L’autonomie variable du Gouvernement en matière organique

L’autonomie variable du Gouvernement en matière organique

Le Gouvernement dispose d’une autonomie variable en matière organique, c’est-à-dire pour créer, structurer et définir le statut des organes politiques gouvernementaux. S’il a déjà été indiqué ce qu’il fallait entendre par organes politiques gouvernementaux (membres + organes politiques de délibération du Gouvernement), reste maintenant à expliciter ce que recouvrent les expressions de création, de structuration et de statut de ces organes. L’expression création des organes politiques du Gouvernement renvoie à l’idée de naissance de ces organes. Parler d’autonomie de création signifie que le Gouvernement génère ses propres organes. En codécision avec le président de la République, le Premier ministre donne d’abord vie au Gouvernement. De même, seul ou avec le chef de l’État, il peut inventer librement de nouveaux organes pour que le Gouvernement puisse délibérer toujours plus efficacement. L’expression structuration des organes politiques du Gouvernement fait référence quant à elle, à la composition et au fonctionnement internes de ceux-ci. Il y a autonomie de structuration lorsque le Gouvernement configure, dessine et agence l’architecture intérieure de ses organes. Cette structuration intéresse aussi bien la question de leur composition que les modalités de leur convocation, de leur préparation, de leur ordre du jour, de leur déroulement et de leurs comptes rendus. Enfin, l’expression statut des organes politiques du Gouvernement ne concerne pas ici les organes politiques de délibération mais exclusivement le statut des membres du Gouvernement. En effet, la notion de statut ne s’applique pas aux organes délibérants comme les Conseils, Comités ou réunions ministériels ; elle a trait uniquement aux personnes physiques que sont les ministres et secrétaires d’État. L’autonomie organisationnelle dans la définition du statut de ces derniers touche à de nombreux domaines : la déontologie entourant le mandat gouvernemental (question des incompatibilités et des cumuls), les intérims ou les révocations ministériels, les conditions de rémunération, d’indemnisation et de logement des membres du Gouvernement ainsi que les modalités de leurs déplacements et de leur protection. Qu’il s’agisse de la création et de la structuration des organes politiques (Chapitre 1er) ou de la définition du statut des ministres et secrétaires d’État (Chapitre 2nd), l’autonomie organisationnelle du Gouvernement est variable : elle peut être forte, moyenne ou faible selon les cas de figure politico institutionnels.

L’autonomie variable dans la création et la structuration des organes politiques gouvernementaux 

À peine nommé, le Premier ministre travaille à la formation de son Gouvernement. Commence alors, plusieurs heures durant, le ballet bien connu et incessant des coups de téléphones, des entretiens et des allers-retours diurnes et nocturnes, de la rue de Varenne à la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Le Premier ministre et sa garde rapprochée, stylos plumes à la main, feuilles blanches couchées sur les sous-mains, liste des incontournables du Président en tête, aide-mémoire sur la composition des anciens Gouvernements en poche, carte de France accrochée au mur, téléphones prêts à l’emploi, composent le nouveau Gouvernement de la République française. Une fois qu’une liste définitive fait consensus entre le Premier ministre et le chef de l’État, il appartient rituellement au secrétaire général de la présidence d’en faire l’annonce sur le perron du palais de l’Élysée. À ce moment précis, la teneur du décret de composition du nouveau Gouvernement est révélée aux Français. De cette séquence traditionnelle de la vie politique française, l’on peut tirer deux enseignements s’agissant de l’autonomie gouvernementale. D’une part, la création et la structuration d’un Gouvernement relèvent d’une autonomie partagée entre le chef de l’État et le chef du Gouvernement. Comme s’est plu à le rappeler Michel Rocard, « la constitution d’un Gouvernement, on la fait à deux » ; il faut nécessairement un « accord entre les intéressés : la proposition du Premier ministre lie le président de la République, mais l’acceptation du président de la République lie le Premier ministre » . D’autre part, il faut avoir à l’esprit que cette autonomie partagée est le résultat d’une longue conquête du pouvoir exécutif pour éviter que le pouvoir législatif ne lui impose un carcan en la matière (Section 1). En revanche, d’ingérences du législateur ou du constituant, il n’a jamais été question dans la création et la structuration des autres organes politiques de délibération gouvernementaux. En ces domaines, le silence ou l’imprécision des textes sont patents. La création et la structuration interne du Conseil des ministres sont le produit historique d’une autonomie partagée entre l’Élysée et Matignon. Quant aux autres organes de délibération, leur naissance et leur ordonnancement obéissent à des règles très variables, l’autonomie organisationnelle du Gouvernement pouvant être pleine, partagée ou résiduelle (Section 2).

L’AUTONOMIE PARTAGÉE DANS LA CRÉATION ET LA STRUCTURATION DU GOUVERNEMENT

L’autonomie dans la création et la structuration du Gouvernement est le résultat d’une lente conquête du pouvoir exécutif pour ne se laisser imposer ni par le constituant, ni par le législateur, une quelconque codification de la structure gouvernementale, synonyme de rigidification de son action politique. Ainsi, au terme de longues décennies de combats institutionnels, la Constitution de 1958 a fini par reconnaître l’autonomie partagée du président de la République et du Premier ministre dans la composition du Gouvernement. L’article 8 al. 2 C pose simplement que le chef de l’État nomme le Gouvernement sur proposition du Premier ministre (§1). L’autonomie du pouvoir exécutif dans l’architecture gouvernementale est par conséquent totale (§2).

Une autonomie résultant de l’histoire constitutionnelle et de l’elliptique article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958

En dépit des velléités d’ingérence du législateur depuis 1791 pour fixer certaines modalités de l’organisation gouvernementale dans la Constitution ou dans la loi (A), l’autonomie du pouvoir exécutif quant à la formation du Gouvernement a finalement été actée définitivement en 1958. Le constituant de 1958 s’est contenté d’organiser la procédure de nomination du Gouvernement à l’article 8 de la Constitution sans imposer la moindre obligation quant à la structuration de ce dernier. Du fait de cette ellipse constitutionnelle et du silence législatif, la composition du Gouvernement relève donc aujourd’hui d’une « codécision » discrétionnaire entre le président de la République et le Premier ministre (B), le premier ne pouvant rien faire sans l’aval juridique du second (C).

Une autonomie partagée résultant d’une longue résistance aux incursions du législateur

Le législateur français a longtemps essayé de réglementer la structuration du Gouvernement. C’était sans compter sur la ténacité du pouvoir exécutif qui a toujours su jalousement protéger cet héritage de l’Ancien Régime, considéré comme essentiel pour la préservation de son indépendance politique en dépit des velleités du législateur de 1791 (1) et de 1920 (2). Aujourd’hui, la question continue néanmoins de faire débat, certains modèles étrangers étant régulièrement érigés en exemple (3).

La première tentative de juridicisation de la structure gouvernementale en 1791
La première tentative de juridicisation de la structure gouvernementale française remonte au décret à valeur législative relatif à l’organisation des ministères des 27 avril et 25 mai 1791. Ce texte officialise six fonctions ministérielles dont il définit très précisément les contours : celles de ministre de la Justice, de ministre de l’Intérieur, de ministre des contributions et des revenus publics, de ministre de la guerre, de ministre de la marine et de ministre des affaires étrangères. De manière analogue, l’article 150 de la Constitution du 22 août 1795 prévoit que « le Corps législatif détermine les attributions et le nombre des ministres », ce nombre étant de « six au moins et de huit au plus ».  Dans la pratique, cette limitation du nombre de titulatures ministérielles est plus ou moins respectée jusqu’au Premier Empire, avant que Napoléon 1er ne vienne nommer discrétionnairement dix ministres le 18 mai 1804. Au cours des décennies qui suivent, malgré l’absence de nouvelles dispositions constitutionnelles et législatives – à l’exception de celles de la Constitution du 4 novembre 1848 –, la structure gouvernementale se stabilise autour d’« un nombre réduit de ministres titulaires » et ce, jusqu’aux débuts de la Troisième République .

Progressivement pourtant, à partir de la fin du XIXe siècle et plus encore, après la Première guerre mondiale , cette parcimonie dans la distribution des responsabilités gouvernementales laisse place à une véritable inflation ministérielle. C’est pourquoi, une seconde tentative d’encadrement législatif de la structure gouvernementale va être tentée.

La seconde tentative de juridicisation de la structure gouvernementale en 1920

L’article 8 de la loi du 20 juin 1920 dispose que « toute création de ministères ou de sous-secrétariats d’État, tout transfert d’attribution d’un département ministériel à un autre ne peuvent être décidés que par une loi ». Dans les faits, ce texte reste derechef inappliqué . En effet, de nouveaux ministères sont créés par voie réglementaire sans autorisation législative préalable, le Parlement votant systématiquement les crédits sollicités par le Gouvernement à l’occasion des lois de finances .

Mieux, avec l’article 3 de l’ordonnance du 6 janvier 1945ainsi que la loi du 24 novembre 1945, le législateur finit par reconnaître l’autonomie du pouvoir exécutif en matière d’organisation gouvernementale comme en atteste l’exposé des motifs de cette dernière : « dans la tradition républicaine, constituée sur ce point par l’article 16 de la loi de finances du 30 décembre 1882 et par l’article 35 de la loi de finances du 13 avril 1900, l’organisation des ministères est fixée par le pouvoir exécutif, au moyen de décrets pris en la forme de règlements d’administration publique ou de décrets ». En 1958, le constituant s’interroge encore ; il envisage de réglementer la structure du Gouvernement au moyen d’une loi organique mais finit par consacrer l’autonomie du pouvoir exécutif à l’article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958. Pour autant, cette autonomie ne cessera jamais de faire débat au sein de la doctrine, de la classe politique et de l’opinion publique.

Le débat persistant autour de la nécessité de réglementer la structure gouvernementale

Si l’autonomie dans la composition du Gouvernement n’a plus jamais été remise en cause par aucun texte après la loi de 1920, elle n’a jamais cessé de susciter la discussion. Au cours des dernières décennies, les propositions visant à encadrer l’autonomie compositionnelle du Gouvernement se sont multipliées à l’appui d’arguments qui méritent considération .

À cet égard, si le rapport Balladur de 2008 et la révision constitutionnelle du 21 juillet 2008 semblaient avoir clos le débat en se prononçant en faveur du maintien de l’autonomie organisationnelle du couple exécutif, l’absence de formalisation de la structure gouvernementale continue de prêter le flanc à la critique.

Au regard des expériences étrangères, certains commentateurs estiment que l’encadrement juridique de la structure gouvernementale constituerait un gage de modération des effectifs ministériels. Très régulièrement, des voix s’élèvent pour réclamer une codification de la structure gouvernementale en arguant qu’il existerait une corrélation entre autonomie du pouvoir exécutif et inflation ministérielle. Lors de la réunion des Conseils des ministres francoallemands, nombreux sont par exemple les commentateurs qui font remarquer qu’il y a deux fois plus de membres au sein du Gouvernement français que dans les rangs de l’équipe gouvernementale allemande. Or, est-ce vraiment l’encadrement juridique de l’autonomie du pouvoir exécutif qui permet de limiter l’inflation ministérielle ? Nombre de démocraties occidentales ont fixé par voie constitutionnelle et/ou législative le nombre de membres de leur Gouvernement . Tel est par exemple le cas de la Belgique, de l’Italie, de l’Autriche, de l’Espagne, de la Norvège ou de la Roumanie . Ainsi en va-t-il également des États-Unis où la liste des secrétaires est fixée par le Congrès ou de la Grande Bretagne pour laquelle le nombre de ministres est déterminé par le Parlement. Or, de telles limitations juridiques ne sont pas mécaniquement synonymes de gouvernement resserré. Pour ne prendre que l’exemple britannique, le Parlement permet au Premier ministre de nommer jusqu’à une centaine de membres au sein de son équipe !

A contrario, nombre de constitutions étrangères laissent toute latitude au pouvoir exécutif pour déterminer lui-même la structure gouvernementale, sans forcément rencontrer de problème d’inflation ministérielle. Ainsi de l’Allemagne, dont la loi fondamentale du 23 mai 1949 confère une totale liberté au Chancelier dans la structuration de son Gouvernement, ce qui n’empêche pas ce pays d’avoir un nombre de ministres limité. D’autres pays ont fait le choix de l’autonomie du pouvoir exécutif en la matière, tels que le Portugal, les PaysBas, la Pologne, la Finlande, le Luxembourg ou encore, de la Suède. Entre ces pays, les effectifs gouvernementaux peuvent varier du simple au double, comme entre le Portugal et la Suède par exemple, la composition du Gouvernement dépendant d’abord et avant tout de la culture politique propre à chacun d’entre eux. Pour ce qui concerne la France finalement, le pouvoir exécutif a fini par remporter le combat : le constituant et le législateur organique ont abdiqué, restant relativement taciturnes quant à la composition du Gouvernement.

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Table des matières

Introduction générale
PREMIÈRE PARTIE L’AUTONOMIE VARIABLE DU GOUVERNEMENT DANS SON ORGANISATION POLITIQUE
TITRE 1ER – L’autonomie variable du Gouvernement en matière organique
Chapitre 1er – L’autonomie variable dans la création et la structuration des organes politiques gouvernementaux
Chapitre 2nd – L’autonomie variable dans la définition du statut des membres du Gouvernement
TITRE 2ND – L’autonomie variable du Gouvernement en matière fonctionnelle
Chapitre 1er – L’autonomie variable dans la définition des fonctions propres à chaque membre du Gouvernement
Chapitre 2ème – L’autonomie variable dans la définition des fonctions communes à tous les membres du Gouvernement
Chapitre 3ème – L’autonomie variable dans la définition des fonctions des organes politiques de délibération gouvernementale
SECONDE PARTIE LA PLEINE AUTONOMIE DU GOUVERNEMENT DANS L’ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION GOUVERNEMENTALE
TITRE 1ER – La pleine autonomie du Gouvernement en matière organique
Chapitre 1er – La pleine autonomie dans la création et la structuration des organes de l’administration gouvernementale
Chapitre 2nd – La pleine autonomie dans le recrutement et la définition du statut des collaborateurs de l’administration gouvernementale
TITRE 2ND – La pleine autonomie du Gouvernement en matière fonctionnelle
Chapitre 1er – La pleine autonomie dans la définition des fonctions des cabinets ministériels et de leurs membres
Chapitre 2ème – La pleine autonomie dans la définition des fonctions des organes chargés de la coordination gouvernementale placés auprès du Premier ministre
Chapitre 3ème – La pleine autonomie dans la définition des fonctions des organes de l’administration centrale
Conclusion générale
Bibliographie
Dispositions textuelles relatives à l’organisation du Gouvernement
Annexes

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