L’analyse de discours et la maladie mentale 

L’analyse de discours: définition 

L’analyse de discours fournit le cadre tout désigné pour l’étude des types d’emplois de certaines désignations de la maladie mentale. Étant un espace de rencontre entre les différents champs des sciences humaines qui sont tous confrontés au discours, l’analyse de discours est soumise à des influences diverses, qui rendent sa définition complexe et ses méthodes très diversifiées.

Parmi les différentes définitions de l’analyse de discours, nous retenons celle qui présente l’analyse de discours comme une discipline «ayant pour objet – en partie, du moins – la relation entre un texte et son contexte ainsi que les conditions sociohistoriques dans lesquelles sont produits les discours» (Bernard Barbeau, 2013: 58). À notre sens, cette définition rend compte de la multiplicité des approches qui accordent une place plus ou moins importante à chacune de ses composantes. De plus, elle synthétise efficacement les propositions convergentes d’un certain nombre de chercheurs (Schiffrin, 1994; Maingueneau, 2005; Adam, 2011 ; Florea, 2012) .

Si les chercheurs peuvent à peu près s’entendre sur une telle définition, le statut disciplinaire (ou non) de l’analyse de discours est quant à lui toujours l’objet de discussions. Le débat provient du fait que l’analyse de discours peut être tantôt utilisée comme méthode d’investigation (par les historiens ou les sociologues, notamment, qui utilisent le discours comme outil dans leurs travaux), tantôt être considérée comme une discipline à part entière, ou comme faisant partie d’une discipline (comme la linguistique). Dans le deuxième cas, l’analyse de discours possède des méthodes d’analyse et un cheminement épistémologique qui lui sont propres (Maingueneau, 2005). Nous considérons ici l’analyse de discours comme une branche de la linguistique. En effet, la linguistique nourrit l’analyse de discours avec des concepts et des méthodes qu’il nous apparait important d’intégrer à notre analyse.

Ces divergences d’opinion sur le statut disciplinaire de l’analyse de discours offrentµ l’avantage de nourrir le champ de diverses façons. Ainsi, les sciences humaines et sociales et la linguistique – et la place accordé à chacune de ces disciplines – ont modelé l’analyse de discours pour constituer le champ actuel depuis sa constitution progressive dans les années 1960. Deux courants parallèles ont marqué l’analyse de discours dès ses débuts: l’analyse de discours à la française et l’analyse de discours anglo-saxonne. La présentation des caractéristiques principales de ces deux courants permet de mieux comprendre l’état actuel du champ de l’analyse de discours.

L’analyse de discours à la française 

Née dans les années 1960, l’École française d’analyse du discours a jeté les bases de l’analyse de discours en France. Trouvant leur origine dans la linguistique, l’histoire et la philosophie, les premiers travaux ont porté sur les discours politiques avec une méthodologie issue des champs de la linguistique structurale4 et de la «théorie de l’idéologies» inspirée de la philosophie marxiste et de la psychanalyse (Maingueneau, 2002). Un ensemble de discours abordant un même sujet et produit à une même époque (par exemple celui de la condition féminine dans les années 1970) est alors étudié afin d’en dresser le portrait et d’en faire ressortir les caractéristiques, celles de ce qu’on pourrait appeler LE discours féministe.

L’analyse automatique du discours élaborée par Michel Pêcheux (1969) constitue en quelque sorte le fondement de l’École française. Le but de Pêcheux était d’« établir une théorie scientifique du « discours » [en] insistant sur la nécessité de développer un instrument pour créer des résultats expérimentaux» (Helsloot et Hak, 2000 : 14). Cette méthodologie objective visait à limiter la subjectivité du chercheur et devait révéler les formes inconscientes du texte à partir de «procédures qui déstructurent les textes » (Maingueneau, 2002: 202). Cette méthode d’analyse ne prenait toutefois pas en considération la façon dont l’énonciateur exprime sa position par rapport au contenu (par l’ironie notamment), ce qui a pourtant une grande importance dans la compréhension d’un discours.

L’analyse de discours à la française a par la suite évolué sous l’influence de deux autres approches: la linguistique énonciative (Benveniste, 1974) et la linguistique textuelle (Adam, 2005). Les théories de l’énonciation, issues des travaux sur la linguistique énonciative d’Émile Benveniste (1974), s’intéressent à la façon dont le locuteur produit son discours dans le but de « décrire les relations qui se tissent entre l’énoncé et les différents éléments constitutifs du cadre énonciatif» (Kerbrat Orecchioni, 1999 [1980] : 34). Autrement dit, on cherche maintenant à déterminer la  position du locuteur par rapport à son propre discours. Cela peut se faire par l’analyse d’autres discours du même locuteur ou en tentant de situer le discours dans son contexte de production (en réponse à un autre, par exemple).

La linguistique textuelle (Adam, 2005) quant à elle, porte sur « la description et la définition des unités et des opérations dont les énoncés portent la trace» (Adam, 2011 : 33) au sein du texte. Jean-Michel Adam tente par cette approche de produire une grammaire du texte permettant d’analyser les discours en prenant soin, toujours, de les situer dans leur contexte de production et d’interprétation.

Bien qu’elles aient des visées et des méthodes parfois différentes, toutes ces approches ont certains points en commun. Dans un article du Dictionnaire d’analyse du discours, Dominique Maingueneau (2002) identifie des éléments caractéristiques de ce qu’ils nomment les « tendances françaises d’analyse du discours », qui se manifestent notamment par un ancrage linguistique sur le plan disciplinaire, le choix de corpus de textes écrits (et non oraux) et une importance accordée à la notion d’interdiscours (chaque discours s’inscrit dans un ensemble de discours déjà produits).

L’analyse de discours qui a aujourd’hui cours principalement en France et dans le reste de la francophonie est représentée par une troisième génération de chercheurs. Elle connait un renouvellement théorique qui repose sur la prise en compte des nouvelles formes discursives issues des changements technologiques (Florea, 2012) ainsi que sur l’apport grandissant des sciences cognitives, avec des travaux portant notamment sur la mémoire (discursive), comme ceux de Marie-Anne Paveau (2006) .

L’analyse de discours anglo-saxonne 

Parallèlement à la France, le monde anglo-saxon a développé sa propre analyse de discours sous l’influence de l’anthropologie et de la sociologie. À ses débuts, l’analyse de discours anglo-saxonne se démarque de l’analyse de discours à la française par la grande importance qu’elle accorde au concept de parole en tant que conduite sociale, et donc, comme produit d’une interaction. Le choix de corpus majoritairement oraux, qui témoignent de la vie quotidienne – c’est là une différence importante avec l’analyse de discours à la française – permet l’analyse des paramètres de l’identité sociale (sexe, ethnicité, classe sociale), définis dans un processus de communication (Gumperz, 1989). Avec ce type d’analyse, on vise à« traiter [d]es problèmes d’identité et leurs rapports aux divisions sociales, politiques et ethniques» (Gumperz, 1989 : 7).

Deux grandes approches caractérisent ce courant de l’analyse de discours: l’ethnographie de la communication et l’ethnométhodologie. L’ethnographie de la communication (Gumperz et Hymes, 1964), issue de l’anthropologie, s’intéresse à la communication comme système culturel, régi par un ensemble de normes. La notion de compétence de communication (Gumperz, 1982), définie comme la capacité d’un locuteur d’adapter son utilisation du langage au contexte social, constitue un élément important de cette approche. Allant bien au-delà de la connaissance de la langue, la compétence de communication fait apparaitre les différences comportementales en matière de communication d’une culture à l’autre. En effet, certains problèmes de communication relèvent de perceptions et de jugements de valeur envers différentes pratiques langagières et non de la maitrise de la langue. Le contexte joue un rôle important dans la résolution des problèmes de communication puisqu’il est nécessaire à l’identification des différences comportementales pouvant avoir causé ces problèmes.

L’ethnométhodologie (Garfmkel, 1967), issue de la sociologie, pour sa part, s’intéresse davantage à la communication entre deux individus. Elle tente de mettre à jour les méthodes que les locuteurs utilisent pour communiquer au quotidien en s’intéressant notamment à l’étude des tours de parolé. Le concept d’indexicalité de Garfinkel (1967), selon lequel une expression ne prend tout son sens que lorsqu’elle est comprise dans son contexte d’énonciation, constitue une notion clé de cette approche (Bruxelles, 2002).

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Table des matières

Introduction 
Chapitre 1 
L’analyse de discours et la maladie mentale 
1.1 L’analyse de discours : définition
1.1.1 L ‘ analyse de discours à la française
1.1.2 L’analyse de discours anglo-saxonne
1.1.3 L’analyse de discours et la création de référents
1.2 Les analyses du discours sur la maladie mentale
1.3 Questions et hypothèses de re,cherche
1.4 Constitution du corpus
1.4.1 Présentation des sources
1.4.2 Critique de la valeur scientifique des sources
1.4.3 Caractérisation des documents du corpus
1.5 Méthode d’analyse
Chapitre 2 
De l’usage spécialisé à l’usage courant
2.1 Définition psychiatrique des termes
2.1.1 Choix des ouvrages de référence
2.1.2 Définition des termes
2.2 Types d’usages
2.2.1 Discours courant
2.2.2 Usage spécialisé
2.2.3 Usage courant
2.3 Types de documents
2.3.1 Types de documents et types d’usage
2.3.2 Analyse et résultats
2.3.3 Bilan
2.4 Thème principal abordé dans les documents
2.4.1 Thème principal abordé dans les documents et types d’usages
2.4.2 Analyse et résultats
2.4.3 Bilan .
2.5 Critère de technicité ..
2.5.1 Critère de technicité et types d’usage
2.5.2 Analyse et résultats
2.5.3 Bilan
2.6 Critère de généricité
2.6.1 Degré de généricité et types d’usages
2.6.2 Analyse et résultats
2.6.3 Bilan
2.7 Conclusion
Chapitre 3 
Usage courant et modification sémantique 
3.1 L’évolution sémantique
3.1.1 Lexie et sémème
3.1.2 Monosémie et polysémie
3.1.3 Restrictions sélectionnelles
3.1.4 Collocations
3.1.5 Types de modifications sémantiques
3.2 Modification sémantique et progression dans l’usage courant
3.3 Analyse et résultats
3.3.1 Le terme autisme
3.3.2 Le terme bipolaire
3.3.3 Le terme hystérie
3.3.4 Le terme paranoïa
3.3.5 Le terme psychose
3.3.6 Le terme schizophrénie
3.4 Bilan
3.5 Conclusion
Chapitre 4 
Appropriation des désignations de la maladie mentale et néologie de forme 
4.1 La néologie de forme
4.2 Analyse des résultats
4.2.1 Le terme bipolaire
4.2.2 Le terme paranoïa
4.2.3 Le terme schizophrénie
4.3 Bilan
4.4 Conclusion
Conclusion

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