L’AICT : une action publique qui se diversifie et affirme ses spécificités territoriales

L’AICT face à la crise : entre risque de délitement et recherche de « rentabilité »

   De manière générale, sur l’ensemble de leurs politiques publiques, les collectivités territoriales françaises sont confrontées à d’importantes contraintes budgétaires, limitant leurs marges de manœuvres financières . L’amoindrissement de l’autonomie fiscale locale, la progression des dépenses de fonctionnement et les difficultés d’accès aux crédits viennent s’ajouter aux réformes récentes de l’État ciblant les collectivités locales, notamment l’effritement de la progression de ses dotations . Le défi pour les collectivités territoriales est donc de parvenir à faire des économies conséquentes afin de participer à l’effort de redressement des finances publiques, tout en maintenant un niveau suffisant de services publics. La conception traditionnelle du service public repose sur le principe selon lequel, satisfaisant un intérêt général, les organismes qui le mettent en œuvre ne doivent pas recourir aux exigences de rentabilité ou de recherche de profit. « L’entreprise est faite pour le profit et pour faire ce profit elle vend un produit ou un service. La collectivité locale n’a aucun profit à faire, ni rien à vendre, surtout pas elle-même », selon les termes du géographe Roger Brunet. L’intérêt général et l’intérêt financier sont deux notions antinomiques. L’intérêt général est à la source d’une opposition entre la gestion publique (essentiellement désintéressée) et la gestion privée (dominée par l’intérêt particulier). Toutefois, ces frontières classiques tendent aujourd’hui à s’estomper. On parle de plus en plus de la « rentabilité » des investissements publics au sens socio économique consistant à mesurer leurs coûts comme leurs retombées au sens large (y compris leurs impacts environnementaux). Cette rentabilité est évaluée à partir de plusieurs paramètres à l’exemple de la gestion optimale du service rendu à la population. Il peut également s’agir d’évaluer la différence entre les coûts actuels engendrés par un service et les coûts dont la collectivité devrait s’acquitter si ces services n’étaient pas rendus. Ces aspects sont pris en compte notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire afin d’étudier la pertinence de l’installation d’équipements dans un bassin de population. Dans sa thèse sur la notion de rentabilité financière et la logique de choix dans les services publics, Pascale Defline analyse cette tendance et met en lumière l’appropriation par le droit administratif des notions d’intérêt financier et de rentabilité. Dans les administrations locales étudiées, le poids des critères financiers était proche de celui des critères de service public. La crise économique pourrait-elle conduire les collectivités territoriales à analyser leurs actions internationales sous l’angle de la rentabilité ou du « retour sur investissement » ? Nous verrons au cours de ce travail la manière dont cette question de rentabilité est prise en considération et les conditions de l’émergence de la notion de partenariat « gagnantgagnant ». Au sein des institutions locales, l’avenir des directions et des services dédiés aux relations internationales, semble souvent subordonné à ce changement de vision. Si n’est pas directement remise en cause, l’Action Internationale des Collectivités Territoriales peut faire l’objet d’un « consensus mou ». Sur le plan politique, elle est soutenue de manière inégale par les équipes municipales, notamment lorsqu’elle n’est pas inscrire dans le temps ou peu appropriée par les acteurs territoriaux. L’intérêt et le portage de cette politique par les décideurs locaux sont d’autant plus fluctuants lorsque les élus en charge de cette délégation sont, pour des raisons  d’ordre politiques,isolés au sein d’une majorité. L’action internationale peut alors être tout juste tolérée mais « la question de l’intérêt local se pose tout de même lorsqu’on en vient à l’élaboration des budgets ». Si ce « consensus mou » ne se traduit pas forcément par une rupture des partenariats internationaux, on constate parfois une « évaporation » : les relations internationales même maintenues, sont toutefois largement « grignotées ». Dans l’article « L’Aquitaine se dépense beaucoup à l’étranger », les activités de la Direction Régionale des Relations Internationales sont analysées par un journaliste au regard de leur caractère coûteux, à la limite de la légalité. Pour l’auteur de l’article, préoccupé par l’utilité des dépenses publiques, « au moins, le Conseil Régional n’aura pas de mal à trouver des sources d’économies ». A l’heure des arbitrages budgétaires, trouver les bons mots pour justifier les moyens investis à l’international reste donc un défi pour les élus locaux.

Des bénéficiaires de l’Aide mondiale classés selon leur niveau de développement économique

   Sous le prisme de l’Aide Publique au Développement, le monde se découpe en pays bénéficiaires et en pays émetteurs. L’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) établit une liste des pays éligibles à l’Aide Internationale, classifiés par groupe de revenus économiques, sur la base de leur Revenu National Brut par habitant, (RNB) selon les critères de la Banque Mondiale. Tous les trois ans, l’OCDE révise cette liste, en supprimant les pays ayant dépassé un certain seuil de revenus. Selon la dernière classification des économies du monde, révisée au 1er janvier 2013, la Banque Mondiale distingue ainsi les pays selon qu’ils soient identifiés comme étant « à Faible Revenus » (PFR, ayant un RNB de 1 035 dollars ou moins), « à revenu intermédiaire » de tranche inférieure (PRI, ayant un RNB de 1 035 à 4 085 dollars) ou de tranche supérieure (PRI, ayant un RNB de 4 086 à 12 615 dollars) et les pays « à revenus élevés » (PRE, ayant un RNB de 12 616 dollars ou plus)41. Les Pays les Moins Avancés (PMA), catégorie fixée par les Nations Unies en 198142 se situent, en termes de revenus, en dessous des pays à faibles revenus. Il s’agit des pays considérés selon ce critère économique comme « les plus pauvres et les plus faibles » du monde, structurellement handicapés dans leur développement, vulnérables au niveau économique» et méritant une attention particulière de la part de la communauté internationale. Ces 48 pays reçoivent environ un tiers de l’Aide Publique au Développement mondiale.Le terme de « Pays en Voie de Développement » (PVD) regroupe de manière générique les pays qui ne sont pas considérés comme étant « développés » mais qui ont enclenché, sur le plan social ou économique, un processus pour améliorer le niveau de vie de leurs habitants en relevant le niveau de leur développement industriel, de leurs productions agricoles, et en palliant le déséquilibre entre la rapidité de leur croissance démographique et l’augmentation de leurs revenus. Enfin, l’expression « pays émergents » est utilisée en référence à ceux des PVD qui ont entamé leur « décollage économique national». Depuis la fin des années 1990, d’autres classements ont été mis en place, intégrant des critères plus qualitatifs. C’est le cas de l’Indice de Développement Humain (IDH) créé en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et fortement inspiré des travaux de l’économiste indien Amartya Sen. Fixé à partir de critères de revenus, mais également d’espérance de vie, de niveaux d’étude ou encore de santé, l’IDH est un indicateur du concept de développement humain.

Des pays émetteurs, réunis au sein d’un Comité d’Aide au Développement (CAD)

   L’Aide Publique au Développement peut être bilatérale, lorsqu’elle provient directement des États ou multilatérale, lorsqu’elle est émise par des acteurs divers : organisations internationales, Union Européenne (dont la France est à l’origine de la politique de coopération), associations de développement, etc. Au niveau international, l’APD est régulée par le Comité d’Aide au Développement (CAD), relevant de l’OCDE, auquel participent 24 pays-membres européens, asiatiques et américains. Lors du Sommet Mondial des Nations-Unies qui s’est réuni en 2005 à New York, Huit grands Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ont été adoptés pour la période 2005-2015. Ces objectifs s’inscrivent dans les recommandations émises dans le cadre du Projet « Objectifs du Millénaire » auxquels ont participé 240 experts du monde entier (praticiens du développement, scientifiques, parlementaires, décideurs, etc.). Ces OMD visent entre autres la réduction de la pauvreté dans le monde, l’amélioration de l’accès aux soins ou à l’éducation, la lutte contre la mortalité infantile, etc. Un bilan à deux ans de la fin de l’échéance des OMD montre des résultats contrastés. Si des progrès ont été accomplis dans certains domaines tels que l’accès à l’eau potable (le nombre de personnes qui en sont privées a été réduit de moitié), la santé, l’éducation, l’extrême pauvreté ou encore l’habitat insalubre, les avancées sont moins tangibles au niveau de la réduction de la faim et de la mortalité infantile, ou encore de la préservation de l’environnement. Le rapport 2013 des OMD souligne également le caractère inégal de l’atteinte de ces objectifs entre les pays et à l’intérieur de ces derniers. La communauté  internationale travaille actuellement sur un plan d’action post-2015. En 2012, l’Aide Publique au Développement versée par les pays membres du CAD s’est chiffrée à 125,6 milliards de dollars, ce qui représente 0,29% de leur Produit National Brut.

Une politique sujette à de nombreuses critiques

  Les reproches émis en direction de l’APD reposent principalement sur ses limites en termes d’efficacité, sur le manque de coordination de ses acteurs et sur le manque de transparence des fonds mobilisés vis-à-vis des contribuables. D’autre part, la politique internationale d’APD est souvent attaquée à travers les modèles de développement qu’elle impose avec ses financements. Gilbert Rist,dans son ouvrage intitulé « le développement, histoire d’une croyance occidentale », critique notamment la croyance aveugle envers le principe de développement. Celui-ci, depuis qu’il a été mis à l’ordre du jour de la communauté internationale, n’a selon lui toujours pas été réalisé. « Les promesses sont inlassablement répétées et les expériences constamment reproduites. Comment expliquer que chaque échec soit l’occasion d’un nouveau sursis ? ». Il évoque d’autre part une « école dogmatique de la modernisation » : le développement est considéré comme un processus universel et incontournable par lequel doivent nécessairement passer toutes les nations et les sociétés. Il est inscrit dans une incontournable dynamique de croissance au niveau mondial, comme s’il n’y avait qu’une seule voie à suivre, celle des pays occidentaux, pour les pays dit « en retard ». De manière générale, ces politiques sont critiquées en ce qu’elles induisent une hiérarchisation des pays du monde selon qu’ils soient « développés » ou « en développement ». Cette idée est résumée par l’économiste camerounais Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général du réseau Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA), qui évoque « une industrie de la coopération internationale, où l’on aborde les populations davantage par la perception de ce qui leur manque d’après son appréciation extérieure, que par l’éveil de leur potentiel ». Et de préciser que cette tendance, certes compréhensible « car après tout on n’aborde les autres que muni de sa propre grille de lecture », a conduit souvent à des choix contestables en matière de stratégies de développement. L’Aide Publique au Développement française : des objectifs nombreux, une politique encore peu lisible La politique française de développement et de solidarité internationale, telle que définie par le gouvernement en 2013, s’articule autour de trois principaux axes. Le premier repose sur la contribution au développement économique des pays bénéficiaires. Il se traduit par plusieurs outils et dispositifs tels que les dons, les prêts, les projets, l’assistance technique, l’expertise, le volontariat ainsi que l’aide d’urgence. Ces instruments doivent répondre à des critères politiques (démocratie, lutte contre la corruption, protection de l’État de droit, prise en compte du genre, etc.). Le second axe est celui de la sécurité et la contribution aux opérations de maintien de la paix à travers l’idée selon laquelle « il n’y a pas de développement sans sécurité et vice-versa ». Enfin, l’accent est mis sur la préservation de l’environnement (maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, soutien au développement des énergies renouvelables dans le monde, etc.). L’APD française répond également à des critères géographiques à travers l’établissement, en 1998, d’une Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP), par soucis de rendre l’Aide plus sélective et concentrée. La ZSP rassemble, en 2013, 55 pays (dont une très large majorité en Afrique subsaharienne). Depuis 2009, des stratégies différentes ont été définies selon les territoires bénéficiaires à travers la notion de « partenariats différenciés » déclinant des objectifs et des dispositifs spécifiques en fonction de catégories de pays : Afrique subsaharienne, Méditerranée, pays en crise et pays émergents. Ces quatre partenariats différenciés fournissent une base pour l’affectation des moyens bilatéraux fournis par l’État dans le cadre de sa politique de coopération au développement. En France, cette dernière mobilise principalement deux Ministères : Le Ministère des Affaires Étrangères et celui de l’Économie et des Finances, ainsi qu’un opérateur, l’Agence Française de Développement (AFD). L’AFD dispose d’un double statut puisqu’elle est à la fois un établissement de crédit (84% de ses activités reposent sur des prêts) et un établissement public concourant à l’Action Extérieure de la France (l’Agence gère les deux tiers de l’Aide bilatérale française). L’APD repose également sur des instances de coordination dont la principale est le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID), chargé de définir les orientations, les priorités et les modalités d’intervention de l’APD.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 ère partie- L’AICT : une action publique qui se diversifie et affirme ses spécificités territoriales
Chapitre 1- Évolution des pratiques locales d’action internationale et adaptation du droit
Chapitre 2- L’AICT: quelles dynamiques spatiales ?
Chapitre 3- Caractérisation de l’AICT dans le champ de la coopération internationale: des spécificités territoriales
Conclusion de la 1ère partie
2 ème partie- L’AICT : Gouvernance territoriale et dynamiques d’acteurs. Quelles conséquences pour le développement local ?
Chapitre 4- Une action internationale « de territoire à territoire » qui repose sur une forte mobilisation des acteurs locaux
Chapitre 5- Communication, adhésion et participation citoyennes : les limites d’une politique publique encore peu accessible
Chapitre 6- L’animation territoriale de l’AICT : Éducation à la Citoyenneté Mondiale et dynamiques événementielles
Conclusion de la 2ème partie
3 ème partie- L’internationalisation : une stratégie de développement pour des territoires devenus interdépendants?
Chapitre 7- Confrontés à des enjeux mondiaux, les territoires français s’internationalisent 
Chapitre 8- Différenciation géographique des stratégies d’action internationale : une coopération plus ou moins réciproque selon les territoires partenaires ?
Chapitre 9- Au-delà de la réciprocité, l’interdépendance entre les territoires
Conclusion de la 3ème partie
4 ème partie- L’AICT : un mode d’exercice des compétences territoriales ?
Chapitre 10- L’AICT : compétence sectorielle ou « mode opératoire » transversal ?
Chapitre 11- Impacts de l’AICT sur le développement social urbain. Vers de nouvelles formes de cohésion sociale ?
Chapitre 12- L’AICT : un instrument de débat et d’adaptation de l’action publique environnementale
Chapitre 13- Le développement économique, une nouvelle fonction controversée de l’AICT 
Conclusion de la 4ème partie
CONCLUSION GÉNÉRALE

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