L’architecture chrétienne, de la maison de réunion à nos jours

Des premiers temples païens aux sanctuaires monothéistes

Environ 3000 ans av. J-C, des clans se rassemblent sur des territoires irrigués et nourris par les crues des fleuves. Ils forment des groupes humains de plus en plus importants, au sein de villages qui se densifient et qui deviendront des cités.
Les techniques agraires, notamment d’irrigation, se perfectionnent et les différentes tâches inhérentes au maintien de la qualité de vie du groupe se professionnalisent. Dans la continuité du processus amorcé par les sociétés orales agraires, les divinités prennent petit à petit figure humaine, supplantant ancêtres et totems dans la hiérarchie sacrée. C’est en Mésopotamie, dans la région sumérienne, que l’on retrouve les traces les plus anciennes d’une mythologie polythéiste, mais également de l’apparition de l’écriture et du calcul, inventions « peu à peu mises au point pour des raisons pratiques, comme la gestion des propriétés et des temples, les aménagements hydrauliques, le cadastre, le commerce, la construction l’administration (rapports, impôts) » . Mais l’écriture va également permettre d’organiser la pensée, notamment la pensée religieuse, d’en rendre possible la relecture, et ainsi l’examen critique :
« Il en résulte des formes plus construite de théogonie, de cosmogonie, de liturgie, d’épopée, voire, une première théologie ».
Tandis que les sociétés orales agraires croyaient en une mythologie-modèle se répétant encore et encore, les sociétés polythéistes attribuent les pleins pouvoirs aux divinités en leur conférant la transcendance. C’est-à-dire, par exemple, que la mythologie chez les Dogons expliquait l’origine du monde et son fonctionnement, ses règles et interdits à travers l’histoire des dieux créateurs. L’ordre social correspondait de cette manière à une reproduction de l’ordre initial. Chez les Grecs en revanche, les dieux sont représentés, voire incarnés par les chefs politiques, qui deviennent par là-même des interlocuteurs divins, en haut de la hiérarchie. En outre, le niveau de vie s’élevant provoque l’accentuation des différences sociales, qui se manifeste dans la propriété mobilière et immobilière. Les dirigeants, riches commerçant et prêtres, en haut de la pyramide, possèdent les plus beaux édifices. Yves Lambert décrit en ces termes l’évolution sociale significative d’Éridu, cité sumérienne antique :
« Vers 3700 av. J.-C., juste avant l’arrivée des Sumériens, le noyau proto-urbain d’Éridu possède un seul édifice en dur au milieu de maisons en torchis, le petit temple d’Enki, dieu des eaux douces et de l’ingéniosité, avec une salle dotée d’un autel et d’une table à offrandes, et les tombes ne font apparaître aucune stratification sociale. Vers 3500, il s’agit déjà d’un ensemble doté d’un clergé régulier, comprenant des bureaux, des magasins et, au milieu, le sanctuaire d’Enki, reconstruit sur une terrasse. Uruk, première cité-Etat, qui devient la cité la plus puissante vers 3000, consacre à son dieu protecteur, An, un sanctuaire en forme de pyramide à degrés, c’est la première ziggourat. La stratification sociale apparaît, s’accentue. Le chef, d’abord élu par ses pairs, devient roi se réclamant de la volonté d’un dieu […]. En somme, plus le royaume est important, plus la stratification sociale est forte, plus le roi est puissant, plus les dieux sont grands, plus leur temple est vaste, plus leur ziggourat est élevée, plus les prêtres y sont nombreux, plus les cultes y sont développés, et réciproquement. »
Mais puisque les dieux sont descendus parmi les Hommes, soit en s’incarnant dans un chef suprême, soit par les rapports de leurs porte-paroles, les prêtres, il est possible d’entrer en contestation avec eux. En Grèce notamment, on admet alors qu’il existait avant l’Homme un temps mythologique, le temps de la création par les dieux, et un temps historique, le temps des cités-États et de leurs chefs politiques. Cette nouvelle vision du monde suggère que l’ordre social n’a pas pour vocation d’être immuable, et annonce la première rupture entre un ordre religieux, gardien des rites et croyances, et un Etat « évolutif », responsable de l’ordre social. Le sacré, Sacer en latin, signifie « intouchable », « inviolable »5 : le Temple est donc la matérialisation d’une séparation souhaitée entre le lieu du sacré et le lieu du profane. Dans les ziggourats mésopotamiennes, le sommet du temple, siège de Dieu, est réservé aux prêtres. De la même manière, la sépulture peut représenter le clivage social entre le souverain et le peuple : En Egypte, les rois sont élevés au rang de dieux à leur mort, et on bâtit des pyramides pour accueillir leur corps. La forme pyramidale symboliserait les rayons du soleil, permettant ainsi l’ascension des rois vers le dieu du soleil, Rê, mais elle rendrait également plus difficile l’intrusion de potentiels pilleurs6. Ainsi, le temple d’Horus à Edfou (Egypte, entre 237 et 57 av. J.–C.) « ne se projette pas vers le ciel et les seuls éléments élancés sont les pylônes. L’important est de couvrir une enceinte sacrée, non d’entrer en compétition avec l’ordre du monde. »
Dans la cité antique gréco-romaine, le temple accueille la divinité protectrice de la ville. Chaque citoyen participe à l’effort de sollicitation des faveurs divines grâce aux sacrifices et donations. Ces derniers ne sont pas effectués au sein du temple, dont l’accès est interdit aux laïcs, mais devant celui ci, sur l’autel. Ce dernier prend la forme la plus appropriée à la divinité priée :
Ainsi, aujourd’hui, les historiens considèrent que le chamanisme, rassemblant les religions à tradition orales, correspondrait à la première forme de « sentiment religieux » éprouvé par l’espèce humaine. Se sont ensuite développées les religions orales agraires, puis polythéistes, s’appuyant sur des écrits mythologiques, et consécutivement des temples spectaculaires ont été édifiés, comme autant d’hommages aux divinités vénérées. Ces Temples sont les remparts des icônes, dans lesquels s’incarnent les Dieux, et dont l’accès est réservé aux officiants.
L’avènement des cultes monothéistes va opérer un tournant dans l’architecture cultuel. Dans son histoire des religions, Yves Lambert regroupe sous la dénomination de « religions de salut » les religions monothéistes et karmiques. Ces religions correspondent à un tournant universaliste qui aurait eu lieu environ huit cent ans avant Jésus-Christ avec l’apparition du zoroastrisme en Iran. Elles se distinguent singulièrement des religions antérieures pour plusieurs raisons. En premier lieu, elles admettent leur origine historique et non pas mythologique, avec la reconnaissance de protagonistes entièrement, ou au moins partiellement, humains. La naissance du christianisme coïncide par exemple avec la naissance de Jésus-Christ, « homme-dieu ». Le zoroastrisme, le judaïsme et l’Islam émanent de prophètes, tandis que le jaïnisme et le bouddhisme sont fondés par des ascètes.10 En second lieu, les religions de salut se veulent universalistes, c’est-à-dire « ouvertes à tous » puisque chacun est en droit d’obtenir le salut. Ensuite, ces religions, à la différence des cultes antérieurs, considèrent que l’action divine sur terre se limite à la création de l’univers, à quelques exceptions près – miracles, apparitions… Les phénomènes naturels sont donc indépendants de la volonté de Dieu. Par conséquent, les croyants ont leur propre autonomie et sont individuellement responsables de leur propre salut. C’est finalement cet objectif du salut qui rassemble ces religions, et qui s’appuie sur une idée nouvelle : il n’existe pas de destination unique pour les âmes des défunts mais celles-ci peuvent aller au paradis – le nirvâna chez les jaïnistes et bouddhistes – ou en enfer. De cette manière, ces religions prennent une dimension éthique en définissant une bonne et une mauvaise conduite : « la religion englobe toute la vie morale et en devient la source »11. On assiste également à une individualisation du rapport à la religion et à Dieu, chaque individu étant « créé à l’image de Dieu » et responsable de son propre salut. Le culte est désormais célébré au moyen de rites réguliers, auxquels les croyants doivent nécessairement participer, et qui nécessite donc l’édification ou l’appropriation de lieux de réunion.
Puisqu’elles ont une vocation universaliste, « les religions du salut sont structurées de manière transnationale. »12 A l’échelle urbaine, on observe pour la même raison une dissociation spatiale : les rites domestiques deviennent mineurs, supplantés par les rites communautaires qui prennent place en des lieux spécifiques, en dehors du foyer familial.
L’amélioration des conditions de vie permet également l’émergence d’une classe sociale lettrée et cultivée, initiatrice de la pensée rationnelle, et donc de l’apparition de la science et de la philosophie. Contrairement aux temples païens voués à la protection de la cité, l’architecture monothéiste est vouée à l’expansion de la communauté des fidèles à travers le monde et à la propagation du message sacré. L’édifice sacré devient alors le lieu de l’instruction, il permet la réunion d’un nombre croissant de fidèle et s’ouvre aux « incultes » dans une perspective prosélyte. Si cette théorie de « l’évolution religieuse » ne valide ni n’invalide aucune croyance ou confession, elle va néanmoins entrer en résonnance avec les idées des philosophes des lumières qui, pour certains, affirmeront que l’athéisme et la philosophie seraient le salut ultime de l’humanité, « ce progrès étant dû au rôle accru de la raison », « ce qui conduirait à une « religion de l’humanité » qui serait une religion civile. ». Les progrès scientifiques vont quant à eux enrichir la recherche archéologique, mais ils permettront aussi d’appréhender le monde à travers le prisme du rationalisme et par là même, bouleverseront les convictions religieuses de la civilisation occidentale et affecteront en conséquence l’évolution de l’architecture chrétienne.

L’ architecture chrétienne, de la maison de réunion à nos jours

Au commencement, le culte chrétien était essentiellement rattaché à un rite central, l’eucharistie, qui prenait lieu dans les maisons des fidèles, et qui consistait au partage du repas, « en commémoration de la Cène du Christ »1. Celui-ci a en réalité constitué un repère dans la conception du plan radial de certaines Eglises. Les chrétiens seront persécutés par les romains jusqu’en 313, lorsque l’empereur Constantin Ier proclame l’Edit de Milan, « par lequel chacun peut « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel ». » Par cet édit, il garantit au culte chrétien une considération égale à celle des autres cultes, et pose ainsi la première pierre au processus de christianisation de l’Empire. Par la suite, sa politique favorisera largement l’expansion du christianisme, avec notamment l’édification des premières basiliques publiques, « comme la Basilique Saint-Jean-de-Latran, de Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople ou le Saint-Sépulcre de Jérusalem. »3. A l’origine, le modèle de la Basilique tenait lieu de salle d’audience sur un plan rectangulaire, qui deviendra par la suite un plan cruciforme, en adéquation avec la symbolique chrétienne.
L’entrée s’effectue à l’ouest avec les fonds baptismaux, représentant le début de la vie chrétienne. La traversée de la nef symbolise la vie du Christ, jusqu’à l’autel à l’Est, qui forme l’espace le plus sacré de l’église. De cette manière, les fidèles passent de l’ombre à la lumière, « du moins sacré au plus sacré », « de la mort à la vie éternelle » et la messe est effectuée en direction de l’Orient, « d’où reviendra le Christ lors de la parousie »5. Avant la place de l’autel, la nef croise le transept nord-sud, constituant la deuxième branche de la croix et séparant l’espace des prêcheurs de celui des fidèles. De cette manière, un nouveau symbolisme apparaît : « le bras nord du transept associé à l’obscurité, au froid et au mal », est décoré de scènes de l’Ancien testament tandis que le bras sud, lieu de la lumière et de la chaleur, est associé au Nouveau Testament. Les différentes formes architecturales découlent également des connaissances et techniques de construction d’alors. La coupole, la voûte et l’arc ont permis d’élargir la trame porteuse et ainsi, de dilater l’espace intérieur, mais aussi de symboliser « la voûte céleste ». L’histoire de l’architecture chrétienne, prise dans son ensemble, est révélatrice des différents débats entre les dignitaires chrétiens. On s’interroge sur la forme que doit prendre le cérémoniel, et notamment sur la relation entre l’auditoire et l’orateur : « Une certaine tension dans le christianisme entre rite et enseignement se reflète directement dans l’architecture.
Nombre de confessions protestantes modernes mettent en valeur la chaire et le lutrin plutôt que l’autel, et abandonnent le sens de chemin donné à la nef en faveur d’un plan plus proche d’un auditorium. »
Il en découle deux formes principales, l’une s’appuyant sur une organisation axiale, plus frontale, l’autre sur un plan radial, tels les plans en auditorium, surtout présents dans le protestantisme, et est essentiellement dédiés aux mémoriels des martyrs et aux baptistères, « dans les deux cas […] liés au passage d’une vie à une autre ».7 La complexification du plan découle quant à elle d’une volonté de mise en scène du rituel. Le deuxième débat essentiel serait celui de la question de l’ostentatoire, « entre magnificence [Eglise établie] et humilité [maison des premiers chrétiens] » car à l’origine, les premiers chrétiens se rassemblaient dans des lieux non sacralisés, « en réaction au temple païen » : « Le christianisme primitif s’opposait aux pouvoirs associés de l’Etat et de la religion, où empereurs et divinités étaient adorés côte-à-côte. »8 C’est dans l’architecture protestante qu’on trouve les formes les plus épurées, à l’image des quakers et leurs « huttes de mission protestante en Nouvelle-Guinée et en Afrique aujourd’hui ».
En 1054, une première séparation s’opère entre l’église d’Orient et celle d’Occident, rattachées respectivement à Constantinople à Rome, et par la suite à l’église orthodoxe et l’église catholique. En 1517, le protestantisme né d’un mouvement réformateur de l’église catholique, initié par Jean Calvin et Martin Luther.10 La Bible reste l’ouvrage de référence, mais la distinction intervient dans la pratique et par conséquent, dans la conception architecturale et notamment sur les modalités de séparation entres espace profane, accessible aux fidèles, et espace sacré, réservé aux officiants.
L’Eglise orthodoxe prône, par exemple et pour certaines célébrations, que l’autel soit caché de la vue des fidèles. Chez les catholiques, le choeur est visible mais réservé aux officiants, cependant qu’il s’agit davantage d’ « une clôture sociale et pas seulement une clôture sacrale comme l’iconostase [orthodoxe] ».L’église catholique attache une grande importance à l’accueil des fidèles, d’où le soin apporté au travail de la façade Ouest, tandis que le culte orthodoxe est pratiqué dans des édifices à plan radial, et par conséquent les quatre façades sont similaires. Les pasteurs protestants suivent une formation en théologie ou sont formés par d’autres pasteurs. Ce titre est également accessible aux femmes et ils peuvent fonder une famille et en cela, entretiennent un rapport hiérarchique moins hégémonique au sein de la communauté que les prêtres catholiques : en résulte un espace plus ouvert et plus libre, où tout doit être visible, à l’image de l’Eglise Temppeliaukio en Finlande (Timo et Tuomo Suomalainen, Helsinki, 1961). Ainsi, « Toutes les architectures chrétiennes sont fondées sur deux dualités fondamentales. La première est sacrale et associe la Parole et l’Eucharistie. La lecture en commun des textes sacrés et la réitération des gestes institués par Jésus lors de son dernier repas avec le partage du pain et du vin sont en effet les deux actions que tous les chrétiens célèbrent, même si pour les orthodoxes et les catholiques, l’Eucharistie est aussi le mémorial du sacrifice du Christ sur la croix alors que pour les protestants, il s’agit d’une simple commémoration. La seconde est sociale et met en jeu ministres du culte et assistants, c’està- dire clercs et laïcs chez les chrétiens catholiques et orthodoxes. »
En outre cette dualité architecturale apparaît au sein même de l’église catholique : comme il l’a été mentionné précédemment, les premiers rituels ont été célébrés directement chez les fidèles, dans les maisons de réunion primitives, afin d’échapper à la persécution. Les premiers édifices chrétiens construits pour le culte étaient conçu à l’image des bâtiments civils, de manière à s’éloigner des modèles païens « qu’ils considéraient comme « idolâtries ». »13 Entre le Xème et le XIIème siècle, l’architecture romane des édifices s’inscrira dans la continuité de la tradition processionnaire avec un plan axial.
Les édifices en pierre sont massifs, d’une hauteur limitée et les façades sont denses, avec très peu d’ouvertures. L’espace intérieur est sombre et des fresques constituent l’essentiel de l’ornementation. Après le XIIème siècle, les innovations techniques telles que la voûte d’ogive et l’arc-boutant signent l’avènement du style gothique. La voûte d’ogive repose sur des piliers et permet ainsi d’ouvrir l’espace. L’arc-boutant remplace le contrefort et la descente de charge est décalée de la façade, qui s’affine et se pare de vitraux. L’église est plus haute, s’élançant vers le divin, et plus lumineuse : la cathédrale Notre-Dame de Rouen, érigée au XVIème siècle, mesure centcinquante- et-un mètres de haut et est encore aujourd’hui la plus haute cathédrale de France ; la Sainte-Chapelle du Palais, construite entre 1241 et 1248 à Paris, est un emblème de l’architecture gothique rayonnante : l’ossature s’affine et les façades deviennent des écrans de lumière colorée. A la même époque, l’architecture cistercienne se développe dans un registre beaucoup plus sobre.

Vers un temple laïc

L’Histoire nous montre que la conception architecturale dans la Religion évolue à mesure qu’elle gagne en importance symbolique. D’abord sommaire dans le chamanisme et les religions orales agraires, elle devient ensuite un outil de promotion du pouvoir et l’incarnation de la puissance des croyances, et par là-même de ses croyants. Lorsqu’Yves Lambert rédige la conclusion de son ouvrage, publié à titre posthume en 2007, il décrit une société mondiale en pleine mutation, sur le point, semblerait-il, de vivre une révolution spirituelle aussi bouleversante que la naissance des Religions de Salut. Les idéologies politiques et sociales laïques, depuis le siècle des lumières, adoptent des mécanismes semblables à un mouvement religieux, avec leurs leaders charismatiques, leurs adeptes et leur « prêches ». La laïcisation de la société est un phénomène généralement progressif, parfois imposé sous les régimes autoritaires (communisme soviétique par exemple), et dont le système de valeurs et les positionnements se sont élaborés dans la continuité de l’Histoire des Religions, en somme, comme une religion à part entière :
« Le trait [de la modernité] sans doute le plus important est l’émergence de conception profanes, séculières de la nature, de l’homme et de la société : sciences, philosophies, idéologies, droits de l’homme […]. Elles offrent des alternatives à la religion et, pour certaines, le positivisme, le marxisme, ont même prétendu l’éliminer, avant de finalement s’effondrer elles mêmes.
Un quart des Européens de disent désormais sans religion, et seulement 6% « athées convaincus ». »
Au sein d’un même Etat et en dehors des systèmes totalitaires, la laïcité et le culte coexistent aujourd’hui, avec plus ou moins de prééminence l’un sur l’autre. Plus encore : les religions du salut ont promu il y a environ trois mille ans l’idéal de la réalisation individuelle, dans un cadre commun. Aujourd’hui, « l’exigence de personnalisation, fortement ancrée dans la culture contemporaine de l’accomplissement de soi, trouve particulièrement à s’exprimer dans les lieux religieux. »
Danièle Hervieu-Léger distingue par exemple trois fonctions nouvelles, mais essentielles, de l’Eglise : Elle est lieu qui doit « accueillir l’évènement « extra-ordinaire » » tels que les mariages, baptêmes ou funérailles, par lesquels elle permet « l’affirmation publique de soi-même », la manifestation de la personnalité des protagonistes à l’honneur, et « la capacité d’inscrire l’individu dans la continuité d’une lignée croyante, […] dans le parcours d’une « grande famille » spirituelle », dotant « l’expérience individuelle […] d’une légitimité et d’une reconnaissance puissante. »Pour perdurer, l’Eglise s’adapte, comme son architecture. Dans les années soixante-dix, l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de- France décide de la construction de cinq villes nouvelles en banlieue parisienne, dont la commune d’Evry. La Conférence des évêques de France est consultée sur l’idée de l’édification d’un lieu de culte. Mais les responsables religieux d’alors prône un retour à l’humilité, « qui plaide pour une présence invisible de l’Eglise dans le tissu social »3 et peu de pratiquants sont attendu, alors on considère que l’église du vieux bourg suffira.
Cependant après dix ans, la ville d’Evry s’est dotée d’une synagogue, d’un temple adventiste, d’un temple bouddhiste et d’une mosquée. Pour l’Eglise catholique, il s’agit alors de « manifester, dans ce paysage devenu pluriel et concurrentiel, la présence (et l’antériorité historique) du catholicisme. ».Un projet de cathédrale est envisagé, mais depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, l’Eglise française ne peut plus obtenir de financements publics. Jack Lang, alors Ministre de la Culture, propose un programme mixte, avec un musée d’art sacré, qui lui sera financé par des fonds publics, sur lequel reposera la cathédrale. Si cette stratégie a fait l’objet d’une polémique, la cathédrale d’Evry illustre bien la capacité de l’Eglise à s’ajuster au temps et à l’évolution de la société, tant dans l’histoire de sa conception que dans sa forme :

UNE ARCHITECTURE SENSIBLE

Touché par la lumière

« Dans le livre de la Genèse, le premier acte créateur est de « séparer la lumière et les ténèbres » (Gn 1, 3), mettant ainsi fin au chaos primitif. La lumière, créature de Dieu, n’existe que par lui et lui est entièrement soumise ; il en fait ce qu’il veut : « Il envoie la lumière, elle part ; il la rappelle, elle obéit en tremblant. » (Baruch, 3, 33). Plus que les autres êtres crées, la lumière est signe de la présence divine »
La lumière, émanant du divin et s’opposant à l’obscurité, est un concept récurrent dans la plupart des « écoles » spirituelles. On la retrouve, comme nous l’avons évoqué précédemment, dans le parcours de la nef d’ouest en est, symbolisant le chemin de l’obscurantisme à l’illumination. Les pyramides égyptiennes représentaient à la fois l’ascension vers le ciel et les rayons solaires se diffusant sur la Terre. Le culte du soleil est ainsi présent dans de nombreuses croyances, dont Rê en était l’incarnation divine en Egypte, Hélios dans la Grèce antique et Sol pour les Romains. La lumière est donc un paramètre primordial dans la conception d’édifices sacrés : « De multiples édifices sacrés, depuis les temples grecs jusqu’aux tombes à couloirs mégalithiques, font face au soleil levant, source d’un renouveau de vie et de pouvoir. La plupart des églises chrétiennes reflètent une idée similaire : on y entre par l’ouest et progresse vers l’autel à l’est, passant des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. »
« La figure du rai de lumière qui pénètre dans un volume totalement opaque renvoie au percement élémentaire. Cette configuration crée une lumière rare, concentrée, venant généralement “d’en haut”. La lumière y tire sa puissance de son opposé : l’obscurité. Elle introduit la sensation du temps qui passe (le rai qui se déplace au cours de la journée) en même temps que l’intrusion de l’extérieur à l’intérieur signe la rupture entre deux espaces, marque leur différence. »
Le soleil levant est également associé à la résurrection de l’âme dans la plupart des croyances. Ainsi, pour que celle-ci se réalise, certains rituels funéraires nécessitent le contact direct entre la tombe ou le corps et les rayons solaires. On suppose que les sépultures aériennes des chasseurs cueilleurs, ou encore certains monuments préhistoriques, étaient conçus à cet effet : « Dans diverses religions actuelles, la tombe est aussi un lieu de régénération et de renaissance, et ce fut sans doute également le cas pour bien des peuples néolithiques. A Newgrange, au solstice d’hiver, les rayons du soleil levant pénètrent presque à 30 mètres le long du couloir jusqu’au mur du fond – effet très soigneusement calculé, puisque la pente ascendante du couloir fut compensée par une minuscule ouverture en lucarne sous le toit laissant entrer la lumière du soleil. C’est comme si le défunt, à l’instar de l’année mourante, allait renaître à l’instant du retour du soleil. »
Une lumière zénithale crue accentuera, suivant le même principe, les volumes et la hauteur du bâtiment. Le Corbusier emploiera le canon à lumière dans plusieurs de ces édifices religieux : dans le couvent de la Tourette en 1960, de part et d’autre du transept, les géométries de la crypte et de la sacristie sont découpées par la lumière. A Firminy-Vert dans l’église Saint-Pierre en 1965, la lumière devient coupole et plombe jusqu’à l’autel.

 

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Table des matières

MÉTHODOLOGIE
INTRODUCTION
I. ÉVOLUTION DES PRINCIPES DE CONCEPTION DES ÉDIFICES SACRÉS
1. Il était une fois la Religion
2. Des premiers temples païens aux sanctuaires monothéistes
3. L’architecture chrétienne, de la maison de réunion à nos jours
4. Vers un temple laïc
II. UNE ARCHITECTURE SENSIBLE
1. Touché par la lumière
2. Symphonie salvatrice
3. Le théâtre de la vie
III. TOUCHER ET ÊTRE TOUCHÉ
1. Entrer en communion
2. Panser l’esprit
3. L’architecture sacrée, incarnation de l’indicible
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Bibliographie

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