L’architecture corticale du contrôle cognitif chez l’Homme

De toutes les espèces vivantes, nous nous considérons comme l’espèce la plus évoluée, voire comme l’aboutissement de l’évolution naturelle. En effet, malgré leur grande vulnérabilité physique, les premiers êtres humains ont réussi à survivre par leur seule supériorité intellectuelle. Ils ont ainsi peu à peu découvert et maîtrisé le feu, conçu des outils, développé des langues élaborées et des moyens de communication capables de transmettre leurs connaissances à travers les pays et les époques. Les capacités intellectuelles humaines, s’appuyant sur les connaissances amassées depuis des millénaires, nous assurent maintenant non seulement la survie, mais également un contrôle croissant sur notre environnement. La principale faculté qui confère à l’être humain ce que l’on appelle l’intelligence et lui permet d’apprendre aisément et continuellement de nouveaux concepts, c’est la flexibilité. Les animaux ayant moins de cent mille neurones (le cerveau humain en contient au moins cent milliards) peuvent trouver de la nourriture et éviter les prédateurs en exécutant des comportements stéréotypés en réponse aux stimulations de l’environnement. Les animaux ayant des cerveaux plus gros ont un comportement plus flexible, et sont capables de s’adapter au contexte dans lequel ils évoluent. Cependant la flexibilité a un coût : nos systèmes sensoriels nous donnent accès aux informations détaillées de notre environnement, nos systèmes moteurs nous fournissent un large répertoire d’actions possibles, mais cela induit inévitablement de l’interférence et de la confusion. Plus les informations que nous percevons sont riches, et plus nous avons de possibilités de comportements, plus la sélection des actions nécessite des fonctions attentionnelles, de prise de décision et de coordination pour résoudre l’incertitude induite par l’interférence et la confusion (Miller and Cohen, 2001).

Le cortex préfrontal

Le cortex préfrontal : phylogenèse et ontogenèse 

Le cortex préfrontal (CPF) correspond chez le primate à la partie antérieure du lobe frontal, la partie postérieure étant occupée par les aires motrices et prémotrices. Son rôle dans les processus cognitifs de haut niveau est pleinement compatible avec la phylogenèse et l’ontogenèse du cortex préfrontal. En effet, la taille relative du cortex préfrontal n’a cessé d’augmenter au cours du développement phylogénique, passant de 3,5% chez le chat à 11,5% chez le macaque, 17% chez le chimpanzé et enfin 29% du cortex chez l’humain (Brodmann, 1909)(Fig. 1).

Le développement important du CPF par rapport aux autres régions corticales chez l’humain serait principalement dû à une augmentation de la quantité de matière blanche, la quantité relative de matière grise restant semblable à celle du singe (Schoenemann et al., 2005 ; Semendeferi et al., 2002). Les capacités cognitives propres à l’être humain résulteraient ainsi moins de la quantité de cellules nerveuses présentes dans le CPF que de la quantité des connexions établies par celui-ci. Comme nous le décrirons plus bas, le CPF est en effet fortement interconnecté avec de nombreuses régions cérébrales. En son sein même, l’évolution n’a pas été homogène dans le temps : particulièrement, sa partie latérale s’est développée plus tardivement et plus largement que les autres régions (Fuster, 2002b). L’ontogenèse du CPF semble connaître les mêmes stades que sa phylogenèse : il se développe très tardivement chez l’humain, avec également une dynamique différente entre la matière blanche et la matière grise (Fuster, 2002b). Après la naissance, le volume de matière grise préfrontale augmente pour atteindre un pic durant l’enfance (entre 4 et 12 ans), puis diminue lentement avec l’âge (Pfefferbaum et al., 1994 ; Giedd et al., 1999). Le volume de matière blanche préfrontale, lui, augmente de la naissance jusqu’à l’âge adulte (Sowell et al., 2001 ; Toga et al., 2006). L’augmentation de la quantité de matière grise préfrontale est accompagnée d’une forte réduction de la densité synaptique (Huttenlocher, 1979), qui serait l’expression de la formation de réseaux cognitifs par un principe de spécialisation sélective (Edelman, 1987). Cette spécialisation serait suivie d’une augmentation des connexions distantes entre le CPF et les autres régions cérébrales : le CPF jouerait ainsi un rôle plus important et plus spécifique à mesure de la croissance. Le développement du CPF chez l’enfant est corrélé avec son développement cognitif, et le déploiement progressif de l’attention, du langage et de la créativité (Fuster, 2002b ; Diamond and Doar, 1989). La partie latérale du CPF est la plus lente à atteindre la maturité, vers l’adolescence (Huttenlocher and Dabholkar, 1997 ; Yurgelun-Todd, 2007)(Fig. 2).

Cytoachitecture et connectivité

L’étude cytoarchitectonique du CPF révèle une grande hétérogénéité. De nombreuses cartes cytoarchitectonique du cerveau humain ont été proposées, dont la plus connue est celle de Brodmann (Brodmann, 1909). Sa nomenclature est toujours utilisée, et des études ultérieures ont permis de l’actualiser (Pandya and Yeterian, 1996) (Fig. 3).

Chez le singe comme chez l’humain, le CPF se distingue des régions motrices et prémotrices par une couche granulaire interne plus développée (IV), surtout dans les régions latérales (Barbas and Pandya, 1989 ; Dombrowski et al., 2001). Cependant, la région du CPF humain située dans l’opercule frontal juste en avant des régions prémotrices (i.e., l’aire de Broca, impliquée dans la production du langage) présente une apparence dysgranulaire, et contient en effet une couche IV peu développée (Pandya and Yeterian, 1996) lui conférant un caractère de transition entre les régions prémotrices et les régions préfrontales plus antérieures. Un des principaux critères utilisé pour la caractérisation architectonique est la différenciation laminaire. Elle est caractérisée par deux gradients architectoniques : paleocortical et archi-cortical, progressant de régions constituées d’un allocortex primitif (faible densité neuronale, couches corticales peu différenciées, pas de bande granulaire) vers des régions isocorticales (forte densité neuronale, six couches corticales bien différenciées, bande granulaire). Ces gradients partent respectivement des régions ventrales et médiales (paralimbiques) pour aboutir tous deux au niveau du CPF latéral (hétéromodal) (Mesulam, 2002) (Fig. 4).

La connectivité du CPF est extrêmement riche. Ses différentes régions sont fortement interconnectées, avec une prédominance des connexions entre régions au sein d’un même gradient de différenciation laminaire. Les régions postérieures du CPF sont également très connectées avec les régions prémotrices. Le CPF possède de nombreuses connexions avec le cortex pariétal postérieur (i.e., régions associatives visuelles et auditives), ainsi qu’avec les régions du système limbique. Cette connectivité étendue et réciproque entre CPF et régions associatives postérieures suggère qu’il opère sur des informations provenant de toutes les modalités sensorielles. Le CPF ayant ainsi un accès privilégié à toutes les perceptions, internes et externes, il peut être considéré comme « la principale structure capable de synthétiser les mondes sensoriels intérieur et extérieur » (Nauta, 1971). Enfin, le CPF est connecté avec de nombreuses structures sous corticales, par des boucles cortico-striato-thalamo-corticales. Le noyau médio-dorsal du thalamus se projette spécifiquement sur le CPF (Fuster, 1997) : les régions hétéromodales sont connectées avec sa partie parvocellulaire, alors que les régions paralimbiques son connectées avec sa partie magnocellulaire (Mesulam, 2002). Toutes les régions préfrontales reçoivent en outre des inputs monoaminergiques et cholinergiques. Il existe plusieurs voies cortico-sous-corticales, chacune connectant une région du CPF avec des sous-régions spécifiques du striatum, du pallidum et du thalamus medio-dorsal (Alexander et al., 1986). On distingue la voie préfrontale latérale, la voie orbitofrontale latérale et la voie frontale médiale (Cummings, 1995 ; Carmichael and Price, 1996). Le dysfonctionnement de chacun de ces circuits produit un effet spécifique sur le comportement, suggérant que les régions médiale, orbitale et latérale du CPF sous-tendent des fonctions différentes.

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Table des matières

Introduction
I – Le cortex préfrontal
I.1 Le cortex préfrontal : phylogenèse et ontogenèse
I.2 Cytoachitecture et connectivité
I.3 Physiologie du CPF
I.3.1 Lésions du CPF chez l’humain
I.3.2 Apports des autres techniques d’investigation
I.3.3 CPF orbital, médial et latéral : des rôles distincts dans la sélection des comportements
I.4 Interactions entre CPF latéral et régions postérieures
I.4.1 Interactions fonctionnelles entre CPF latéral et régions postérieures
I.4.2 Physiologie des régions pariétales et temporales
II – Principales théories fonctionnelles du CPF latéral
II.1 Les limites du traitement de l’information par le CPF latéral
II.2 Les théories de la mémoire de travail
II.2.1 Alan Baddeley : fractionnement de la mémoire de travail
II.2.2 Patricia Goldman-Rakic : la mémoire de travail donne accès aux représentations des informations perceptuelles
II.2.3 Michael Petrides : spécificité des opérations effectuées
II.2.4 Discussion des théories de mémoire de travail
II.3 Contrôle attentionnel
II.3.1 Donald Norman et Tim Shallice : le système superviseur attentionnel
II.3.2 John Duncan : de l’intelligence fluide au codage adaptatif
II.3.3 Richard Passingham : la « sélection attentionnelle »
II.3.4 Earl Miller et Jonathan Cohen : contrôle « top-down » des buts sur la sélection des représentations
II.3.5 Discussion des théories du contrôle attentionnel
II.4 Contrôle temporel et hiérarchique
II.4.1 Jordan Grafman : Planification et génération de scripts
II.4.2 Joaquin Fuster : Intégration temporelle
II.4.3 Discussion des théories du contrôle hiérarchique
II.5 Mécanisme sous-jacent des fonctions du CPF latéral
II.6 Discussion des théories du CPF latéral
III – Le modèle en cascade du contrôle cognitif
III.1 Quantifier la sélection par la théorie de l’information
III.1.1 Fréquence des occurrences et activité neuronale
III.1.2 Sélection et quantité d’information
III.1.3 Généralisation
III.2 Principe d’organisation du CPF latéral
III.2.1 Dissociation fonctionnelle entre cortex prémoteur et CPF : contrôle sensoriel et contrôle cognitif
III.2.2 Niveaux d’intégration temporelle dans le CPF latéral : contrôle contextuel et contrôle épisodique
III.2.3 Sélection préparatoire des représentations
III.2.4 Validation du modèle en cascade : protocole expérimental
III.2.5 Hypothèses testées par chacune des études présentées dans les chapitres suivants
IV – Article 1 : The architecture of cognitive control in the human prefrontal cortex
V – Article 2 : Cognitive control and preparation within lateral frontal regions
VI – Article 3 : Contribution of the parietal cortex to executive control
VII – Discussion
Conclusion

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