LANGUES, CURRICULUM ET JEUNES DÉFAVORISÉS : DE L’IMPORTANCE DES REPRÉSENTATIONS

La recherche en sciences humaines et sociales (SHS)

      En paraphrasant, les sciences humaines et sociales (SHS) regroupent les sciences dont l’objet d’étude est l’Homme1 et ses relations avec la société. Selon Del Bayle, les SHS sont « les sciences qui ont l’homme et ses activités pour objet d’étude, et l’on peut déjà noter que les spécificités de cet objet entraînent un certain nombre de conséquences que l’on retrouvera ultérieurement. » (Del Bayle, 2000, p. 16). Que dire sur l’Homme ? Dans un extrait de manuel de biologie, l’Homme, bien qu’il s’inscrive dans la classification animale, se distingue des animaux sur trois points : son intelligence inventive – outils, son intelligence conceptuelle – langage articulé, et son comportement social – culture (Campan, Paniel, 1967, p. 366–368). Audelà de son environnement naturel, l’Homme invente et crée des outils qui peuvent lui servir continuellement dans son quotidien. Ressentant un besoin de communiquer, par le biais de son intelligence conceptuelle, il fait appel au langage articulé qui est le propre de l’être humain. Aussi, c’est un être social. Son besoin de communiquer s’effectue à travers la société dans laquelle il s’inscrit. Cette société ayant ses propres caractéristiques, afin que chaque individu puisse trouver sa place et que la société soit cohérente et harmonieuse, l’éducation assure un rôle primordial. Pour faire une recherche en SHS, les nouvelles connaissances produites doivent porter sur ces aspects qui relèvent de différentes disciplines : les sciences de l’éducation (SE), la sociologie, l’anthropologie, les Sciences du langage (SL), la psychologie sociale, l’ethnologie, etc. Des disciplines peuvent être considérées conjointement et être complémentaires, allant vers une collaboration disciplinaire (pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité). Tous les aspects qui concernent l’être humain sont en relation d’interaction et d’interdépendance. Les disciplines ne sont pas figées chacune dans un aspect particulier mais existent chacune selon sa spécificité, ses méthodes et ses objectifs sans fixer des barrières par rapport aux autres disciplines. En effectuant des recherches sur l’être humain, il est ainsi nécessaire de tenir compte de tout ce qui le concerne. Le thème de cette recherche étant l’étude de l’Homme, dans sa jeunesse, dans un groupe social particulier, à travers le contexte malgache, aucune discipline n’est à exclure. Cependant, avec la difficulté, voire l’impossibilité d’effectuer une parfaite étude à partir de toutes les disciplines qui touchent les sciences de l’Homme, et en vue une étude fine et structurée, notre préoccupation nous permet de nous concentrer sur deux disciplines majeures : les sciences de l’éducation et les sciences du langage. Les autres disciplines peuvent intervenir pour renforcer la collaboration disciplinaire mais les principales sont celles que nous allons tenter de mieux comprendre.

La jeunesse

      L’intérêt de cette recherche est, tout particulièrement, porté à la jeunesse. Qu’est-ce qu’un jeune ? Que dire sur la jeunesse ? Quels sont les critères et les caractéristiques qui nous permettent de définir l’appartenance ou non à la jeunesse ? Pour mieux comprendre l‘origine de ce concept « jeune », nos recherches remontent vers son étymologie. Le mot « jeune » est issu du latin populaire du XIème siècle iŭvĕne, qui prendra d’autres formes dans l’ancien français comme ione, ioune, iuenne, juvenis qui devient en 1611 juene puis jeune, jusqu’à ce qu’en 1694, l’académie française retienne cette forme moderne jeune (Catach, 1995, p.602). Depuis son origine jusqu’à sa forme actuelle, le jeune représente une personne « peu avancée en âge » (Catach, 1995., p.602), une période située entre l’enfance et l’âge adulte. Ces définitions généralistes informent sur la situation de la jeunesse, cette période où l’être humain se trouve être jeune, une période intermédiaire dans la vie humaine. Pour compléter cette approche générale, des domaines spécifiques se sont penchés sur la question de la jeunesse et tentent de mieux délimiter et comprendre cette période. De ce fait, du point de vue biologique, cette période intermédiaire de la vie humaine se délimite entre le début et la fin de la puberté, ce qui reste variable chez tout un chacun. Sur le plan psychoaffectif, cette classe d’âge est fondamentale pour le développement émotionnel mais, sur le plan neurologique, l’immaturité du cortex frontal entraine une instabilité comportementale chez les individus, sur le plan cognitif, leurs capacités intellectuelles sont très développées : « la puissance est là, mais pas le contrôle » (OCDE, 2008, p.2-6). Les études de CREDOC (2012) tentent de percer la jeunesse française. Ce fait social intermédiaire, instable se caractérise par un temps et des modes de vie pleinement assumés, les jeunes sont des consommateurs actifs (modes vestimentaires, produits culturels et de loisirs, technologie) mais qui subissent une précarité financière importante, selon les capacités matérielles et les conditions d’intégration (CREDOC, 2012, p.11-15). Selon l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), en France, cette période se situe entre 15 et 29ans. Cette étude s’intéresse à un cadre occidental, ce qui est éloigné du contexte de cette recherche. Pour Madagascar, civilement, est reconnu comme majeur civil, tout individu ayant vingt-et-un an et plus (Ordonnance n°62-041 du 19 septembre 1962, Titre I, art. 15). La majorité pénale est fixée à 18 ans et, pour pouvoir obtenir une carte d’identité nationale (CIN)5 , il faut être un adulte, étant entendu qu’« un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, et un adulte de tout être humain âgé de dix-huit ans et plus » (Loi n°2017-022). À partir de 18ans, tout individu est considéré légalement comme adulte. La loi n°2017-022 nous interpelle, dans le cas où, ne sont considérés que l’enfance et l’âge adulte. Où se situerait la jeunesse ? Selon Bourdieu, la « jeunesse » n’est qu’un mot. L’âge social, dont la jeunesse, est en réalité une construction sociale, enjeu de manipulation pour tenter d’établir un ordre au sein de la société. Définir un rapport entre l’âge social et l’âge biologique est complexe (Bourdieu, 1978, p.520- 530). L’inaccessibilité à une définition réellement partagée du concept implique une précision sur son acception dans le cadre de cette recherche. Sera considéré comme « jeune » un individu en situation d’apprentissage, en phase de construction identitaire et d’intégration sociale. C’est un être social en devenir. Malgré la complexité énoncée par Bourdieu, une prise de risque consciente, dont nous en assumerons la responsabilité, est de considérer la jeunesse entre quinze et vingt-cinq ans, soit l’âge de prise de décision et l’âge où commence une période d’intégration et de stabilisation sociale, notamment à Madagascar.

Le curriculum

      Le concept « curriculum » est un des concepts fondamentaux qui font l’objet de nombreuses réflexions dans le domaine de l’éducation formelle. En effet, si l’école, cette institution sociale, est vecteur de l’éducation à travers l’enseignement, cet enseignement s’effectue suivant un curriculum d’enseignement élaboré antérieurement par les décideurs institutionnels. Qu’est-ce qu’un curriculum d’enseignement ? Et quoi consiste-t-il ? De son origine étymologique, le curriculum est un terme emprunté au latin qui renvoie à une action de courir, une lutte de vitesse à cheval, une carrière. Une transposition de ce concept dans le domaine de l’éducation renverrait ainsi à un parcours semé d’obstacles par lequel l’apprenant effectue un travail de réflexion. L’introduction de ce concept dans l’histoire de l’éducation s’est effectuée particulièrement dans les travaux anglo-saxons. Bien qu’à ses débuts le curriculum n’ait pas directement été considéré scientifiquement, c’est au tournant du XXe siècle qu’il est réellement accepté en tant que « champ d’étude ». La diversité des conceptions du curriculum dans les recherches anglo-saxonnes s’étend jusqu’à une révolution curriculaire dans les années 1970 (Lenoir, 2006, p.7). Ce champ d’étude n’est plus unitaire mais se diversifie suivant cinq grandes orientations : cognitiviste, technologique, auto-actualisatrice, reconstruction sociale, scolaire rationnelle (Jakson, 1992 cité par Lenoir, 2006, p. 7-8). Entre temps, le concept n’a pas reçu une aussi grande envergure dans les travaux européens. Dans le courant des révolutions curriculaires, le dictionnaire de Cuq propose de définir le curriculum comme le parcours proposé à l’apprenant qui, à partir de sa capacité réflexive, passe par un ensemble de phases d’apprentissage, des exercices, des obstacles et des moments d’évaluation. (Cuq, 1970, p. 64). Cuq parle alors de processus pertinents de prise de décision, visant à susciter des expériences planifiées et guidées d’apprentissage (Johnson, 1989 cité par Cuq, 1970, p.64). D’Hainaut (1979), pour pouvoir traiter du curriculum, se ressource à travers des revues américaines et signale que « Siegel a relevé dans la littérature vingt-sept manières différentes de définir ou de caractériser le mot « curriculum » (D’Hainaut, 1979, p.83 cité par Lenoir, 2006, p.5). Selon De Landsheere, les pays de langue française ne font pas encore exactement, au XXe siècle, la distinction entre programme et curriculum d’enseignement. De ce fait, il définit le curriculum comme un « ensemble d’actions planifiées pour susciter l’instruction : il comprend la définition des objectifs de l’enseignement, les contenus, les méthodes (y compris l’évaluation) et les dispositions relatives à la formation adéquate des enseignants ». (De Landsheere, 1979, p.65). La différenciation doit être mise en évidence entre le programme et le curriculum, ce dernier englobant le précédent. Forquin (1989) se réfère au vocabulaire pédagogique anglo-saxon, lequel désigne le curriculum comme « un parcours éducationnel, un ensemble continu de situations d’apprentissage (learning experiences) auxquelles un individu s’est trouvé exposé au cours d’une période donnée dans le cadre d’une institution d’éducation formelle » (Forquin, 1989, p.22-23 cité par Lenoir, 2006, p.4). Suivant la vision de De Landsheere, le curriculum n’est pas le programme d’enseignement, le cursus. Il va au-delà du programme et considère ce qui est prescrit mais également sa réalisation et son actualisation en classe. Par la suite, Perrenoud (1993), reprend cette appréhension du concept par les anglosaxons: « Dans les pays anglo-saxons, on parle de curriculum pour désigner le parcours éducatif proposé aux apprenants, alors qu’en français on dira volontiers plan d’études, programme ou cursus, selon qu’on met plutôt l’accent sur la progression dans les connaissances, les contenus successifs ou la structuration de la carrière scolaire » (Perrenoud, 1993, p.61).

Psychologie cognitive

    La cognition est un terme issu du latin cognitio, connaissance. Elle renvoie à l’ensemble des activités perceptives, motrices et mentales utilisées dans le traitement de l’information issue de ce qui nous entoure (Cuq, 1970, p.44). La psychologie cognitive est un courant de pensée apparu dans les années 1970 selon lequel le cerveau humain constitue un « système de traitement et d’interprétation » d’une nouvelle information par le biais des schèmes ou de l’information auparavant « stockée en mémoire ». (Cuq 1970, p.45). Elle tire son essence des théories behavioristes, constructiviste (avec Piaget où l’assimilation et l’accommodation sont des étapes du développement cognitif de l’enfant), socioconstructiviste (selon Vygotsky, les relations sociales et de tutelle permettent une compréhension de la genèse des représentations mentales). Portée principalement sur le mode de fonctionnement de l’intelligence, la psychologie cognitive apporte des éléments de réponse à la problématique de la compétence langagière. L’objectif de ce courant concerne l’étude des fonctions complexes d’acquisition des connaissances, dont le langage. La psychologie cognitive fait partie des sciences cognitives (Sciences cognitives computationnelles, linguistique computationnelle, psychologie cognitive, neurosciences cognitives, anthropologie cognitive, philosophie de la cognition) qui visent à comprendre les modes d’acquisition, les représentations et les transformations des informations à travers l’environnement d’un individu à partir de son système biologique, le cerveau. Elle s’inspire du traitement de l’information par l’individu, permettant de mieux appréhender le sujet concerné par cette étude, l’apprenant. La psychologie cognitive étudie particulièrement les processus cognitifs ou opérations mentales mises en œuvre dans les manifestations psychologiques en vue d’une construction de connaissances. « Les activités de communication verbale et d’apprentissage linguistique reposent sur la mise en œuvre de connaissances mondaines, de croyances, de représentations conceptuelles et de représentations linguistiques, déclaratives et procédurales, ainsi que sur le traitement spécifique de l’information grammaticale, lexicale, sémantique et pragmatique » (Cuq, 1970, p.45) La production et la compréhension, dans l’acquisition langagière et la communication verbale, sont conditionnées par les représentations et les procédures mises en œuvre par le cerveau humain. . Le système cognitif fonctionne de telle sorte qu’une information nouvelle, input, soit sélectionnée,encodée, structurée, stockée et récupérée (Cuq, 1970, p.44). Les étapes du système cognitif sont ainsi la saisie de l’information, sa transformation et sa conservation, son organisation et son évolution pour une récupération, lesquelles renvoient au procédés mnémotechnique ou la mémoire. Pour cela, des dispositions telles que l’attention, la perception et la mémorisation jouent un rôle important dans ce processus. C’est sur la base de représentations mentales – structures cognitives transitoires de l’individu – que l’information peut être reçue et utilisée lors d’activités ultérieures. Le traitement de l’information peut s’effectuer de façon analytique ou globale, selon l’individu et ses dimensions sociale, culturelle, cognitive, différentielle, biologique, émotionnelle, existentielle, développementale. Le courant cognitiviste a été marqué par des auteurs comme William Wundt (1832-1920), qui crée le premier laboratoire de psychologie expérimentale en 1879 ; Hermann Ebbinghaus (1850-1909), père de la psychologie expérimentale ; William James (1842-1910), avec son ouvrage Principes de psychologie (1890) à l’origine de la naissance du mouvement fonctionnaliste ; Edward Lee Thorndike (1874-1949), dont la théorie est centrée sur l’effet de la récompense et de la punition sur l’apprentissage. La psychologie cognitive aborde du point de vue psychologique, les relations existantes entre le locuteur apprenant, un être individuel et social ; la langue, mode d’expression de la pensée ; et l’éducation, qui vise l’acquisition des langues chez les apprenants.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
Première partie : Cadres théorique et contextuel de la recherche
Chapitre 1. Cadre épistémologique
1.1.1. La recherche et les sciences
1.1.2. La recherche en sciences humaines et sociales (SHS)
1.1.3. La recherche en sciences de l’éducation (SE)
1.1.4. La recherche en sciences du langage (SL)
1.1.5. La recherche en sociodidactique
Chapitre 2. Cadre conceptuel
1.2.1. La jeunesse
1.2.2. Les « classes sociales »
1.2.3. La langue, le plurilinguisme et le multilinguisme
1.2.4. Le curriculum
1.2.4.1. Le curriculum formel
1.2.4.1. Le curriculum réel
1.2.4.1. Le curriculum caché
1.2.5. Le représentations
1.2.6. Les compétences
Chapitre 3. Cadre contextuel
1.3.1. Les théories : une revue de littérature
1.3.1.1. Sociologie de l’éducation
a. Basil Bernstein (1975)
b. Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron (1970)
1.3.1.2. Psychologie cognitive
1.3.1.3. Sociodidactique
1.3.2. Contextualisation : Madagascar
1.3.2.1. Politiques nationales et politiques linguistiques et éducatives
1.3.2.2. Langues et société
1.3.2.2. Langues et éducation
Deuxième partie : Cadre méthodologique de la recherche
Chapitre 1. Les méthodologies de recherche
2.1.1. Quelques pionniers des différentes méthodologies de la recherche scientifique
2.1.2. Les deux grandes orientations : hypothético-déductif et empirico-inductif
2.1.2.1. La méthodologie hypothético-déductive
2.1.2.2. La méthodologie empirico-inductive
Chapitre 2. Le « terrain »
2.2.1. Définition de la notion de « terrain »
2.2.2. Les méthodes de recueil des données
2.2.3. Un terrain de recherche : SÉSAME
2.2.3.1. L’élément déclencheur de la recherche.
2.2.3.2. Le programme SÉSAME : origine, curriculum et langues
a. Le curriculum d’enseignement
b. L’approche dynamique et interactive avec les responsables pédagogiques
2.2.3.3. Les principaux acteurs de la situation d’enseignement apprentissage
a. la discipline « langues »
b. les enseignants de langues
c. les étudiants, acteurs principaux de l’enseignement-apprentissage
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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