L’agriculture bio et les circuits de commercialisation

Présentation enquête quantitative

A travers l’étude quantitative, il s’agit premièrement de faire l’état des lieux des circuits de commercialisation des fermes bio sur la région Bretagne en mettant en évidence les modes de vente en circuits courts (marchés, vente à la ferme, site de commande en ligne, vente en paniers/caissettes, etc.), les caractéristiques de la vente en circuits longs (type d’intermédiaire(s), relations avec les opérateurs, destination de leur production sur le territoire) et la combinaison de systèmes de commercialisation en circuits courts et en circuits longs.
Toutes les données n’étant pas disponibles pour le moment, nous nous attacherons principalement à caractériser les modes de vente en circuits courts.
Il s’agit deuxièmement de caractériser les exploitations selon les circuits de commercialisation: système de production, taille de l’exploitation, organisation du travail, main d’œuvre, activité de transformation. Cette caractérisation technico-économique des fermes bio sera analysée en relation avec les circuits de commercialisation pour voir si les systèmes de production et d’organisation de l’exploitation jouent un rôle important ou non dans les orientations de commercialisation.
Des données plus qualitatives sur les raisons principales (ex : « autonomie dans la gestion du temps de travail », « ne pas avoir se soucier de la commercialisation de sa production », « recherche du contact avec le consommateur », « implication dans le développement local de la bio », etc.) qui ont été déterminantes dans l’adoption des modes de commercialisation seront analysées au regard des différents circuits de commercialisation.

Méthodologie : construction du questionnaire

Pour la construction du questionnaire, nous nous sommes appuyés principalement sur le questionnaire de l’Observatoire Bio Breton de la vente en circuits courts de 2012, les fiches techniques de la FRAB, les fiches références circuits courts de la Chambre d’Agriculture ainsi que sur des travaux sociologiques traitant de la vente en circuits courts. Par ailleurs, les nombreuses réflexions lors des comités de pilotages et des comités techniques, les expertises apportées par les animateurs de GAB (Groupement des agriculteurs Bio) ont largement contribué à la conception du questionnaire. Le questionnaire a également été testé sur un échantillon de huit producteurs afin de le rendre plus « robuste ».

Présentation enquête qualitative

Dans la conduite de nos entretiens, nous avons opté pour une méthodologie d’enquête par trajectoire. Cette méthodologie est appropriée pour étudier les « parcours » de commercialisation des producteurs en circuits courts, en circuits longs et en complémentarité circuits courts et circuits longs. L’approche par trajectoire permet de resituer les choix de commercialisation dans un espace-temps plus large afin de mettre en lumière les facteurs (individuels, contexte, effets de réseaux) qui ont joué un rôle dans la mise en place, les évolutions ou non des modes de commercialisation depuis le début de l’installation en agriculture. Dans notre enquête, un guide d’entretien a été réalisé mais en réalité la méthode non-directive s’est imposée.
Au regard des informations que nous avons recueilli dans l’étude quantitative au sujet de l’influence du système de l’exploitation sur les circuits de commercialisation adoptés par les producteurs, il était intéressant d’enquêter des agriculteurs dans diverses productions : systèmes en polyculture élevage (production animale avec généralement une production céréalière) et systèmes en cultures végétales (type maraîchage et fruits).
Notre questionnement autour des opérateurs de commercialisation en circuits longs, nous amène à différencier des producteurs engagés dans des structures collectives de commercialisation et des producteurs commercialisant via des opérateurs classiques. Nous avons donc enquêté des producteurs qui vendent leurs produits via des organisations économiques de producteurs (ex : l’Association des producteurs de fruits et légumes biologiques de Bretagne, Bretagne Viande Bio, Biolait) et des producteurs qui vendent leur production à des grossistes, des centrales d’achat, des coopératives, ou encore des entreprises privées.

Echantillon de l’enquête

Sur nos douze entretiens, nous en avons réalisé quatre avec des producteurs en circuits courts, quatre avec des producteurs en circuits longs (Organisation de Producteurs et opérateurs classiques) et quatre avec des producteurs en complémentarité circuits courts et circuits longs.
Nous avons rencontré des agriculteurs dans diverses productions : lait, légumes, viande bovine et fruits. Nous avons enquêté trois producteurs dans chaque département de la région Bretagne.

Méthodologie d’analyse

Nous nous sommes appuyés sur la méthode d’analyse des trajectoires d’Erwan Oiry, Claire Bidart, Damien Brochier et al. dans leur travail scientifique : « Propositions pour un cadre théorique unifié et une méthodologie d’analyse des trajectoires des projets dans les organisations » (2010). Cette méthode d’analyse s’appuie sur différents concepts pour rendre compte de la dynamique des trajectoires : « ingrédients, moteurs, séquences et bifurcations ».
Par « ingrédients », les auteurs entendent les éléments de contexte de toute nature qui agissent sur les individus et qui peuvent donc reconfigurer leur mode d’action ou provoquer des « bifurcations » dans leur trajectoire. Une bifurcation « désigne un moment d’inflexion d’une trajectoire, un moment où un basculement se produit » . Mais ce qui est au cœur de l’action c’est le moteur, c’est-à-dire le « mécanisme génératif du mouvement des ingrédients et de leurs assemblages au cours de la trajectoire ».
Pour notre analyse, nous avons mobilisé le concept de moteur et le concept d’ingrédients ou éléments de contexte.

ASPECTS STRUCTURELS DES CHOIX DE COMMERCIALISATION

Etat des lieux des circuits de commercialisation des fermes bio en Bretagne

Chiffres clés sur les circuits de commercialisation

Entre 2007 et 2011, le nombre de fermes bio en Bretagne a augmenté de 80% et entre 2011 et 2014 nous sommes passés de 1682 fermes bio à 1877 soit une augmentation de près de 200 fermes en l’espace de trois ans.
Dans un contexte de fort développement de l’agriculture biologique en Bretagne, le recours à la vente en circuits courts tend à se développer. En 2014, 38,2% des fermes bio pratiquent exclusivement la vente en circuits courts, 27,7% pratiquent la vente en circuits courts et la vente en circuits longs et 34,1% vendent toute leur production en circuits longs.

Caractéristiques de la vente en circuits courts et de la vente en circuits longs

La diversité des débouchés de commercialisation en circuits courts (modes de vente) et en circuits longs (type d’opérateurs) met en évidence une pluralité de pratiques de commercialisation. En circuits courts, vendre en direct au consommateur (marché, point de vente collectif, vente à la ferme, magasin de producteurs, lieux de dépôts) et vendre en circuits courts via un intermédiaire (magasin, artisan, restaurateur, restauration collective) n’impliquent pas les mêmes pratiques de production et de commercialisation : temps consacré à la vente, relations sociales autour de la vente, volume de production vendu. En outre, au sein des circuits courts en direct au consommateur, vendre ses produits à la ferme, vendre ses produits en AMAP ou vendre sur les marchés n’impliquent pas non plus les mêmes modalités d’organisation de la vente.

Caractéristiques structurelles des exploitations et adoption des différents circuits de commercialisation

Nous chercherons donc à savoir dans un premier temps si les caractéristiques structurelles des exploitations facilitent le positionnement des agriculteurs sur tel ou tel type de circuit de commercialisation. Plusieurs auteurs ont mis en évidence que les exploitations en circuits courts sont plutôt de petite taille et que les exploitations en circuits longs sont davantage de plus grande taille pour pouvoir répondre aux exigences de volumes et de standardisation du produit en circuits longs. Benoît Leroux, dans son analyse des logiques d’action des agriculteurs bio, montre que les grosses exploitations en bio sont majoritairement orientées vers la commercialisation en circuits longs et vers des logiques de production et de commercialisation « conventionnelles » : « circuits longs, spécialisation des cultures, recours aux intrants bio du commerce » . D’autres études qui se sont penchées sur les producteurs maraîchers en circuits courts, ont mis en évidence que les exploitations en circuits courts, et plus particulièrement les exploitations faisant de la vente directe sont généralement de plus petite surface et ont une production plus diversifiée pour pouvoir présenter une large gamme de produits au consommateur. En outre, Aurélie Cardona [2007], rend compte du caractère chronophage de la vente en circuits courts qui implique une charge de travail supplémentaire à l’activité de production. Hiroko Amemiya, dans son ouvrage L’agriculture participative, dynamiques bretonnes de la vente directe, met en évidence que la majorité des agriculteurs qu’elle a enquêté travaillent avec leur conjoint sur la ferme : travailler à deux permet alors de pouvoir allier activité de production mais également activité de commercialisation. Les exploitations en circuits courts se caractérisent également par une main-d’œuvre familiale plus importante.
Dans les exploitations en production légumes et faisant de la vente en circuits courts, « la main d’œuvre familiale y est plus particulièrement importante ».
Notre étude nous amène donc à nous interroger sur ces éléments ayant trait à la structure de l’exploitation : pouvons-nous dire que certains de ces éléments facilitent le développement de tel ou tel circuit de commercialisation ? Pour cela nous nous intéresserons à des données technico-économiques relatives à la taille de la ferme (effectif du cheptel, surfaces des cultures), à la main-d’œuvre mais encore à la présence ou non d’une activité de transformation. Etant donné que l’étude quantitative porte sur l’ensemble des productions bio en Bretagne, il convient obligatoirement de mener cette analyse production par production puisque de fait « une activité de maraîchage ne nécessite pas la même superficie qu’une activité d’élevage bovin ; de même, une activité avec beaucoup de transformation nécessite beaucoup de main-d’œuvre ». Cette analyse production par production se veut comparative puisque l’intérêt est également de savoir si au travers de ces caractéristiques structurelles certains systèmes productifs sont plus compatibles avec la vente en circuits courts, avec la vente en complémentarité circuits courts et circuits longs et avec la vente en circuits longs exclusivement. Etant donné que certaines productions sont moins représentées dans notre échantillon, nous centrerons plus particulièrement l’analyse sur les productions bovins lait (154 producteurs) et les productions légumes (160 producteurs) mais également, même si de manière plus partielle, sur les productions viande bovine et fruits.
Comme nous l’avons précédemment mis en en évidence, selon le type de production, certains agriculteurs se tournent plus vers la vente en circuits courts, la vente en circuits longs ou vers un système de commercialisation alliant ces deux circuits. En effet, il y a lien de correspondance fort entre le fait de produire du lait, de la viande, des fruits ou des légumes avec l’adoption des différents circuits de commercialisation.

Organisation du travail sur l’exploitation et orientation de commercialisation

Le caractère chronophage de la vente en circuits courts, car il implique en plus de l’activité de production de consacrer du temps à la vente, peut constituer un frein à la mise en place de ce mode de commercialisation pour certains agriculteurs. En effet, en circuits courts exclusivement, les trois quarts des producteurs jugent leur charge de travail élevée. En complémentarité circuits courts et circuits longs, ils sont également nombreux à juger leur charge de travail importante : les deux tiers la jugent élevée ou très élevée. En circuits longs, ils sont davantage à juger leur charge de travail moyenne  mais ils sont tout de même 42% à juger leur charge de travail élevée. Nous nous posons donc la question de savoir si le fait d’être au moins deux sur la ferme facilite le développement de mode de vente en circuits courts.

LES RESSORTS INDIVIDUELS DES CHOIX DE COMMERCIALISATION

S’il est possible de rendre compte de caractéristiques structurelles propres aux exploitations en circuits courts et en circuits longs, la complémentarité circuits courts et circuits longs remet au cœur de l’analyse les facteurs individuels et les facteurs ayant trait au contexte dans les choix de commercialisation. Nous nous attacherons donc, dans un premier temps à partir d’une analyse des données quantitatives, à rendre compte des motivations aux choix des différents circuits de commercialisation. Dans un second temps, nous analyserons de manière plus fine les ressorts individuels des choix de commercialisation au regard des données qualitatives recueillies lors des entretiens.

Les motivations aux choix de commercialisation

Outre les aspects structurels propres à chaque exploitation, les choix des circuits de commercialisation font également écho à des ressorts individuels qui sont d’ordre éthique, économique ou encore personnel et familial. Pour rendre compte de ces ressorts individuels, nous nous sommes intéressés aux trois principales raisons qui ont déterminé les choix de commercialisation des agriculteurs.

Les moteurs centraux au cœur des dynamiques de commercialisation

Des motivations communes relatives à la vente en circuits courts, à la vente en circuits longs et à la complémentarité circuits courts et circuits longs peuvent donc être mises en évidence. En effet, les agriculteurs mobilisent des registres de justification clairement identifiables pour rendre compte de leur choix de commercialisation : des registres d’ordre économique, éthique, personnel et plus largement d’ordre politique. Pour la vente en circuits longs, les agriculteurs mobilisent majoritairement des registres de justification d’ordre économique et personnel à savoir la sécurité économique (assurance d’un revenu) et la possibilité de s’investir dans son activité de production. Le choix du circuit long fait écho à ces motivations de sécurisation économique pour une part significative des producteurs inscrits dans des filières conventionnelles de commercialisation : « Le circuit long c’est sécurisant, c’est pas de travail […] Je sais que tous les 3 jours, il passe, il prend le lait » (Jean, producteur de lait). Les producteurs engagés dans des structures collectives de commercialisation en circuits longs mobilisent quant à eux davantage des registres d’ordre éthique pour rendre compte de leur choix de commercialiser avec des organisations de producteurs. Ce registre de justification renvoie à des valeurs plus générales de défense du métier d’agriculteur comme le droit à une rémunération juste de son travail. Ce registre est également mobilisé par des agriculteurs en circuits courts où la maîtrise de la commercialisation (fixation des prix de vente) permet une meilleure valorisation de leur travail. En outre, cette recherche d’une valorisation de son travail en circuits courts n’est pas seulement d’ordre pécuniaire mais également d’ordre personnel : comme l’exprime un agriculteur, la vente directe n’apporte pas seulement un revenu économique mais elle apporte aussi un « revenu psychologique ». Cette valorisation personnelle se fait dans le retour client notamment au sujet de la qualité de ses produits mais aussi dans les liens sociaux plus ou moins forts développés avec les consommateurs. Par ailleurs, cette aspiration d’une rencontre avec le consommateur, peut pour certains, s’inscrire dans une aspiration plus large qui prend place « dans la rencontre agriculture-société »: « envie de défendre produits, des savoirs faires, un patrimoine local en réaction à la standardisation des produits agroalimentaires ». Les producteurs en circuits courts mobilisent également des registres de justification d’ordre plus personnels et politiques pour expliquer le choix du circuit court à savoir la volonté d’être autonome et de se défaire de l’emprise des intermédiaires : « ils seraient motivés par une compréhension plus politique, articulée autour de la recherche de l’autonomie de l’agriculteur ».

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Table des matières

INTRODUCTION
L’agriculture bio et les circuits de commercialisation : quelques éléments de définition
Problématique et hypothèses de recherches
Présentation enquête quantitative
Présentation enquête qualitative
CHAPITRE 1 : ASPECTS STRUCTURELS DES CHOIX DE COMMERCIALISATION
I. Etat des lieux des circuits de commercialisation des fermes bio en Bretagne Chiffres clés
Caractéristiques des pratiques de vente en circuits courts et circuits longs
Dimension subie et choisie des choix de commercialisation
II. Caractéristiques structurelles des exploitations et adoption des différents circuits de commercialisation
A) Taille de la ferme et circuit de commercialisation
B) Organisation du travail et orientation commerciale
Conclusion
CHAPITRE 2 : LES RESSORTS INDIVIDUELS DES CHOIX DE COMMERCIALISATION
I. Les motivations aux choix de commercialisation
II. Les moteurs centraux au cœur des dynamiques de commercialisation
Le sens du collectif
Filiation paysanne et orientation vers l’activité de production
Rentabilité économique et financière
Convictions personnelles
Ajustement au contexte économique
Entrepreneuriat socialement et écologiquement responsable
Conclusion 
CONCLUSION GENERALE 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

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