L’ADN, du séquençage au polyélectrolyte modèle

L’ADN, du séquençage au polyélectrolyte modèle 

L’ADN, abréviation d’Acide DésoxyriboNucléique, est une chaîne polymérique constituée d’acides nucléiques. Cette molécule est avant tout le support de l’information génétique des êtres vivants. Sa forme caractéristique est en double hélice dite « B », et elle est constituée de deux brins, qui sont des répétitions de nucléotides formés d’un sucre, le désoxyribose, d’un groupement phosphate et de l’une des quatre bases azotées élémentaires (adénine, cytosine, guanine, thymine). Les deux brins sont reliés par des liaisons faibles de type ponts hydrogènes entre nucléotides complémentaires (cytosine-guanine ou adénine-thymine). L’appariement de deux nucléotides constitue la structure unitaire de l’ADN, appelé paire de base (pb). L’espacement entre deux bases consécutives est d’environ 0,34 nm. Du fait de la présence de groupements phosphate sur le squelette de l’ADN, cette molécule est chargée négativement en solution aqueuse. Le caractère polymérique de l’ADN ainsi que ses charges en font un polyélectrolyte de type polyanion. Outre le fait qu’elle renferme le matériel génétique, la molécule d’ADN a été, et reste encore, massivement étudiée en tant que polymère modèle par les physiciens. Elle peut en effet être produite avec une monodispersité à la paire de base près, et selon une gamme de taille très large, pouvant aller de quelques paires de base à plusieurs millions de maire de base (Mpb), comme dans le cas de chromosomes humains. Il est en outre possible, avec les techniques actuelles d’ingénierie génétique, de produire en masse des molécules dont l’enchaînement de nucléotides est contrôlé tout au long de la chaîne, ce qui a par exemple permis tout récemment de créer des être vivants entièrement synthétiques (Gibson et al. 2010). La structure en double hélice apporte à l’ADN des caractéristiques mécaniques particulières : l’empilement des paires de base se traduit par une rigidité plus importante de l’ADN par rapport à ses deux brins constitutifs. De manière plus quantitative, on caractérise la flexibilité d’un polymère par sa longueur de persistance (lp), qui est la longueur au bout de laquelle les corrélations d’orientations le long d’une chaîne sont perdues du fait des fluctuations thermiques, et qui caractérise sa rigidité. Celle-ci est classiquement de quelques nm pour les polymères synthétiques ou l’ADN simple brin. La longueur de persistance de l’ADN double brin vaut environ 50 nm, soit 150 pb, ce qui en fait un polymère semi-flexible (la longueur de persistance est nettement plus longue que la distance entre monomères, et inférieure à la longueur de contour de la molécule (David H. Boal 2002)).

Les technologies d’étude de l’ADN issues de la biologie moléculaire connaissent aujourd’hui un essor remarquable. A titre d’exemple, le génotypage, c’est-à-dire le séquençage du génome d’un individu, est devenu incontournable pour la recherche fondamentale en cancérologie, les tests de paternité ou la détection de maladies (H. Hammond et al. 1994) ; (Lyssenko et al. 2008). Le séquençage de l’ADN a été inventé à la fin des années 70 par deux équipes indépendantes, celle de W. Gilbert et celle de Sanger, les deux équipes publiant leurs résultats en 1977 (Maxam et Gilbert 1977 ; Sanger, Nicklen, et Coulson 1977), et obtenant le prix Nobel de chimie en 1980. C’est l’approche de Sanger (approche par synthèse enzymatique) qui va s’avérer la plus performante et devenir la technique standard de séquençage. Dans cette approche, l’ADN est digéré en de nombreux fragments hétérogènes. Une amorce d’oligonucléotides est ajoutée aux fragments. Le point d’encrage de l’amorce sera le point de départ de la synthèse du fragment complémentaire. L’enzyme ADN polymérase est ensuite ajoutée, avec des nucléotides « normaux », les désoxynucléotides, ou dNTP (d-ATP, d-CTP, d-GTP et d-TTP) et une faible concentration en nucléotides analogues, les didésoxynucléotides, ou ddNTPs. Ces derniers sont identiques aux nucléotides normaux, ne différant qu’en deux points. Les groupes hydroxyles (OH) des riboses sont remplacés par des atomes d’hydrogène (H), empêchant l’ajout de nouveaux nucléotides au brin d’ADN par la polymérase. Ainsi, lorsqu’une ddNTP est insérée à un brin d’ADN en cours de synthèse, celle-ci est stoppée. L’autre point clé repose sur le fait que ces ddNTPs ont un marqueur fluorescent attaché (un même marqueur est associé à une famille de ddNTP). Le produit de la réaction est donc un mélange de molécules d’ADN partiellement synthétisées dont la longueur varie en fonction du point d’intégration du ddNTP. Ces fragments sont ensuite séparés en fonction de leur taille par électrophorèse sur gel (ou plus récemment par électrophorèse capillaire), un laser va exciter l’ensemble des fragments et les signaux recueillis, qui différent en fonction de la base associée, sont traités par un ordinateur qui va pouvoir remonter à la séquence initiale du brin que l’on cherchait à séquencer. Cette méthode transforme ainsi une information chimique (séquence de nucléotides) en information physique (code couleur) accessible par une lecture laser directe.

Avant de passer à la section suivante, notons que la course au développement de technologie pour le séquençage n’est pas terminée, comme l’illustre le lancement de la technologie HeliScope développée par l’entreprise Helicos Biosensing de Stephen Quake (http://www.helicosbio.com). Cette méthode inventée au début des années 2000 (Braslavsky, Hebert, Kartalov, et Quake 2003a) est présentée comme la première plateforme de séquençage de molécules individuelles à partir d’imagerie molécule unique et de microfluidique (« True Single Molecule Sequencing », tSMS). Cette technologie a notamment permis de séquencer le génome du bactériophage M13, composé de 6407 bases (Harris et al. 2008) et la capacité de séquençage de la firme Helicos Biosensing, annoncée à environ 109 bases par jour, en fait une des technologies actuelles de pointe. Cependant, le coût d’un séquençage par la technologie HeliScope semble trop élevé pour prétendre devenir une technologie de séquençage de masse, et dès lors il est nécessaire de continuer à chercher à optimiser la séparation de molécules d’ADN (notamment) tant en termes de résolution que de vitesse. La séparation de molécules d’ADN constitue donc une étape primordiale pour le séquençage, et une précision fine est nécessaire pour reconstituer une séquence de nucléotides à la base près. Cette séparation est très majoritairement effectuée grâce à l’électrophorèse, c’est-à-dire en faisant migrer des molécules d’ADN à travers un gel ou une solution de polymères sous action d’un champ électrique. Avant de décrire de manière plus spécifique les mécanismes de migration et de séparation des ADN dans les gels, nous nous proposons de revenir sur le principe et l’historique de l’électrophorèse.

Séparation par électrophorèse sur gel 

Les origines de l’électrophorèse 

La première expérience d’électrophorèse rapportée date de 1807. Réalisée par Ferdinand Friedrich Von Reuss, titulaire d’une chaire à l’université de Moscou depuis 1803, elle met en évidence la migration de particules d’argile sous l’application d’un champ produit par des piles constituées d’un empilement de couples de disques zinc-cuivre, découvertes seulement 7 ans plus tôt par Volta. Dans la publication qui s’ensuit, Reuss décrit deux phénomènes électrocinétiques encore non connus, et qui sont encore certainement aujourd’hui les deux phénomènes électrocinétiques les plus étudiés : l’électrophorèse et l’électro-osmose. L’électrophorèse est le déplacement relatif d’une particule électriquement chargée (solide, liquide, ou gazeuse) par rapport à un fluide sous l’influence d’un champ électrique. L’électroosmose est le déplacement d’un liquide lorsqu’il est placé dans une canalisation dont les parois sont chargées. Lorsqu’une particule de charge électrique Q est placée dans un champ E, elle est soumise à une force

Fe = Q.E (1.2)

La viscosité du milieu contenant la particule, notée η, induit une force de frottements f, opposée à la force électrique, qui dépend du rayon r de la particule et de sa vitesse de migration v selon la relation

f = 6π. η.r.v (1.3)

Un siècle plus tard, Hardy (Hardy et Whetham 1899 ; Hardy 1905) découvre que de nombreuses espèces biologiques comme des enzymes ou des protéines possèdent des propriétés électrophorétiques, et qu’il est donc possible de prévoir leur migration en fonction du champ électrique appliqué. Cela amène la communauté des biochimistes à se pencher de près sur ce phénomène (Michaelis 1909). En 1923, Kendall et Crittenden séparent des isotopes d’ions chlorure par l’application d’un champ électrique au sein d’un tube de verre de moins de 4 cm de diamètre contenant une solution ionique et une courte section de gel d’agar (Kendall et Crittenden 1923). Ils rapportent la première expérience de séparation électrophorétique par frontières mouvantes (en anglais Mouving Boundary Electrophoresis, MBE, cf. figure 1.3). Ce n’est cependant qu’en 1937 que l’on situe généralement la naissance de la séparation par électrophorèse. Tiselius, reprenant le principe d’électrophorèse à frontières mouvantes montre qu’il est possible de séparer spatialement des protéines contenues dans une solution électrolytique (Tiselius 1937). En 1950, une nouvelle méthode de séparation électrophorétique apparait, l’électrophorèse de zone (Zone Electrophoresis, ZE (Haglund et Tiselius 1950), fig. 1.3). Cette dernière présente l’énorme potentiel de discriminer complètement les espèces contenues dans la solution. Sa mise en œuvre nécessite de contrer les effets gravitationnels potentiellement responsables de la sédimentation des espèces dans le fond de la chambre de séparation. La ZE utilise un milieu de support. L’étude et l’optimisation de ce support deviendra dès lors un des enjeux majeurs de la séparation.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1: Historique sur les techniques de séparation de molécules d’ADN
1.1 L’ADN, du séquençage au polyélectrolyte modèle
1.2 Séparation par électrophorèse sur gel
1.2.1 Les origines de l’électrophorèse
1.2.2 L’électrophorèse sur gel devient la stratégie standard pour la séparation
1.2.3 La reptation, modèle pour l’électrophorèse sur gel
1.3 Développement de nouvelles stratégies
1.3.1 Electrophorèse par champ pulsé
1.3.2 Electrophorèse capillaire
1.3.3. Séparation hydrodynamique en solution libre
1.3.4 L’émergence des laboratoires sur puce
1.4. Séparation dans des réseaux d’obstacles microfabriqués
1.4.1. Electrophorèse à champ continu dans de réseaux microfabriqués
1.4.2. Electrophorèse à champ pulsé dans des réseaux microfabriqués
1.4.3. Séparation par diffusion
1.4.4. Séparation entropique
1.5. Un nouvel enjeu : la diminution en taille des obstacles
Chapitre 2: Fabrication de réseaux d’obstacles nanométriques
2.1. Fabrication de structures à l’échelle nanométrique
2.1.1. Présentation des technologies standards de nanofabrication
2.1.2. Choisir un matériau adapté
2.2. Une technologie alternative : La Lithographie par Décalage de Phase
2.2.1. Présentation de la technologie
2.2.2. Fabrication de motifs nanométriques par lithographie par décalage de phase
2.2.3. Photolithographie par projection : élargissement de la gamme de structures générées vers les grandes dimensions
2.2.4. Utilisation de l’oxydation thermique pour la réduction de la taille des obstacles
2.3. Intégration des nanostructures dans des dispositifs micro-nanofluidiques
2.3.1. Transfert des motifs dans le substrat silicium
2.3.2. Perçage des trous d’accés et isolation électrique
2.3.3. Capotage des dispositifs
2.3.4. Connectique fluidique
Chapitre 3: Microscopie de fluorescence
3.1. Bref historique
3.2. Rappels sur la physique de la fluorescence
3.3. Quelques techniques de microscopie à fluorescence
3.3.1. Epifluorescence
3.3.2. TIRF
3.3.3. Microscopie confocale
3.3.4. FCS
3.3.5. FRET
3.3.6. FRAP
3.3.7. Microscopie super résolutive
3.4. Description du dispositif de microscopie adapté au suivi de molécules individuelles
3.4.1. Source de lumière
3.4.2. Filtres
3.4.3. Ouverture numérique et grossissement
3.4.4. La caméra EMCCD, dédiée à une imagerie à bas niveau de lumière
3.4.5. Binning
3.4.6. Taille du pixel
3.5. Marquage de l’ADN-λ optimisé pour réduire le rapport signal sur bruit
3.6. Conclusion sur les résultats d’imagerie obtenus
Chapitre 4: Étude des collisions entre des molécules d’ADN et des obstacles cylindriques
4.1. Quelques notions de base
4.1.1. Définition du nombre de Péclet
4.1.2. Classification des événements de collision ADN-obstacles
4.1.3. Description des collisions en fonction de la géométrie du réseau
4.1.4. Déplacement par hydrodynamique ou électrophorèse
4.2. Etude expérimentale des évènements d’interaction ADN / nano-obstacle
4.2.1. Déformation de l’ADN dans un écoulement de cisaillement
4.2.2. Interaction ADN/obstacle avec une force hydrodynamique / électrophorétique
4.2.3. Dynamiques de désengagement en fonction de la taille des obstacles
4.2.4. Dynamiques de désengagement en fonction de la taille de l’ADN
4.3. Séparation en taille de molécules d’ADN : preuve de concept
4.3.1. Séparation hydrodynamique de fragments de 14 et 35 kpb
4.3.2. Estimation de la diffusion dans nos dispositifs
CONCLUSION

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