Langage psychique, langage somatique

Langage psychique, langage somatique

L’avancée en âge, vulnérabilité, retour en France, premières manifestations somatiques

La seconde rupture évoquée par Monsieur R. fut son retour en France avec sa famille, à la suite de sa mise en invalidité. Cette mise de côté, a été pour Monsieur R., une trahison de la part de sa hiérarchie, une réelle blessure narcissique, réveillant des traumatismes antérieurs. Il s’est senti « poussé » ; « mis à la porte » en raison de son avancée en âge. Il fallait selon lui « laisser place aux petits nouveaux, aux carriéristes ». Les dernières années de travail de monsieur R. étaient pour lui des années où il tenait essentiellement sur les nerfs, il était responsable de 300 personnes en moyenne, gérait leurs missions et objectifs « on est des dieux, on vous veut partout, et puis on vieillit et on nous envoie se faire butter ». Il nommera sa dernière mission : « mission suicide » face à laquelle, il ne pouvait selon lui qu’échouer. Comment accepter ce sentiment d’injustice, cette vulnérabilité naissante en lien avec son avancée en âgé, cette faille narcissique renforcée par la conduite de l’environnement extérieur devenant néfaste à son équilibre, car abandonnique. Monsieur R. n’a pas lâché et a réussi à maintenir un certain équilibre à la fois physique et psychique, jusqu’à ce que son corps « le lâche » en 2013. À son retour en France, Monsieur R. était pris d’insomnie, il a été suivi pour un syndrome dépressif. En 2014, il a déclaré sa première crise cardiaque, suivie d’une tuberculose, et suite au décès de son père, il a reprit une consommation d’alcool et de tabac de manière excessive, qu’il avait réussi à mettre de côté en quittant l’Afrique.

Rupture familiale : régression au stade oral.

La troisième rupture abordée par Monsieur R. lors des entretiens, consistait en la séparation brutale d’avec sa famille (1997-2001). Monsieur R., associait toujours son ex-femme à des représentations négatives, « c’était une plante verte » ; « elle n’était pas méchante, mais elle se posait avec un livre dans un coin et c’était réglé » ; « elle était bien contente de rien avoir à faire à la maison ». Monsieur R. s’attribuait le départ de son ex-femme : « je l’ai poussée à me quitter avec mon comportement ». Il se décrivait comme quelqu’un de « fêtard », qui avait tendance à abuser « des bonnes choses de la vie ». Il ne manifestait aucun sentiment de honte ou de culpabilité à l’égard de sa conduite et de ce qu’avait pu ressentir son ex-femme et leurs garçons. Selon Monsieur R. son rôle de chef de famille était accomplit. En 1997, suite à une intervention au Mali, et le retour en France de sa famille, Monsieur R. s’est retrouvé sans nouvelle de leur part durant quatre années. Seul son fils ainé avait décidé de reprendre contact avec son père en 2001, suivi de son second fils.

On peut s’interroger sur les ressentis émotionnels de monsieur R. Pourquoi n’avait t-il pas cherché à communiquer avec sa famille ? À contacter ses garçons, sa famille ? Pourquoi avait t-il laissé les choses se dérouler ainsi ? Pour Monsieur R., seul, son père ne lui avait pas tourné le dos et n’avait pas écouté son ex- femme. Pourtant, à aucun moment Monsieur R., nous fit part d’une action de la part de son père ayant pu prendre sa défense, toutefois nous sentions à quel point cet homme avait une place de patriarche dans les représentations de Monsieur R. Ce positionnement interroge la réalisation de son complexe d’Oedipe, il nous semble installé, voire fixé à l’idéalisation primitive de l’image paternelle. Suite à cette période « d’abandon » ; « de vide » ; « de perte », Monsieur R. avait adopté une conduite auto-destructrice, abusant de mauvaises consommations : alimentaires, alcool, tabac, drogue, il ajoutait à cette liste « l’excès de femmes ».

Nous pouvons penser à une régression au stade oral, visant une incorporation de l’objet afin de se sentir possesseur et retrouver un sentiment de toute puissance. Avec sa seconde famille, ils rentraient en France tous les ans et secrètement le père de Monsieur venait leur rendre visite, cette action de la part de son père peut être perçue symboliquement comme une réelle manifestation du lien entre Monsieur R. et son père ce qui expliquerait de ce fait l’idéalisation paternelle. Sa mère ne souhaitait pas les rencontrer, ni même en entendre parler. Monsieur R. garde en tête le discours qu’elle lui avait tenu lorsqu’il l’avait appelée pour lui annoncer la naissance de sa fille : « ce mélange de semences aurait mieux fait d’atterrir dans la poubelle ». Ce moment là, avait marqué une rupture dans sa relation d’avec sa mère. Monsieur R., avait décidé de la renier de sa vie. Cependant, nous constations dans son discours une difficulté d’accès à l’ambivalence marquée par une mère tantôt « bonne », tantôt « mauvaise ».

Traumatisme crânien à l’âge de 6 ans. Lors du 4ème entretien, Monsieur R. fit un lien entre l’hospitalisation au sein du CHU et une hospitalisation vécue lorsqu’il était enfant, « J’aurais dû mourir à 6 ans, j’ai eu une fracture du crâne avec très peu de chance de survivre. J’étais entre la vie et la mort. Ma mère m’a surprotégé après ça, elle me lâchait plus, jusqu’à la naissance de mon frère. J’étais un vrai rebelle moi, un casse cou, à 16 ans, je suis parti faire l’armée, elle m’en a toujours voulu d’être parti, elle m’en veut encore ». Monsieur R., faisait très peu d’association d’idées, il nous semblait intéressant d’étudier davantage cette dernière. Aujourd’hui on lui donnait 75% de chance de survivre à une nouvelle intervention à coeur ouvert, cela faisait écho à ce moment de sa vie où on le disait « entre la vie et la mort » combat auquel il avait survécu. On peut percevoir également la position de cette mère entre le « trop d’amour » et le « trop peu » qu’elle délivre à son enfant. Une mère qui supposons-nous n’aurait pas permis à monsieur R. de développer sa propre individualité, de développer un objet interne assez sécure. Monsieur R., avait des difficultés à accéder à l’ambivalence dans l’expression de ses sentiments, de ses relations.

Tantôt il avait envie de prendre soin d’elle et nous parlait d’elle de manière positive, il appréciait ses appels quotidiens, tantôt il l’imaginait décéder sans verser aucune larme, centré sur des problématiques administratives. De quelle manière a pu être dépassé le conflit oedipien de ce jeune enfant de six ans hospitalisé et surprotégé, au-dessus duquel régnait une « épée Damocles », renvoyée par son environnement. Selon Monsieur R., sa plus grande angoisse serait de vivre avec le sentiment d’avoir ses jours de comptés, « je n’ai pas peur de la mort pour être honnête, tant que je ne me réveille pas, si je meurs sur la table ça me va. Mais si on me dit dans six mois vous allez avoir un cancer des os, là ça serait vraiment différent, ça me ferait vraiment chier d’avoir mes jours de comptés ». Dans un second temps, nous allons nourrir notre réflexion à travers des éléments cliniques retenus lors des entretiens en nous intéressant aux mécanismes de défense utilisés par monsieur R, tout au long de sa vie et notamment lors de ces événements « traumatiques », agissant comme éléments perturbateurs. Par quels moyens Monsieur R. parvenait-il de manière plus ou moins solide a maintenir une certaine homéostasie aussi temporaire soit-elle ?

L’évitement, pour se protéger Fils de militaire, pour Monsieur R. la solution lui ayant permis de « fuir » cette mère envahissante a été d’avoir pu intégrer l’armée dès son plus jeune âge, fait dont il soupçonne sa mère de lui en avoir beaucoup voulu, encore ce jour. Son frère avait suivi ce chemin, et son fils ainé s’était également engagé dans l’armée marine de France. Monsieur R., avait accepté le poste sur le continent Africain car il offrait un salaire important et des conditions de vie « luxueuses ». Sa famille ne manquait de rien et cela semblait être le principal. Au sein du récit de vie de Monsieur R., nous relevons différentes situations où il avait décidé de prendre la fuite face aux difficultés de la réalité. Par exemple, lorsqu’il évoquait le départ de sa première femme, accompagnée de ses deux fils, il justifiait les faits en s’appropriant la cause du départ « je l’ai poussée à me quitter » par sa conduite « irresponsable ». Sa conduite et ses réactions ne permettaient aucun échange verbal, tout était « dit » de manière indirecte, jusqu’à donner lieu à une demande de divorce. Face à cette demande, on retrouve l’évitement ou déni de la situation. Monsieur R., n’a pas cherché à rétablir de contact avec ses proches. Il a décidé de continuer sa vie en Afrique. Puis, cela a été au tour de sa sphère professionnel de rompre avec lui, en essayant de le mettre à la porte. Monsieur R. a été forcé de quitter le terrain déclenchant une invalidité au travail et un syndrome dépressif. Son corps qui tentait de le rappeler à l’ordre en provoquant des accès d’insomnies, de migraines, de nausées, des douleurs lombaires insoutenables, mais Monsieur R. n’avait jamais consulté. C’est seulement, une fois arrivé en France que toute son organisation psychosomatique l’abandonna, face à une réalité à laquelle il ne pouvait faire face.

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Table des matières

Sommaire
I. Introduction
• Parcours médical au sein du Centre Hospitalier Universitaire de MonsieurR.
• L’institution
• Qui est Monsieur R. ?
• Choix et intérêt du cas
• Méthodologie
II. Présentation des données cliniques observées, vécu de la rencontre et questionnement de la problématique observée
A. Rupture et traumatisme
1. Réveil du COMA
2. L’avancée en âge, vulnérabilité, retour en France, premières manifestations somatiques
3. Rupture familiale : régression au stade oral.
4. Traumatisme crânien à l’âge de 6 ans.
B. À la recherche d’une homéostasie psychique
1. L’évitement, pour se protéger
2. L’insomnie, gardien du rêve
3. Une régression au stade oral
4. L’utilisation de mécanismes de défenses primitifs
C. Organisation de départ : tronc commun des états limites
1. Tronc commun des états limites selon J. Bergeret
2. Le « Moi » anaclitique, la relation d’objet anaclitique
3. L’angoisse dépressive du sujet d’organisation état limite
4. La décompensation psychosomatique
III. Clinique et théorie
A. De l’organisation du caractère psychosomatique à
1. Langage psychique, langage somatique
2. Difficulté d’accès au processus de traitement psychique des événements
3. Le Moi-Idéal dans la psychosomatique de d’adulte
4. La désorganisation progressive
B. … La clinique du psychosomatique
1. La névrose de comportement
2. La dépression essentielle
3. La pensée opératoire
4. De fonction maternelle du thérapeute, à la psychanalyse
IV. Conclusion
Bibliographie

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