L’aérosol organique : formation et caractérisation chimique

L’aérosol organique : formation et caractérisation chimique

Le rôle de ces particules dans l’atmosphère a longtemps été négligé au profit de celui de la phase gazeuse, principal constituant de l’atmosphère. Pourtant entre 3 et 10 milliards de tonnes de matériaux solides sont injectés ou formés dans l’atmosphère chaque année, dont près de la moitié est de nature organique, et y résident en moyenne entre quelques minutes et quelques semaines (Seinfeld et Pandis, 1998). Issus d’une multitude de sources, ces particules solides sont caractérisées par des compositions, des tailles (entre quelques nm et plus de 10 µm) et des niveaux de concentrations très inhomogènes à la fois dans l’espace et dans le temps. La composante carbonée de ces particules est, de toutes les composantes, la moins bien connue et en considérant que (a) la fraction massique des matériaux carbonés est fréquemment la fraction majoritaire pour les fines particules (Dp<2 µm) et que (b) les particules de cette classe de taille sont les plus actives en terme de climat et de santé publique, un important effort doit être entrepris pour mieux caractériser cette fraction. Ce chapitre dresse un état des lieux des connaissances liées à cette fraction carbonée en s’intéressant particulièrement à son cycle de vie et aux récentes avancées analytiques permettant de mieux la caractériser chimiquement. Cette étude s’appuie sur les articles et ouvrages de synthèse suivants : Kanakidou et al. (2005), Sullivan et Prather (2005), McMurry (2000), Seinfeld et Pankow (2003), Delmas et al (2005).

L’aérosol organique dans l’atmosphère

La composante carbonée de l’aérosol est classiquement subdivisée en trois fractions: le Carbone Organique (OC), le Carbone Elémentaire (EC) et les carbonates. Cette dernière fraction est quasi exclusivement associée aux poussières terrigènes. L’EC qui absorbe fortement les radiations appartenant au visible et à l’infrarouge proche est également souvent dénommé « Black Carbon ». L’EC, dont la structure s’apparente à du graphite impur, est émis dans l’atmosphère par les processus de combustion et est considéré comme entièrement non volatil. Ces propriétés, associées à une très grande inertie chimique, en font un traceur des activités anthropiques très efficace. Le Carbone Organique, représentant la fraction majoritaire, peut être décrit comme un agrégat d’une multitude de molécules carbonées aux caractéristiques thermodynamiques et chimiques très variées et d’origines diverses. Cette très grande hétérogénéité rend cette fraction très délicate à caractériser finement, particulièrement en termes de composition. Notons également que la distinction entre EC et OC est difficile à effectuer strictement et il est plus exact de parler de continuum entre ces deux fractions en raison des composés à haut poids moléculaire appartenant à l’OC. Cette distinction est opérationnelle et est actuellement basée sur des considérations de décomposition thermique, l’EC étant défini communément comme la fraction du carbone particulaire résistant à la décomposition quand il est soumis à de fortes températures sous atmosphère inerte. Dans cette étude, nous nous intéresserons exclusivement au carbone organique.

Sources de carbone organique

Les composés organiques de l’aérosol atmosphérique proviennent à la fois de sources primaires, par émission directe dans l’atmosphère, et de sources secondaires liées à l’oxydation des composés organiques volatils dans l’atmosphère.

Sources primaires

La principale source de carbone organique primaire est la combustion de biomasse. Dans un récent inventaire, Bond et al. (2004) estiment cette source comme responsable de l’injection dans l’atmosphère de 34,6 Tg de carbone chaque année, confirmant ainsi l’estimation proposée par Liousse et al. en 1996. Notons que la combustion de biomasse est ici considérée comme une source purement anthropique bien que cette appellation englobe également des feux naturels. Bond et al. (2004) évaluent à 60% la participation des feux de savane à la combustion de biomasse et environ à 35% celle des feux de forêt. Ce type d’émission a particulièrement augmenté depuis 50 ans (Stier et al., 2006) et possède des facteurs d’émission élevés, avec environ 5-8 mg de carbone organique injecté dans l’atmosphère par kilogrammes de combustibles brûlés (Bond et al., 2004). Les émissions provenant des combustions de fuels fossiles ne représentent qu’environ 5 15% du carbone organique primaire d’origine anthropique (Bond et al., 2004, Cooke et al., 1999). Les estimations des émissions fluctuent entre 2,4 et 28 Tg/an selon les études. On observe toutefois une nette baisse de ces estimations avec le temps malgré l’augmentation du parc automobile. Cette augmentation est en effet compensée par la diminution des facteurs d’émissions des véhicules. Par exemple, l’apparition des pots catalytiques a fait chuter (Schauer et al., 2002b) les facteurs d’émission en OC pour les véhicules essence d’un facteur 100, limitant ainsi l’augmentation des émissions véhiculaires (Schauer et al., 2002b). Les combustibles domestiques représentent environ 20% des émissions anthropiques, et sont constitués essentiellement par la combustion du bois de cheminée, et des résidus agricoles, avec des facteurs d’émissions d’environ 5g/kg pour le bois de chauffage et 3g/kg pour les résidus agricoles (Bond et al., 2004). Parmi les sources anthropiques, la combustion de biomasse est donc primordiale en termes d’émissions globales de carbone organique primaire. Dans leur étude projective, Stier et al. (2006) prévoient une augmentation de près de 100% de ces émissions, déjà majoritaires, à échéance de 2050.

Sources primaires naturelles de carbone organique 

Les émissions de carbone organique primaire naturelles représentent environ 7Tg/an (Liousse et al., 1996) et sont essentiellement liées à l’activité végétale. Cette activité émet principalement trois types de composés :

– des cires végétales (principalement des alcanes linéaires lourds –C29-C33-) injectées dans l’atmosphère par respiration ou abrasion du vent sur les plantes (Rogge et al., 1993). Ces cires ne constituent qu’une faible proportion du carbone organique dans l’atmosphère particulièrement en milieu urbain (entre 2 et 0,5% à Los Angeles ; Schauer et al., 1996, 2002a), mais leur importance a été montrée dans les processus de formation de carbone organique issu de la combustion de la biomasse (Abas et al., 1995).
– les spores et les pollens ainsi que les débris de végétaux remis en suspension (Bauer et al., 2002) qui seraient des noyaux de condensation potentiels pour la glace (Kanakidou et al., 2005).
– des particules issues d’activités biologiques élevées tel que la floraison du phytoplancton (O’Dowd et al., 2004). L’importance de ces particules dans les émissions est encore inconnue.

Si ces particules peuvent constituer une part importante de la masse d’aérosol, leur influence sur le climat est limitée en raison de leur taille importante (>1 µm) qui leur confère une faible durée de vie car elle sont soumises à des phénomènes de sédimentation (Kanakidou et al., 2005). Notons cependant qu’Allan et al. (2006) ont très récemment mis en évidence la présence de cires vasculaires dans des particules de diamètre inférieur à 100 nm lors d’épisodes de nucléation en forêt boréale.

Sources Secondaires 

Les sources secondaires d’aérosol organique (AOS) proviennent de la dégradation de composés organiques volatils (COV) dans l’atmosphère. Les composés organiques volatils sont émis dans l’atmosphère aussi bien par des sources naturelles (océans, plantes terrestres) que par des sources anthropiques. Si les émissions de COV sont assez bien connues, leur capacité à former des aérosols est difficile à estimer. Ainsi, Chung et Seinfeld (2002) évaluent la production d’AOS totale (issus de COV biogéniques et anthropiques) à 11,2 Tg/an, tandis que Derwent et al. (2003) l’estiment à 63 Tg/an. Cette partie s’intéressera dans un premier temps aux sources anthropiques de COV et à leur capacité à former des AOS, avant d’aborder les sources biogéniques de COV et leur taux de formation d’AOS.

COV anthropiques 

Les émissions globales de COV d’origine anthropique sont estimées à 98 Tg/an (Griffin et al., 1999a). Les principales sources anthropiques de COV sont essentiellement des composés aromatiques tel que le toluène (6,7 Tg/an), les xylènes (4,5 Tg/an), les triméthylbenzenes (0,8 Tg/an). Les autres composés aromatiques représentent des émissions de 3,8 Tg/an (Tsigaridis et Kanakidou, 2003). D’autres composés organiques volatils d’origine anthropique sont aussi émis dans l’atmosphère, comme par exemple les alcènes (Forstner et al., 1997) ou les éthers vinyliques, mais le manque de données rend difficile les estimations de leurs émissions.

Les principaux composés d’origine anthropique (toluène, xylènes, triméthylbenzènes) sont potentiellement capables de former des AOS (Odum et al., 1997) mais leur contribution à la masse totale d’AOS est faible (10%) au niveau global puisque les émissions globales d’AOS formées à partir de composés anthropiques sont estimées à 0,05-2,62 Tg/an, soit environ 10 fois moins que les émissions d’AOS à partir de composés biogéniques (Tsigaridis et Kanakidou, 2003). D’autres composés anthropiques précédemment cités (alcènes, éthers vinyliques, autres aromatiques) pourraient aussi jouer un rôle non négligeable dans la production d’AOS (Forstner et al., 1997, Sadesky et al., 2006, Na et al., 2006) mais sont encore peu étudiés. Néanmoins l’importance des composés anthropiques dans la formation d’AOS à l’échelle locale est vraisemblablement plus élevée (Kanakidou et al., 2005), notamment dans les zones urbaines qui favorisent les épisodes de smog photochimique et où les composés aromatiques représentent plus de 44% des hydrocarbures volatils (Jang et Kamens, 2001).

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Table des matières

Introduction Générale
Partie I : Contexte de l’étude
Chapitre 1 : L’aérosol organique : formation et caractérisation chimique
I L’aérosol organique dans l’atmosphère
I.1 Sources de carbone organique
I.1.1 Sources primaires
I.1.1.1 Sources primaires anthropiques de carbone organique
I.1.1.2 Sources primaires naturelles de carbone organique
I.1.2 Sources Secondaires
I.1.2.1 COV anthropiques
I.1.2.2 COV biogéniques
I.2 Concentrations atmosphériques de carbone organique
I.3 Composition de l’OC
II Cycle de vie de l’AOS
II.1 Les réactions chimiques formant les AOS
II.1.1 Les oxydants atmosphériques
II.1.2 Les mécanismes d’oxydation des COV
II.2 Transferts
II.2.1 Théorie
II.2.2 Phénomènes observés en atmosphère réelle
II.2.3 Vieillissement
II.3 Conclusion
III Mesure de la composition chimique des particules
III.1 Instrumentation traditionnelle
III.1.1 Prélèvements
III.1.2 Extraction et analyse
III.1.3 Conclusions sur les méthodologies d’analyse off line
III.2 Les spectromètres de masse ‘aérosol’ : mesure en ligne de la composition chimique de l’aérosol organique
III.2.1 Principe général
III.2.1.1 Systèmes d’injection
III.2.1.2 Sélection en taille des particules
III.2.1.3 Désorption/Ionisation
III.2.1.4 Les techniques de séparation des ions
III.2.2 Les principaux appareils développés
III.2.2.1 Un exemple de désorption/Ionisation laser : l’ATOFMS (Aerosol Time of Flight Mass Spectrometer, TSI)
III.2.2.2 Thermo désorption et impact électronique : AMS et TDPBMS
III.2.2.3 Thermo désorption et ionisation chimique: TDCIMS, A-CIMS, APCI-MS
III.3 Conclusions
Partie II : Le TDCIAMS – Principe et développement
Chapitre 2 : De l’APCI/MS/MS au TDCIAMS
I Principe de l’APCI/MS/MS et appareil utilisé
I.1 Caractéristiques générales de l’appareil
I.2 La source d’ionisation
I.2.1 Le module de chauffage
I.2.2 L’ionisation chimique
I.2.3 Le séchage du solvant
I.3 Le système de sélection et de détection des ions formés
I.3.1 L’analyse en mode MS simple
I.3.2 L’analyse en mode MS/MS
II Le challenge : l’interface
III Choix mis en place
III.1. Piégeage de la phase gazeuse
III.2. Introduction des particules et gestion des débits
III.3. Volatilisation des particules
III.4. L’ionisation des molécules
III.4.1 Apport de protons
III.4.2 Gaz d’ionisation
IV Synthèse
Chapitre 3 : Caractérisation des performances et calibration du TDCIAMS
I Caractérisation physique des performances de l’interface aérosol
I.1 . Efficacité de volatilisation du module de thermo-désorption de l’APCI
I.1.1 Dispositif expérimental
I.1.1.1 Principe
I.1.1.2 Le réacteur à flux continu
I.1.1.3 Le système V-SMPS
I.1.1.4 Limitations du système V-SMPS
I.1.2 Conditions expérimentales
I.1.3 Caractéristiques physiques et stabilité de l’aérosol formé
I.1.3.1 Caractéristiques physiques de l’AOS formé
I.1.3.2 Stabilité de l’AOS formé
I.1.4 Conditionnement thermique de l’aérosol et efficacité de volatilisation dans le module chauffant de l’APCI
I.1.4.1 Conditionnement thermique de l’aérosol : problématique
I.1.4.2 Efficacité de volatilisation du module de thermo-désorption de la source APCI
I.1.5 Phénomène de recondensation : évaluation/correction
I.2 Caractérisations des performances du tube dénudeur
I.2.1 Efficacité de piégeage des composés organique en phase gazeuse
I.2.2 Efficacité de transmission des particules : Evidence d’une modification de la partition gaz/particule
I.3 Conclusions
II TDCIAMS : de l’ionisation à la quantification
II.1 Les composés étalons
II.2 Fragmentations et mode d’analyse : MS et MS/MS
II.2.1 Fragmentation des composés dans la source d’ion et analyse en mode MS
II.2.2 Fragmentation dans la cellule de collision et analyse en mode MS/MS
II.3 Traitement du signal et reproductibilité
II.3.1 Traitement du signal
II.3.1.1 Acquisition des données
II.3.1.2 Variabilité du signal selon le mode
II.3.2 Reproductibilité des injections
II.4 Optimisation des rendements d’ionisation dans la source
II.4.1 Effet du débit de méthanol
II.4.2 Effet de la composition du gaz vecteur
II.5 Calibrations
II.5.1 Mode opératoire
II.5.2 Droites de calibration : Liquide vs gaz
II.6 Limites de détection
II.7 Conclusions
III Conclusion du développement du TDCIAMS
Partie III : Applications du TDCIAMS à l’aérosol produit en Chambre de Simulation Atmosphérique (CSA)
Introduction
Chapitre 4 : Présentation de la campagne de mesure
I Dispositif expérimental
I.1 La chambre de simulation atmosphérique du LCSR
I.2 Introduction des réactifs
I.2.1 Ozone
I.2.2 Traceur de dilution (SF6)
I.2.3 Composés Organiques Volatils
I.3 Dispositif analytique
I.3.1 Spectroscopie Infra Rouge à Transformée de Fourrier (IRTF)
I.3.2 Analyseur d’ozone
I.3.3 SMPS (Scanning Mobility Particle Sizer)
I.3.4 SFE-GC-MS
II Procédure et conditions expérimentales
II.1 Procédure générale
II.2 Procédure spécifique au TDCIAMS
II.3 Conditions expérimentales
II.3.1 Réactifs et produits utilisés
II.3.2 Expériences réalisées
Chapitre 5 : Ozonolyse de l’α-pinène
I Expériences réalisées
II Caractéristiques physico chimiques de l’aérosol obtenu pour les expériences « α-pinène1 » et « α-pinène2 » : influence des concentrations initiales
II.1 Caractéristiques physiques des AOS formés
II.2 Caractéristiques chimiques des AOS formés
II.2.1 Composition chimique de l’aérosol
II.2.1.1 Etude qualitative
II.2.1.2 Rendements et contributions à la masse totale des produits quantifiés
II.2.2 Evolutions temporelles : étude cinétique
II.2.2.1 Evolution des réactifs et de la masse totale d’aérosols
II.2.2.2 Evolution des produits de réaction
III Mécanismes de l’oxydation de l’ α-pinène par l’ozone et les radicaux OH
III.1 Mécanisme d’oxydation par l’ozone
III.1.1 Intermédiaire de Criegee 1
III.1.1.1 Mécanismes proposés dans la littérature
III.1.1.2 Discussions sur les mécanismes issus de CI1
III.1.2 Intermédiaire de Criegee 2
III.1.2.1 Mécanismes proposés dans la littérature
III.1.2.2 Discussion sur les mécanismes issus de CI2
III.2 Mécanisme d’oxydation par les radicaux OH
III.2.1 Devenir du radical R1
III.2.1.1 Mécanismes proposés dans la littérature
III.2.1.2 Discussions sur le devenir du radical R1
III.2.2 Devenir du radical R2
III.2.3 Oxydation du pinonaldéhyde par les radicaux OH
III.3 Conclusion sur les principales voies de formation des acides pinique, pinonique et norpinique
Conclusion Générale

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