Le besoin de réenchantement de l’univers de la grande distribution

L’utilisation du court-métrage publicitaire dans le secteur de la grande distribution est un phénomène récent et novateur, intimement lié au contexte actuel de la distribution, confronté à des bouleversements économiques et sociaux. Cette première partie se veut le point de départ de notre réflexion autour de la pertinence du court-métrage publicitaire comme levier de réenchantement des enseignes de grande distribution.

Hypothèse 1 : Le contexte économique et social du secteur de la grande distribution et l’évolution des modes de consommation appellent à un repositionnement de ces enseignes via un renouvellement de leur stratégie de marque.

Un constat global de décalage de la grande distribution par rapport aux aspirations nouvelles 

La grande distribution est aujourd’hui en proie à des menaces diverses, économiques mais aussi sociétales, qui font d’elle un secteur en décalage par rapport aux aspirations des consommateurs et de ses concurrents.

La grande distribution en proie à d’importantes menaces économiques

Economiquement, la grande distribution s’essouffle depuis plusieurs années, en raison de divers facteurs générant une pression accrue sur ce secteur.

Le premier de ces facteurs est sans doute le niveau élevé de saturation du marché de la grande distribution, qui a notamment ralenti la croissance des hypermarchés : seuls deux hypermarchés ont ouvert en France en 2007, contre 83 supermarchés . Philippe Moati décrit cela comme « l’épuisement du potentiel de croissance » , c’est à-dire un phénomène endogène au cycle économique de tout secteur atteignant un certain niveau de croissance.

C’est un phénomène déjà amorcé dans les années 1980, et qui résulte principalement du ralentissement du rythme de consommation des ménages, ainsi que de la supériorité acquise par la grande distribution sur les autres formes de commerce concurrentes – grands magasins, commerces populaires, commerces indépendants isolés, etc .

Par ailleurs, la grande distribution fait face, depuis le début des années 1990, à une concurrence accrue venue des grandes surfaces spécialisées (Bricorama, Leroy Merlin, La Halle aux chaussures, Ikéa, etc.), principalement sur les produits non-alimentaires. Ces enseignes spécialisées proposent en effet un panel de choix plus large, des prix plus compétitifs, et une fonction de conseil souvent plus efficace que dans la grande distribution . Ce phénomène met essentiellement en péril les grands hypermarchés, qui avaient adopté la formule du « tout sous le même toit », mais dont les formats sont aujourd’hui dépassés. Cédric Ducrocq témoigne de l’obsolescence de ce gigantisme des hypermarchés, qui captivaient autrefois par leur aspect généraliste, mais qui sont aujourd’hui dépourvus d’intérêt pour les consommateurs : « Quand vous avez des Darty, des Castorama, des Leroy Merlin et des Amazon partout, pourquoi voulez-vous acheter une télé chez Intermarché ou une robe dans un hypermarché ? Ça n’a pas de rationalité. » Ainsi, la grande distribution n’apparaît plus qualifiée pour les achats non alimentaires impliquants d’un point de vue financier ou émotionnel.

Outre la concurrence de ces magasins spécialisés, Claire Alet note que le format du grand hypermarché est également dépassé en termes d’urbanisme commercial, dont les pouvoirs publics tiennent de plus en plus compte pour des raisons d’environnement, de praticité d’accès et d’esthétisme .

Un autre vecteur de concurrence est celui des magasins hard-discount, apparus en France au début des années 1980 – Ed l’Epicier a été créé par Carrefour en 1979 –, mais qui se sont surtout développés dans les années 1990 et au début des années 2000, avec l’implantation des enseignes allemandes Aldi et Lidl en France. La progression de ces enseignes est impressionnante, et Jean-Claude Daumas note en 2006 que plus d’un supermarché sur deux qui ouvre en France depuis 1992 est un magasin de hard discount  . Le concept est simple : « des magasins à bas prix, austères, sans marques », notamment en raison d’économies importantes sur les frais de logistique, de marketing. Par ailleurs, l’emploi d’un personnel plus polyvalent permet des gains de productivité. En tirant fortement les prix des premières gammes à la baisse, les hard discounts ont confiné la grande distribution dans un positionnement de milieu de gamme peu avantageux. Ce positionnement a été désigné par Michael Levy en 2005 par le concept de « Big Middle », une voie médiane vouée à l’échec .

Néanmoins, depuis quelques années, le hard-discount connaît un déclin progressif. Olivier Macard, spécialiste de la distribution et associé chez Ernest & Young EY, date le début de ce déclin au vote de la Loi de Modernisation de l’Economie en 2008 qui,  elle a assoupli les conditions d’implantation des grandes surfaces de distribution, a également permis aux grandes enseignes de distribution historiques de renforcer leur compétitivité-prix par rapport au hard-discount. En diminuant ainsi le différentiel de prix existant, les grandes enseignes ont « tué l’avantage compétitif » des hard discounters, qui constituait la promesse de base de ces enseignes. Cela a provoqué une forme de « décroissance du hard-discount » : tandis que ce-dernier représentait encore 15% des ventes en France en 2004, sa part de marché est tombée à 10% environ en 2017. Les 243 ex-magasins Dia, rachetés par Carrefour en 2014, et dont la fermeture a été annoncée au printemps 2018 faute de chiffre d’affaire suffisant, témoignent également de ce déclin. Seul Lidl a réussi à échapper à ce mouvement, en choisissant de se réinventer et de monter en gamme, délestant ses origines de harddiscounter. En améliorant l’expérience d’achat proposée – accueil des clients, présentation en rayon, mise en valeur de produits plus locaux, etc. –, Lidl est parvenu à s’imposer dans le milieu de la grande distribution, avec des parts de marché « en progression constante » (5,5% selon l’étude Kantar Worldpanel sur la période du 16 avril au 13 mai 2018). Cette tendance a ainsi atténué la menace des hard discounters pour la grande distribution, au cours des dernières années.

Au vu des cas d’Intermarché et de Monoprix, que nous étudions ici, la concurrence des discounters concerne essentiellement l’enseigne Intermarché, dont la proposition de valeur est notamment constituée d’un fort engagement pour les prix bas, en témoigne le slogan de l’enseigne « Tous unis contre la vie chère ». Pour Monoprix au contraire, le hard discount ne constitue aucunement une menace à considérer, dans la mesure où le positionnement de l’enseigne se veut premium, assumant un niveau de prix largement supérieur aux autres enseignes de grande distribution. Parmi les enseignes comparées par l’UFC-Que choisir, Monoprix constitue l’enseigne de grande distribution la plus chère, avec un prix moyen du panier type constitué à 362€, contre 311 à 313€ chez Intermarché, en soulignant que l’enseigne la moins chère s’avère être Leclerc avec un prix de 295€ pour un panier équivalent (chiffre de 2014). Ainsi, comme le souligne Alix de la Martinière, ancienne directrice de l’organisation et du plan projets stratégiques chez Monoprix, « le hard discount ce n’est pas notre concurrent. Je le dis de manière assez catégorique, même si […] on observe bien évidemment ce que fait Lidl. » .

Enfin, les enseignes de grande distribution sont largement concurrencées aujourd’hui par le commerce en ligne, à l’instar d’Amazon, qui a bouleversé les pratiques du commerce et de la distribution. Si le commerce en ligne reste encore marginal en termes de volume des ventes – 81,7 milliards d’euros en 2017 contre 700 milliards d’euros pour l’ensemble des ventes de commerce en France –, sa croissance exponentielle oblige les distributeurs à faire évoluer leur modèle. Le principal enjeu du e-commerce en matière de grande distribution s’avère être l’alimentaire et Amazon s’y intéresse tout particulièrement, comme le confirme Alix de la Martinière. Monoprix et Amazon ont d’ailleurs conclu en mars dernier un partenariat commercial sur les produits alimentaires de Monoprix, qui seront proposés dès cette année aux clients du service Amazon Prime Now de l’agglomération parisienne. Qualifiant ce partenariat de « défensif », Alix de la Martinière souligne qu’il n’est d’ailleurs pas sans poser de questions en termes de récupération de données clients par Amazon .

En favorisant des comportements d’achats rationnels –pas de vendeur, de musique ou d’ambiance propice aux achats–, un parcours client fluide –praticité d’utilisation, pas de déplacement, livraison quasi gratuite–, ainsi que des prix compétitifs, le e commerce renforce les exigences et les standards d’attente des consommateurs. Ces-derniers accroissent ainsi la pression sur les enseignes de grande distribution, et notamment les grands hypermarchés et centres commerciaux en périphérie de zones urbaines . Selon Alix de la Martinière, il s’agit aujourd’hui de la principale forme de concurrence pour les enseignes de grande distribution, et cela implique une expérience en magasin suffisamment probante pour compenser les désavantages qu’elle peut comprendre, par rapport aux courses en ligne .

En somme, le secteur de la grande distribution fait aujourd’hui face à des menaces concurrentielles diverses, qui sont renforcées par la mauvaise image de ce secteur auprès des consommateurs, notamment à la suite des divers scandales alimentaires survenus ces dernières années.

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Table des matières

Introduction
I. Le besoin de réenchantement de l’univers de la grande distribution : le nécessaire renouvellement de la stratégie de communication des enseignes de la grande distribution
a. Un constat global de décalage de la grande distribution par rapport aux aspirations nouvelles
i. La grande distribution en proie à d’importantes menaces économiques
ii. La mauvaise image de la grande distribution auprès des consommateurs, entre scandales
alimentaires et mise sous pression des producteurs
b. L’émergence de nouvelles pratiques de consommation aujourd’hui,
notamment alimentaires
i. La « transition alimentaire » : une tendance à la qualité fondée sur le principe du « bien
manger »
ii. L’égotisation de la consommation
iii. Le besoin d’une expérience de marque renouvelée
c. Un besoin d’enrichissement : de la marque-enseigne à la culture de
marque
i. La proposition de valeur fonctionnelle, un fondamental pour les enseignes de grande
distribution
ii. La marque comme refuge identitaire pour les consommateurs d’aujourd’hui
iii. Le court-métrage comme levier d’enrichissement de la stratégie de marque des enseignes
II. Le court-métrage : un format publicitaire novateur, désormais privilégié pour réenchanter la grande distribution
a. Le court-métrage publicitaire, un format atypique et novateur dans la
grande distribution
i. Un format inter-genres : entre publicité, cinéma et entertainment
ii. Un format inédit dans la grande distribution
iii. De la guerre des prix à la promotion d’une expérience de marque
b. Le storytelling comme clé du réenchantement : entre récit et émotion
i. Le pouvoir du récit
ii. La véracité du discours de marque : la condition sine qua non à la crédibilité du récit
c. Un format à concilier avec la stratégie globale de marque, afin de lui
donner toute son amplitude
i. Un même support au service de stratégies parfois très différentes
ii. Un objectif de notoriété plus que d’efficacité commerciale directe
III. Le court-métrage publicitaire : un format particulier qui permet l’établissement d’un rapport émotionnel fort entre enseigne et consommateur
a. Un regard nouveau des consommateurs sur les enseignes de grande
distribution
i. L’amélioration de la perception des enseignes…
ii. … mais dont l’impact en termes de fréquentation des magasins reste à relativiser
b. Un mode de diffusion novateur
i. Des plans médias novateurs
ii. Un contexte technologique favorable au développement du format du court-métrage publicitaire
c. Un format qui confère au consommateur un réel rôle communicationnel
i. Le client devenu défenseur et promoteur
ii. Notion d’engagement du consommateur
Conclusion
Bibliographie

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