L’autonomie dans les programmes, au service du climat de classe

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Développement de la personnalité – La théorie du développement psychosocial d’E.Erikson

Selon la théorie développée par le psychanalyste Erik Erickson, l’enfant, entre, vers 3 ans, dans le troisième stade de développement de sa personnalité, celui de la crise « initiative versus culpabilité ». Ayant acquis l’autonomie et la confiance nécessaire durant les deux premiers stades, l’enfant est désormais prêt à passer à l’action, de façon indépendante, en prenant des initiatives. Comme ces initiatives dépassent parfois les limites imposées par les adultes, elles ne sont pas toujours bien perçues par ceux-ci, qui vont alors freiner ces initiatives, entraînant un sentiment de culpabilité chez l’enfant. L’enjeu de ce stade est donc pour l’enfant de réussir à adapter ses prises d’initiatives au cadre imposé, de développer sa capacité à se donner un but, afin d’assumer ses initiatives sans être inhibé par la culpabilité. L’enjeu pour l’adulte, et l’enseignant particulièrement, est donc de donner aux enfants de maternelle un cadre favorisant la prise d’initiative et l’autonomie tout en maintenant la discipline nécessaire au développement de l’enfant.
L’enseignant en maternelle doit donc tenir compte, dans ses attentes par rapport aux élèves, des critères du stade de développement socioaffectif de l’enfant : le début de la construction de l’estime de soi, qui est modulée par les regards extérieurs, et particulièrement par ceux de l’adulte, la maitrise de ses propres émotions et le décryptage de celles de son entourage qui l’aide à développer l’empathie, puis progressivement un comportement tourné vers l’autre, le comportement prosocial. L’enseignant doit également tenir compte du stade de développement de la personnalité de l’enfant, qui doit réussir à trouver un équilibre initiative / culpabilité pour être capable de choisir ses buts.

Des caractéristiques du stade préopératoire de Piaget

Parmi toutes les caractéristiques du stade préopératoire que traverse l’enfant de 2 à 6 ans, selon Piaget, deux paraissent intéressantes dans le cadre de ce mémoire : la transduction, et l’égocentrisme.
« La transduction en psychologie du développement est un type de raisonnement typiquement utilisé par des enfants de deux à sept ans, précédant l’apparition du raisonnement par induction et par déduction » Piaget (1925). La transduction est la capacité d’établir un lien, logique ou non, entre deux évènements proches dans le temps. Il ne s’agit pas de logique inductive (exemple : tous les élèves de ma classe sont nés en 2014, donc les élèves de Moyenne Section sont tous nés en 2014), ou déductive (exemple : les élèves de Moyenne Section sont nés en 2014, donc tous les enfants de ma classe sont nés en 2014). L’enfant, au stade préopératoire, établira un lien de cause à effet, parfois non-existant, entre deux évènements s’ils surviennent en même temps, ce qui lui permet d’établir un lien entre l’action d’un élève, et la réaction d’un autre.
Selon Piaget toujours, une des principales limites du stade préopératoire, et par conséquent du développement cognitif de l’enfant, est la centration : la tendance à se centrer uniquement sur un aspect d’une situation. L’égocentrisme, qui est une forme de centration, consiste en l’impossibilité, pour l’enfant, de prendre en compte le point de vue d’une autre personne. Diane E.Papalia et Ruth D.Feldman, donnent l’exemple d’une petite fille de 4 ans qui, regardant la mer, demande à son père si les vagues continuent de déferler « même quand on dort ? ». Le jeune enfant, vers trois ans, pense être le centre du monde et il a beaucoup de mal à décentraliser son point de vue.

La maîtrise du langage

Entre l’entrée à la maternelle et l’entrée à l’école élémentaire, le vocabulaire expressif de l’enfant s’enrichit en moyenne de 1600 mots et passe de 1000 à 3 ans, à 2600 vers 6 ans. (Robert E. Owens, 2015). Cette capacité à enrichir son vocabulaire aussi rapidement est possible grâce à la « catégorisation rapide », un processus qui permet à l’enfant de faire une hypothèse sur la signification d’un mot jusqu’alors inconnu, en fonction du contexte, et de le stoker dans sa mémoire.
Autour de 4-5 ans, le langage se complexifie, contient de plus en plus de conjonction, et la conjugaison des verbes à l’imparfait et au futur commence à être maitrisée.
Dès son entrée en maternelle, l’enfant commence à être capable de langage social : il connait les règles qui régissent la communication, sait demander quelque chose, raconter une histoire, donner une explication, et il est en mesure d’ajuster son langage en fonction de son interlocuteur afin d’être compris.

Les fonctions exécutives de l’enfant

Les fonctions exécutives sont les compétences cognitives qui permettent à l’enfant d’agir de façon organisée pour atteindre ses objectifs. Les experts en relèvent trois principales : la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive.
« Il nous faut une bonne mémoire de travail, qui nous permette de garder en mémoire des informations et de les organiser ; un bon contrôle inhibiteur, qui nous permette d’inhiber les distractions pour rester concentré, de contrôler nos impulsions, nos émotions, ou les gestes inappropriés ; et enfin, nous avons besoin de flexibilité cognitive, pour être créatif et ajuster nos stratégies en cas d’erreurs » (C.Alvarez, 2016)
Le potentiel de l’enfant, selon The Center on the Developing Child, commence à se développer autour de 3 ans, et se développe très rapidement entre 3 et 5 ans. C’est donc à l’âge où l’enfant est maternelle qu’il va développer ses capacités à retenir une consigne, organiser son travail pour la respecter (mémoire de travail), se concentrer sur une tâche sans se laisser divertir, attendre son tour, contrôler ses émotions (contrôle inhibiteur), et s’adapter, changer de stratégie si celle utilise s’avère inefficace (flexibilité cognitive).
Le cerveau de l’élève de maternelle, de moyenne section particulièrement, doit donc mener le combat sur (et sous !) tous les fronts : transduction, décentration, enrichissement du langage et adaptation en fonction de l’intention et l’interlocuteur, mémoire de travail, contrôle inhibiteur et flexibilité cognitive… L’enseignant doit donc tenir compte, dans ses demandes, du fait que les capacités cognitives de ses élèves sont déjà extrêmement sollicitées rien que par le fait d’être dans une classe, entourés d’autres enfants. Il doit encourager le développement de ces capacités, tout en tenant compte des limites que leur impose leur âge.

Qu’est-ce qu’un bon climat de classe en maternelle ?

Le School Climate Center définit le climat scolaire en ces termes : « le climat scolaire renvoie à la qualité et au style de vie à l’école. Le climat scolaire repose sur les modèles qu’ont les personnes de leur expérience de vie à l’école. Il reflète les normes, les buts, les valeurs, les relations interpersonnelles, les pratiques d’enseignement, d’apprentissage, de management et la structure organisationnelle inclus dans la vie de l’école. ».
La notion de « climat scolaire » est souvent associée, d’après les recherches que j’ai pu mener, sur internet ou dans différents écrits répertoriés sur ce thème, aux classes de 2nd degré. On la retrouve souvent rattachée à la notion de « sécurité scolaire », et aux termes de « harcèlement » ou de « violences à l’école », qui semblent effectivement plutôt correspondre à des élèves plus âgés que ceux d’une classe de maternelle.
Cependant, au regard de la principale mission de l’école maternelle, confiée aux enseignants du 1er degré qui est, selon les programmes du B.O. 2015 de « donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité », il est naturel de penser que c’est, pour un enfant entre 3 à 5 ans, principalement le bon climat de la classe qui permettra aux enseignants de procurer aux enfants un certain bien-être, et donc l’envie d’aller à l’école.
« L’amélioration du climat scolaire et le développement des compétences sociales des enfants en particulier l’empathie apaisent l’ensemble des relations au sein de l’école ». (OIVE/Unicef, 2011)

Un des leviers du climat scolaire en maternelle

Selon le guide Eduscol « Agir sur le climat scolaire à l’école primaire », un des principaux leviers de l’amélioration du climat scolaire est l’apprentissage des compétences sociales : « Un apprentissage des compétences sociales entraîne sur une période de 3 à 5 ans une augmentation des résultats scolaires et une diminution de la violence. »
Il faut pour cela, toujours selon ce guide Eduscol, que la qualité du climat scolaire soit une responsabilité collective, des élèves aussi bien que de l’enseignant, et qu’il soit le résultat d’une implantation de pratiques quotidiennes, et non de programmes exceptionnels.
Ce mémoire porte donc sur l’amélioration d’un des multiples facteurs du climat scolaire, selon la définition donnée par le School Climate Center : les relations interpersonnelles au sein de la classe.
Il se trouve que l’enseignant est tributaire, pour cet apprentissage des compétences sociales, du niveau d’autonomie de ses élèves, car « c’est à travers un comportement autonome que peut s’apprécier, en partie du moins, un comportement socialisé » (Hoffmans-Gosset, 2000). Un enfant qui n’est pas dépendant de l’adulte, de son aide, de son affection, ne pourra pas se tourner vers les autres et les accepter comme libres d’agir et de s’exprimer.

L’autonomie collective

L’autonomie, telle qu’elle est entendue dans ce mémoire, ne concerne pas l’individu élève, mais le « groupe élèves », car c’est dans des contextes de vie collective qu’il est le plus question d’autonomie : « non pas parce que le FAIRE SEUL soit s’en dégager, mais parce qu’il doit être construit dans la coexistence et l’interdépendance » (Hoffmans-Gosset 2000). Je parlerai donc plutôt d’autonomie collective : la capacité pour le groupe classe, ou le groupe élève, à s’auto-réguler, en s’émancipant de jugement de et de l’intervention de l’adulte.

La définition de l’autonomie

L’autonomie est une notion complexe, qu’il est possible de définir selon de multiples critères et qui se présente et s’exprime sous plusieurs formes.
Le mot « autonomie » vient du grec « autos » : soi-même et « nomos » : loi, règle. La définition du petit Robert : « Droit de se gouverner par ses propres lois », si elle se rapporte assez bien à l’objectif visé en classe dans le sens où les élèves doivent s’approprier les lois de la vie en communauté, et en faire, donc, leurs « propres lois », ne peut cependant pas s’appliquer mot pour mot dans notre contexte. Il ne s’agit pas, en effet, de donner le droit aux élèves d’établir leurs règles, mais de mettre en place tout un cheminement de réflexions et d’apprentissages qui mènera les élèves à établir ces règles, et à se passer de l’adulte pour les appliquer.
Hervé Caudron distingue trois grandes conceptions de l’autonomie, la conception « techniciste », la conception inspirée des pédagogie nouvelles, et la conception humaniste. C’est cette dernière qui semble de rapporter le mieux à notre objectif, elle se réfère à une idée de l’homme comme être de raison et de liberté, et donc aussi de culture : «[…] seule une raison cultivée, éclairée, peut être source d’autonomie à la fois intellectuelle et morale. Loin d’être un processus naturel, alimenté simplement par le goût de l’initiative […] l’émancipation du jugement suppose un effort pour mettre à distance convictions et opinions toutes faites ».
Si nous transférons cette conception à notre environnement de maternelle, je la traduirais ainsi : l’autonomie n’est pas naturelle, elle suppose un effort : un éclairage de la raison par la culture (la littérature jeunesse, plus particulièrement).
Une des valeurs de l’autonomie, selon Caudron, est l’appel à la réflexion et à la conscience : « Toutes les disciplines devraient concourir à former pour chacun la capacité de juger, en toute indépendance, de ce qui est vrai ou faux, bien ou mal, beau ou laid ».
Pour Philippe Meirieu, « l’autonomie n’est pas un don. C’est quelque chose comme la capacité de comprendre et de maîtriser les situations dans lesquelles on est inséré, la capacité de « faire face ». Et, cette capacité s’acquiert à travers des apprentissages que l’école doit mettre en place ».
Voici donc l’autonomie telle qu’elle est envisagée ici, non comme un droit donné aux élèves, une modalité de travail, ou une capacité à réaliser techniquement des tâches sans l’aide de l’adulte, mais comme la faculté à détacher son jugement de celui de l’adulte, et, dans le cadre de ce mémoire, à trouver les ressources, en soi et plus particulièrement dans le groupe élèves, pour faire face à des situations qui perturbent le climat de classe.
Philippe Meirieu précise également le rôle et les responsabilité de l’enseignant dans cet apprentissage : « Or, être autonome c’est accéder progressivement aux enjeux de ses propres actes et non agir en fonction des seuls intérêts du moment sans apercevoir le type de société qui se profilerait si ces comportements étaient systématisés. Et, dans ce domaine, les enseignants ont une responsabilité toute particulière : c’est à eux d’assurer, à travers les apprentissages scolaires, la formation à certaines valeurs fondatrices de l’humanité. C’est à eux d’amener, en particulier, les élèves à surseoir à la violence immédiate dans leurs actes et leurs paroles et à réfléchir avant d’agir… […] des attitudes quotidiennes dans le dialogue en classe sont ici déterminants. Certes, les enseignants ne sont pas les seuls à devoir former de telles attitudes, mais ils ont à y contribuer, à travers leur spécificité. »
Voyons maintenant la manière dont l’autonomie, et le rôle de l’enseignant sont envisagés dans les programmes.

L’autonomie dans les programmes, au service du climat de classe

Les termes « autonomie », « autonome » sont peu mentionnés dans les programmes du cycle 1 du BO 2015. Mise à part la partie sur l’apprentissage de « l’écriture autonome » qui nous concerne moins dans le cadre de ce mémoire, voici les deux extraits du programme où apparaissent ces deux termes : « Apprendre en jouant : Le jeu […] permet aux enfants d’exercer leur autonomie, d’agir sur le réel, de construire des fictions et de développer leur imaginaire, d’exercer des conduites motrices, d’expérimenter des règles et des rôles sociaux variés. »
« Apprendre en réfléchissant et en résolvant des problèmes : Mentalement, ils recoupent des situations, ils font appel à leurs connaissances, ils font l’inventaire de possibles, ils sélectionnent. Ils tâtonnent et font des essais de réponse […] Ces activités cognitives de haut niveau sont fondamentales pour donner aux enfants l’envie d’apprendre et les rendre autonomes intellectuellement. »
Le premier extrait fait plutôt référence à la faculté de « faire tout seul », alors que le deuxième se réfère au fait de « réfléchir tout seul ».
Si les termes ne sont que peu employés, ils sont cependant évoqués à travers d’autres aspects des apprentissages que l’enseignant doit développer, en particulier dans le sous-paragraphe 3.2 du programme : « Se construire comme personne singulière au sein du groupe. »
« Se construire comme personne singulière c’est découvrir le rôle du groupe dans ses propres cheminements, participer à la réalisation de projets communs, apprendre à coopérer. C’est progressivement partager des tâches et prendre des initiatives et des responsabilités au sein du groupe. […] Progressivement, les enfants sont conduits à participer à une élaboration collective de règles de vie adaptées à l’environnement local ».
Sur cet extrait principalement repose l’idée d’autonomie collective travaillée en classe. Il fait partie du paragraphe 3 : « Une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble » et les termes « groupe » « coopérer » « initiatives » « responsabilité » et « règles de vie » correspondant à tous les points forts travaillés pour atteindre notre objectif d’un climat de classe plus serein.

L’empathie et le comportement prosocial

Très tôt, avant 2 ans, l’enfant est capable d’empathie, de ressentir ce qu’une autre personne ressent, sans que cette empathie engendre un comportement spécifique. En maternelle, les élèves apprennent à se servir de cette empathie pour développer un comportement prosocial ou altruiste. Les élèves de ma classe, dès le début de l’année scolaire étaient capables de comprendre leur propre émotion à l’instant t, de l’exprimer, et ils étaient également capables d’identifier, chez leurs camarades, d’après leur expression faciale et leur attitude, l’émotion ressentie. Ils n’étaient cependant pas tous capables d’associer cette capacité d’empathie et de lecture des émotions chez les autres, à un comportement prosocial. Nous avions régulièrement le cas, lors du regroupement où les élèves sont tous un peu serrés sur les bancs (chacun a une place attitrée) où un élève, Arthur, restait debout au milieu des bancs, à pleurer parce que d’autres élèves prenaient sa place. Tous les élèves comprenaient la situation, certains même avaient de la peine à voir Arthur pleurer, mais cela ne les incitait cependant pas à se serrer un peu pour lui laisser une place.
Nous nous sommes servis de cet exemple pour réfléchir sur les émotions qui étaient provoquées par les élèves, et la manière dont les élèves eux-mêmes pouvaient influencer ces émotions, en bien. Nous étions tous d’accord sur le fait qu’à l’école, où nous passions tous beaucoup de temps, nous devions nous sentir bien. Ainsi nous avons cherché des idées, afin de lister tous les comportements altruistes qui pouvaient aider les camarades à se sentir mieux. Je voulais que ces discussions nous mènent à retenir 3 mots clefs, que les enfants pourraient garder en mémoire : aider, consoler, et partager.
Nous avons illustré ces 3 mots clefs par des photos, que nous avons affichées dans la classe. Après nous être penchés sur les relations des élèves au sein de la classe, nous avons, un peu plus tard, au cours de la période 4, mis en place, cette fois-ci au sein de toute l’école, un projet du vivre ensemble visant à améliorer les relations entre les classes, et d’apaiser le climat dans la cour de récréation. Nous souhaitions réaliser un affichage commun listant et illustrant les idées de partage et d’entraide que chaque enseignant avait, plus ou moins, selon le besoin, évoquées en classe. Ces affichages devaient représenter les pensées de nos élèves. Ce projet nous a permis de revenir sur les notions clefs que nous avions déjà abordées dans la classe, en « creusant » un peu plus le sujet par un débat philosophique. Pendant une semaine, chaque matinée était consacrée à poser une question aux élèves et à lister leurs réponses, en leur expliquant que nous allions ensuite taper ces réponses à l’ordinateur, pour les partager sur une grande affiche visible par tous.
Les questions posées, choisies lors du conseil des maîtres, étaient les suivantes : « C’est quoi « avoir un ami » ? Comment peut on faire attention aux autres ? Comment aider un autre enfant ? C’est quoi « partager » ? ».

Se passer de l’adulte pour respecter les règles de vie

Selon la théorie de E.Erickson expliquée en première partie, les enfants de notre classe sont au stade « initiative versus culpabilité » : notre rôle en tant qu’adulte, est de les encourager à cette prise d’initiative et de valoriser cette autonomie, sans qu’ils soient inhibés par la peur de la punition, tout en imposant un cadre et la prise en compte des autres.
L’établissement de ce cadre passe par la mise en place des règles de vie dans la classe, et dans l’école, et il est absolument impératif que ce cadre soit bien connu et compris des élèves pour qu’ils se l’approprient et s’y limitent. J’ai donc travaillé dans ce but, afin d’amener tous les élèves à tenir compte des limites, tout en essayant de les inciter à l’autonomie collective : se passer de moi pour que le groupe classe reste dans le cadre.
En effet, au même titre que les conflits, les manquements de respect aux règles du vivre ensemble étaient régulièrement des occasions pour les élèves de me solliciter, pour dénoncer leurs camarades. Mon objectif était encore une fois d’améliorer le climat de classe non pas en évitant tout manquement aux règles de vie, mais en donnant aux élèves les outils pour réagir, en se passant de l’intervention de l’adulte, grâce à la construction autonome de ces règles, établies, testées, et formulées par les élèves eux-mêmes.

La mise en place des règles de vie

Nous avons fait, peu de temps après la rentrée de septembre, avec mon binôme, un petit état des lieux des connaissances de nos élèves en termes de règles de vie. Tous les élèves ayant été scolarisés en petite section l’année précédente, la plupart dans notre école, les règles étaient déjà connues. Les élèves « savaient » qu’il ne fallait pas faire du mal à l’autre ou se mettre en danger, et ils nous ont dicté toutes une liste d’actions interdites en classe, faisant preuve d’une grande imagination (« ne pas griffer les yeux », « ne pas monter dans les lavabos », « ne pas cracher dans les cheveux » etc.), laissant penser qu’ils avaient déjà une petite expérience en ce domaine. Nous n’avons donc pas relevé tous ces détails et avons fini par tomber d’accord pour dire que les règles de classe devaient servir à ce que tout le monde se sente bien et en sécurité dans la classe et dans l’école, en insistant sur le fait que « tout le monde » = moi + les autres :
Je me respecte moi : j’ai le droit d’être heureux dans la classe/école, d’y travailler dans de bonnes conditions, d’y jouer sans me mettre en danger, et de m’y exprimer en étant écouté. Je respecte les autres : les autres ont le droit d’être heureux dans la classe/école, d’y travailler dans de bonnes conditions, d’y jouer sans être mis en danger et de s’y exprimer en étant écouté.
A partir du moment où ces deux principes ont été établis, j’ai essayé, à chaque « infraction » commise par un élève, de faire comprendre, à lui et aux autres, en quoi son action y dérogeait. Nous en sommes donc venus à des règles plus spécifiques, que nous avons élaborées tous ensemble, à l’issu de courts débats.
Les élèves de ma classe ont, mis à part quelques dérapages occasionnels, un comportement tout à fait « normal » en classe : aucun élève ne cherche délibérément à nuire aux autres ou à endommager le matériel. Les dérapages occasionnels (gribouiller sur les tables, casser les mines de crayons ou de feutre en tapant avec sur une table, vol des gommes ou des craies) ne concernent que peu d’élèves, qui sont tout à fait conscient d’enfreindre les règles de vie, ce genre de cas n’a pas fait l’objet de débat. Nous avons cependant discuté, comme nous le verrons par la suite, de la manière de réparer l’infraction commise.
Toutes les règles de vie que nous avons élaborées ensemble concernent donc les petites infractions inconscientes aux règles du vivre ensemble, et en discuter a aidé, justement, cette prise de conscience : en quoi mon action ne respecte pas les autres ou moi-même ?
Voici la liste exhaustive des règles établies après discussion depuis le début de l’année : Tenir la rampe et ne pas se doubler dans les escaliers, ne pas courir dans les couloirs, parler doucement pour ne pas déranger les autres, lever le doigt pour parler en regroupement, ne pas se jeter sur le matériel quand tout le monde doit se servir, reboucher les feutres, ranger le matériel après utilisation, ne pas pousser les autres pour passer le premier, au maximum deux élèves au lavabo de la classe pour boire, attendre que tout le monde soit servi pour manger.

L’appropriation des règles par la responsabilisation

Une fois les règles établies ensemble, donc à priori comprises, il fallait que les élèves se les approprient. Bien sûr le fait que nous convenions tous qu’il ne fallait pas se pousser pour passer devant les autres n’a pas empêché les élèves de se pousser pour passer devant les autres. Cela en a empêché certains, qui faisaient de gros efforts pour se contrôler, et ressentaient du coup une grande frustration à réaliser qu’ils étaient les seuls.
J’ai donc proposé, en période 4, aux élèves, en vue de l’appropriation des règles, d’avoir de nouvelles responsabilités, au sein de chaque groupe de couleur. Nous avions alors, mis en place dès le début de l’année, un tableau des responsabilités, qui relevaient plutôt d’une question d’organisation (responsable date / cahier de cantine / comptage et chef de rang) que de régulation.
Nous avons 4 groupes fixes de travail, qui nous servent principalement pour la motricité, mais aussi souvent pour le travail en atelier dans la classe.
J’ai donc ajouté, au sein de chaque groupe de 7 enfants, et pour 1 semaine à chaque fois, un responsable niveau sonore et un responsable matériel, qui étaient selon moi les deux points les plus problématiques. Mon idée était qu’un élève responsable du respect des règles pour son groupe s’approprie forcément les règles, puisqu’il est chargé pendant toute une semaine de les rappeler aux autres ; et si tous les élèves s’approprient les règles, ils n’auront plus besoin de l’adulte pour leur rappeler.
L’objectif de ses responsabilités tournantes était également que les élèves ne sollicitent plus l’enseignant lors du non-respect d’une règle, mais règlent le problème par l’intermédiaire du responsable de la semaine.
Au départ, le premier reflexe du responsable, lorsqu’un élève ne respectait pas une règle, était de me solliciter. J’ai donc insisté pendant plusieurs semaines, pour que le responsable « assume » ses responsabilités : si tel élève maltraitait le matériel, je demandais au responsable de lui expliquer pourquoi c’était enfreindre les règles de vie, et en quoi cela nuisait à la classe entière. Je me suis arrangée pour que les responsables soient d’abord les élèves qui posaient le plus de problèmes.
Comme lors dans les cas de conflit, il a fallu donner aux élèves les outils leur permettant de « réparer » eux-mêmes un cas d’infraction aux règles de vie, en se passant de l’adulte. Nous avons pour cela réfléchi, avec les élèves, en nous appuyant sur certains cas précis, aux différentes réactions de nous pouvions avoir, et ce que ces réactions amélioraient (ou non) dans notre vie à l’école.

Les outils pour réparer une infraction

Un des cas précis que nous avons évoqués en classe était celui du vol de gommes. Pendant quelques semaines, en période 3 (à la suite d’un réapprovisionnement en jolies petites gommes bien blanches) j’ai pu constater une diminution des stocks, à raison de 1 ou 2 par semaines. J’avais de forts soupçons sur les auteurs de ces vols, ayant déjà surpris certains élèves à prendre des petits morceaux de craies au tableau et je les avais déjà sermonnés à ce sujet, en vain, apparemment. Nous en avons donc discuté en classe, lors du regroupement, et j’ai demandé aux élèves de proposer des solutions pour régler le problème, en leur expliquant bien que nous ne cherchions pas un moyen de punir les coupables, mais un moyen de réparer la faute. Les élèves ont alors proposé : que je rachète des gommes, que tous les élèves rapportent des gommes de leur maison, que je confisque toutes les gommes, que les élèves qui avaient pris des gommes rendent les gommes.
Nous avons ensuite cherché la solution qui permettait aux coupables de réparer leur faute et en sommes venus à la seule solution possible : que les élèves rendent les gommes volées. A la suite de cette discussion, aucune gomme n’a été rendue, mais aucune gomme n’a non plus disparu… L’important était de faire comprendre aux élèves cette notion de réparation, et que la faute importait peu – un enfant de 5 ans fera toujours des bêtises, volontaires ou non – tant que l’auteur de cette faute cherchait un moyen de la réparer.
Comme pour les cas de conflit j’ai par la suite interrompu la classe à chaque fois qu’un élève ne respectait pas une des règles de vie de la classe, en sollicitant les élèves pour qu’ils proposent une « réparation » adaptée. Nous avons, de la sorte, convenu de la réaction à avoir pour chaque cas d’infraction, toujours pour améliorer notre vie dans la classe : s’excuser auprès de ses voisins quand on parle trop fort, se mettre à la fin de la ligne quand on double dans les escaliers, refaire le trajet en marchant lorsqu’on court dans les couloirs… etc.
L’objectif étant que les élèves s’approprient non seulement les règles, mais également la manière d’intervenir lorsque ces règles étaient enfreintes, afin, encore une fois, de pouvoir se passer de l’adulte.

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Table des matières

1. Cadre du mémoire
1. Développement psychologique de l’enfant de 3 à 5 ans
1. Développement socioaffectif de l’enfant en maternelle
1. Concept de soi et estime de soi
2. Régulation des émotions
3. Développement social : les premiers amis
4. Développement de la personnalité – La théorie du développement psychosocial d’E.Erikson
2. Le développement cognitif de l’enfant en maternelle
1. Des caractéristiques du stade préopératoire de Piaget
2. La maîtrise du langage
3. Les fonctions exécutives de l’enfant
2. Le climat de classe en maternelle
1. Qu’est-ce qu’un bon climat de classe en maternelle ?
2. Un des leviers du climat scolaire en maternelle
3. L’autonomie collective
1. La définition de l’autonomie
2. L’autonomie dans les programmes, au service du climat de classe
2. Présentation de la problématique
1. La régulation autonome des conflits
1. L’analyse des émotions
2. L’empathie et le comportement prosocial
3. Comprendre les causes d’un conflit
4. Les outils pour comprendre et intervenir lors d’une situation de conflit
2. Se passer de l’adulte pour respecter les règles de vie
1. La mise en place des règles de vie
2. L’appropriation des règles par la responsabilisation
3. Les outils pour réparer une infraction
3. Coopérer
1. Comprendre le dicton : l’union fait la force
2. Comprendre l’intérêt de l’entraide et de la coopération
3. Bilan et perspectives.
1. Autonomie collective pour la résolution des conflits
2. Autonomie collective pour le respect des règles de vie
3. Autonomie collective pour le travail en coopération
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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