L’anthropologie rousseauiste

Si l’homme a toujours constitué le principal objet des formes de pensées et des sciences antérieures, c’est parce que sa compréhension pose souvent un certain nombre de difficultés. Parler de l’homme, c’est parler d’un animal politique pour reprendre les termes d’Aristote. Mais pour parler d’un animal politique, nous jugeons nécessaire de parler du passage de l’état de nature à l’état social. Car, c’est en société que l’on peut parler de politique puisqu’elle vient du grec « politikos, de polis, cité ; polités : citoyen » ; et signifie « ce qui se rapporte à l’organisation de la vie collective ou à l’exercice du pouvoir souverain » . Une telle définition nous amène à considérer qu’une fois que l’homme se départe de l’état de nature, il est obligé de vivre en société. Pour ce faire, il doit se conformer à des règles de conduites pour le bon fonctionnement de la vie commune.

Toutefois, on ne peut parler de normes sociales sans faire référence aux mœurs qui sont à la base du respect de ces règles ou lois. Ainsi, l’espace familial constitue la cellule de base d’inculcation de valeurs et normes sociales qui ne peuvent se réaliser sans la femme, miroir de la famille et de la société. Autrement dit, c’est à travers elle que l’on reconnait l’image de toute société. L’amour des lois n’est possible que par le biais de l’amour familial. C’est au sein de la famille que l’enfant apprend à aimer et à respecter les règles de conduites. Ainsi, une fois au dehors, ce même respect est donné aux lois ou à l’Etat. C’est pour donc dire que pour aider l’Etat à promouvoir les valeurs civiques chez les citoyens, il faut inéluctablement passer par la femme. De ce fait, Rousseau, ayant très tôt compris l’importance de la femme, lui a accordé une place de choix dans la société. Car, éduquer un homme c’est éduquer un individu, éduquer une femme c’est éduquer toute une société. Seule la femme peut faire des hommes de véritables citoyens.

Toutefois, notre choix porte sur le XVIIIème siècle du fait qu’il est, selon Léon Abensour, le siècle « où les écrivains ont montré le plus d’ardeur généreuse pour signaler et combattre toutes les injustices, mettre d’accord les lois avec la raison, et par de justes réformes des institutions et des mœurs, par l’élimination des préjugés de classe ou de religion, par l’utilisation complète des aptitudes de chacun, établir une société favorisant le progrès collectif et le bonheur de chacun » .C’est ce qui nous amène ainsi à porter notre réflexion sur le statut de la femme dans la politique et plus précisément dans la philosophie de Rousseau. Cela se justifie par le fait que sa pensée est en quelque sorte différente de celle des autres philosophes et notamment sur le rôle de la femme comme sur toutes les autres interrogations. Pour Rousseau, l’éducation traditionnelle déforme l’homme et le corrompt. Avant de former des hommes, il faut d’abord les connaitre. C’est pourquoi il s’est proposé dans le Second Discours de distinguer ce qui est originel de ce qui est artificiel en l’homme. Il reproche ainsi à ses prédécesseurs de décrire l’homme civil en parlant de l’homme naturel. Une fois ce travail établi, il propose un modèle d’éducation naturelle bien adaptée à l’homme.

Et l’Homme comme le dit Marie de Gournay « n’est ni homme ni femme, à le bien prendre : les sexes étant faits non simplement, ni pour constituer une différence d’espèce, mais pour la seule propagation…L’homme fut créé mâle et femelle » . A bien comprendre Gournay, nous pouvons dire que l’Homme est à la fois homme et femme pour la seule propagation de l’espèce humaine. Chacun ne pouvant pas se suffire à lui-même, l’homme et la femme ont chacun besoin de l’autre non seulement pour multiplier mais aussi pour préserver l’espèce humaine. C’est ce qui nous amène à orienter nos recherches sur la femme. Cela parce que la question de la femme dans la politique a, depuis fort longtemps, fait l’objet de discussion dans la plupart des sociétés. Aujourd’hui, son actualité se traduit par la lutte qu’elle mène pour une égalité parfaite des droits dans la vie politique et économique, d’où la notion de traitement équitable entre les deux sexes. Ainsi, la question de l’égalité des sexes ou de la parité voire la question du genre est au cœur de multiples débats actuels. En effet, dans des secteurs qui relèvent de l’économie, du culturel, du social ou du religieux, on constate une certaine discrimination professionnelle de la femme. C’est pourquoi les multiples débats qu’elle suscite nous amènent à voir s’il faut poser ce problème en termes d’égalité ou de complémentarité.

Ainsi, de l’Antiquité grecque à nos jours, la problématique de la femme n’a jamais laissé indifférent les penseurs. D’ailleurs, selon Léon Abensour, les philosophes qui ont évoqué ce sujet l’ont abordé chacun « avec son tempérament, ses tendances propres et lui donne la solution en rapport avec son système du monde et son caractère » .

Si nous avons choisi la place de la femme dans la philosophie politique de Rousseau c’est parce qu’il s’est beaucoup intéressé aux femmes. En effet, sa vision de la femme est plus exposée dans le livre V du traité pédagogique, l’Émile ou de l’éducation. Là, il insiste davantage sur son rôle dans le secteur familial et la différence des sexes. Pour montrer l’importance de la femme et son rôle sur l’éducation des enfants dans l’Émile, Rousseau affirme : « De la bonne constitution des mères dépend d’abord celle des enfants ; du soin des femmes dépend la première éducation des hommes ; des femmes dépendent encore leurs mœurs, leurs passions, leurs goûts, leurs plaisirs, leurs bonheurs même » . S’il a choisi de mener une étude sur le statut de la femme, c’est parce qu’il a voulu proposer à son siècle un modèle de citoyen pour le bien être de sa patrie. Cela ne peut se réaliser que par le biais de l’éducation. Il dit dans Les Considérations sur le gouvernement de Pologne que : « c’est l’éducation qui doit donner aux âmes la forme nationale et diriger tellement leurs opinions et leurs goûts, qu’elles soient patriotes par inclination, par passion, par nécessité. Un enfant en ouvrant les yeux doit voir la patrie et jusqu’à la mort ne doit plus voir qu’elle. Tout vrai républicain suça avec le lait de sa mère, l’amour de sa patrie, c’est-à-dire des lois et de la liberté. Cet amour fait toute son existence ; il ne voit que la patrie, il ne vit que pour elle, sitôt qu’il est seul, il est nul : sitôt qu’il n’a plus de patrie, il n’est plus et s’il n’est pas mort, il est pis » .

En effet, Rousseau tient beaucoup à la patrie car, pour lui, là où il n’y a pas de patrie, il n’y a pas de bons citoyens. Alors pour qu’il y ait une patrie, il faut que la femme redevienne mère, épouse, éducatrice et fasse afin aimer et respecter les lois de son pays. A partir de ce constat, on peut donc dire que Rousseau a anticipé sur la place de la femme dans la politique, qui aujourd’hui, suscite de grands débats. C’est dans cet ordre d’idées que Tahon dit qu’ « il est sans doute un auteur susceptible de faire avancer la réflexion à propos de la revendication de la parité politique aujourd’hui en ce qu’il est un des premiers, sinon le premier, à avoir pensé la femme dans la modernité » .

L’ANTHROPOLOGIEROUSSEAUISTE 

L’anthropologie peut être définie comme une science qui étudie l’homme. Elle consiste donc à s’interroger sur la nature de l’homme, sur l’origine de la société. Autrement dit, elle étudie l’homme d’avant histoire et l’homme d’après histoire. C’est-à-dire qu’elle étudie l’homme à l’état de nature et l’homme à l’état social. Chacun des philosophes a une conception de l’homme naturel et de l’homme social. C’est pourquoi la plupart d’entre eux ont pris la peine de remonter à l’état de nature pour saisir le véritable sens de l’homme social. Mais, selon notre auteur, aucun d’entre eux n’est parvenu car, ils n’ont pas su que l’état de nature est seulement une hypothèse qui permet de connaître les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Pour accéder à la nature première de l’homme, selon Rousseau, « il faut, par une fiction méthodologique, imaginer un « état de nature », à savoir déterminer par voie de soustraction, un repère fixe et originel à partir duquel on puisse retracer la généalogie complexe d’une dépravation corrélative aux progrès de la sociabilité » . Il rejette ainsi l’idée de ses prédécesseurs et fonde une nouvelle manière de penser l’homme. Ce qu’il reproche à ces derniers, c’est un manque de méthode. Pour ne pas reprendre ces erreurs précédentes, il se force de passer par une méthode afin de voir la véritable origine de l’homme et le fondement des sociétés civiles. Tout d’abord, il récuse les faits et les livres de ses prédécesseurs. Il finit ainsi par déduire que l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le déprave. Pour mieux voir la question anthropologique chez Rousseau, il nous faut voir en premier lieu sa méthode, ensuite sa conception de l’homme à l’état de nature et enfin sa conception de l’homme social.

La méthode de Rousseau 

Pour participer à la question posée par l’Académie de Dijon, à savoir quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes ?, Rousseau apporte une réponse dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Il cherche à voir, ici, si l’inégalité qui règne entre les hommes est naturelle ou acquise. Et cette interrogation de l’académie de Dijon devient aux yeux de Rousseau une des interrogations les plus intéressantes que la philosophie puisse se poser mais aussi l’une des interrogations les plus difficiles à répondre. Tout d’abord, il faut connaître les hommes avant de connaître l’origine de leur inégalité. Il trouve cette question dangereuse parce qu’il se demande comment peut-on connaître l’origine de l’inégalité entre les hommes si on ne les connait pas d’avance ? Mais comment peut on les connaître d’après tous les changements qu’ils ont subis ? C’est-à-dire, selon Rousseau, comment « démêler ce qu’il tient de son propre fonds d’avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif» .

Il compare ainsi l’homme devenu à la statue de Glaucus. Celle-ci après avoir duré dans la mer devient méconnaissable parce qu’entourée des algues et d’autres espèces de ce genre. Elle ressemble alors, selon l’auteur, à une bête et non à un dieu. Il compare ainsi, l’âme humaine à cette statue dans la mesure où elle a subi de multiples transformations par l’accumulation de nouvelles connaissances mêlées à une pléthore d’erreurs. En effet, tous les progrès éloignent l’homme de son état primitif. Plus nous recevons des connaissances nouvelles, plus nous nous éloignons de notre premier état, de notre état d’origine, plus les difficultés de remonter à cet état s’accroissent. Et Rousseau dit qu’il « est aisé de voir que c’est dans ces changements successifs de la constitution humaine qu’il faut chercher la première origine des différences qui distinguent les hommes, lesquels d’un commun aveu sont naturellement aussi égaux entre eux que l’étaient les animaux de chaque espèce, avant que diverses causes physiques eussent introduit dans quelques-unes les variétés que nous y remarquons » .

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Table des matières

INTRODUCTION
I- L’ANTHROPOLOGIE ROUSSEAUISTE
II- LA FEMME DANS LE PRIVE ET LE PUBLIC
III-ROUSSEAU ET LA CONCEPTION DE LA FEMME D’AUJOURD’HUI
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIES

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