L’analyse de la substance étendue et ses conséquences dans la physique cartésienne

D’après l’étymologie, le mot mécanisme renvoie au grec mechanè qui désigne des dispositifs comme les leviers, les chariots, les polies etc. Par mécanisme, on peut entendre, de façon générale, un dispositif matériel, composé de parties spatialement distinctes, dont le fonctionnement consiste exclusivement dans le mouvement relatif des parties. On peut aussi dire, avec Jacqueline Russ et Clotilde Badal-Leguil, que le mécanisme est une « conception selon laquelle les phénomènes physiques s’expliquent par le mouvement […] » . Cette définition ne s’oppose pas à cel le que propose Mamadou Moustapha Seck dans sa contribution à un ouvrage collectif intitulé Autour de la méthode, œuvre dans laquelle il affirme :

Le mécanisme est une philosophie de la nature selon laquelle l’univers, et tout mouvement qui s’y produit, peut et doit s’expliquer d’après les lois des mouvements naturels. Il faut supposer que l’univers est composé uniquement de grandeurs, de figures et mouvements qui forment un tout fonctionnant comme une machine. Les pièces de cette machine géante, les phénomènes n’ont aucune vertu intrinsèque qui les mouvrait. Ce sont plutôt des interactions mesurables et prévisibles qui font fonctionner le tout. Et si on connait les lois qui régissent ces interactions, on pour ra connaître le fonctionnement de la machinerie globale » .

Cette citation résume l’esprit mécaniste du XVIIe siècle plus précisément le mécanisme cartésien. Deux éléments peuvent être retenus de cette affirmation. D’abord, celle-ci nous enseigne que le mécanisme est une philosophie de la nature qui explique la totalité de l’être, c’est-à-dire la matière par les « lois des mouvements» celles « des mouvements naturels ». Il s’agit tout simplement de dire que tout est soumis à ces lois, tout fonctionne suivant celles-ci.

Le Mécanisme cartésien 

L’ETUDE DE L’ETENDUE 

Selon Descartes, il existe deux choses dans le monde : l’esprit et la matière. Mais, la physique ne s’occupe pas de l’esprit. Elle étudie la matière. Cette dernière, nous dit Descartes, est étendue. L’étendue est soumise au mouvement qui obéit à des lois. Ces lois sont mathématiques. Donc, on peut conclure que la nature a une structure géométrique : en elle, tout est mesurable. L’idée la plus spontanée fut de l’assimiler à une immense machine. C’est pourquoi, dans les Principes, Descartes compare l’univers avec : « […] une machine en laquelle il n’y eut rien à considérer que les figures et les mouvements de ses parties […]» . Cela signifie qu’il réduit l’essence des choses à l’étendue. Celle-ci est sous-tendue par le mouvement. Ces deux éléments sont les principes à partir desquels Descartes construit sa physique. En d’autres termes, ce sont les deux piliers sur lesquels repose toute l’architecture de l’univers. Tout s’explique par la combinaison des effets de ces deux principes fondamentaux. Machiner la nature, revient à dire que les phénomènes sont liés entre eux. Ils ont des rapports. Ils peuvent être lus avec le langage du calcul.

Ces principes sont dits simples. Dans la préface des Principes, Descartes montre qu’il y a « quelques uns » (il faisait allusion à ses prédécesseurs) qui ont pris pour principes d’explication des qualités sensibles telles que sont le chaud, le froid. Or, ces qualités sensibles ne sont pas des notions simples, mais composées, car elles dépendent à la fois de la nature de l’objet et de celle du sujet percevant. C’est ce qui le pousse à dire : « […] ce n’est pas la pesanteur, ni la dureté, ni la couleur, etc., qui constitue la nature du corps, mais l’extension seule ». L’étendue est l’essence des choses matérielles.

L’analyse de la substance étendue et ses conséquences dans la physique cartésienne

L’étendue est la substance de la matière. Nous pouvons dire avec Aristote que la substance est le principe inchangeable des choses qui changent. Elle demeure identique en elle-même malgré les différents modes. Le mode, c’est la manière d’être de la matière. La substance est ce qui peut exister sans avoir besoin du concours d’aucune autre chose. C’est ce que pense Descartes quand il écrit : «[ …] car si nous examinons quelque corps que ce soit, nous pouvons penser qu’il n’a en soi aucune de ces qualités, et cependant nous connaissons clairement et distinctement qu’il a tout ce qui le │fait corps, pourvu qu’il ait de l’extension en longueur, largeur et profondeur : d’où il suit aussi que, pour être, il n’a pas besoin d’elles en aucune façon, et que sa nature consiste en cela seul qu’il est une substance qui a de l’extension » .

On a une connaissance claire et distincte d’une chose lorsqu’on saisit sa substance. On dit qu’une chose n’est claire que lorsqu’elle est transparente à un esprit attentif. Elle est distincte quand elle est manifeste à un esprit attentif. Ces deux critères de la connaissance, pris ensemble, constituent ce que Descartes appelle «l’évidence ». L’évidence, c’est la clarté et la distinction. Donc, on peut déduire que la substance étendue d’un corps est une réalité qui s’avère évidemment, c’est-à-dire clairement et distinctement.

En outre, le mécanisme cartésien montre que l’extension est en longueur, en largeur et en profondeur. Elle est, si l’on ose dire, géométrique. L’auteur nous propose, dans ce même ouvrage que nous venons de citer, un exemple illustratif de cette étendue mathématique, celui de la pierre. Il dit que si on ôte toutes les qualités d’une pierre, en commençant d’abord par la dureté on la réduit en poudre ; on enlève ensuite la couleur pour que cette pierre soit transparente ; on fait enfin disparaître la pesanteur pour qu’elle soit légère et toutes les autres qualités qui font qu’elle est ce qu’elle est, on remarque alors : « Après avoir ainsi examiné cette pierre, nous trouverons que la véritable idée que nous en avons consiste en cela seul que nous apercevons distinctement qu’elle est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur[…] » .

Il y a, en réalité, une chose qui ne peut pas disparaître d’un corps. C’est précisément sa substance, c’est-à-dire l’étendue même si nous le dépouillons de toutes ses qualités sensibles. L’étendue est intrinsèquement liée à la matière de sorte qu’on peut même affirmer qu’elle définit sans doute cette dernière. C’est, en effet, l’étendue qui demeure dans un corps lorsque toutes ses qualités disparaissent. C’est pourquoi, elle est conçue comme le principe à partir duquel s’appuiera le mécanisme cartésien pour expliquer la réalité physique.

Descartes reprend cet exemple dans un autre texte. Seulement l’examen, cette fois-ci, est fait sur un autre corps, sur un morceau de cire. Cela se trouve dans la seconde partie des Méditations métaphysiques. Cette cire se présente sous des formes diverses à l’état initial. Elle a une couleur. Elle contient l’odeur des fleurs. Elle conserve, en même temps, sa figure, sa grandeur, etc. Mais, peut-on dire que ces seules qualités suffisent pour saisir la nature du morceau de cire ? En d’autres termes, le goût, la vue, l’attouchement, l’odorat peuvent-ils nous donner une connaissance évidente de la cire ?

Non ! L’analyse qui suit le confirme lorsqu’on a approché le morceau du f eu, on se rend compte qu’il a complètement changé de couleur. Il a aussi perdu sa saveur, son odeur et sa figure. Qu’est-ce qui reste donc de ce m orceau de cire ? L’auteur répond: « […] il ne demeure rien que quelque chose d’étendu, de flexible et de muable » .

Nous devons nous arrêter un instant pour examiner un point très important. Lorsque Descartes écrit : On l’approche du feu. Que signifie ce « on » ? Ou bien pour être plus précis : qui est ce on ? C’est l’esprit, c’est l’entendement ou quelqu’un qui sait, avec certitude, que le jugement des sens est trompeur. Les facultés sensibles sont incapables de nous révéler la réalité des phénomènes. Seul l’entendement nous permet de saisir clairement et distinctement l’étendue de la matière. La substance des choses matérielles n’est pas visible. Elle n’est pas sensible, elle est donc immatérielle. Cela signifie que nous ne pouvons la saisir que par une « inspectio mentis », c’est-à-dire un regard de l’esprit.

Cependant, le mécanisme cartésien s’éloigne de certains penseurs qui n’ont pas une idée claire et distincte de la notion de substance :« Car lorsqu’ils distinguent, dit l’auteur, la substance d’avec l’extension et la grandeur, ou ils n’entendent rien par le mot de substance, ou ils forment seulement en leur esprit une idée confuse de la substance immatérielle, qu’ils attribuent faussement à la substance matérielle, et laissent à l’extension la véritable idée de cette substance matérielle, qu’ils nomment accident, si improprement qu’il est aisé de connaître que leurs paroles n’ont point de rapport avec leurs pensées » .

L’étendue de l’espace

Descartes commence par dire : « L’espace ou le lieu intérieur, et le corps qui est compris en cet espace, ne sont différents aussi…que par notre pensée. Car, en effet, la même étendue en longueur, largeur et profondeur, qui constitue l’espace, constitue le corps ; et la différence qui est entre eux ne consiste qu’en ce que nous attribuons au corps une étendue particulière, que nous concevons changer de place avec lui toutes fois et quantes qu’il est│ transporté , et que nous en attribuons à l’espace une si générale et si vague, qu’après avoir ôté d’un certain espace le corps qui l’occupait, nous ne pensons pas aussi transporté l’étendue de cet espace, à cause qu’il nous semble que la même étendue y demeure toujours, pendant qu’il est de même grandeur, et de même figure, et qu’il n’a point changé de situation au regard des corps de dehors par lesquels nous le déterminons » .

L’espace et le lieu qu’occupe un corps ne sont qu’une seule et même chose. Autrement dit, on ne peut pas concevoir un corps sans espace, de même qu’on ne peut pas imaginer un espace sans matière. C’est pourquoi, on peut dire que l’étendue de l’espace diffère quantitativement de celle de la matière. Cela signifie que la substance de l’espace est plus grande que celle du corps. Néanmoins, ils sont tous composés de la même étendue. La seule distinction qui peut exister est la suivante : la substance de l’espace est plus vaste, plus grande que celle des corps.

En plus, la matière de l’espace est immobile. Elle est fixe puisqu’elle ne peut pas être transportée. Elle ne peut ni se mouvoir ni même se déplacer. Quant au corps, il emporte toujours son étendue avec lui. Cela signifie que la substance des corps matériels est mobile. Ce qui revient à dire qu’elle peut occuper des points ou l ieux différents dans cet immense espace stable.

L’espace n’est pas, pour le mécanisme cartésien, une réalité différente de la substance étendue. Là où il y a espace, il y a étendue, et là où il y a étendue, se trouve en même temps la matière. Nous dirons que l’espace et la matière signifient la même chose. D’ailleurs, Descartes ne dit pas le contraire lorsque, dans le Monde ou traité de la lumière, il soutient : « Sachez donc, premièrement, que par Nature je n’entends point ici quelque Déesse, ou quelque autre sorte de puissance imaginaire ; mais je me sers de ce mot, pour signifier la Matière […] » .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE MECANISME CARTESIEN
Chapitre I : L’étude de l’étendue
I-1/ L’analyse de la substance étendue et ses conséquences dans la physique cartésienne
I-1-1/ L’étendue de l’espace
I-1-2/ Le rappel de quelques éléments fondamentaux de la doctrine des atomistes
*Les atomes ou corps indivisibles
*Le Vide, un non-être réel
*L’infinité des corps simples et du vide
I-2/ Le rejet des principes fondamentaux de l’atomisme ancien par le physique cartésienne
I-2-1/ La négation du vide, l’affirmation d’un monde plein et la conception d’une physique du choc
I-2-2/ Aristote et la négation du vide
I-2-3/ La négation de l’atome et la divisibilité à l’infini de la matière
Chapitre II : L’étude du mouvement cartésien
II-1/ Définition du mouvement
II-2/ Les lois de la physique cartésienne
II-2-1/ La première loi dite principe de causalité
II-2-2/ Le privilège du mouvement rectiligne
*Le principe de l’inertie : Galilée, Descartes et la critique spinoziste du mouvement inertiel cartésien
II-2-3/ La loi du choc
*Critique leibnizienne de la troisième loi cartésienne
Chapitre III : Essence, force et faiblesses du mécanisme
III-1/ L’essence du mécanisme
III-1-1/ Le Rejet des forces cachées et d’action à distance
III-1-2/ Le rejet des sciences occultes et l’explication de la notion de pesanteur
III-2/ La force du Mécanisme
III-2-1/ L’apport des mathématiques dans la physique cartésienne
III-2-2/ La place de Dieu dans le mécanisme de Descartes
III-3/ Limites ou faiblesses du mécanisme
DEUXIEME PARTIE : LE SYSTEME DU MONDE CARTESIEN
Chapitre I : Descartes Copernicien
I-1/ La suite de l’affaire Galilée chez Descartes
*La quête de la tranquillité
*L’obéissance ou soumission cartésienne
I-2/ La fable du monde cartésien
Chapitre II : La cosmologie cartésienne proprement dite
II-1/ L’Origine du monde cartésien
II-2/ L’Etude des trois éléments du nouveau monde
II-3/ L’Etude des planètes du Soleil et le mécanisme des tourbillons
Chapitre III : La nature du monde cartésien
III-1/ L’homogénéité de la nature
III-2 / La cosmologie cartésienne : un monde infini ou indéfini ?
CONCLUSION

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