L’autorégulation et l’hétérorégulation

L’autorégulation

Définitions

Le processus d’autorégulation mobilise plusieurs dimensions du fonctionnement humain jouant toutes un rôle essentiel : cognitives, métacognitives, affectives et motivationnelles. Il nécessite, en outre, la mobilisation de ressources personnelles, environnementales et matérielles (Fiasse & Nader-Grosbois, 2009 ; Forgas, Baumeister & Tice, 2009 ; Nader-Grosbois, 2009). Zimmerman (2000), dans le champ de la psychologie de l’apprentissage, définit l’autorégulation comme un processus se référant aux pensées auto-générées, aux sentiments et aux actions qui sont planifiées et adaptées à l’atteinte de buts personnels. L’autorégulation est vue ici comme un processus cyclique de sorte que les expériences précédentes sont utilisées pour s’ajuster aux suivantes. En psychologie du handicap, Whitman (1990a) définit l’autorégulation comme «un système complexe de réponses qui permet aux individus d’examiner leur environnement et leur répertoire de réponses pour s’adapter à leur environnement, en faisant des plans d’actions, en agissant, en évaluant la désirabilité des conséquences de l’action, et en révisant leurs plans si nécessaire ». Dans le même champ, Karoly et Kanfer (1997, cités par Nader Grosbois, 2007a) définissent l’autorégulation comme « l’agrégat de processus par lesquels les variables psychologiques de la personne, son répertoire biologique et son environnement immédiat, sont interreliés en vue d’orienter ou de soutenir le comportement dirigé vers un but de l’organisme ». En outre, Nader-Grosbois (2009) définit l’autorégulation comme « un processus dynamique par lequel l’individu mobilise ses ressources personnelles, sociales et environnementales et par lequel il active plusieurs stratégies en résolution de problème divers ou en gestion de vie ». A partir des différentes conceptions de l’autorégulation proposées dans la littérature, Nader-Grosbois (2007a) a identifié sept stratégies autorégulatrices, classées en trois groupes, pouvant être mobilisées en situation d’apprentissage ou de résolution de problème : (1) les stratégies autorégulatrices cognitives (identification de l’objectif, planification et exploration des moyens, autorégulation de l’attention et auto évaluation) ; (2) les stratégies autorégulatrices socio-communicatives (sollicitation et réponses de l’attention conjointe et régulation du comportement par des requêtes, des demandes d’aide ou d’approbation, par exemple) ; (3) les stratégies autorégulatrices motivationnelles. L’autorégulation est donc un processus par lequel la personne, pour atteindre un objectif, planifie et anticipe son action, maintient son attention et sa motivation, évalue et ajuste ses actions et, lorsque c’est nécessaire, sollicite son environnement social en demandant de l’aide, de l’attention conjointe ou une approbation (Haelewyck & Palmadessa, 2009).

Développement de l’autorégulation

Les capacités autorégulatrices semblent se construire pendant la période sensori-motrice et préscolaire et se développent graduellement pour passer d’un contrôle d’abord externe, fourni par les adultes, à un autocontrôle efficace des comportements, par l’intégration progressive des normes sociales et le développement d’un stock de stratégies que l’enfant peut ensuite utiliser en fonction de la situation dans laquelle il se trouve (Bailleux & Paour, 2013 ; Bronson, 2000 ; Kopp, 1982). Le développement de l’autorégulation semble fortement lié à celui des fonctions exécutives. Celles-ci correspondent à l’ensemble des processus impliqués dans le contrôle et la régulation du comportement et sont surtout mobilisées dans de nouvelles situations ou dans des situations non routinières (Danielsson, Henry, Rönnberg & Nilsson, 2010 ; Noël, 2007). Dans leur modèle, Pennington & Ozonoff (1996) distinguent cinq composants des fonctions exécutives : la flexibilité (set shifting), la planification/résolution de problème, la fluence, la mémoire de travail et l’inhibition/persévération. Plus récemment, Miyake, Friedman, Emerson, Witzki, Howerter et Wager (2000) ont proposé une modélisation des fonctions exécutives en trois facteurs, souvent citée dans la littérature, comprenant : l’inhibition, la mise à jour en mémoire de travail (updating) et la flexibilité (shifting). Ainsi, les fonctions exécutives réunissent les capacités nécessaires à la réussite de tâches complexes (définition des objectifs, planification, adaptation à l’environnement, inhibition de réponses non pertinentes, maintien de l’action jusqu’à la réalisation de la tâche, évaluation de la réponse et, si nécessaire, correction) (Eustache, Lambert & Viader, 1997). Les origines de l’autorégulation sont basées sur la capacité cognitive de planification, fonction exécutive qui permet d’élaborer et de coordonner une séquence d’actions afin d’atteindre un but ou de résoudre un problème (Bronson, 2000 ; Gauvain & Rogoff, 1989 ; Szepkouski, Gauvain & Carberry, 1994). A l’âge préscolaire, vers deux ans, lorsque l’enfant est capable de représentation mentale, il peut identifier des objectifs, planifier des séquences d’actions et des événements de la vie quotidienne (Kopp, 1982 ; Nader-Grosbois & Lefèvre, 2011 ; Parent, Gosselin & Moss, 2000). Le jeune enfant gagne en flexibilité et devient de plus en plus capable de contrôler et réguler son comportement pour s’adapter à des changements de situation (Diaz, Neal & Amaya-Williams, 1990 ; Kopp, 1982). Ainsi entre 3 et 5 ans, l’enfant progresse en autorégulation et se montre plus performant dans ses capacités d’inhibition et de planification (Bronson, 2000 ; Garon, Bryson & Smith, 2008). Le développement de l’autorégulation se poursuit pendant l’enfance, l’adolescence et même ultérieurement et il peut présenter des variabilités selon l’âge, le niveau de développement et l’étayage offert par l’environnement (Nader-Grosbois, 2007a ; Vieillevoye, 2007). Le développement de l’autorégulation est également fortement influencé par le langage qui est décrit par Vygotsky (1962, 1978, cité par Bronson, 2000) comme le moyen principal pour développer la compréhension et l’autorégulation. Dans un premier temps, l’enfant intériorise les instructions données par les adultes. Ensuite, il s’appuie progressivement sur ses propres verbalisations pour contrôler ses actions et ses pensées. Vers l’âge de six-sept ans, ces verbalisations s’internalisent progressivement en ce qu’on appelle un « discours privé » inaudible, ce qui marquerait une étape dans le développement de l’autorégulation (Alarcón-Rubio, Sánchez-Medina & Prieto-García, 2014 ; Bailleux & Paour, 2013 ; Bronson, 2000).

Autorégulation et déficience intellectuelle

Depuis plusieurs décennies, dans l’étude du fonctionnement cognitif des personnes présentant une déficience intellectuelle, deux grandes approches théoriques s’opposent : l’approche déficitaire issue de la psychologie cognitive et l’approche développementale issue de la psychologie du développement. La première tente de mettre en évidence des différences dans le développement des personnes présentant une déficience intellectuelle comparativement à la population typique alors que la deuxième, parle plutôt en terme de retard de développement (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM), 2016). Ainsi, concernant le développement de l’autorégulation chez les personnes présentant une déficience intellectuelle, deux hypothèses sont avancées (Vieillevoye, 2007) : (1) celle d’un déficit généralisé d’autorégulation sous-tendue par l’hypothèse d’un développement différent et (2) celle d’un déficit spécifique de certaines stratégies autorégulatrices sous-tendue par l’hypothèse d’un retard du développement. Selon la première hypothèse, notamment défendue par Whitman (1990a et b), un déficit généralisé d’autorégulation serait à l’origine des difficultés de comportement adaptatif rencontrées par les personnes présentant une déficience intellectuelle. Ainsi, Whitman (1990a) définit la déficience intellectuelle comme un trouble de l’autorégulation entraînant chez ces personnes des difficultés à agir indépendamment et, plus précisément, des difficultés à maintenir et à généraliser, dans des situations nouvelles, ce qu’elles ont appris. Pour lui, ce déficit d’autorégulation serait alimenté par les limites des compétences langagières présentes dans la déficience intellectuelle. Des résultats de recherche allant dans ce sens sont retrouvés dans la littérature. Ainsi, Nader-Grosbois (2014) observe que l’autorégulation globale et les stratégies autorégulatrices spécifiques sont moins élevées chez des adolescents présentant une déficience intellectuelle comparativement à des enfants au développement typique, de même niveau de développement intellectuel, en situation de résolution de problème. A l’inverse, selon la deuxième hypothèse, les personnes présentant une déficience intellectuelle disposeraient d’un niveau d’autorégulation globale similaire à celui des personnes au développement typique (Gilmore, Cuskelly & Hayes, 2003 ; Nader-Grosbois, 2007b ; Nader-Grosbois & Lefèvre, 2011) mais certaines stratégies spécifiques seraient déficitaires comme l’identification de l’objectif, l’attention conjointe et la régulation du comportement (Nader-Grosbois & Vieillevoye, 2012 ; Vieillevoye & Nader-Grosbois, 2008). Toutefois, il semblerait que le développement de l’autorégulation dépende de la période développementale dans laquelle il est étudié. En effet, dans les recherches s’intéressant aux enfants d’âge préscolaire, les résultats montrent souvent un développement de l’autorégulation similaire chez les enfants présentant une déficience intellectuelle comparativement à des enfants tout-venant ayant le même niveau de développement intellectuel (Nader-Grosbois, 2007b). Par contre, les recherches s’intéressant aux adolescents ou aux jeunes adultes présentant une déficience intellectuelle pointent généralement des compétences autorégulatrices plus faibles que chez des personnes typiques de même niveau de développement intellectuel. Nader-Grosbois (2014) suggère ainsi, qu’aux périodes de développement sensorimoteur et symbolique, on puisse parler d’un retard de développement de l’autorégulation chez les enfants présentant une déficience intellectuelle alors qu’on parlera de différence de développement de l’autorégulation dans la période développementale de l’adolescence. Cette opposition entre approche déficitaire et approche développementale tend progressivement à laisser la place à une approche plus récente, celle du neuroconstructivisme, basée sur l’analyse des trajectoires développementales et non plus sur les comparaisons de moyennes entre des participants appariés sur leur âge chronologique et/ou leur niveau de développement intellectuel (INSERM, 2016). A notre connaissance, aucune étude n’a encore abordé le développement de l’autorégulation par l’intermédiaire de l’analyse des trajectoires de développement. Pourtant, cela pourrait apporter des éléments d’informations intéressants puisqu’il semblerait, que chez les personnes présentant une déficience intellectuelle, la trajectoire du développement de l’autorégulation prenne une autre voie que celle des personnes au développement typique. Ceci pourrait s’expliquer par l’impact des facteurs environnementaux et notamment par l’hétérorégulation fournie par l’environnement social, dont on sait qu’elle a un impact non négligeable sur les compétences autorégulatrices.

L’hétérorégulation

Définitions

Le concept d’hétérorégulation est défini par les tentatives d’étayage, de régulation, de médiation, de tutorat, fournies par le partenaire social (adulte, expert, etc.) envers la personne dans le cadre de situations interactives d’apprentissage ou de résolution de problème. L’hétérorégulation influence les stratégies autorégulatrices de l’enfant et/ou de l’apprenant (Nader-Grosbois, 2007a). En s’appuyant sur différentes conceptions et travaux, Nader-Grosbois (2007a) a identifié sept stratégies hétérorégulatrices, classées en trois groupes, pouvant être utilisées par l’adulte ou l’expert en situation interactive d’apprentissage ou de résolution de problème : (1) les stratégies hétérorégulatrices cognitives (précision ou rappel de l’objectif, soutien à la planification et à l’exploration des moyens, hétérorégulation ou réactivation de l’attention et soutien à l’évaluation ou hétéro-évaluation); (2) les stratégies hétérorégulatrices socio-communicatives (sollicitations et réponses de l’attention conjointe et régulation de comportement ou aides en réponse aux requêtes) ; (3) les stratégies hétérorégulatrices motivationnelles. Pour Nader-Grosbois (2007a), un adulte ou un expert qui hétérorégule doit adapter ses stratégies d’étayage en fonction des besoins de la personne, préciser ou rappeler l’objectif, soutenir la planification des actions, réactiver l’attention, motiver la personne par des encouragements, inviter à l’évaluation de l’effet des actions et à leur ajustement.

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Table des matières

INTRODUCTION
PLAN DE LA THÈSE
CHAPITRE 1 : L’AUTORÉGULATION ET L’HÉTÉRORÉGULATION
1. L’autorégulation
1.1. Définitions
1.2. Développement de l’autorégulation
1.3. Autorégulation et déficience intellectuelle
2. L’hétérorégulation
2.1. Définitions
2.2. Hétérorégulation soutenant le développement de l’autorégulation
3. Modèles de l’autorégulation et de l’hétérorégulation
3.1. Modèle sociocognitif de l’autorégulation, Zimmerman (2000)
3.2. Modèle intégré de l’autorégulation et de l’hétérorégulation, Nader-Grosbois (2007)
4. Variabilités et influences de l’autorégulation et de l’hétérorégulation
4.1. Variabilité du niveau d’autorégulation
4.1.1. Les compétences autorégulatrices sont-elles d’un niveau similaire chez les personnes présentant une déficience intellectuelle et chez les personnes au développement typique de même niveau de développement ?
4.1.2. L’âge chronologique a-t-il un effet sur le niveau d’autorégulation ?
4.2. Domaines influencés par le processus d’autorégulation
4.3. Impact de l’hétérorégulation
4.4. Variabilité du niveau d’hétérorégulation
4.4.1. Variabilité de l’hétérorégulation en fonction des caractéristiques de l’enfant
4.4.2. Variabilité de l’hétérorégulation parentale en fonction du sexe du parent
4.4.3. Variabilité de l’hétérorégulation en fonction du support de présentation du matériel
4.5. Ajustements entre l’autorégulation et l’hétérorégulation
CHAPITRE 2 : LA COGNITION SPATIALE
1. La représentation mentale de l’espace
1.1. Le wayfinding
1.2. Taxonomie de Wiener, Büchner & Hölscher (2009)
1.2.1. Wayfinding aidé vs non aidé
1.2.1.1. Wayfinding non dirigé
1.2.1.2. Wayfinding dirigé
1.2.1.2.1. Tâches de recherche
1.2.1.2.2. Approche de la cible
1.2.2. Enchaînement des tâches de wayfinding
1.3. Les connaissances spatiales
1.3.1. Les points de repère
1.3.2. Les itinéraires
1.3.3. La configuration ou carte cognitive
1.3.4. Le modèle de Siegel et White (1975)
1.4. Développement des connaissances spatiales et du wayfinding
1.4.1. Chez les enfants au développement typique
1.4.2. Chez les personnes présentant une déficience intellectuelle
2. La représentation de l’espace par le langage : la description d’itinéraires
2.1. Définition de la description d’itinéraires
2.2. Une méthode d’analyse des descriptions d’itinéraires : Denis (1997)
2.3. Les points de repère : un élément essentiel de la description d’itinéraires ?
2.4. Développement de la capacité à décrire un itinéraire
CHAPITRE 3 : PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE
CHAPITRE 4 : L’AUTORÉGULATION EN SITUATION D’APPRENTISSAGE D’ITINÉRAIRES EN ENVIRONNEMENT VIRTUEL (ÉTUDE 1)
1. Objectifs de l’étude et hypothèses de recherche
2. Méthodologie
2.1. Participants
2.2. Tâche d’apprentissage d’itinéraires en environnement virtuel
2.3. Instruments d’évaluation
2.3.1. Mesure de l’intelligence fluide
2.3.2. Mesure des fonctions exécutives
2.3.3. Mesure de la connaissance et de la compréhension des concepts spatiaux
2.3.4. Mesure de l’autorégulation
2.3.4.1. Identification de l’objectif
2.3.4.2. Stratégies de planification
2.3.4.3. Stratégies sociales de régulation du comportement
2.3.4.4. Stratégies attentionnelles
2.3.4.5. Stratégies d’évaluation
2.3.4.6. Accord inter-juges
2.3.5. Mesures associées à l’apprentissage des itinéraires
2.3.6. Mesures associées à la phase test
2.4. Procédure
2.4.1. Plan d’expérience
2.4.2. Déroulement
3. Résultats
3.1. Autorégulation
3.2. Apprentissage des itinéraires
3.3. Phase test
3.4. Effet de l’itinéraire (boulangerie vs pharmacie vs supermarché) sur l’autorégulation et l’apprentissage
3.4.1. Effet de la longueur (boulangerie vs pharmacie)
3.4.2. Effet du nombre de changements de direction (pharmacie vs supermarché)
3.4.3. Effet conjoint de la longueur et du nombre de changements de direction (boulangerie vs supermarché)
3.4.4. Résumé des résultats communs aux trois groupes (DI, AD et AC)
3.5. Corrélations
3.5.1. Groupe DI (N = 18)
3.5.2. Groupe AD (N = 17)
4. Discussion
4.1. Autorégulation
4.2. Apprentissage d’itinéraires
4.3. Phase test
4.4. Liens avec l’âge chronologique, le score aux PMC et la connaissance des concepts spatiaux (ECS)
4.5. Liens entre l’autorégulation et la phase test
5. Conclusion
CONCLUSION

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