Langues et parcours d’intégration d’immigrés maghrébins en France

L’interaction, matrice du verbal et du non-verbal

   « Toute structure culturelle et tout acte individuel de comportement social entraînent une communication implicite ou explicite » (Sapir, 1968 : 92). Si l’approche structuraliste néosaussurienne néglige « sans vergogne » la parole au profit bien illusoire de la très virtuelle langue, le concept interactionniste, en revanche et à l’inverse, s’attache exclusivement à la parole et à son contexte34 (sont-ils dissociables ?) ; peut-être serait-il d’ailleurs, en maintes occurrences, plus pertinent de parler d’interaction à laquelle la parole prend part… C’est la conséquence même de cette pensée interactionniste qui fait dire à John Gumperz (1989b : 130) que « l’analyse des actes de langage a montré que la détermination du sens d’un énoncé par des auditeurs a souvent peu ou même pas du tout de rapport direct avec ce que serait le contenu propositionnel de ce même énoncé lorsqu’on l’appréhende en dehors de son contexte » et l’on conçoit dès lors plus clairement les implications des notions typiquement interactionnistes telles que le face-work, l’indexicalité, l’axiologie, l’importance des rituels, le tour de parole, etc. Avec une formulation différente, Erving Goffman (1981: 4) insiste sur l’aspect primordial du contexte en affirmant que « every utterance and its hearing bear the mark of the framework of participation in which the uttering and hearing occur » ainsi que sur l’importance cruciale des aspects para-linguistiques (partie du contexte) en écrivant que « utterances are inevitably accompanied by kinesic and paralinguistic gestures which enter intimately into the organization of verbal expression » (ibid. : 37). Enfin, il « tord le cou » à l’un des fondements même de la pensée innéiste chomskienne en assénant que « the underlying framework to talk production is less a matter of phrase than frame space »(ibid. : 325). Cependant, si l’aspect prépondérant et universel du phénomène d’interaction semble extrêmement difficile (tournure ô combien euphémistique) à remettre en cause, il complique d’autant l’analyse de toute occurrence par la multiplicité des paramètres interagissants qui en sont l’essence même, ainsi que par son caractère éphémère et perpétuellement changeant ; ce dernier point fait d’ailleurs dire à Alain Coulon (1987 : 12) que « l’interaction est définie comme un ordre négocié, temporaire, fragile, qui doit être reconstruit en permanence afin d’interpréter le monde ».

Communauté, un vocable bien vague

   Si l’unanimité quant au caractère central du concept semble acquise, pour les (socio)linguistes au moins, le « flou » définitionnel subsiste et la raison première de celui-ci me semble tenir, à la base, à la définition même du vocable « communauté ». L’encyclopédie Larousse (1989) définit celui-ci comme « caractère de ce qui est commun » ainsi que « groupe social ayant des intérêts communs » alors que le dictionnaire Robert (1990) le définit en tant que « groupe social dont les membres vivent ensemble, ou ont des biens, des intérêts communs ». On pourrait ainsi multiplier les circonlocutions sans pour autant parvenir à une définition précise de ce qu’est une communauté et ce, parce que la définition même de la communauté varie en fonction de ce que l’on considère comme « commun » à un groupe (un ou plusieurs critères) et parce qu’un même individu peut, selon le ou les critères choisis (lesquels, comment et par qui ?), appartenir à une ou plusieurs communautés. « It is, if anything, even more difficult to answer the question of what two societies or social groups have to have in common before we can say that they are the same speech community » (Ferguson, 1991: 220). C’est d’ailleurs cette même interrogation qu’exprime Muriel Saville-Troike (1982 : 18) lorsqu’elle écrit : « The key question is whether our focus in initially defining communities for study should be on shared language form and use, or on common geographical and political boundaries, culture traits, and perhaps even physical characteristics ». Celle-ci (1982 : 20) propose trois critères globaux qui permettent de mieux définir une communauté :
« 1) It is any group within a society which has anything significant in common (including religion, ethnicity, race, age, deafness, sexual orientation, or occupation, but not eye colour or height).
2) It is a physically bounded unit of people having a full range of role opportunities (a politically organized tribe or nation, but not a single-sex, single-age, or single-class unit like a monastery, home for the age, or ghetto). S’il est une chose difficile, c’est bien de répondre à la question de ce que deux sociétés ou groupes sociaux doivent avoir en commun avant de pouvoir déclarer qu’ils sont une speech community. La question clé est de savoir si le point définitionnel central pour l’étude d’une communauté doit porter sur la forme et l’usage partagés de la langue, ou sur des frontières géographiques ou politiques communes, des caractéristiques culturelles, voire, des particularités physiques.
3) It is a collection of similarly situated entities that have something in common (such as Western World, developing countries, European Common Market, or the United Nations) ». Cette tentative définitionnelle souligne que « l’élément » commun ou partagé est central dans le concept de communauté mais démontre aussi que les groupes humains correspondant à ces critères peuvent se recouper, sont innombrables et d’autant plus difficiles à « isoler ». Ajoutons que la tentative de Dell Hymes (1974 : 51) qui propose de restreindre éventuellement l’usage de la notion « communauté » et de réserver celui-ci à des sousgroupes qu’il définit comme : « local unit, characterised for its members by common locality and primary interaction » peut pallier le flou définitionnel dans le cas de petits groupes mais ne résout pas le problème posé par des communautés ou groupes plus importants. Cette idée de « niveau » ou « d’échelle » de définition de la communauté n’est d’ailleurs pas propre à Dell Hymes puisque John Gumperz (1971 : 101) parle de « level of abstraction we whish to achieve » et Muriel Saville-Troike (1982 : 19) de « different levels » pour signifier qu’il est possible « d’extraire » ou « d’isoler » des « sous-groupes » de la communauté. La conséquence de cet « aménagement » méthodologique me semble être la possibilité de réversibilité du procédé qui, dès lors, instituerait, dans une perspective résolument interactionniste, la speech community comme la communauté « humaine » ou presque, ce qui aurait pour effet de rendre le terme de speech community plutôt caduque… Ce problème de définition de « l’amplitude » de la communauté est d’ailleurs exactement et logiquement celui que l’on retrouve dès que l’on cherche à définir une langue puisqu’il s’agit, dans les deux cas, d’établir des « frontières » ou de déterminer des facteurs propres à séparer, isoler, ou différencier un groupe (ou des groupes) d’un autre (ou d’autres) au sein d’un continuum.

La lumière en quelques définitions ?

   Dell Hymes (1967/72 : 54-5), pour le courant de l’ethnographie de la communication, définit la speech community comme : « A community sharing rules for the conduct and interpretation of speech, and rules for the interpretation of at least one linguistic variety… A necessary primary term… it postulates the basis of description as a social, rather than a linguistic, entity ». Pour lui, c’est clairement le partage de « règles » de « communication (conduct and interpretation of speech) » qui permet de définir la communauté ou qui permet à celle-ci de se définir mais il ajoute tout de même que les règles d’interprétation d’une variété linguistique au moins sont nécessaires… Il prône donc une définition par un prisme social sans pour autant réussir complètement à se dégager de l’aspect linguistique (A necessary primary term) qu’il semble pourtant réfuter comme base de travail lui préférant le prisme social. Dans une perspective similaire mais plus variationniste, William Labov (1972 : 120) définit la speech community ainsi : « The speech community is not defined by any marked agreement in the use of language elements, so much as by participation in a set of shared norms. These norms may be observed in overt types of evaluative behavior, and by the uniformity of abstract patterns of variation which are invariant in respect to particular levels of usage ». C’est donc le partage de certaines normes évaluatives, qui selon William Labov, permet de définir la speech community là où Dell Hymes est enclin à préférer des règles de communication. Ces deux postures théoriques ne sont cependant pas complètement antinomiques, puisque l’on peut très bien concevoir que la norme « s’insère » dans l’usage de règles ou que les règles servent à définir la norme… Il sera d’ailleurs fait état, dans les paragraphes suivants, de définitions, dont celles des intéressés eux-mêmes, qui concilient les deux positions. Remarquons en outre que William Labov implique les membres de la communauté dans la définition de celle-ci puisque c’est en terme « d’évaluation » que la norme se trouve définie. A l’instar de William Labov, en ce qui concerne la détermination de la communauté par ses propres membres, Stephen Pit Corder (1973 : 53) adopte une posture encore plus radicale puisqu’il affirme : « A speech community is made up of people who regard themselves as speaking the same language; it needs having no other defining attribute ». Si cette définition semble séduisante par sa simplicité a priori, elle se heurte bien vite aux limites qu’impose la subjectivité (identification, identisation, etc.) et ne me semble donc pas adéquate ainsi posée, à la délimitation d’une communauté à étudier. John Gumperz (1982 : 114), dans une approche également sociolinguistique mais plus interactionnelle, définit la speech community comme : « Any human aggregate characterized by regular and frequent interaction by means of a shared body of verbal signs and set of from similar aggregates by significant differences in language usage ». Dans cette définition, l’élément partagé est un « ensemble de signes verbaux », et non plus un ensemble de règles ou de normes comme c’est respectivement le cas pour Dell Hymes et William Labov, mais de plus, la fréquence et la régularité des interactions sont prises en compte ainsi que les différences significatives dans l’usage de la langue, ce qui permet de mieux « cerner » le groupe. Remarquons en outre, qu’à l’instar de William Labov, c’est l’usage et non la compétence que John Gumperz privilégie et qu’apparaît ici la notion d’interaction, laquelle me semble être à la genèse même de toute étude de système. Dans une version plus consensuelle, Muriel Saville-Troike (1982 : 20), dont la définition du concept de communauté a été précédemment citée, propose d’établir le lien entre « communauté » et speech community comme suit : « Also a product of investigation is the determination of whether a community is a “speech community” according to selected linguistic criteria. […] language must be found to play a significant role in identifying the boundary of a speech community, at least from the perspective of its own members. At any level of speech community selected for study, the societal functions of language will include the boundary functions of separating, unifying, and stratifying » . Sa définition met l’accent sur l’importance du rôle que doit jouer le langage dans sa fonction sociale, pourvoyeur de frontières ou de limites (boundaries), pour l’identification des différents groupes mais également sur le fait que cette délimitation du groupe peut être le fait de ses propres membres. C’est donc clairement la fonction sociale du langage, et non des parties de celui-ci (les normes, les règles ou un ensemble de signes verbaux), qui devient le vecteur de délimitation de la speech community dans cette définition qui « englobe » celles de Hymes et de Gumperz. Pour Suzanne Romaine (1994 : 22) : « A speech community is a group of people who do not necessarily share the same language, but share a set of norms and rules for the use of language. The boundaries between speech communities are essentially social rather than linguistic… A speech community is not necessarily co-extensive with a language community ». Cette définition, proche de celle de Dell Hymes, inclut également la notion de norme chère à William Labov, mais précise de surcroît que les personnes qui composent la speech community ne partagent pas forcément le même langage, conviction d’ailleurs partagée par les chercheurs précédemment cités, mais moins explicitement, du moins dans la définition. Elle insiste également, tout comme les précédentes définitions, sur la fonction sociale de la langue dans la délimitation des groupes mais précise en outre, que les délimitations de la speech community ne recouvrent pas nécessairement celle de la « communauté linguistique » (le mot est lâché !).

La scolarité

   Durant les entretiens, il n’a jamais été demandé de manière directe aux enquêtés si ceux-ci avaient ou non été scolarisés, cependant, il leur a été demandé où et comment ils avaient appris leur(s) langue(s), s’ils savaient écrire l’arabe ou une autre langue, etc. La plupart a répondu spontanément qu’ils avaient ou non été scolarisés, beaucoup précisant d’ailleurs que cet « atout » ou ce manque selon les cas, souvent générateur de complexes ou de frustrations pour ceux qui ne l’avaient pas été (majoritairement des femmes), avait joué un rôle crucial dans leur parcours (les réflexions à ce propos sont nombreuses dans les entretiens). La mention « peu scolarisé » a été créée en fonction des déclarations des enquêtés qui eux-mêmes estimaient ne pas avoir été beaucoup scolarisés, les périodes citées allaient de 6 mois à 4 ans. Les personnes pour lesquelles je n’ai pas obtenu de réponse (6,67%) n’ont très vraisemblablement pas été scolarisées. Il leur a été demandé, comme à tous les autres enquêtés, « où » elles avaient appris la ou les langues qu’elles déclaraient parler ou comprendre, et, lorsque la réponse était « hors école » sans toutefois d’autres éléments de réponse sur leur scolarité, elles ont été classées, dans un souci éthique, dans la colonne des « non-renseigné ».

De la speech community au répertoire verbal

   Définir la speech community implique la délimitation du « bien linguistique » partagé, et ce, quels que soient les critères utilisés, règles, normes, schémas de communications, signes verbaux, etc. Cet ensemble de ressources linguistiques, « bien linguistique » partagé, additionné aux connaissances individuelles, c’est précisément ce que John Gumperz (1971 : 157) qualifie de « verbal repertoire », répertoire verbal qui, selon lui, autorise l’étude de tous types de speech communities que ces dernières soient monolingues ou multilingues : « The concept of the verbal repertoire allows us to deal with speech communities of all types. Monolingual and multilingual repertoires can be analysed within the same general framework ». Pour formaliser le concept de répertoire verbal, John Gumperz (ibid. : 102) postule un système cohérent et hétérogène baptisé « communication matrix » ou « matrice communicationnelle » au sein de laquelle opèrent tous les facteurs liés à la communication au cœur d’une société : « The totality of communication role within a society may be called its communication matrix » . L’ensemble des codes coexistant à l’intérieur de cette matrice communicationnelle constitue la matrice de code (code matrix) qu’il décrit comme : « The totality of functionally important codes in a specific community. The components of such a code matrix may be dialects or styles of the same language or genetically related or even unrelated languages ». Sont ainsi concernées, par conséquent, toutes les ressources verbales susceptibles d’être utilisées au cours d’interactions au sein d’une communauté. A l’intérieur de la matrice communicationnelle, John Gumperz décrit des soussystèmes variés et parfois hiérarchisés à l’aide desquels il formalise le répertoire verbal qu’il définit (ibid : 152) comme : « […] The totality of linguistic forms regularly employed in the course of socially significant interaction. […] The verbal repertoire then contains all the accepted ways of formulating messages. It provides the weapons of everyday communication. Speakers choose among this arsenal in accordance with the meaning they wish toconvey »(Gumperz, 1971 : 152). C’est donc une fois de plus l’usage (regularly employed, significant interaction) et non la compétence qui sert à définir le répertoire verbal d’une communauté « linguistique » ce qui rejoint d’ailleurs les conceptions de William Labov (1972 : 120), Susan Romaine (1994 : 22) et François Grosjean (pour le bilinguisme, 1984) quant à la primauté de l’usage. On pressentégalement dans cette définition que le locuteur est acteur de ses choix linguistiques (choose among this arsenal) comme le préconise Muriel Saville-Troike (1982 : 20), et que les énoncés sont également soumis au jugement d’acceptabilité de la communauté (accepted ways of formulating messages), condition très labovienne. On peut donc raisonnablement affirmer qu’en dépit du peu d’informations disponibles à propos du concept précurseur de répertoire verbal (hormis chez Gumperz), la formulation de celui-ci est consensuelle et recoupe ou englobe les diverses approches de la speech community. Précisons, en outre, que le « bien linguistique » partagé n’exclut bien entendu aucunement les connaissances individuelles et ce, qu’il s’agisse d’autres langues, variétés ou dialectes comme le précisent également Christian Bachmann, Jaqueline Lindenfeld et Jacky Simonin (1981 : 189) : « Il (Gumperz) conçoit les langues, les variétés linguistiques, régionales, sociales ou fonctionnelles, comme faisant partie d’un répertoire verbal, qu’un individu ou un groupe possède en propre ». On pourrait donc définir le répertoire verbal d’une communauté comme égal à la somme de tous les composants de tous les répertoires individuels ou partagés qui composent celle-ci. Dans un esprit similaire par son côté « englobant », Susan Ervin Tripp (1968 : 197) utilise la lexie « repertoire of speech alternatives »  qui présente l’avantage implicite d’inclure l’ensemble des possibilités communicationnelles ainsi que d’affirmer l’existence d’un choix pour le locuteur de la « language community »; choix motivé, selon l’auteur, par les diverses situations sociales auquel se trouve confronté ce même locuteur. Ajoutons enfin que la définition de John Platt et Heidi Platt (1975 : 35) qui parlent de « speech repertoire » et le formulent comme: « the range of linguistic varieties which the speaker has at his disposal and which he may appropriately use as a member of his speech community » n’apporte guère d’éléments novateurs et semble même restreindre le concept aux seules variétés linguistiques, du moins exprimé ainsi. Toutefois, certaines zones moins définies subsistent dans la formulation gumperzienne du répertoire verbal et notamment tout ce qui concerne les mimiques, la kinésique, la proxémique, les background assumptions, etc. Il me semble, cependant, la profonde conviction interactionniste de John Gumperz n’étant plus à démontrer, que celui-ci inclut implicitement les éléments de communication para-verbaux précédemment cités dans la définition de la matrice communicationnelle (The totality of functionally important codes in a specific community). Néanmoins, c’est peut-être précisément ce flou qui a motivé la démarche de Dell Hymes (1972 : liv) qui adjoint au concept de répertoire verbal ceux de « communicative repertoire », « social repertoire » et de « cognitive repertoire ». Une autre zone de flou se trouve, à mon sens, dans la signification de la lexie « socially significant interaction ». En effet, existe-t-il des interactions socialement non signifiantes ? A quoi les oppose-t-on ? Quelles sont-elles ? Au sein du système constitué par ce répertoire verbal communautaire (le système n’est plus la ou les langues mais l’arsenal linguistique), John Gumperz définit des sous-ensembles hiérarchisés et répartis en un même espace mais sur deux dimensions que l’on pourrait qualifier d’horizontale et verticale : « The totality of dialectal and superposed variant regularly employed within a community make up the verbal repertoire of that community » (1971 : 125). Sur la première dimension, horizontale, se trouverait ainsi l’ensemble des « dialectes » dont la catégorisation serait le fait des situations géographiques et sociales. Il s’agirait donc, dans le cadre de notre étude, du français, de l’arabe dialectal, des différentes langues berbères ainsi que de toutes les variétés respectives de chaque famille de langue. Au cœur de ces « dialectes », John Gumperz (ibid : 89) situe les vernaculaires qu’il définit comme « the form of speech used in the home and in the local peer group » et qui sont notamment représentatifs de plus petits groupes. Il distingue d’ailleurs le vernaculaire de l’argot, « Two social groups having the same argot may have different vernaculars », distinction qui peut sembler sujette à caution tant les caractéristiques définitionnelles des deux entités sont proches… Ces parlers, dans le cadre de notre étude, pourront être diverses variétés de français, d’arabe dialectal et de berbère mais également, éventuellement, un « parler de contact » à vocation intercommunicationnelle qui aurait pour base les langues précédemment citées avec une fonction véhiculaire et vernaculaire (Biichlé, 2003).

Le plurilinguisme est la règle

   S’il est parfois difficile pour certains « Occidentaux » et, à plus forte raison, pour certains Français, de renoncer à la « sacro-sainte » représentation de l’unicité de « la langue », « fer de lance de la culture et étendard de la nation », force est de reconnaître, un simple regard moins ethnocentré91 suffisant amplement, que « le plurilinguisme est la règle, l’unilinguisme l’exception (Lüdi et Py, 1986) » ! Que l’on évoque, en effet, le multilinguisme, ou à une moindre échelle, le bilinguisme, l’évidence s’impose, plus de la moitié de l’humanité est au minimum bilingue (Mackey, 1967, Grosjean, 1982, Lüdi et Py, 1986, Romaine, 1989). Depuis l’aube de l’histoire humaine du langage, « Bilingualism is present in practically every country of the world, in all classes of society » 92 déclare François Grosjean (1982 : VII) et d’ajouter qu’en réalité : « it is difficult to find a society that is genuinely monolingual » . Pour Georges Lüdi et Bernard Py (1986 : 5), le bilinguisme « constitue, dans de nombreuses parties du monde, l’usage le plus courant » et, René Appel et Pieter Muysken (1987 : 101), évoquant beaucoup de pays non-occidentaux, parlent même de « norme ». Pour Suzanne Romaine (1989 : 2), l’acquisition de plus d’une « langue » est un processus normal de l’ontogenèse et elle ajoute (ibid. : 8) que « even monolingual communities are not homogeneous since there are usually regional and stylistic varieties within what is thought as “one language” », énoncé dans lequel on sent poindre « à demi-mots » le problème récurrent de la définition de la « langue », et de cette dernière par rapport aux variétés… Elle déclare enfin que dans une perspective sociétale globale, « most of the world’s speech community use more than one language and are therefore multilingual rather than homogeneous ». Certains auteurs vont même plus loin dans le sens de cette idée du bi(multilinguisme) comme « règle » en suggérant que l’on pourrait « renverser la perspective en disant que le monolinguisme n’est qu’un cas particulier du bilinguisme » (Matthey et Py, 1995 : 13), voire, comme Jean-François de Pietro et Marinette Matthey (2003 : 139) en qualifiant le répertoire unilingue d’ « accident historique dû à l’essor des états nations et aux processus de grammatisation »… On considère, en général, que l’équation « immigration = bilinguisme » est pertinente puisque l’arrivée dans un nouveau pays semble impliquer le contact avec une nouvelle « langue » ; de même, on présuppose souvent les Maghrébins comme bi ou plurilingues par rapport à l’image que l’on se fait de la situation linguistique au Maghreb (diglossie, français, berbère, etc.). Néanmoins, la réalité de ce (bi)plurilinguisme supposé des enquêtés sera tout de même source d’interrogations tout comme la pertinence de l’équation globale « immigration = bilinguisme ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : DU RECUEIL DE DONNEES A UN CADRE THEORIQUE 
CHAPITRE I : L’ENTREE DANS LA RECHERCHE : UN PREMIER CADRE
I. L’élaboration d’un projet
II. L’enquête pour l’Espace Formateurs
II.1. Le contexte global du recueil de données
II.2. L’objectif initial du recueil de données
II.3. Les entretiens, un choix méthodologique
II.4. Le déroulement des sessions de recueil de données
II.5. Des données « formelles » et d’autres moins
III. La méthodologie des entretiens
III.1. La « tripartition » de l’entretien
III.2. Les guides d’entretien
III.3. L’utilisation des guides d’entretien
III.4. Le déroulement de l’entretien
III.5. Quelques retours des entretiens
III.6. Le traitement et la compilation des données
III. 7. Conventions pour la lecture des énoncés
Résumé de la méthodologie
CHAPITRE II : VERS UNE DEFINITION DU GROUPE
I. Interactionniste, une condition sine qua non !
I.1. De l’éventuelle omnipotence du système
I.2. L’interaction, matrice du verbal et du non-verbal
I.3. Le social, la langue, la culture… autant de systèmes… autant d’interactions
I.4. Quelques principes pour l’interaction avec « l’étranger »
II. A la recherche de la speech community
II.1. Communauté, un vocable bien vague
II.2. Communauté, polysémique de surcroît !
II.3. La lumière en quelques définitions ?
II.4. Ainsi meurt la « communauté linguistique »
II.5. Un choix cornélien
III. Un groupe de personnes originaires du Maghreb
III.1. Les différentes nationalités
III.2. Les Primos et les Ex
III.3. La répartition des sexes et des tranches d’âge
III.4. Les données familiales
III.5. Les enquêtés et les enfants
III.6. La scolarité
III.7. Les diplôme ou les qualifications
III.8. L’emploi
Résumé
CHAPITRE III : DES PERSONNES ET DES LANGUES
I. De la speech community au répertoire verbal
II. Une première approche du répertoire du groupe
II.1. Le plan horizontal
II.2. Le plan vertical
III. Le plurilinguisme est la règle
III.1. Mais qu’entend-on par être (bi)plurilingue ?
III.2. Vers une définition plus consensuelle
IV. La diglossie selon Charles Ferguson
IV.1. Quelques critiques du concept de diglossie
IV.2. Vers une définition en terme de fonctionnalité
IV.3. La diglossie et le Maghreb
IV.4. Une séparation moins évidente qu’il ne paraît
V. Les représentations
V.1. Des personnes et des représentations
V.2. Quid des représentations sans la langue ?
V.3. Dépasser la fonction référentielle
V.4. Les représentations, un frein pour les migrants ?
VI. De l’identité en général
VI.1. Une définition complexe
VI.2. L’identité individuelle ou personnelle
VI.3. L’identité sociale ou collective
VI.4. Identité située et stratégies identitaires
VII. Identité et migrants
VII.1. Du lien entre identité et langue(s)
VII.2. Une identité nécessairement plurielle
VII.3. De « l’oscillation identitaire »
VII.4. Deux grands types de stratégies identitaires
VII.5. Des manifestations langagières de l’identité
VII.6. Des marqueurs ou des actes d’identité
VIII. Vers un modèle
Résumé de la première partie
PARTIE II : DU REPERTOIRE VERBAL A SA MISE EN OEUVRE
CHAPITRE I : UN REPERTOIRE VERBAL, DES REPRESENTATIONS ET DES IDENTITES
I. De la séparation entre Maghreb et France
II. Des « dires » et des « facettes identitaires »
III. L’arabe
III.1. L’arabe « vrai »
III.2. Les représentations convergentes (identité supra locale, identité « arabe »)
A) L’arabe littéraire « hégémonique »
B) La reconnaissance d’un espace dialectal homogène avec minoration de celui-ci
III.3. Les représentations divergentes (identité supra locale, identité « nationale »)
III.4. Les continuums ou zones progressives d’intercompréhension (identité « locale »)
A) L’axe horizontal : les zones progressives d’intercompréhension
B) L’axe vertical : la diglossie
C) La dimension rurale/citadine
Conclusion
IV. Le berbère
IV.1. Les Chleuhs et les Kabyles
IV.2. La dévalorisation ou la « négation » du berbère
IV.3. « Nous, quand on ne comprend pas, c’est berbère ou kabyle ! »
IV.4. Le berbère et ses dialectes, les représentations convergentes (« identité supra locale »)
A) Les représentations d’une non-berbérophone
B) Des représentations de berbérophones
IV.5. Des langues berbères, les représentations divergentes (identité « locale »)
IV.6. De l’intercompréhension entre Berbères
IV.7. Une identité souvent nécessairement plurielle
IV.8. Vers une érosion du berbère et de son identité ?
IV.9. L’identité berbère en France, l’érosion continue ?
Conclusion
V. Le français en pays d’origine
VI. Les autres langues
VII. Les représentations des enquêtés sur leur (bi)plurilinguisme
Conclusion du chapitre consacré au répertoire verbal
CHAPITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DU REPERTOIRE VERBAL EN FRANCE 
I. Intégration
II. Le réseau
II.1. Le réseau, un prolongement éventuel ?
II.2. La sociabilité ou le degré zéro de l’analyse structurale
II.3. Du réseau proprement dit
II.4. Du réseau ou de son absence
II.5. Du réseau et des migrants
II.6. La famille et le réseau
II.7. Du sexe, de la sociabilité et des pratiques langagières
III. Divers aspects de la mise en œuvre du répertoire verbal en France
III.1. Le répertoire verbal en famille
III.2. La famille et « l’extérieur »
III.3. Le français dans le couple
A) Les déclarations des femmes
B) Les déclarations des hommes
IV. Emploi, genre et français
A) Les hommes
B) Les femmes
IV.1. Le lien entre emploi et apprentissage de la langue
IV.2. Des réseaux (hors emploi) différents selon le genre
V. Identités, langues et famille
V.1. Les regrets du manque de transmission de la langue
V.2. La satisfaction de la transmission de la langue
V.3. Parler français pour les enfants
VI. De la nécessité de parler français
VI.1. Les liens entre apprentissage, usage du français et intégration
VI.2. Le français au quotidien : des raisons pragmatiques
VII. Des attitudes et représentations associées au français et à son usage
VII.1. De la reconnaissance de plusieurs variétés de français
VII.2. De la « quantité » de français parlé au quotidien
VII.3. Le français, une langue facile ou difficile ?
VIII. Une forme particulière d’insécurité linguistique
A) Les déclarations de femmes Primos
B) Les déclarations des femmes Ex
Résumé
PARTIE III : DES PARCOURS MIGRATOIRES ET DE L’INTEGRATION
I. Intégration et langue(s) : « diagnostics » et « remèdes »
I.1 L’utilisation d’un indice : l’ESAC
I.2. Un autre indice, la représentation de l’environnement
I.3. Une situation (socio)linguistique connue de nombreux acteurs sociaux
I.4. Une représentation prégnante : apprentissage de la langue = intégration
I.5. Un « remède », le « contrat d’accueil et d’intégration »
I.6. Une représentation, un contrat et quelques questions
II. Vers une étude plus longitudinale des parcours
II.1. Les premiers pas dans la nouvelle société
A) Des migrants « sans problème »
B) Des migrants aux arrivées difficiles
II.2. Le parcours d’une « invisible », entretien, par procuration
II.3. De l’effet de certains événements
Conclusion de l’étude longitudinale des parcours
III. Des éléments de réponses aux interrogations de cette troisième partie
III.1. « Le » français et le temps passé en pays d’immigration
A) Les Primos : deux exemples d’ESAC « très difficile »
B) Les Ex : deux exemple d’ESAC, l’un « difficile » et l’autre « très difficile »
III.2. L’équation entre connaissance de la langue et intégration à l’épreuve de cas particuliers
A) L’enquêtée n°8ex : ESAC « très aisé » mais ne « s’adapte » pas
B) L’enquêtée n°14ex : un ESAC « très aisé » mais aimerait retourner en Algérie
C) L’enquêtée n°2ex : un ESAC « moyen » et une identitée française revendiquée
IV Des rôles respectifs de la langue et du réseau social dans le processus d’intégration
IV.1. Du lien plus ou moins explicite entre intégration et emploi
IV.2. La face « cachée » de la formation
IV.3. Au-delà de l’emploi et de la formation, d’autres points de contact
Conclusion
V. Du lien entre urbanisation et réseaux sociaux
VI. Des même causes et des mêmes effets : le parler maghrébin de France
CONCLUSION

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