L’archéologie de la grande guerre

Un nouveau domaine de l’archéologie

Les vestiges de la Grande Guerre constituent un champ nouveau dans l’archéologie. En effet, ce patrimoine, qui n’a été que récemment considéré comme tel depuis les vingt dernières années (notamment au niveau juridique), nécessite une prise en charge particulière, du fait des caractéristiques physiques et matérielles, mais aussi éthiques, particulières des objets retrouvés. Ces questions ont été abordées à l’occasion de la première Conférence Internationale sur l’archéologie de la Grande Guerre les 23 et 24 juin 2006 à Luserna en Italie.
De tels vestiges posent de nouveaux problèmes aux archéologues et le choix d’occulter certaines découvertes a souvent été privilégié. Premièrement, leur présence a détruit des vestiges de civilisations plus anciennes. Ceux-ci étaient alors considérés comme des éléments perturbateurs et encombrants des sites archéologiques. Deuxièmement, il s’agit d’un épisode historique trop récent, bénéficiant d’une documentation bibliographique et iconographique abondante, contrairement aux sites antiques. L’apport de la fouille aux connaissances actuelles doit donc à chaque fois être évalué.
Celle-ci peut se justifier par le fait qu’il existe souvent un fossé entre la réalité de ce que l’on retrouve sur le terrain et ce qui est écrit dans les textes. De plus, certains aspects de la Grande Guerre sont absents de la documentation historique, comme celui du quotidien du combattant en tant qu’individu et non en tant que groupe. Une autre particularité de ces vestiges est qu’ils sont constitués de matériaux modernes, ou rarement retrouvés en fouilles archéologiques, comme les matériaux organiques (papier, bois, cuir, textile) mais aussi les plastiques (bakélite, caoutchouc) et les métaux modernes (acier, aluminium, zinc).

Statut juridique et valeurs culturelles liées aux plaques

Le mobilier archéologique découvert sur le sol français bénéficie d’une protection juridique spécifique au contexte de découverte. Les restes humains issus des conflits contemporains sont à la charge du Pôle des sépultures de guerre et des Hauts Lieux de la Mémoire nationale, responsable d’offrir aux défunts une sépulture perpétuelle. Lorsque ceux-ci sont identifiés, les familles (si elles sont retrouvées) peuvent demander leur restitution. Dans le cas de Carspach, selon les accords bilatéraux entre la France et l’Allemagne, les corps ont été remis au Service d’Entretien des Sépultures Militaires Allemandes (Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge), qui les inhumera dans le cimetière d’Illfurth en novembre 2013 (selon le décret du 5 mai 1967). En ce qui concerne les biens appartenant au défunt, selon la réglementation militaire, ils doivent être remis aux héritiers, mais aucune descendance n’a aujourd’hui été retrouvée. Les plaques d’identification militaires, ainsi que les autres vestiges mobiliers provenant du site de Carspach, sont aujourd’hui sous la responsabilité du Département (Haut-Rhin), car l’Allemagne a renoncé à toute revendication de propriété.Ces plaques font partie d’un contexte bien particulier, sensible, susceptible d’influencer les décisions de traitement de conservation. Les valeurs associées à ces objets sont nombreuses :
Valeur historique : l’objet est associé spécifiquement à un évènement historique, à savoir la Première Guerre mondiale. L’altération des plaques est un élément perturbateur car elle fait perdre sa lisibilité à l’objet. Toutefois, les matériaux ayant altérés les plaques peuvent aussi avoir une valeur historique, puisqu’ils sont associés à l’évènement du 19 mars 1918.
Valeur de recherche : l’état des plaques peut fournir des informations utiles pour la recherche en conservation-restauration au niveau de la compréhension des processus de corrosion du zinc en milieu enfoui, encore peu étudiés. Celle-ci a pour but la mise en place de protocoles de traitement pour ce type d’objets.
Valeur d’ancienneté : il s’agit d’une valeur attachée à la perception de l’objet comme appartenant au passé.
Valeur sentimentale : l’objet peut susciter des sentiments personnels chez certaines personnes, car le souvenir de la Grande Guerre, même après un siècle, fait encore très intimement partie de la mémoire individuelle et collective, en particulier pour les citoyens de Carspach et des communes environnantes.
Valeur d’association : les plaques sont directement liées à leur propriétaire, puisqu’elles permettent l’identification des soldats auxquels elles appartenaient. Jusqu’à aujourd’hui, quinze plaques retrouvées ont permis d’identifier les disparus, à l’aide d’un travail de croisement d’informations à partir de segments de texte lisibles et des études archéo-anthropologiques effectuées (sachant que les lieux, dates de naissances, prénoms et noms des vingt-et-un individus étaient connus, notamment à l’aide d’une photo d’un ancien monument commémoratif aujourd’hui disparu).
Valeur de commémoration : les plaques possèdent une force évocatrice importante, puisqu’elles conservent par leur présence matérielle la mémoire d’anciens soldats.
Dans le cas où les plaques sont exposées dans le cadre d’une exposition, nous pourrions leur attribuer une valeur pédagogique, car elles peuvent transmettre visuellement des informations sur leur fonction.

Les différents modèles de plaques

Différents modèles de plaque, de forme, composition et caractéristiques variées, ont existés depuis 1869. Ce n’est que depuis 1915 que le Ministère de la Guerre de Prusse adopte une uniformisation des plaques. Parmi le corpus d’objets utilisés dans cette étude, nous distinguons deux modèles :
La plaque « type 1 » est constituée d’une seule partie. Il s’agirait du modèle 1915, le plus ancien standardisé, mesurant 7 x 5 cm. Les informations sur le soldat sont inscrites au centre de la plaque. La plaque « type 2 » comporte trois échancrures horizontales au centre séparent les deux parties constitutives de la plaque. Il s’agit très vraisemblablement du modèle 1916, proche du modèle 1917 (dernier modèle de la Première Guerre mondiale) avec lequel il est souvent confondu, car leurs dimensions sont parfois similaires. D’une taille de 6.8 x 5.4 cm, ce type de plaque a la particularité de comporter deux fois les informations sur le soldat, ce qui permet de récupérer la moitié inférieure de la plaque sur le corps du combattant après sa mort. Les informations sont également présentes sous forme abrégée de l’autre côté de la plaque. La fabrication du modèle 1917 suit des instructions de taille et espacement des échancrures qui ne correspondent pas avec les mesures effectuées sur les plaques étudiées, de plus, un troisième trou était réalisé sur la partie inférieure des plaques modèle 1917, afin de pouvoir accrocher ces parties simultanément lors de leur récupération sur les corps, c’est pourquoi les plaques « type 2 » ont été associées au modèle 1916.

Traitement effectué sur la plaque 1010-28

Un premier nettoyage a été réalisé par le PAIR sur la majorité des plaques de Carspach, ceci à cause d’une demande particulière des autorités communales, qui avaient pour devoir l’identification des corps des soldats, pour une possible restitution dans le cas où les familles des défunts seraient retrouvées.
La plaque 1010-28 a été séchée puis nettoyée par immersion dans un bain d’acide formique à 5% dans l’eau déminéralisée pendant 40 minutes, puis 30 minutes. Au nettoyage chimique a été couplé un nettoyage mécanique au coton badigeon. Le but de ce premier traitement étant de déchiffrer les plaques, c’est pourquoi le nettoyage est partiel. La présence d’une plaque nettoyée parmi le corpus des objets d’étude permet d’évaluer l’impact du traitement sur la corrosion et l’état de conservation de l’objet.

Environnement de conservation

Les plaques de Carspach sont conservées dans un espace de transit (objets en étude) réservé au mobilier sensible, dans la réserve du PAIR (Sélestat), en atmosphère sèche (humidité relative de 35% +/- 5% et une température de 23°C +/- 2°C). Celles-ci sont conditionnées dans des sachets en polyéthylène (Minigrip®) dans une caisse en polyéthylène également (Rako®), sur une étagère métallique.
Durant ce travail de diplôme, les plaques sont conservées dans une boîte en polyéthylène fermée, située dans une armoire d’atelier de la HECR-Arc (Neuchâtel), fermée à clé. Les plaques sont conditionnées avec leur étiquette (numéro d’inventaire, provenance), dans des sachets Minigrip®.Une petite plaque en polypropylène cannelé à la taille du sachet permet de les maintenir sur une surface rigide. Les sachets sont superposés et séparés entre eux par une feuille de papier bulle. Les conditions environnementales de l’atelier ne sont pas contrôlées et des variations de température et d’humidité relative sont possibles. Cependant, elles sont relativement stables dans les armoires : elles se situent entre 30 et 45% d’HR. Quant à la température de la salle, celle-ci est généralement basse tout au long de l’année : autour de 18 à 20°C (selon une étude climatique réalisée par les étudiants de la HECR-Arc).

Influence du traitement (plaque 1010-28) sur la stratigraphie

Le traitement à l’acide formique à 5% sous la forme de bains, a eu plusieurs effets observables sur la stratigraphie. Une grande partie des composés présents à la surface (sédiment, matériaux non-métalliques, produits de corrosion externes) a été dissoute ou s’est détachée, permettant en partie une lecture des inscriptions à la surface. Il reste toutefois des traces adhérentes de la couche CP1e, amalgamées à des fibres textiles. Les produits de corrosion externes CP1e sont visibles sous lumière UV en tant que fluorescence orange . CP1e forme désormais une fine couche blanc-brun pâle recouvrant une grande partie de la surface. Une autre couche, dont la nature n’est pas définie, est discernable. Elle est très fine mais non fluorescente sous UV, blanche, plutôt friable et pulvérulente à certains endroits, comme dans les anfractuosités. Elle peut être retirée à l’aide d’eau déminéralisée sur un coton badigeon.
Si l’on regarde la surface de la plaque, nous remarquons également qu’une partie des produits de corrosion internes a été attaquée, de manière plus ou moins profonde. Ceci est dû à la nature alcaline des produits de corrosion, en majeure partie des carbonates. Sachant que la corrosion présente plusieurs formes, et que les composés de surface étaient plus ou moins adhérents, la surface nettoyée est très hétérogène et apparaît donc irrégulière . La couche blanche CP3i a été dissoute aux endroits qui n’étaient pas protégés par la couche grise CP2i avant traitement. Les anfractuosités se sont également légèrement étendues .
Nous constatons que la fluorescence de la smithsonite (bleue), constituant CM1 et CP2i, est désormais bien visible .

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Table des matières

INTRODUCTION
1. CONTEXTE : L’ARCHEOLOGIE DE LA GRANDE GUERRE
1.1 UN NOUVEAU DOMAINE DE L’ARCHEOLOGIE
1.2 LA FOUILLE DE CARSPACH
1.3 STATUT JURIDIQUE ET VALEURS CULTURELLES LIEES AUX PLAQUES
2. PRESENTATION DES OBJETS D’ETUDE
2.1 IDENTIFICATION
2.2 TECHNOLOGIE DE FABRICATION
2.3 FONCTION
2.4 LES DIFFERENTS MODELES DE PLAQUES
2.5 PRELEVEMENT ET SECHAGE DES PLAQUES
2.6 TRAITEMENT EFFECTUE SUR LA PLAQUE 1010-28
2.7 ENVIRONNEMENT DE CONSERVATION
3. METHODES D’ETUDE
3.1 CONSTAT D’ETAT
3.2 DESCRIPTION DE LA CORROSION
3.3 ANALYSES
Spectroscopie à fluorescence X (XRF)
Microscopie électronique à balayage (SEM-EDX)
Spectroscopie infrarouge (FTIR)
Spectroscopie Raman
3.4 LOCALISATION DE LA LIMITE DE LA SURFACE D’ORIGINE
3.5 STABILITÉ DE LA CORROSION
3.6 MICROSTRUCTURE
4. CONSTAT D’ETAT ET ETUDE DE LA CORROSION 
4.1 ALTERATIONS PHYSIQUES
4.2 EXAMENS COMPLEMENTAIRES EFFECTUES
Photographie sous fluorescence UV
Radiographie X
4.2 ALTERATIONS PHYSICO-CHIMIQUES : FACIES DE CORROSION
4.3 CARACTERES DES STRATES
Métal – M
Sédiment – S
Matériaux non-métalliques – NMM
Dépôts – D
Produits de corrosion – CP
Métal corrodé – CM
Vides structurels – SV
4.4 CARACTERES DES INTERFACES
4.5 STRUCTURE DES STRATES
4.6 FORMES DE CORROSION.
Forme A
3 / 102
Forme B
Forme C
4.7 INFLUENCE DU TRAITEMENT (PLAQUE 1010-28) SUR LA STRATIGRAPHIE
5. RESULTATS DE L’ETUDE
5.1 DIAGNOSTIC DES ALTERATIONS
Facteurs mécaniques
Facteurs physico-chimique
5.2 IDENTIFICATION DE LA LIMITE DE LA SURFACE D’ORIGINE
5.3 STABILITE DE LA CORROSION
5.4 PRONOSTIC
6. RECOMMANDATIONS POUR LE SUIVI DES OBJETS 
DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION GENERALE

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