L’algèbre comme fil rouge en classe de 4e

Pourquoi ce sujet de mémoire ?

Une prise de conscience sur le terrain

Mon expérience de l’enseignement a débuté par un an et demi de travail contractuel: six mois de remplacement dans des lycées, puis une année en collège, sur deux établissements (dont l’un classé REP) pendant un an. Je voulais vérifier que ce métier, vers lequel je me tournais après plusieurs années d’expérience professionnelle en entreprise en tant qu’ingénieur, correspondait à l’image que je m’en faisais. Je fus très secouée par la réalité du métier je découvrais. Enseigner du jour au lendemain en classe de terminale (Math Spécialité et STI2D), sans préparation, me demanda surtout un gros travail de mise à niveau en mathématiques. Enseigner en classe de seconde fut pour moi beaucoup plus difficile. Enfin c’est au collège que, sans aucune expérience ni formation pédagogique, je découvrais vraiment la difficulté du métier.

Ce qui me fit tenir fut la conviction que mes élèves avaient de bonnes raisons de se comporter comme ils le faisaient, et que leurs difficultés personnelles, sociales, n’expliquaient pas tout. Même avec la plus grande bienveillance et la meilleure volonté au monde, je n’arrivais pas à instaurer un cadre de travail qui me permettrait de transmettre. Les élèves alternaient efforts et découragements : je pris conscience que je n’allais pas à leur rythme, que je ne réalisais pas les sauts conceptuels et les écarts de langage qui creusaient un fossé entre eux et moi. Ce fossé m’a semblé se cristalliser autour de l’algèbre, en classe de 4ème : « L’algèbre représente une double rupture épistémologique : d’une part, l’introduction d’un détour formel dans le traitement de problèmes habituellement traités intuitivement, d’autre part, l’introduction d’objets mathématiques nouveaux comme ceux d’équation et d’inconnue » (Laborde, 1989, p.188).

Je réalisai peu à peu à quel point le passage à la lettre était un obstacle quasi insurmontable pour la grande majorité de mes élèves, tel que je l’abordais. Les élèves ne faisaient pas le lien entre une expression littérale et sa signification « dans la vraie vie », entre une équation et un problème à résoudre associé. J’avais beau remplacer les inconnues par des objets (des pommes, des ballons, des cadeaux surprise…), cela ne signifiait rien pour eux, et cela ne produisait pas l’effet souhaité. Certes « L’élève répugne à raisonner et à opérer sur des nombres inconnus ou sur des nombres quelconques » (Laborde, 1989, p.195), mais la façon dont j’introduisais ce passage avec eux jouait un rôle dans cette incompréhension. Lire certains ouvrages théoriques m’a permis de prendre conscience qu’en voulant les aider à comprendre je ne leur simplifiais pas toujours la tâche : « « 2x » ce n’est pas « deux x », c’est « deux multiplié par x » » (Baudart, 2011, p.110). Assimilée à un objet, l’inconnue, ne représentait plus un nombre pour eux, et l’expression littérale n’était plus comprise comme une suite d’opérations à effectuer.

« Banaliser » le recours à l’algèbre

Faire naitre le besoin du recours à la lettre

Pour atteindre cet objectif et « dédramatiser » le calcul littéral, j’ai cherché à susciter le besoin du recours à la lettre le plus tôt possible dans l’année, avant toute référence au calcul littéral dans le cadre d’une leçon, par le biais notamment d’un travail de recherche à la maison (prouver que la somme de trois entiers consécutifs est divisible par trois etc.).

Aborder l’enseignement de l’algèbre de manière spiralaire

J’ai ensuite tenté d’avancer de manière spiralaire, en découpant l’enseignement de l’algèbre en quatre chapitres non contigus : un chapitre sur les conventions d’écriture et les règles de réduction d’une expression littérale, un chapitre sur l’utilisation du calcul littéral pour démontrer et généraliser, un chapitre sur le développement et la factorisation d’une expression littérale et un chapitre sur les équations et leur technique de résolution.

Montrer qu’une même modélisation algébrique peut s’appliquer à une infinité de problèmes de la vie courante

J’ai enfin cherché à mettre en évidence la multitude de rédactions possibles en français pour illustrer une même modélisation algébrique, à « désacraliser le langage et le rendre plus accessible, plus humain » (Zakhartchouk, 2001, p.27). A montrer également aux élèves que les pratiques langagières des mathématiciens n’étaient pas non plus immuables, qu’elles constituaient « une réalité sociale, complexe, multiple et non figée » et mélangeaient « formalisme, langue naturelle et symboles de divers ordres » (Hache, 2015, p.29).

S’appuyer sur le langage de l’élève

Encourager le passage à l’écrit non normé et la création d’un écrit

En partant du principe que valoriser le langage des élèves me servirait de levier pour les encourager à utiliser d’autres langages, d’autres manières de dire et d’écrire, je les ai encouragés à écrire toutes ses étapes de recherche dans leurs divers travaux (problèmes de contrôles à résoudre, travail de narration de recherche sur une tâche complexe à résoudre par groupes de quatre…). Je les ai ensuite incités à produire un écrit en langage naturel leur permettant de donner du sens à un problème modélisé sous forme d’une équation, puis à créer, inventer un problème en langage naturel à partir d’une équation. « Inventer des phrases, les formuler […] ces activités d’écriture sont toujours formatrices, surtout pour les élèves en difficulté » (Zakhartchouk, 2001, p.33). Inventer des phrases m’a également semblé intéressant car « un certain nombre de mots « techniques » (en mathématiques comme ailleurs) ont été inventés pour éviter de trop longues périphrases, et certains élèves ne comprennent pas tout de suite l’intérêt de leur emploi » (Zakhartchouk, 2001, p.17).

Réutiliser les traces écrites des travaux réalisés 

Pour valoriser ces écrits produits par les élèves je me suis efforcée de les réutiliser autant que possible, pour introduire une leçon par exemple (le chapitre « démontrer, prouver, généraliser » notamment), et dès que l’occasion s’y prêtait. L’effet produit peut être illustré par l’intervention de cette élève, plutôt en difficulté en mathématiques, dont j’avais scanné l’écrit que j’avais donné comme exemple dans la consigne d’un travail de groupe, qui s’est exclamée : « Madame, c’est moi qui a écrit ça !!! Je suis honorée… ».

Créer des passerelles entre différents registres de langages

Les différentes façons d’écrire et de dire une expression littérale

Comme j’ai pu le constater avec mes pommes ou mes ballons à la place des x, le passage du langage oral à l’écrit et à sa signification est une étape importante qui peut être source de malentendus. S’il y a plusieurs façons de dire, à l’oral, un énoncé mathématique, il faut être attentif, en tant qu’enseignant, à ne pas introduire ces malentendus. « Prononcer « deuzix » amène à penser en l’occurrence que x est un objet. Or 2x+3x doit s’interpréter comme une suite d’instructions. « Choisis un nombre. Multiplie-le par 2. Reprends le nombre choisi et multiplie-le par 3 etc. ». C’est dans ce cadre seulement que l’égalité́ a un sens » (Baudart, 2011, p.111). « Il est […] recommandé […] de prononcer : « deux multiplié par x plus trois multiplié par x ». Ce qui présente, pas du tout incidemment, l’avantage de montrer que « ça ne se prononce pas comme ça s’écrit » (Baudart, 2011 p.110). En faisant un tableau récapitulatif, pour introduire les conventions du calcul littéral, des différentes manières de dire et d’écrire une expression littérale, j’ai tenté de remédier à ce malentendu.

Faire le lien entre langage naturel, langage mathématique et langage machine

Le recours aux outils informatiques m’est apparu très intéressant notamment pour des élèves en difficulté en cours de mathématiques. Ces élèves, hermétiques au langage algébrique, me surprenaient par leur agilité avec la manipulation de l’outil informatique. Avec la montée en puissance de la programmation au programme du cycle 4, il m’a semblé que je pouvais prendre appui sur cette agilité pour introduire le langage algébrique. J’ai donc cherché à faire le lien entre langage Scratch et langage algébrique pour travailler les priorités de calcul, puis à faire la correspondance dans un tableau, en travail de groupe, entre les différentes façons d’écrire une expression en langage naturel, en langage script, en langage Scratch, en langage tableur et enfin en langage algébrique.

Activités sur ardoise, dictées orales

• Prérequis : Vocabulaire « produit », « somme », « quotient », « différence », « facteur » acquis et règles de convention de calcul littéral abordées en leçon.
• Objectif : Pour l’élève : Permettre l’appropriation par la répétition de ce vocabulaire, des conventions d’écriture algébrique. Pour le professeur : Accéder instantanément aux notions non acquises, aux incompréhensions et malentendus des élèves.
• Organisation pédagogique : Ardoise ou pochette plastifiée faisant office d’ardoise et feutre velleda pour chaque élève. Énoncé dicté oralement par le professeur ou écrit au tableau selon le contenu travaillé. Collecte des diverses réponses au tableau pour comparaison et correction. Exemples :
• Dictées orales : « 4 facteur de 𝑥 plus 3 », « le produit de 3 par la différence entre 32 et 7 », « 3 facteur de 𝑥 plus 5 » etc.
• Expressions littérales à réduire, aire, périmètre d’un rectangle à calculer etc.
• Analyse a posteriori : Les dictées orales et activités sur ardoises ont pour moi l’immense avantage de donner visuellement, par le biais des « ardoises » (pochettes plastifiées contenant une feuille blanche sur laquelle les élèves peuvent écrire), un état des lieux, en quelques secondes, des réponses des élèves et des erreurs les plus fréquentes. C’est une occasion unique de noter toutes ces erreurs au tableau pour en faire l’analyse collectivement. Le point négatif est qu’aucune trace de ces activités n’est conservée…

Activité Scratch : priorités opératoires et programmes de calcul (cf. Annexe)

• Prérequis : Connaître les priorités de calcul et les conventions d’écriture algébrique.
• Objectif : Renforcer la maitrise de ces priorités de calcul, faire le lien entre langage mathématique, langage naturel et langage machine, initier aux langages script et Scratch.
• Organisation pédagogique : Travail individuel en salle informatique, sur papier pour les 2 premières parties puis sur ordinateur pour la dernière partie.
• Analyse a posteriori : Certains élèves, en difficulté sur les priorités de calcul, ne sont pas arrivés jusqu’à la 3ème partie : mais j’ai pu passer auprès d’eux pour les aider et les faire avancer de manière significative. Cela m’a semblé efficace compte tenu de l’importance que représente la maitrise de ces priorités. Une des difficultés récurrentes a été pour les élèves de représenter sur papier un seul module Scratch par opération (les élèves mettaient souvent dans un module Scratch deux opérations successives). Le passage sur ordinateur permettait de rectifier cette erreur. Une autre difficulté fut une question de vocabulaire, plus difficile à appréhender pour certains : « soustraire au nombre choisi » au lieu de « soustraire le nombre choisi au résultat ». Certains, peu nombreux, ont terminé avant l’heure : je leur ai demandé de trouver un moyen d’écrire le dernier programme de calcul, constitués de 5 instructions, en 3 instructions seulement. Aucun n’est allé plus loin.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 Pourquoi ce sujet de mémoire ?
1.1 Une prise de conscience sur le terrain
1.2 Objectif et enjeux
2 Pistes de travail
2.1 « Banaliser » le recours à l’algèbre
2.1.1 Faire naitre le besoin du recours à la lettre
2.1.2 Aborder l’enseignement de l’algèbre de manière spiralaire
2.1.3 Montrer qu’une même modélisation algébrique peut s’appliquer à une infinité de problèmes de la vie courante
2.2 S’appuyer sur le langage de l’élève
2.2.1 Encourager le passage à l’écrit non normé et la création d’un écrit
2.2.2 Réutiliser les traces écrites des travaux réalisés
2.3 Créer des passerelles entre différents registres de langages
2.3.1 Les différentes façons d’écrire et de dire une expression littérale
2.3.2 Faire le lien entre langage naturel, langage mathématique et langage machine
3 L’algèbre comme « fil rouge » en classe de 4ème
3.1 Introduire l’algèbre de manière spiralaire
3.2 Activité de groupe n°1 : traduire en langage naturel un problème modélisé sous forme algébrique (cf. Annexe)
3.3 Travail de recherche à la maison, avant d’aborder le calcul littéral
3.4 Activité de groupe n°2 : inventer un problème associé à une expression littérale (cf. Annexe)
3.5 Activité de groupe n°4 (à venir) : mettre un problème en équation
4 Faire le lien entre différents registres de langage
4.1 Tableau comparatif : différentes façons d’écrire et dire une expression littérale
4.2 Activités sur ardoise, dictées orales
4.3 Activités flash / mentales
4.4 Activité Scratch : priorités opératoires et programmes de calcul (cf. Annexe)
4.5 Activité de groupe n°3 : passer d’un registre de langages à un autre (cf. Annexe)
5 Critique et évaluation
5.1 Un travail sur le langage difficile à évaluer, au détriment d’un travail plus technique et répétitif – mais nécessaire ?
5.2 Organisation pédagogique : un travail de groupe plébiscité
5.3 Niveau de difficulté des cours perçu par les élèves
5.4 Techniques de calcul littéral : deux évaluations à deux mois d’intervalle
5.5 Lien entre expression littérale et géométrie : trois évaluations sur deux mois et demi
6 CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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