Le besoin de démarcation des exploitations viticoles

 Le besoin de démarcation des exploitations viticoles

Des problématiques de l’échelle mondiale à nationale

Auparavant seul sur le marché viticole, le vignoble français doit faire face à l’émergence de nouveaux pays producteurs de vins. Cette concurrence s’inscrit comme une menace pour le vignoble français. Des pays développés comme les EtatsUnis et l’Australie se spécialisent dans ce type d’agriculture et consomment donc en priorité leurs propres produits. De plus, les pays du nouveau monde tels que le Chili, l’Argentine ou encore l’Afrique du Sud viennent ajouter à la concurrence du marché français depuis les années 1990 (Liégeois, 2004).

De plus, au niveau européen, la PAC qui avait historiquement encouragé l’intensification des pratiques agricoles et le système productif agit aujourd’hui pour le développement d’une viticulture durable sur le territoire dans un contexte de changement climatique. Pour cela, les aides sont données en priorité aux exploitants biologiques ou inscrits dans une démarche durable en HVE3 ou dans un groupe ECOPHYTO (actant pour une utilisation de produits phytosanitaires en adéquation avec des objectifs de développement durable). Des aides sont mises en place à l’installation en agriculture biologique ou en conversion pour l’achat de nouveaux matériels (Chambre d’agriculture d’Indre et Loire). Cependant, malgré les incitations financières, certains viticulteurs peuvent être récalcitrants à se lancer dans la viticulture biologique ou même dans la viticulture raisonnée (Boulanger-Fassier, 2008). En effet, ces pratiques obligent le vigneron à prendre des risques financiers les premières années dans un contexte économique qui est relativement tendu (Boulanger-Fassier, 2008). Passer en agriculture biologique coûte cher à l’exploitant aussi bien en temps que d’un point de vue économique. Le travail du sol entraîne une augmentation du nombre d’heures de travail. Des alternatives contre les ravageurs et les maladies de la vigne comme le mildiou doivent être trouvées et tout ceci en prenant des risques énormes sur les trois premières années de conversion où une chute de rendement est observée (Schirmer, 2012). Lié à cela, le viticulteur doit s’attendre à une diminution de sa SAU ou alors l’embauche d’un nouveau salarié. En effet, la vigne travaillée en agriculture biologique demande beaucoup d’entretien et de temps ce qui peut obliger l’exploitant à réduire son parcellaire s’il ne peut embaucher.

Néanmoins, en plus d’un argument commercial, se détourner des produits chimiques permet de redonner au sol ses fonctions premières et d’éviter nombres de maladies pour les plantes comme pour l’exploitant viticole. Le viticulteur entrant dans cette démarche pourra attribuer à ses produits la mention « agriculture biologique » ainsi que le logo AB (sous réserve de la labellisation). La biodynamie, agriculture encore plus restrictive que l’agriculture biologique, est bien développée sur le territoire viticole à hauteur de 15% des domaines en AB. Inventée en 1924 par Rudolf Steiner, cette méthode imprégnée de croyances lunaires cherche à dynamiser les échanges entre la vigne et son environnement en stimulant les capacités de défense de la plante en réalisant des préparations à base de matières animales, végétales et appliquées selon le calendrier lunaire. Pratique située entre philosophie et agronomie, la science a longtemps été silencieuse sur ces pratiques considérées comme ésotériques (Legrand, 2017) . Certaines tentatives scientifiques sont cependant réalisées et démontrent les résultats positifs et encourageants de la biodynamie qui rivalise au niveau gustatif avec les vins issus de l’agriculture biologique (Boulanger-Fassier, 2008). L’obtention des labels DEMETER et BIODYN aident ces exploitants à se démarquer en tant que producteurs en agriculture biodynamique.

En plus de cela, les maires de communes agricoles et viticoles françaises veulent protéger leurs habitants en interdisant le traitement des parcelles à proximité des habitations. C’est notamment le cas du maire de Langouët (Ile et Vilaine) en Bretagne qui avait voulu instaurer une zone de non traitement de 150 mètres dans son village de 600 habitants. Ne disposant pas d’une autorité suffisamment compétente pour instaurer ce type d’interdiction, l’Etat a promulgué un arrêté le 27 décembre 2019 imposant une distance de non traitement (d’après la chambre d’agriculture d’Indre et Loire). Le titre IV “ DISPOSITIONS PARTICULIÈRES RELATIVES AUX DISTANCES DE SÉCURITÉ AU VOISINAGE DES ZONES D’HABITATION ET DES ZONES ACCUEILLANT DES GROUPES DE PERSONNES VULNÉRABLES “ de ce texte de loi explique qu’une distance de sécurité minimale de 20 mètres est requise pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques “présentant une des mentions de danger suivantes […] ou contenant une substance active considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens néfastes pour l’homme. “ Les produits composés uniquement de substances de base ou de substance à faible risque doivent respecter une distance de sécurité minimale de : “10 mètres pour l’arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm de hauteur, les bananiers et le houblon et de 5 mètres pour les autres utilisations agricoles et non agricoles “ .

Ainsi, les viticulteurs en agriculture conventionnelle ou raisonnée devront respecter une distance de non traitements de 20 ou 10 mètres selon la toxicité de leurs produits et les viticulteurs en agriculture biologique ne seront pas impactés. Le ministère de l’agriculture détaille dans un communiqué que « ces distances s’appliqueront à compter du 1er juillet 2020 pour les cultures ensemencées avant le 1er janvier 2020, à l’exception des produits les plus préoccupants » .

Associée à cela, la localisation géographique des vignobles devient de plus en plus problématique pour certains. En effet, les domaines situés en zones périurbaines subissent la pression de l’urbanisation, pression pouvant aller jusqu’à la suppression de leurs terres pour être transformées en zone résidentielle (Peres, Gaussier, 2010). Les surfaces viticoles se réduisent et tendent encore à se réduire avec l’expansion urbaine. La crise agricole actuelle n’incite pas à la transmission des exploitations intergénérationnelles. Ainsi, des exploitations vont même jusqu’à la disparition (Fassier-Boulanger, 2014). De plus, les terrains viticoles, même classés en AOC, coûtent généralement moins cher qu’une zone à bâtir ce qui peut pousser certains viticulteurs à céder leurs terres dans ce contexte économique difficile (d’après les élus 2). Couplé aux actuelles ZNT, les vignerons devront s’attendre à une perte de leurs Surface Agricole Utile (SAU). Une terre en viticulture utilisant des produits de synthèse proche d’habitations sera dans l’obligation d’arracher des pieds de vignes dans ce périmètre pour éviter la propagation de maladies comme le Mildiou (d’après le vigneron 1). Dans le cas de l’AOC Bourgueil, une perte de 75 hectares de vignes est attendue soit 5% de sa surface. Un vigneron habitant en plein centre ville de Bourgueil, entourée d’un côté par un gymnase, un collège, une garderie, de l’autre des maisons explique « Sur la parcelle, j’ai une vingtaine de rangs. Quand j’aurais appliqué la ZNT à 10 mètres, je vais perdre 6 rangs sur les 20 » . D’un autre sens, cet arrêté est bien nuancé et la bouillie bordelaise (produit phytosanitaire utilisé en AB) peut-être pulvérisée sans avoir à respecter une distance contrairement aux produits les plus dangereux. Cette loi pourrait donc influencer davantage de conversion.

Les problématiques à l’échelle locale, la concurrence: cas d’AOC d’Indre et Loire

Il est indéniable que le vignoble français subit une pression constante à petite échelle et le Val de Loire, troisième plus grande région viticole française forte de ces 25 AOC en 2012, ne déroge pas à la règle. A ces problématiques mondiales, nationales ou encore communales viennent s’ajouter une concurrence inter-AOC, produisant généralement le même type de produit. Tirant sa renommée de la qualité de ses cépages majeurs tels que le Cabernet Franc, le Chenin ou encore le Sauvignon, ce vignoble est aussi reconnu grâce à ses diverses AOC. En effet, le paysage du Val de Loire et particulièrement celui à proximité de la métropole tourangelle est authentique. La vigne est mêlée aux zones urbaines, périurbaines et rurales. En effet, à seulement quelques kilomètres de la ville de Tours et donc en zone périurbaine se trouvent les AOC Montlouis-sur-Loire et Vouvray. Toutes deux productrices de vins issus de chenin blanc, elles sont délimitées de part et d’autre par la présence de la Loire. En s’éloignant à l’Ouest de l’agglomération, les domaines des AOC Bourgueil et Saint-Nicolas de Bourgueil ont créé les paysages ruraux du Bourgueillois. Ces deux appellations cultivant le cépage du cabernet franc, elles ont été délimitées historiquement lors d’un clivage politique .

Contextualisation de la concurrence dans le Bourgueillois : Bourgueil et Saint-Nicolas de Bourgueil 

Séparés seulement par des lignes cadastrales, les vignobles de Bourgueil et de Saint-Nicolas de Bourgueil sont bien 2 AOC différentes. En effet, les sols y sont relativement similaires car géologiquement parlant, ils ont été formés de la même manière et à la même période. Néanmoins, la création de 2 AOC distinctes a créé un clivage entre ces deux grands producteurs du val de Loire.

L’AOC Bourgueil s’étend sur 1 400 ha et les vignerons ont réparti leurs exploitations sur 6 communes : Restigné, Benais, Coteaux sur Loire (Ingrandes de Touraine, Saint Patrice), Chouzé-sur-Loire, La Chapelle-sur-Loire et Bourgueil (Yengue, 2018). L’AOC Saint-Nicolas-de Bourgueil, quant à elle, s’étend sur une superficie non négligeable de 1 100 hectares et sa particularité est d’être circonscrite dans les limites de sa seule commune (Robert, (pas disponible), 2020). La renommée de ces AOC est due à leur production de vins rouges à partir d’un seul cépage: le cabernet franc, puis marginalement en vin rosé (1% pour Saint-Nicolas de Bourgueil et 4% pour Bourgueil) (Yengue, 2018 ; Robert (pas disponible), 2020) .

Nées la même année, les deux appellations concurrentes ont une histoire commune. Saint-Nicolas-de-Bourgueil, enclavée dans sa propre commune, paraît être une « extension » de l’AOC Bourgueil alors qu’elles sont bel et bien 2 AOC distinctes. Historiquement, à la période de la révolution française, il est écrit qu’il y avait 2 églises à Bourgueil ce qui a poussé la création de 2 communes distinctes : Bourgueil et SaintNicolas de Bourgueil. La création des AOC a permis à Saint-Nicolas-de Bourgueil de gagner de la superbe vis-à-vis de sa voisine grâce à son nom composé qui rappelle les grands vignobles ayant un « saint » dans leur nom.

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Table des matières

Introduction
1. Le besoin de démarcation des exploitations viticoles
1.1. Des problématiques de l’échelle mondiale à nationale
1.2.Les problématiques à l’échelle locale, la concurrence : cas d’AOC d’Indre et Loire
1.2.1. Contextualisation de la concurrence dans le bourgueillois : Bourgueil et SaintNicolas-de-Bourgueil
1.2.2. Contextualisation de la concurrence entre Vouvray et Montlouis-sur-Loire
1.2.3. Méthodologie mise en place
2. Le bourgueillois, deux appellations travaillant pour un même projet
2.1. La viticulture biologique amenée comme une conviction personnelle plus qu’un argument commercial
2.2. La vente directe privilégiée
2.3. Des différences sont cependant à noter sur l’image qu’elles véhiculent
3. Montlouis-sur-Loire et Vouvray, des domaines quant à eux relativement différents
3.1. La durabilité, un concept différent dans les deux appellations
3.2. Des stratégies de commercialisation pas axée sur les mêmes consommateurs
3.3. Une communication à première vue similaire pour se développer
4. Discussion générale
4.1. La viticulture durable
4.2. Des couples d’AOC subissant l’urbanisation de façon différente
4.3. Miser sur l’oenotourisme pour se démarquer
Conclusion
Annexes
Bibliographies

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