L’agir enseignant dans l’enseignement de la compréhension de la littérature

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La place de la littérature de jeunesse à l’école maternelle

Aujourd’hui, la littérature de jeunesse de par son domaine riche et complexe, fait partie intégrante des apprentissages et occupe une place fondamentale et privilégiée au sein de l’institution, particulièrement à l’école maternelle. En effet, bien qu’elle ouvre sur le monde et sur autrui, la littérature se doit de contribuer à l’acquisition de la maîtrise de la langue orale et écrite, « maîtrise indispensable pour l’accès à la littératie » (Canut et Vertalier, 2012). Ainsi tout au long du cycle 1, les élèves vont être amenés à rencontrer des œuvres du patrimoine littéraire pour pouvoir s’en imprégner. Cependant, outre son côté attractif, la littérature va leur permettre de construire sa personnalité, autrement dit, de grandir.
Dès leur entrée dans le cursus scolaire, l’enjeu réside dans le fait d’habituer les élèves « à la réception du langage écrit afin d’en comprendre le contenu » (MEN, 2017) puisque la compréhension des récits constitue l’objectif majeur de l’école maternelle. Effectivement, il s’agit d’amener les apprenants à découvrir progressivement l’univers du fictif, du récit et à comprendre la langue écrite à travers une variété de livres de jeunesse qui leur est offerte. Pour ce faire, il est essentiel que la littérature de jeunesse soit accessible sur le plan culturel, matériel et intellectuel par l’ensemble des élèves afin de rendre ses utilisations, ses supports et ses espaces « attractifs et dignes d’intérêt. » (MEN, 2017) De plus, il semble crucial que l’enseignant mette en place des activités d’enseignement permettant à ses élèves la fréquentation, la manipulation mais aussi la familiarisation régulière d’ouvrages littéraires afin qu’ils puissent démultiplier leurs connaissances. En ce sens, l’enseignant se doit également d’accompagner ses élèves sur le plan instrumental et affectif pour pouvoir stimuler leur désir, susciter leur envie de lire et d’apprendre, mais surtout les convaincre que le livre « recèle un plaisir accessible. » (Gervais, 1996) Or même s’il existe plusieurs facteurs suscitant l’intérêt pour la lecture, l’aménagement d’un environnement propice à la réussite telle que le « coin lecture » demeure indispensable au sein d’une classe. En plus de favoriser les lectures individuelles de chacun, les élèves vont ainsi parvenir à développer des réflexes de « bons lecteurs. » (Turcotte, 2006).
Il est avéré que la littérature de jeunesse se définit comme un vecteur d’apprentissage solide contribuant à la construction d’images mentales capable d’alimenter l’imaginaire culturel et l’esprit créatif des enfants. Au travers des stéréotypes, des héros, des personnages archétypaux, des lieux, etc. qu’ils vont découvrir, ils seront aptes, par la suite, à établir des liens en repérant des similitudes et en construisant des différences. En effet, d’une part, la littérature offre l’occasion d’aborder différents concepts nécessaires à la construction intrinsèque et l’élaboration de la vie des enfants donc des élèves. Elle tend également à fournir de nombreuses ressources langagières en donnant du sens à l’écrit, et grâce à elle, les élèves vont pouvoir se bâtir une première culture littéraire commune et développer parallèlement des compétences en compréhension et lecture par le biais de la mémorisation d’images et de textes lus et entendus. D’autre part, ils pourront non seulement apprendre à se repérer dans la diversité des écrits car la littérature détient un langage qui lui est propre et possède une richesse lexicale non négligeable, mais aussi, ils seront en mesure de mobiliser des expériences et connaissances littéraires qu’ils devront réinvestir à bon escient par la suite.
D’une autre manière, il va sans dire que la littérature de jeunesse a pour fonction d’ouvrir sur la représentation du monde, au travers des personnages et des situations qu’elle met en scène ou encore des thèmes qu’elle aborde. Elle permet également de partager une « expérience émotionnelle » (MEN, 2017), d’aider les élèves à comprendre les comportements humains et ceux d’autrui. En définitive, de par la voix de l’enseignant qui lit et raconte divers récits de fiction et la découverte de nouvelles histoires que ces récits proposent, les lectures ont la capacité de permettre à chacun d’éprouver des émotions, d’exprimer ce que les jeunes apprentis lecteurs ressentent. Comme le souligne le ministère de l’Éducation nationale : « Lire un récit ou raconter une histoire aux enfants, c’est faire communauté, c’est permettre de prendre conscience qu’on partage une même émotion, et, par là même, appréhender ses propres émotions » (MEN, 2017)

L’agir enseignant dans l’enseignement de la compréhension de la littérature

Les recherches ont montré que les pratiques enseignantes détenaient une influence considérable faisant partie des facteurs scolaires qui contribuaient à la réussite des élèves.
Tout d’abord, les auteurs s’accordent à dire que l’album de littérature de jeunesse fait partie des outils influant non seulement sur les pratiques enseignantes de lecture (Bastide et Joigneaux, 2014), mais aussi sur l’enseignant en tant que lecteur expert et sur les élèves de maternelle apprentis lecteurs. En analysant les pratiques enseignantes de lecture d’albums au cycle 1, celles-ci ont permis de rendre compte qu’elles sollicitaient et encourageaient fortement les élèves sur « les manières de dire et de faire » (Boiron, 2011). Dès lors, pour pouvoir mettre des mots sur ce qu’ils interprètent au travers des lectures, pour pouvoir se construire une première culture livresque et devenir par la suite des lecteurs autonomes et compétents, les élèves se doivent d’en saisir le sens. Bien que la compréhension des récits de fiction soit un domaine complexe pour les jeunes élèves, elle constitue avant tout l’un des objectifs centraux de l’école maternelle et ce dernier ne peut être atteint sans un étayage « soutenu et individualisé » (MEN, 2017) de la part de l’enseignant.
Dans le cadre scolaire, il est du rôle du professeur des écoles d’accompagner ses élèves, d’une manière ou d’une autre, à réaliser une tâche donnée. Pour ce faire, celui-ci a recours à différentes formes d’étayage permettant de faciliter l’accomplissement de tâches au cours d’une situation d’apprentissage et/ou d’enseignement. En effet, selon Bruner (1983), « l’intervention d’un tuteur comprend une sorte de processus d’étayage qui rend l’enfant ou le novice capable de résoudre un problème, ou d’atteindre un but qui auraient été, sans cette assistance, au delà-de ses possibilités. » Pour l’enseignement de la compréhension d’un album, celui-ci requiert tout autant d’un étayage systématique et nécessaire très accentué en petite et moyenne section (MEN, 2017) étant donné que l’intérêt pour les livres de jeunesse s’effectue au travers des différentes types d’activités menées à partir de ces livres. De plus et de manière générale, les enseignants de maternelle sont souvent confrontés à de jeunes élèves ayant des expériences de langage et des connaissances littéraires très hétérogènes, ce qui ne garantie pas une compréhension « égale » de ce qui est entendu et perçu à la fois par chacun. En effet, certains albums peuvent parfois se montrer relativement complexes tant sur l’accès aux illustrations que sur celui de la langue écrite. C’est pourquoi l’agir de l’enseignant joue un rôle fondamental dans l’enseignement de la compréhension qu’opère la littérature de jeunesse.
Dans un premier lieu, bien que les livres et albums soient en permanence à la portée de tous au sein de classe, il est essentiel de mettre en place une ritualisation de lectures qui va permettre aux élèves en maternelle la socialisation et le développement langagier, cognitif et culturel. « Les relectures des mêmes livres et des mêmes albums de jeunesse sont à privilégier » (MEN, 2017) selon le ministère de l’Éducation nationale, puisqu’elles s’avèrent particulièrement utiles quant à l’apprentissage progressif de la compréhension, à la construction du récit et à la participation active telle que les prises de parole, et l’écoute. Ces activités de relecture permettent également d’assurer une mémorisation et un réinvestissement des structures langagières, de repérer des éléments que les élèves n’avaient pas relevés lors des premières lectures.
De plus, les pratiques comme lire à voix haute font partie d’un savoir-faire que l’enseignant met en œuvre au sein de sa classe afin de faire connaître les personnages et les caractériser, de réussir à faire entrer les élèves dans le récit, mais surtout afin de prendre en charge les difficultés du texte écrit. Effectivement, il peut être délicat pour un élève d’établir la cohérence ou l’enchainement d’une histoire s’il n’est pas en mesure de maîtriser les constructions syntaxiques et lexicales composant le texte.
De temps à autre, l’enseignant encourage le partage, les échanges oraux sur lesquels les élèves sont invités à exprimer leurs impressions, leurs ressentis lorsque le texte s’y prête, à réagir librement, à créer des hypothèses. Cela éveille et maintient l’engagement. De plus, le plaisir de lire est relié à la richesse des émotions que les livres suscitent, l’enseignant est donc soucieux d’amener son groupe classe à reconnaître certaines de ces émotions et à « en élargir le spectre » (Gervais, 1996). Le fait de proposer de tels échanges langagiers aux élèves leur permet non seulement de construire une coopération interprétative mais également d’établir « une compréhension responsive et dialoguée » (Boiron, 2010) puisque les interactions langagières entre le lecteur expert qu’est l’enseignant et les apprentis lecteurs que sont les élèves en maternelle, participent pleinement à la construction et au développement de la compréhension de ces derniers.
Par ailleurs, parmi ses pratiques, il est indispensable que l’enseignant initie sa classe aux codes de l’album. En ce sens, il s’agit d’apprendre aux élèves le rapport texte/image très diversifié d’un album à l’autre, le sens et l’organisation de la double narration qu’il contient, de les familiariser à la diversité de traitements iconographiques afin qu’ils soient capables de construire des significations et d’effectuer des parallèles.
Ainsi, la lecture et compréhension d’albums sont deux activités complémentaires qui se doivent d’être accompagnées et partagées. L’objectif de l’enseignant est donc d’amener chaque élève à devenir un lecteur expert. Pour cela, il devra veiller à diminuer progressivement l’aide et le soutien qu’il fournit afin que les apprenants soient à même de combiner les deux composantes de la lecture en autonomie.

L’album de littérature de jeunesse au regard des instructions officielles

L’entrée de la littérature de jeunesse dans les programmes de l’école primaire est bénéfique pour que les élèves sachent adopter un premier regard réflexif dès le collège. Le but des programmes scolaires consiste à ce que les élèves se familiarisent avec une diversité de textes et ce, dès le plus jeune âge.
La littérature de jeunesse se retrouve ainsi au cœur du domaine 1 « Mobiliser le langage dans  toutes ses dimensions » dans le cycle des apprentissages premiers. Parallèlement, le Ministère de l’Éducation Nationale a rédigé un document de cadrage sur le site d’Éduscol axé principalement sur l’album de jeunesse au cycle 1 où il définit l’ensemble des objectifs fondamentaux propres à l’enseignement de cette discipline. L’enjeu réside, en effet, dans le fait d’habituer les élèves à la réception du langage écrit en les initiant aux différents types de lectures. Il est donc nécessaire que l’enseignant fasse découvrir régulièrement et progressivement une variété d’album de jeunesse à l’ensemble de sa classe en rendant la littérature accessible « culturellement, matériellement et intellectuellement. » (MEN, 2017) et cela, dès la petite section. Une sélection d’ouvrages pour une première culture littéraire à l’école maternelle est notamment proposée sur ce même site où il est expliqué en détail comment cette sélection s’est opérée et dans quel but. En l’occurrence, il s’agit de « permettre une initiation des jeunes enfants aux usages du livre et aux pratiques de lecture » (MEN, 2020) de sa familiariser avec un langage plus élaboré, mais aussi de les amener au fur et à mesure à une compréhension d’histoires racontées ou lues leur permettant d’accéder à d’autres formes d’écritures.
L’usage de l’album de jeunesse ne se limite pas seulement au domaine 1 susmentionné ou à l’enseignement du français, il concerne l’ensemble des domaines d’apprentissages et les instructions officielles insistent particulièrement sur ces approches pluridisciplinaires à mettre en œuvre dans tous les domaines. En ce sens, la littérature de jeunesse tisse des liens avec d’autres enseignements en partie grâce à la richesse de ses ouvrages. L’enseignant peut y avoir recours de sorte à aborder des thématiques nouvelles ou afin d’enrôler sa classe lors de ses activités pédagogiques. Elle demande notamment aux enseignants de la créativité et de l’implication puisque leur rôle est d’encourager les élèves à prendre goût à la littérature, de stimuler et de susciter des réactions en proposant des expériences de lecture diversifiées et adaptées à la classe. Ces albums de jeunesse sont d’autant plus une source de motivation pour les élèves puisqu’ils sont proches de leurs centres d’intérêt et permettent de plonger ces derniers dans un univers imaginaire en partie grâce aux illustrations. Ils sont également considérés comme des supports d’apprentissages auquel « les enfants apprennent à comprendre les comportements humains et à éprouver de l’empathie pour autrui. » (MEN, 2017).
Ainsi, au regard des textes officiels, force est de constater que l’album de jeunesse se retrouve au cœur des apprentissages et se définit comme un véritable outil pédagogique pour l’enseignant quelles que soient les disciplines.

Les dispositifs d’enseignement testés

Conformément aux instructions officielles en date du 30 juillet 2020, l’enjeu est d’amener les élèves de maternelle à « développer leur capacité à identifier, exprimer verbalement leurs émotions et sentiments » (MEN, 2020) de sorte à ce qu’ils puissent « communiquer de façon générale avec les adultes et les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre ».
Le dispositif d’enseignement mis en place vise donc à démontrer que l’album de littérature de jeunesse est un outil efficace pour aider à l’identification, la compréhension et la verbalisation des émotions chez les élèves, en les incitant à prendre la parole de manière spontanée et non par contrainte lors des séances d’activités autour des émotions. Il était ainsi judicieux de ne pas leur imposer de s’exprimer, hormis lors des phases pré et post test, mais plutôt de les encourager à parler en prenant appui sur l’album.
De plus, les séances menées durant la séquence d’enseignement présentent des intérêts pédagogiques différents mais concourent toutes à poursuivre le même objectif de travail sur l’identification et la verbalisation des émotions pour que les élèves soient à même de les réguler par la suite. Dans cette optique, en plus de les aider à identifier et verbaliser, l’étude de l’album de jeunesse : Grosse colère, fil conducteur de la séquence, va également permettre aux jeunes élèves de se construire un répertoire lexical grâce au vocabulaire relatif à l’émotion de la colère qu’ils vont acquérir au fil des séances.

Description des séances

Séance de recueil de conceptions initiales : Évaluation diagnostique

Cette séance a été menée de façon individuelle en entretien directif, et a permis une première approche de la notion d’émotion. Les élèves avaient à leur disposition une photographie (cf. annexe n°1) représentant le portrait d’un garçon en train de crier. L’objectif pour eux était d’identifier l’émotion représentée et d’établir une description de ce qu’ils interprétaient à travers l’image. Pour cela, ils étaient en charge de répondre à des questions principalement ouvertes posées à l’oral. (cf. annexe n°6)
En effet, les élèves ne sachant ni lire ni écrire, seul l’oral pouvait permettre de recueillir les informations attendues et de faire une évaluation des compétences langagières.
Chaque élève disposait d’un temps indéfini à sa réflexion de sorte à ne pas le brusquer, et les questions pouvaient être reformulées si des problèmes de compréhension persistaient, sans l’induire pour autant.
Cette évaluation a donc fait office de point d’appui pour le recueil des connaissances initiales de chacun puisque cette étape a été un tremplin essentiel pour la suite des activités à mener. Le choix de mener cette évaluation avant la lecture de l’album de jeunesse conducteur est donc dû à une volonté de les faire verbaliser sur ce qu’ils connaissaient initialement ou non sur l’émotion de la colère avant d’aborder le thème de la colère. Pour procéder à un récapitulatif des interventions apportées par les 15 élèves, chacune de leurs réponses a été noté une à une durant l’entretien.

Découverte de la première partie de l’album de jeunesse

La séance initiale s’est déroulée avec l’ensemble des participants dans le coin regroupement avant la récréation du matin et s’est articulée autour de l’album : Grosse colère de Mireille d’Allancé. La présentation de l’album a suscité dans un premier temps beaucoup d’intérêt et de questionnements de la part des élèves qui se sont interrogés sur le contenu de l’histoire en apercevant l’illustration de la première page de couverture (cf. annexe n°2). Dès le début de la séance, la majeure partie des élèves s’est exprimée d’emblée sur son ressenti face à l’illustration de la première de couverture qui n’était pas significative, grâce aux indices visuels, et sans que le titre de l’album ne soit dévoilé. Ils étaient donc amenés à établir des hypothèses en prenant appui sur ce premier aperçu tout en étant guidés à l’aide de questions : « Que voyez-vous sur cette couverture ? » « Quel est ce personnage qui se tient face au héros ? »
« Pourquoi est-il rouge ? » Après les premières hypothèses faites, nous avons procédé à une lecture partielle de l’histoire durant laquelle le groupe classe était en mesure d’identifier les personnages présents. Il s’agissait de travailler essentiellement sur le personnage principal de l’histoire, son comportement, et sur l’évolution des couleurs. Cette activité, consistait donc à mettre en place des échanges langagiers sur ce que les élèves voyaient et comprenaient. Le fait de lire partiellement l’histoire incitait les élèves à s’imaginer la suite et à émettre de nouvelles hypothèses avec leurs propres mots.
À la fin de cette séance, tous les élèves devaient être capables de raconter la première partie de l’histoire. Pour cela, l’un d’eux s’est porté volontaire pour venir face à ses pairs et parler de ce qu’il avait retenu et compris. Cette étape était donc essentielle pour s’assurer de la compréhension globale du texte et permettait également de mettre en place un temps de verbalisation pour clôturer la séance et faire un récapitulatif de ce qu’ils avaient vu.

Comment imagines-tu la suite ?

La deuxième séance a été divisée en deux temps, un temps collectif et un temps en demi-groupe.
L’introduction de cette seconde séance a débuté par un rebrassage de la séance précédente (présentation brève de l’histoire) en interrogeant une fois de plus un élève volontaire pour permettre une réactivation des acquis avant de reprendre la lecture : « Qu’avons-nous vu durant la dernière séance ? » « Pourquoi Robert est-il fâché ? » Si l’élève volontaire ne parvenait pas à trouver ses mots, un autre camarade pouvait lui venir en aide.
Après la phase de réactivation, s’en est suivie la reprise de la lecture en grand groupe dès le début jusqu’à la double page de l’apparition du monstre (cf. annexe n°3) tout en rappelant l’émission des hypothèses des élèves. Suite à cela, ces derniers se sont exprimés sur l’apparition de la Chose : « Que représente la Chose que Robert expulse de sa bouche ? » « Pourquoi est-elle rouge ? » Les réponses étaient également notées au tableau. La représentation de la colère à travers un monstre a particulièrement relevé leur attention et provoqué la stupéfaction chez eux, ce qui a de nouveau suscité des interrogations.
Dès lors, les élèves ont été mis en activité dans leurs groupes respectifs (bleu, jaune, rouge) afin d’imaginer la suite lors de l’apparition du « monstre rouge ». Ils devaient faire en sorte d’imaginer toutes les actions possibles de Robert laissant éclater sa colère dans sa chambre, par le biais du dessin pour représenter leurs idées. Une fois le dessin terminé, chacun d’eux devaient en dictée à l’adulte expliquer en une ou deux phrases ce qu’il avait voulu représenter au travers du dessin, cela a permis d’obtenir une idée claire de leur travail, autrement dit comprendre leur réalisation.
Cette activité a été l’occasion de voir si les élèves avaient saisi ou non la représentation fictive de la colère par un monstre sortant de la bouche du personnage.

La colère, comment l’identifier et apprendre à la gérer ?

La troisième séance s’est déroulée exclusivement en groupe collectif et a débuté par un temps de parole.
Lors du début de cette troisième séance, la suite de l’histoire n’étant toujours pas dévoilée, les élèves ont pu faire part à l’oral d’exemples de situations vécues les mettant en colère et en expliquant comment ils agissaient face à cette émotion en se basant sur leur propre expérience. De ce fait, une affiche a été constituée par l’ensemble des élèves en groupe collectif avec l’aide de l’enseignante afin de relater les mots et expressions correspondantes à l’émotion de la colère dans le but d’enrichir leur vocabulaire. En effet, le fait de créer une telle affiche intitulée « La Colère » au sein de la classe, a permis aux élèves de se détacher du vocabulaire déjà présent dans l’album et ainsi d’introduire un tout nouveau lexique : se fâcher, s’énerver, faire un caprice, crier, hurler, furieux, exaspéré, rage, pas content.
Nous avons procédé ensuite, à la lecture finale du livre, ce qui a ainsi permis aux élèves de découvrir ce qu’il se passe une fois le monstre présent face au garçon. Ici, il était important de mettre en lumière la différence entre le fictif du livre et la réalité en leur expliquant que Robert expulse la Chose en réaction à la punition de son père. En s’attardant sur le passage du monstre qui détruit la chambre de Robert, les élèves comprennent que la colère peut provoquer de nombreux dégâts si elle n’est pas canalisée. En effet, il était important de leur faire prendre conscience que la colère, est une émotion forte que l’on ressent à l’intérieur de nous, provoquant parfois une réaction physique. Ainsi suite à cela, un temps de parole a été consacré pour demander aux enfants leur méthode pour faire disparaître la colère. Bien que les élèves de moyenne section ne parviennent pas vraiment à mettre des mots sur les solutions qu’ils emploient pour apaiser cette émotion forte, il a semblé intéressant d’instaurer un temps de verbalisation à ce sujet. Les réponses recueillies ont été notées au tableau de sorte à établir un bilan collectif.
Après cette phase et le résumé de l’histoire effectué par un nouvel élève sur la base du volontariat, il a fallu en dégager un titre. De nombreuses propositions similaires à celle du livre ont été reportées telles que : « La Colère », « Le garçon fâché », « La colère rouge » « Le monstre de la colère », « La Colère Monstre » ou encore « Le Monstre rouge ». Tout cela a permis de rendre compte que les élèves ont bel et bien saisi le sens de l’histoire et que les illustrations de l’album ne sont ni anodines ni accessoires mais apportent des indices précieux à la compréhension et aident pour l’interprétation.

Comment représentes-tu la colère ?

La quatrième séance s’est également décomposée en deux temps, un premier temps où les élèves étaient rassemblés collectivement au coin regroupement, et un second temps, où ces derniers étaient répartis par groupe de 5, mais réalisaient tous la même activité.
Avant de commencer la séance, une élève s’est portée volontaire pour pouvoir venir faire la lecture du même album face à ses pairs. L’objectif de cette tâche était que l’élève s’approprie l’album en reformulant l’histoire avec ses propres mots. Après cela et un rebrassage de la séance 3, en collectif, il était crucial de se focaliser sur les caractéristiques de la colère. En effet, dès l’évaluation diagnostique, le groupe d’élèves devait être en mesure de repérer, d’identifier et de nommer cette émotion sur la photographie assez explicite qui leur était donnée en prenant appui sur des indices du visage, ce qui n’a pas été chose facile pour eux. Ainsi, l’enjeu avant la mise en activité, résidait dans le fait à de les amener à verbaliser sur la façon dont la colère pouvait être représentée en évoquant les couleurs (tons chauds, rouge, noir, orange), les formes (gribouillage, froissement de papiers, papiers déchirés, etc.) qui lui sont habituellement rattachées ainsi que les caractéristiques physiques d’une personne en colère. Leurs réponses pertinentes ont ainsi permis de rassembler une variété de supports (feuille A3, journaux, papier canson), et d’outils (crayons, pastels, feutres) pour la suite de l’activité à mener : la confection de leur propre visage de colère.
Ensuite, les élèves ont été placés dans le groupe de travail pour pouvoir réaliser leurs productions plastiques (cf. annexe n°4). L’objectif était de leur faire comprendre que la colère se manifeste également par des expressions faciales telles que les yeux légèrement fermés, les sourcils froncés, la bouche grande ouverte et parfois les dents sorties. La plupart des élèves se sont grandement inspirés du monstre de l’album de jeunesse lu en classe.
Dès la production finie, par une dictée à l’adulte, chaque élève a énoncé à tour de rôle, une situation qui les rendait en colère/furieux. Cette dernière phase de travail s’est déroulée individuellement pour éviter une fois de plus le phénomène d’imitation.

Évaluation sommative

Pour clôturer la séquence de ce dispositif, la dernière séance a fait l’objet d’une évaluation sommative et s’est déroulée de la même manière que la première. Les élèves appelés individuellement en entretien direct, étaient en charge de répondre aux mêmes questions qui leur avaient été posées lors du recueil des données initiales, mais comprenant cette fois-ci une question à propos des stratégies pour apaiser la colère (cf. annexe n°7). L’évaluation était basée sur les mêmes critères de départ. La photographie à leur disposition était différente de la première, mais comportait beaucoup de similitudes.
En recueillant leurs nouvelles réponses pour pouvoir mesurer l’évolution de chacun d’eux et avant tout établir un bilan critique de cette étude, nous allons voir dans les résultats qui suivent, qu’effectuer une évaluation sommative comme celle-ci s’est avéré particulièrement révélateur.

Autour de l’étayage dans les activités de lecture

La première hypothèse opérationnelle concernait la notion d’étayage de l’enseignant lors des activités de lecture en classe. L’étayage faisant partie des gestes professionnels d’enseignement, concerne l’ensemble des opérations d’assistance que le professeur des écoles doit savoir utiliser à bon escient. En effet, ce processus d’étayage va permettre à l’élève d’accomplir une tâche qui aurait été « au-delà de ses capacités sans cette assistance. » (Bruner, 1983). En ce sens, tout au long de l’exploitation de l’album, le rôle de l’enseignant ne se limitait pas seulement à offrir la lecture, mais à réguler et dynamiser la communication avec les élèves pour ainsi les conduire à une compréhension globale du livre et de l’émotion traitée. Les expérimentations menées au cours de la période 3 ont permis de confirmer cette hypothèse.
Tout d’abord, l’entrée dans la lecture se fait grâce à l’identification et la compréhension du langage. Le travail sur la reconnaissance des mots écrits pour le dispositif ne pouvait pas être envisagé au vu du jeune âge de ces participants commençant à peine lire et écrire certains mots. Durant les séances, il était donc nécessaire de donner du sens à l’oral et d’enseigner aux élèves à comprendre, autrement dit construire activement du sens. Ainsi lors de la lecture de l’album à voix haute, il a fallu doter les élèves de stratégies de compréhension telles que mobiliser leurs connaissances antérieures sur la colère, établir des liens entre le texte et l’image ou encore faire des inférences. En effet, sans en dévoiler la signification, les élèves ont su, au fil de l’analyse, faire le lien entre les deux protagonistes de l’histoire qui sont finalement liés. Il était donc intéressant de laisser ouvert le circuit de l’interprétation tout assurant une orientation.
De plus, rappelons que l’un des objectifs de cette étude consistait également à inciter les élèves à prendre la parole volontairement sur leurs ressentis et non par obligation. Même si les élèves n’étaient pas évalués sur les prises de parole sans sollicitation de l’adulte, les résultats des conceptions initiales ont montré que certains élèves manquaient d’assurance et étaient intimidés, surtout lors des questions à titre personnel. C’est pourquoi il était important de les mettre en confiance et de ne pas plus les brusquer pour la suite de l’étude en les sollicitant indirectement. L’album de jeunesse Grosse colère a été une fois de plus, un support intéressant à ce sujet. Effectivement, en mettant en place des temps d’échanges réguliers, tant en classe entière qu’en petit groupe, sur des sujets auxquels ils sont confrontés, les élèves se sont vus interagir naturellement. En effet, grâce à cette forme d’étayage langagier, celles et ceux qui paraissaient bloqués en début de dispositif, se sont montrés plus en confiance et ont manifestaient beaucoup plus d’expressivité. D’autant plus qu’en atelier, ces élèves en retrait se sont exprimés plus facilement sur leurs ressentis et leurs situations vécues. Ce processus d’étayage a également facilité le déroulement des interactions entre élèves, ils se sont montrés plus bavards et curieux. Selon Boiron (2010), proposer des échanges langagiers aux élèves permet ainsi d’établir une compréhension responsive et dialoguée.
Les résultats obtenus lors de l’évaluation sommative ont ainsi permis de rendre compte que les élèves auparavant « en difficulté » se sont nettement améliorés en terme de prise de parole puisqu’ils ont été en mesure de s’exprimer avec plus de fluidité, et moins de timidité sur les questions personnelles. Lorsqu’il s’agissait d’expliquer pourquoi ils étaient en colère, l’idée de se faire gronder ou punir par les parents ou encore de se quereller avec le frère ou la sœur revenait régulièrement. Tous ces constats effectués ont montré que l’étayage et la valorisation des propos des élèves ont participé à leur progression.

Autour de la fréquentation et la compréhension d’un album

La seconde hypothèse opérationnelle, quant à elle, supposait que la fréquentation régulière d’un album de jeunesse et sa compréhension permettaient aux élèves de faciliter la verbalisation à propos de leur émotion. Initialement, j’avais en tête de tester auprès de mes élèves non pas un seul, mais deux albums autour de la colère. Néanmoins, ayant été quatre étudiantes à mener notre dispositif d’enseignement seulement sur la journée du vendredi et au sein de la même classe, la situation ne me permettait pas de mettre en place plus de séances, et donc, il m’était contraignant d’introduire un nouvel album. Cependant, l’utilisation de Grosse colère a été suffisante pour valider cette seconde hypothèse.
En effet, familiariser les élèves dès la maternelle avec la littérature de jeunesse s’inscrit dans les instructions officielles publiées par l’institution. En ce sens, confronter les élèves à la littérature leur permet de s’approprier le langage, et de développer des compétences de compréhension en écoutant des textes lus. L’album s’est révélé efficace quant à la suite des résultats obtenus pour les conceptions finales étant donné qu’il a été l’objet de nombreuses prises de parole. Au cours de cette étude, les échanges ont évolué grâce aux lectures échelonnées de l’album, celui-ci a donné lieu à des moments de langage très intéressants. Même si lesdits échanges n’étaient pas toujours très construits, en stimulant leur motivation et leur intérêt, les moyennes sections ont su s’exprimer sur des sujets qui les interpelaient et les intéressaient. L’histoire entendue a permis de structurer leurs pensées et d’alimenter leurs propos puisque les élèves sont parvenus à créer des parallèles avec leurs expériences personnelles, en particulier lors de la réaction explosive du personnage principal de l’histoire.
Par ailleurs, bien que la gestion des émotions demeure encore un domaine fragile, chacun se doit d’avancer à son rythme. Certains élèves, comme le démontre la grille des résultats finaux, se sont contentés d’évoquer des stratégies pour apaiser la colère en reprenant trait pour trait celles proposées en classe. En effet, il ne s’agit pas ici d’un réel progrès mais plutôt d’un réinvestissement que les élèves ont utilisé. Cependant, une élève a proposé une nouvelle stratégie, non évoquée au préalable : celle de penser à un souvenir heureux lui procurant une sensation d’apaisement.
Au vu de l’ensemble des résultats, cette seconde hypothèse opérationnelle peut ainsi être validée.

Autour de l’identification et de la compréhension des émotions

L’hypothèse générale selon laquelle l’album de littérature de jeunesse détenait un impact positif quant à l’identification et la compréhension des émotions chez les élèves de maternelle a été mise à l’épreuve tout au long de cette expérimentation. En effet, les résultats de ces deux phases distinctes à plus d’un mois d’intervalle ont mis en lumière une nette progression et évolution de la part de ces jeunes apprenants en matière de compréhension et d’identification de la colère. Leurs conceptions de ladite émotion et des effets négatifs qu’elle engendre si elle n’est pas maîtrisée, ont été renforcées au travers de l’étude de l’album en question, des moments langagiers et des différentes activités menées durant les situations d’apprentissage. Le fait de mener un tel dispositif d’enseignement instrumenté par un support pédagogique au sein d’une classe de moyenne section, a également permis de confirmer que les illustrations jouent un rôle prépondérant quant à l’appropriation et la compréhension de l’ouvrage. Effectivement, ne sachant encore pas lire, les élèves sont poussés à rechercher des indices visuels qui vont les aider à saisir le sens de l’histoire, à développer leur esprit critique et à enrichir leur culture littéraire. De ce fait, les images ont été un soutien essentiel face à la lecture de l’album Grosse colère, puisque ce dernier tend à mettre en avant des illustrations aux couleurs chaudes permettant ainsi d’interpréter au mieux la notion de l’émotion négative, souvent mal perçue. Sans leur présence, cela aurait été une réelle entrave à la compréhension de l’histoire notamment pour la représentation abstraite du monstre de la colère entièrement rouge, et le fait qu’elle se réduise pour montrer implicitement qu’elle disparait dans une boîte au fur et à mesure que le personnage de Robert se calme. Bien que les élèves se soient interrogés sur le contenu dès la présentation de la première page de couverture assez peu explicite, le jeu des couleurs les a fortement induit, puisqu’au fil de la lecture et durant les temps de verbalisation, ils ont su faire le lien entre les tons rouges associés à la colère, et le monstre comme le reflet de l’émotion de Robert. De plus, les pages de garde monochromes de couleur rouge symbolisant la colère et celles de la fin de couleur blanche représentant le retour au calme ont été spontanément identifiées par les élèves.
Par ailleurs, dès l’évaluation diagnostique, les élèves étaient amenés à identifier l’émotion à laquelle ils sont régulièrement confrontés, en prenant appui sur les caractéristiques des traits d’un visage en colère. Si la majorité des élèves en début de dispositif a été apte à s’exprimer sur ce sujet, les résultats du recueil des conceptions finales ont prouvé que l’étude de l’album a été efficiente quant à l’identification de l’émotion elle-même. En effet, en travaillant lors de la quatrième séance sur la production plastique de la colère, cela a permis d’élargir leurs conceptions initiales étant donné qu’en début de dispositif les élèves avaient une représentation assez fermée de cette émotion. La plupart d’entre eux citaient seulement « la bouche ouverte », ou encore que la colère se limitait à des cris. Ce travail a ainsi servi à dépasser et à approfondir leur représentation première, et il s’est avéré bénéfique puisqu’au regard des résultats de l’évaluation de fin de séquence, leurs réponses ont été beaucoup plus pertinentes et développées.

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Table des matières

Introduction
I. PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
1. Les émotions
1.1. Définitions
1.1.1. Les compétences émotionnelles
1.1.2 Les émotions au coeur des apprentissages
1.1.3. Les émotions, une notion interdisciplinaire : Que disent les instructions officielles ?
2. Les albums de littérature de jeunesse
2.1. Histoire et définitions
2.1.1. La place de la littérature de jeunesse à l’école maternelle
2.1.2. L’agir enseignant dans l’enseignement de la compréhension de la littérature
2.1.3. L’album de littérature de jeunesse au regard des instructions officielles
II. DEUXIÈME PARTIE : MÉTHODOLOGIE
1. Problématique et hypothèses
2. Contexte de l’étude
2.1. Participants
2.2. Mesures/outils
2.3. Procédure
2.4. Les dispositifs d’enseignement testés
2.4.1. Description des séances
2.4.1.1. Séance de recueil de conceptions initiales : Évaluation diagnostique
2.4.1.2. Séance 1 : Découverte de la première partie de l’album de jeunesse
2.4.1.3. Séance 2 : Comment imagines-tu la suite ?
2.4.1.4. Séance 3 : La colère, comment l’identifier et apprendre à la gérer ?
2.4.1.5. Séance 4 : Comment représentes-tu la colère ?
2.4.1.6. Séance 5 : Évaluation sommative
III. TROISIÈME PARTIE : RÉSULTATS ET ANALYSE DE LA SÉQUENCE
1. Résultats
1.1. Traitement des données recueillies
1.1.1. Phase pré-test : Recueil de données des conceptions initiales
1.1.2. Phase post-test : Recueil de données des conceptions finales
2. Discussions des résultats
2.1. Autour de l’étayage dans les activités de lecture
2.2. Autour de la fréquentation et la compréhension d’un album
2.3. Autour de l’identification et de la compréhension des émotions
Les limites et perspectives de l’étude
Conclusion
Références Bibliographiques

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