L’architecture comme outil de résistance : les Cellules d’Absalon

Problématique et hypothèses

Dans ce mémoire, on se posera la question du travail de la perception par les architectes dans différents lieux. Tout d’abord, on s’intéressera à l’espace muséal, puis à l’espace d’habitation avant d’étudier le cas d’un espace de mémoire.
Aujourd’hui, les musées cherchent à se diversifier pour devenir plus attractifs. On parle de musées actifs, animés et accessibles. Ils sont généreux culturellement mais cherchent aussi la rentabilité et l’optimisation pour une population qui ne cesse d’augmenter. Dans cette décision d’attirer le public pour transmettre ces valeurs, on assiste aussi progressivement au développement du tourisme de mémoire. L’architecture est-elle entrainée dans une production excessive où l’argent prime sur les valeurs humaines ?
Le Modulor est la base de l’imagination et de la libération de l’inventivité en architecture. Il est réfléchi à partir de l’échelle humaine, et est basé sur des nombres et est applicable universellement à l’architecture et à la mécanique.
Cependant, lorsque nous parlons avec des chiffres tout devient figé et donc normalisé. Pourrions-nous imaginer un principe équivalent en 2020, qui se baserait sur la sensibilité et l’empathie de l’être humain ?
En fonction de leurs parcours et en fonction de leurs intérêts, les trois personnes que j’ai interviewées ont développé un certain point de vue sur le sujet. Ils ont travaillé directement ou indirectement avec les acteurs du Mémorial de l’Abolition de l’esclavage de Nantes. Pourtant, ils ne partagent pas les mêmes ressentis et leurs visions des créateurs de ce projet sont complètement différent.
Comment est-ce possible que des personnes vivant une même expérience n’aient pas les mêmes avis et ressentis ? Quels seront les critères ?
Ces divers questionnements nous conduisent à la problématique suivante : en quoi l’expérience des usagers révèle-t-elle les intentions de l’architecte à travers ses réalisations ?

Méthodologie

La tâche la plus urgente aujourd’hui serait sûrement de capter et d’essayer de définir ce qui est jusqu’ici méprisé et délaissé en architecture : le sens du sens. Il faudrait certainement soumettre nos recherches à l’épreuve du juste et de l’injuste, du visible et du sensible. Pour cela, je me suis intéressée à de nombreux livres traitant de la perception et des théories de conception en architecture. J’ai cherché à comprendre la manière dont un musée peut jouer avec nos perceptions pour mieux faire ressentir les œuvres d’art, et comment l’Homme devient l’auteur en architecture dans son espace d’habitation. Pour appuyer mes propos, j’ai étudié le cas du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes qui me semblait être un terrain d’étude très pertinent. D’abord, par son histoire et son rapport à la société, puis par l’ambiance si particulière qui fait de ce monument presqu’une œuvre à part entière. D’autant plus qu’il a été conçu par un architecte, Julian Bonder et un artiste, Krzysztof WODICZKO.
Dans un premier temps, pour décrire et restituer l’observation in situ du terrain, j’ai utilisé la méthode du questionnaire indirect basé sur trois variables : l’origine de la personne (âge, sexe, etc.), sa formation ainsi que les conditions de visite. L’initiation à la description ethnographique permet de décrire les espaces,les usages et les perceptions.
Dans un second temps, il est important de comprendre la notion de mémorial et de le définir pour mieux comprendre sa conception. Lors de mon étude sur le terrain, j’ai pu interviewer au total dix personnes sur une période de trois semaines. J’ai volontairement choisi de le réaliser sur une période creuse, tous les lundi et vendredi matin afin de viser un public non touristique. L’objectif de cette enquête est d’analyser les ambiances sur le site et d’interpréter les différents degrés de réception par les usagers.

Perception et sensation au profit de l’architecture

L’interprétation de nos perceptions fait partie des moyens qui permettent de comprendre et de produire l’espace en architecture. En devenant un lieu où se pose la question du sens des sens, l’espace peut aboutir à la prise de conscience de connaissance fondamentale dans la recherche architecturale. En cumulant l’intuition, la perception, l’interprétation et la pratique utilisées dans l’observation de l’environnement sensible et en les centrant sur la question de la forme, elles contribuent à préciser la quête expérimentale de l’espace.

La perception en architecture

Les architectures sensibles peuvent au premier abord être perçues comme une notion abstraite. Elles renvoient concrètement à l’expérience vécue et ressentie de ses usagers : facteurs temporels, climatiques, matériels, immatériels, finalement, lien entre la perception sensible de l’architecture par l’usage et la sensibilité propre du concepteur par le projet.
Lorsqu’on perçoit un rectangle rouge sur un fond gris, spontanément on croit voir un livre simplement en regardant sur la table. En réalité, à la perception se superpose une interprétation des données visuelles. Dans l’acte de perception, la connaissance se mêle donc à la pure sensation.
La perception est l’acte de percevoir par les organes. C’est une opération psychologique complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel. Nos perceptions du monde physique s’organisent en nous sous forme d’images qui représentent avec le plus de fidélité possible ce qui se passe autour de nous. Par exemple, la perception des couleurs est une perception visuelle qui réunit l’ensemble des sensations en rapport avec celle-ci, en une image mentale. Nos yeux ne sont pas simplement une fenêtre transparente sur le monde. Voir, c’est être sensible aux informations venues du monde extérieur, mais c’est aussi les sélectionner, les organiser et les interpréter en fonction de nos schémas mentaux. Mais les perceptions ne dépendent jamais d’elles-mêmes puisqu’elles engendrent immédiatement une réaction affective, une émotion, qui varient selon la nature de ce qui les provoque, mais aussi selon la nature de celui qui les reçoit. On distingue aussi deux formes de perception : la perception interne et la perception externe. La première est fondée sur des sensations dérivées des organes des sens, la seconde est fondée sur la conscience que l’on prend des processus mentaux internes. En ce sens, la perception peut être comprise aussi en tant qu’acte de prendre connaissance par l’intuition, c’est-à-dire une prise de conscience qui renverrait à l’aperception.

Les étapes de la perception

La perception ne se résume donc pas à la simple réception de données venues du réel, comme si nos yeux étaient une fenêtre ouverte sur le monde et le cerveau un observateur passif du spectacle du monde. Les informations en provenance du monde extérieur sont sélectionnées, décodées, interprétées. La perception est une lecture de la réalité. Cette lecture passe par plusieurs étapes mises au jour par les psychologues de la perception. Les trois étapes principales de la perception : sensorielle, perceptive et cognitive.
Lorsqu’on regarde le ciel en pleine journée, on peut observer de nombreux nuages qui se détachent sur un aplat bleu. Certains des rayons lumineux envoyés par l’atmosphère se diffusent et vont finir leur course à travers l’immensité de l’espace dans nos yeux. Le fond de l’œil est tapissé de cellules réceptrices qui recueillent les photons de la lumière, ce qui explique le bleu du ciel. Chacun de ces récepteurs est relié par l’intermédiaire des nerfs optiques à des neurones spécialisés dans la vision. Certains sont spécialisés pour l’analyse de la luminosité, d’autres pour les couleurs, d’autres encore pour les mouvements. Si un avion vient dans notre cadre visuel, il sera aussitôt détecté par les capteurs du mouvement. Cette première phase de la perception est donc une étape sensorielle, qui passe par des récepteurs spécialisés et permet de repérer les caractéristiques du milieu extérieur.
Survient ensuite une deuxième étape proprement « perceptive ». Notre cerveau a tendance à regrouper spontanément les choses qu’il voit en une configuration de formes globales. Ce traitement perceptif consiste à dépasser les strictes données sensorielles pour les mettre en forme. Une des lois de la perception veut que l’on repère les formes géométriques simples : lignes, cercles, carrés, rectangles. Si de telles figures apparaissent, elles seront immédiatement détectées. Le repérage de ces formes perceptives a été l’un des thèmes d’étude privilégiés de la psychologie de la forme, la gestaltpsychologie. Les formes nous aident à organiser les données de l’environnement en repérant les distinctions fond/forme, les contours des objets, en déformant ou complétant au besoin les éléments manquants pour redonner aux choses une certaine cohérence.

Relation entre sensation et perception

Dans la vie de tous les jours, la sensation et la perception sont liées l’une à l’autre et leur mise en jeu est fait par le stimulus. L’empreinte des sens, c’est le titre d’un bilan des connaissances actuelles à l’interface de la physiologie et de la psychologie. L’auteur Roger NINIOy développe précisément la prégnance de la « raison perceptive » comme un thème majeur. Quelle distinction conceptuelle faisons-nous entre la sensation et la perception ?
La sensation est une donnée brute qui correspond à la modification d’un sens externe ou interne. Il existe cinq sens externes qui sont l’ouïe (perception de sons dans les oreilles), le toucher (capteurs de la peau), l’odorat (capteur olfactif), le goût (le palais, la langue sont les deux organes concernés) et la vue (les yeux permettent de voir ce qui nous entoure). Par exemple, lorsqu’on passe devant une boulangerie, on sent une odeur, cela nous renvoit au sens de l’odorat. Puis, c’est la sensation qui rapproche cette odeur de l’odeur du pain. Ces informations sont ensuite envoyées au cerveau qui répond par une réaction, l’achat du pain pour manger. Donc la constitution d’une image odorante par exemple est produite par un mécanisme supposant quelque chose qui est là et qui affecte le nez. D’un autre côté, je peux ressentir une sensation de chaleur sans qu’il fasse froid à l’extérieur. C’est alors le psychisme de l’individu qui provoque dans son corps ce type de modification. Nous avons alors affaire au travail du sens interne. Toute sensation a pour origine un des sens et l’élément déclenchant est le stimulus.
Néanmoins, il est important de rappeler qu’il existe d’autres sens comme le sens sémantique et le sens de l’orientation.
On entend par perception l’organisation des données de la sensation (résultat du déclenchement du stimulus). C’est la manière dont le cerveau recueille les informations qui sont fournies par les sens. « Je me suis brûlé(e) » suppose en effet que notre entendement comme faculté de juger soit capable d’identifier la cause de cette brûlure (le plat sorti du four), la localisation (ma main droite), la douleur (plus ou moins grande), les nuances de celle-ci (cela ne me fait pas mal de la même façon tout le temps), etc. Dans ce cas, il faut comprendre que la perception est ce qui rend intelligible la sensation en articulant les éléments divers que l’on vient de voir. Elle peut être troublée par des facteurs individuels comme les habitudes, la personnalité, les connaissances, l’éducation, les besoins ; mais aussi par le contexte, les besoins du moment, un sens en moins, etc. Et elle est fortement liée aux facteurs sociaux et aux idées de la société. « C’est à partir de là que nous avons défini l’idée de la ville sensuelle avec les bruits et la musique de chaque ville, les parfums urbains si différents d’une région du monde à l’autre mais aussi d’une saison à l’autre, les goûts, les matières, les temporalités si particulières à chaque culture métropolitaine. » (Ferrier, 2013). Les artistes et les architectes conçoivent en s’adaptant et en prenant en compte tous les facteurs de l’environnement qui les entoure. Ils transmettent des valeurs et reflètent les idées d’une société dans laquelle ils vivent. Pour cela, l’artiste empreinte à l’architecte un espace qu’il s’approprie donnant à voir aux visiteurs à travers ses œuvres et ses installations son point de vue du monde, et réciproquement.

Rapport entre l’architecte et l’artiste : le musée des Beaux-Arts d’Angers

Particulièrement au XXème siècle, on remarque un rapprochement logique entre l’art et l’architecture, Cette proximité est cohérente dans la mesure où ces catégories sont des activités propres à l’Homme, et qu’elles font partie d’un même domaine, celui de l’Art.

Espace muséal

Parallèlement à ce qui vient d’être annoncé, Jacques FERRIER propose une autre approche : « un architecte n’est pas un artiste, et je ne me suis jamais senti tel. L’architecture est un travail d’auteur ; un travail qui doit formaliser dans une vision singulière les attentes et les aspirations d’une époque. L’architecte doit construire une œuvre en prise avec le réel, et celui-ci est devenu d’une extraordinaire complexité au cours du XXème siècle, entrainant l’architecture bien loin des bases auxquelles elle a pu se rattacher pendant des siècles.» Pourtant, l’architecte et l’artiste ont des pensées communes dans la réflexion sur l’espace, la lumière et les matériaux, ainsi que dans l’expression formelle des volumes. Ils expriment des dimensions similaires (dynamisme, gestuel, etc.) qui se traduisent par de nombreuses collaborations entre ces deux arts.

La culture et les sens au profit de la conception d’un musée

En 1995, Maria do Rosario F.C. SARAIVA, sous la direction de Jean-François AUGOYARD, a étudié « l’environnement sensoriel dans l’aménagement muséographique : méthode exploratoire dans deux expositions du musée Dauphinois Conservatoire du patrimoine de l’Isère » où elle met en avant l’interaction entre l’architecture et les visiteurs par le biais d’une analyse mathématique des ambiances du lieu et d’une succession d’interviews avec les conservateurs des musées. En adoptant la même approche, sans les calculs, nous relions le ressenti des usagers au musée des Beaux-Arts d’Angers avec l’intention du concepteur de sa rénovation, Antoine STINCO. De 1999 à 2004, le musée des Beaux-Arts d’Angers s’expose à d’importants travaux de rénovation, de transformation et d’agrandissement.
Ces changements sont confiés à deux architectes de renom. La restauration des parties anciennes du musée et du logis Barrault a été adressée à Gabor MESTER DE PARAJD, architecte en chef des monuments historiques, qui a respecté les références historiques et architecturales du site. D’autre part, Antoine STINCO, architecte muséographe, a été chargé de l’aménagement des espaces muséographiques en suivant le souhait du conservateur en chef. Il était question de concilier l’histoire et la création, c’est-à-dire la présentation des collections et les espaces architecturaux. Ce concept est retranscrit par les différents parcours du musée proposant une ambiance, un éclairage, une coloration des murs propres à chaque salle.

Les musées, nouveaux parcs d’attraction ?

Afin de proposer une offre adaptée et diversifiée, le musée des beaux-arts d’Angers a bénéficié d’une restauration et une extension. Cela a pour objectif de répondre à l’ambition de rendre la culture accessible au plus grand nombre et faire lien entre toutes les formes d’art en repensant l’articulation des espaces.

De nouveaux parcours artistiques créés à Angers

Après cinq années d’importants travaux de rénovation, le musée des beaux-arts d’Angers a réouvert en 2004 présentant une nouvelle hybridation entre des œuvres importantes au fil des époques. Le musée présente deux parcours permanents : « beaux-arts » avec 350 peintures et sculptures du 14ème siècle à nos jours, et « l’histoire d’Angers » avec 550 pièces archéologiques et objets d’art depuis le néolithique. Comme dans les parcs d’attraction, on y trouve des collections intemporelles qui attirent principalement des touristes et d’autres qui sont temporaires faisant sensation aux nouveaux comme anciens visiteurs.
L’objectif des musées angevins et autres est de s’ouvrir culturellement en conservant et en mettant en valeur le patrimoine. Ces derniers cherchent aussi à devenir des lieux ouverts pour plusieurs tranches d’âge. Ce ne sont plus simplement des espaces d’exposition ou de recueillement du passé mais des lieux menant des actions interactives avec le public. Par exemple des actions de médiation des scolaires et des activités pour les enfants, les adolescents et les familles sont développées. On y trouve aussi un cabinet d’arts graphiques, la salle consacrée aux expositions temporaires, ou encore l’auditorium.

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Table des matières

Avant-propos
|Introduction
2 |Enquête sur l’interprétation perceptive
3 |Enquête sur l’appropriation dans l’habitat
1.1 Cadrage de l’étude et contexte
2.1 Cadrage sur l’espace muséal
3.1 L’homme au cœur de la conception de l’habitat
2.1.1 Perception et sensation au profit de l’architecture
3.1.1 L’architecture pensée pour l’homme
2.2.1 Les musées, nouveaux parcs d’attraction ?
3.2.1 S(ci)ensibilité entre l’homme et la technologie
2.3.1 Hybridation architecture et sculpture
3.3.1 Sources intellectuelles et influences culturelles
2.1.2 Rapport entre l’architecte et l’artiste : musée des Beaux-Arts d’Angers
3.1.2 Élaboration du projet
2.2.2 De nouveaux lieux d’exposition : le mémorial
3.2.2 L’homme à l’origine de la conception de son habitat
2.3.2 L’architecture comme outil de résistance : les Cellules d’Absalon
3.3.2 Création d’espace propre à chacun
1.2 Problématique et hypothèses
2.2 De la culture à la création et au développement d’une activité économique
3.2 Réflexion de l’espace intérieur du « chez-soi »
1.3 Méthodologie
2.3 Qu’est-ce qu’habiter pour un architecte-artiste ?
3.3 Le quotidien de l’usager
4 |Enquête sur la fabrique de la mémoire
Annexes
5 |Conclusion
4.1 Émergence d’un mémorial dans la ville
Témoignages des usagers
4.1.1 Qu’est-ce qu’un mémorial ?
Tableau récapitulatif
4.2.1 Naissance d’un projet
Retranscription d’Emmanuelle CHEREL
Retranscription de Jean-Marie BESLOU
Retranscription de Rossila GOUSSANOU
4.2.1 Transition entre l’extérieur et l’intérieur
4.1.2 Intégration de la mémoire dans la ville de Nantes
Réponses
4.2.2 Projet initial VS Projet construit
4.2.2 Espace méditatif : un espace souterrain
4.2.3 Retour sur l’expérience
4.2.3 Expérience sensible de l’espace par l’usager
4.2 L’intention de l’auteur modifiée par différents facteurs
Entretiens des acteurs du projet
4.3 Réception du mémorial par les usagers
Bibliographie

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