pose le plus de problèmes dans le système pénal judiciaire. C’est cette appréhension, cette peur de l’aléa de la décision qui motive à la correctionnalisation. Et en effet, le procès d’assises est intrinsèquement subjectif, on parle d’ailleurs souvent de lui comme étant un « procès-théâtre » (S1) et la place de certains de ses protagonistes, les jurés populaires, posent de nombreuses interrogations (S2)

Le Procès d’assises : un procès-théâtre Le procès d’assises, c’est le cœur de la comédie judiciaire

Tout y est décuplé et la charge émotionnelle d’un procès criminel est incomparable.
De ce fait, l’aléatoire, dû à cette charge, se glisse partout, à tout instant (§1), et tous ses instants participent aux raisons de la décision de jugement (§2).

L’instant d’audience : élément capital

Pour certaines personnes, l’audience n’est pas le lieu où l’on doit s’épancher sur sa souffrance et sa peine. Cependant, il n’est pas possible d’en faire autrement car un procès est forcément chargé d’émotion et chaque instant et une épreuve pour les différents protagonistes. Pour Gisèle HALIMI « Révélateur d’un niveau de civilisation, le théâtre judiciaire doit être le lieu privilégié de l’échange à vif, du débat sur le sens d’un pouvoir hybride : sanctionner les manquements à l’ordre public, certes, mais aussi s’interroger sur leur sens, leur nombre et les replacer dans notre dynamique. »
Dès lors, l’instant d’audience, surtout en Cour d’assises doit fondamentalement être pris en compte. Et, plus que de la théâtralité, il y a un réel rituel judiciaire ; tout participe de cette comédie drama-tique. Gisèle HALIMI va même plus loin en parlant de « rôles [attribués] dans la mise en scène de la justice ». Et absolument tout y participe, de la position des protagonistes, à leur tenue, jusqu’à leur gestuelle et aux effets de manches, c’est l’essence même du droit. Le rituel judicaire octroie à chacun une place dans l’architecture judicaire. Symboliquement, le rôle, la place de chacun « la fonction langagière du corps » dans le droit participe de cette théâtralité du procès judicaire. J. VERGES, dans le Dictionnaire amoureux de la justice précisait alors dans son article Théâtre du Palais : « Le déroulement du procès est également immuable. Le président tire au sort les jurés comme pour indiquer dès le départ que le hasard doit y avoir sa place. Cela fait, un greffier en robe noire lit l’acte d’accusation comme un récitant au théâtre. Le président interroge ensuite l’accusé, que le procureur aura la possibilité d’interroger après lui, mais avant la défense. Les témoins, enfermés dans une salle où ils sont censés ne pas parler entre eux de l’affaire (ce qui est une pure fiction), viendront, à l’appel du président transmis par huissier, l’un après l’autre, faire une déclaration dite spontanée à la suite de laquelle le président d’abord, l’accusation et la défense ensuite pourront poser des questions. Puis, le procureur prononcera un réquisitoire, et la défense sa plaidoirie. L’accusé enfin aura le dernier mot… s’il le veut, s’il le peut, et la cour se retirera pour délibérer, une ou plusieurs heures avant de rendre son verdict. Chacune de ces phases est accompagnée de paroles sacramentelles, toujours les mêmes, dont l’oubli peut provoquer la cassation »
D. DECOIN, qui remarquait déjà au XIXème siècle de cette théâtralité de la Cour d’assises : « durant les sessions d’assises, explique-t-il, le prétoire est un théâtre où les ténors du barreau rivalisent de célébrité avec les acteurs de la Comédie Française ». Il ajoute qu’on surnommait alors les avocats d’assises « les techniciens du sanglot » et note qu’« ils avaient en effet découvert que le larmoiement était aussi contagieux que le fou rire, et qu’un des plus sûrs moyens d’arracher des pleurs à des jurés était encore de commencer par pleurer eux-mêmes ».
Ainsi l’instant d’audience est fondamental pour François OST. Le jeu du droit est d’allier cette symbolique comportementale avec la stratégie judicaire. En effet, chaque acteur du procès cherche à « se mettre en scène » lorsque la parole lui est donné. Pour François OST, chaque personne cherche, autant que de tirer un avantage pécuniaire, se voir symboliquement reconnue.
Et en cela les avancées technologiques ont arraché au procès d’assises une partie de ses entrailles, et notamment la visioconférence (qui participe de cette volonté d’efficience de la justice mais qui la prive de sa nature même). Me DUPONT-MORETTI le regrette d’ailleurs amèrement, celui-ci farouchement opposé à la visioconférence, envisage la Cour d’assises comme un lieu de contact vivant, il explique « le témoin quand vous l’interrogez, il faut le sentir, le renifler… Il y a une sueur du menteur, un positionnement des mains du type qui est mal à l’aise… »
Pour lui la vulgarisation a également son importance, « L’aspect théâtralité, on ne peut pas priver les jurés de ça, indique-t-il ; mais il faut descendre un peu au café du commerce, moi j’aime ça. » Selon lui, les avocats pèchent beaucoup trop « par excès de sophistication ». Éric DUPOND-MORETTI explique qu’aux assises, les avocats sont face à des personnes voulant être convaincues par des choses de bon sens et par la sincérité. Pour lui il faut réellement croire en ce que l’on fait, sans quoi il est impossible de convaincre son auditoire.
Ainsi, en définitive, l’importance de tous ces éléments subjectifs met en évidence l’aspect très cérémoniel du droit, qui est parfois négligé (par la visioconférence, mais aussi par la correctionnalisation).

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Table des matières
INTRODUCTION 
PARTIE I. ANALYSE ÉPISTÉMOLOGIQUE DE LA CORRECTIONNALISATION DU CRIME 
TITRE I. LA CORRECTIONNALISATION JUSTIFIÉE PAR : LA NÉCESSITE
CHAPITRE 1. Justifiée en vertu du coût de la justice
CHAPITRE 2. Justifiée en vertu du bon fonctionnement de la justice
TITRE II. LA CORRECTIONNALISATION COMME REMPART A LA COUR D’ASSISES
CHAPITRE 1. Les critères d’analyses du magistrat souhaitant correctionnaliser
CHAPITRE 2. Le caractère aléatoire du procès d’assises comme argument motivant la correctionnalisation
CONCLUSION DE PARTIE
PARTIE II. LES DIFFÉRENTES VICTIMES DE LA CORRECTIONNALISATION 
TITRE I. LE PRÉVENU : PREMIÈRE VICTIME DU CHANGEMENT DES RÈGLES DU JEU JUDICIAIRE
CHAPITRE 1. Le choix du prévenu face au phénomène de correctionnalisation
CHAPITRE 2. La correctionnalisation comme instrument permettant une condamnation
TITRE II. LA PARTIE CIVILE FACE AU PHÉNOMÈNE DE CORRECTIONNALISATION
CHAPITRE 1. Les pouvoirs accordés à la victime d’un crime face à la requalification en délit
CHAPITRE 2. L’impact psychologique et émotionnel de la correctionnalisation sur la victime
CONCLUSION : UNE NOUVELLE ALTERNATIVE A LA CORRECTIONNALISATION 
ANNEXES 

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