La yakoutie : contexte general et peuplement

La géographie : contexte général

Présentation du terrain d’étude 

La Sibérie, vaste territoire recouvrant la totalité de l’Asie septentrionale, s’étend d’ouest en est depuis les montagnes de l’Oural à Vladivostok et de la Mongolie au  sud jusqu’à l’océan glacial arctique au nord. Cette immense aire géographique est traditionnellement divisée en trois grandes régions du fait de la diversité des milieux naturels rencontrés. Aux frontières de l’Europe, se trouve la Sibérie Occidentale dont les plaines s’étendent des Montagnes de l’Oural au Ienisseï ; faisant suite à cette partie les plateaux de Sibérie Orientale couvrent la zone allant du Ienisseï jusqu’à la Lena qui marque la limite avec les territoires d’extrême Orient. Ceux-ci comprennent la vallée de l’Amour, la façade Pacifique, la péninsule du Kamchatka ainsi que le détroit de Béring. La Yakoutie couvre environ un quart de cet ensemble et représente la quasi-totalité de la Sibérie Orientale. La République Sakha, ou Yakoutie, est la plus grande des 21 Républiques autonomes qui constituent aujourd’hui la Fédération de Russie avec une superficie de 3 103 200 km². La Yakoutie s’étend sur 2000 km d’est en ouest, des Plateaux de Sibérie Centrale aux Montagnes de Verkhoïansk, couvrant ainsi les bassins de cinq grands fleuves, l’Olenek, la Léna, la Yana, l’Indighirka et la Kolyma. La République Sakha est bordée au sud par la Mongolie et la Chine et 2500 km au nord par la Mer de Laptev et la Mer de Sibérie Orientale, 60% du territoire est situé dans le grand nord et 40 % se trouve au delà du cercle polaire. La masse continentale engendre un climat froid et sec ainsi qu’une amplitude thermique extrême puisque les températures sont fréquemment de l’ordre de -50°C en hiver en Yakoutie Centrale, et peuvent atteindre -70°C dans la région de Verkhoïansk, alors qu’en été il est possible de rencontrer des températures avoisinant les 40°C. Ces conditions climatiques particulièrement difficiles entraînent la présence d’une taïga dense, composée essentiellement de mélèzes et de bouleaux sur la plus grande partie du territoire excepté les régions arctiques où la taïga fait place à la toundra. Malgré ce climat extrêmement, rigoureux des groupes humains, dont l’origine et les dates de peuplement diffèrent, sont présents dans l’ensemble des régions de Sibérie. Il est possible de scinder la Yakoutie en trois grandes régions en fonction de critères linguistiques et par conséquent des populations qui occupent le territoire, ou en tenant compte de la géographie physique. Selon Vorokin (1999), il existe trois groupes dialectaux distincts apparus au gré des contacts entre populations de langue différente et dont la répartition se calque sur les séparations géographiques. Ces particularités linguistiques seraient par ailleurs retrouvées au niveau génétique (Boeva, 1988). (i) La partie comprenant la Vilyuy et la région d’Olëkminsk dont une fraction importante de la population et représentée par les Evenks. (ii) Au delà du cercle polaire, le nord et le nord-est de la Yakoutie où les populations Evènes, mais aussi certains groupes minoritaires tels les Youkaguirs ou les Tchouktches, partagent la toundra avec les Yakoutes. (iii) Enfin, la Yakoutie Centrale qui fera l’objet de cette étude. Cette région est représentée par le triangle des fleuves Lena-Aldan-Amga et les régions mitoyennes. La Yakoutie Centrale présente la plus forte proportion de Yakoutes et se caractérise par des zones favorables à l’élevage du bétail.

De manière administrative, la République Sakha est divisée en 33 régions, ou ulus. Ce terme qui fut largement adopté par les Yakoutes n’était pas utilisé avant l’arrivée des russes (Gogolev, 1993). Ce découpage administratif date du XIXième siècle et fait suite à de nombreux remaniements qui se sont succédés depuis le XVIIième siècle. Ces découpages administratifs étaient motivés par la volonté des colons russes de faciliter les recensements en vue de la collecte du yassak (impôt prélevé par les Russes sous forme de fourrures). Le premier fut effectué en 1642, il concernait les Hommes mais également le bétail afin d’estimer les ressources des paysans yakoutes.

L’alas : une particularité du paysage de la Yakoutie Centrale 

La région comprise entre la rive est de la Lena et le fleuve Amga est principalement formée par des plateaux de basse altitude correspondant à d’anciennes terrasses alluviales de la Lena. Le réchauffement ayant suivi le Dernier Maximum Glaciaire a entraîné la formation d’un paysage très particulier, résultant de l’abaissement du niveau du permafrost. Ces bouleversements climatiques ont favorisé la formation d’effondrements qui, en se remplissant d’eau, vont finir par se rejoindre pour former des ensembles atteignant parfois plusieurs kilomètres carrés. L’absence de nappe phréatique sous jacente combinée à un abaissement du permafrost peut conduire à l’assèchement de la zone créant ainsi de vastes aires déboisées et l’apparition de pingos, ou bulgunnjakh, qui sont des collines de faible hauteur possédant un noyau de glace et sur lesquelles les inhumations pouvaient être pratiquées. Ce processus se déroulant en trois phases successives, s’étale généralement sur une période de 6000 ans (Harada et al., 2006).

Ces grandes dépressions, appelées alas (Figure 1), possèdent des conditions propices au développement d’une végétation herbacée qui furent mises à profit par les Yakoutes pour le pâturage des troupeaux ainsi que la fenaison. Ce phénomène thermokarstique particulièrement fréquent en Yakoutie Centrale (Brouchkov et al., 2004) aurait conduit à la formation d’un terroir permettant le développement de l’élevage et pourrait, par conséquent, avoir favorisé la fixation dans cette zone des populations d’éleveurs ayant migré depuis les régions au sud. De plus, la densité ainsi que l’ampleur des alas était responsable de la richesse en ressources pastorales des propriétaires terriens de la région ce qui aurait pu avoir une incidence sur leur statut social. L’alas constituait traditionnellement le territoire d’une famille, le plus souvent petite et monogame (parfois polygame), composée des parents et de leurs enfants. La famille patriarcale était la cellule de base de la société traditionnelle chez les Sakhas. La grande famille patriarcale, composée des parents, des fils et de leurs familles, et parfois de serfs voire d’esclaves, était plus rare. Celle-ci était généralement le fait d’un tojon (chef de clan) et comprenait ses frères, ses fils, ses neveux ainsi que leurs femmes et leurs enfants. Dans le cas des grandes familles polygames, le domaine familial pouvait s’étendre sur plusieurs alas (entre deux et quatre), chaque épouse devenant alors responsable d’une partie du cheptel de la famille (Le Berre–Semenov, 2000). Il est possible d’imaginer que les terroirs dont la concentration en alas était particulièrement importante auraient pu favoriser l’expansion de certains clans et, par conséquent, de certaines lignées paternelles. L’ulus de Churapcha, dans lequel nous avons réalisé un nombre de fouilles et de prélèvements génétiques important, est unique du point de vue de la densité des alas.

Le permafrost 

Le permafrost, ou pergélisol, représente la fraction du sol qui ne dégèle pas durant l’année. L’épaisseur de cette couche peut varier suivant les zones de 0 à plus de 1500 m et la température varie entre 0°C, dans les zones les plus au sud, à -15°C, dans les régions les plus septentrionales (Fotiev,1997). Malgré le réchauffement climatique actuel qui a tendance à en modifier la répartition, la majorité du territoire de la République Sakha est occupée par une zone de permafrost continue qui ne dégèle pas durant l’année (Kitabata et al., 2006) (cf figure 2). Lors des fouilles réalisées durant ces trois années, nous avons pu observer que la profondeur à laquelle le sol était gelé variait de 50 cm à un mètre en fonction par exemple de l’orientation ou de l’exposition au soleil du site. Le permafrost représente de manière évidente un obstacle pour les inhumations puisqu’il parait difficilement concevable que des populations ne disposant que d’outils rudimentaires aient pu réaliser des fosses alors qu’il est impossible d’attaquer la couche gelée à l’aide de pelles en métal. Les populations devaient par conséquent soit stocker les corps durant l’hiver en attendant que la surface du sol dégèle, soit recourir à des bûchers afin de faire fondre une épaisseur suffisante de sol. Lors des fouilles que nous avons menés, les coffres sont par conséquent fréquemment retrouvés posés sur le permafrost. Cette particularité présente de nombreux avantages quant à la conservation des corps et du matériel archéologiques. Les spécificités du permafrost sont également très favorables à la conservation de l’ADN au cours du temps (Willerslev et al., 2004b).

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Table des matières

INTRODUCTION
I LA YAKOUTIE : CONTEXTE GENERAL ET PEUPLEMENT
I.1 LA GEOGRAPHIE : CONTEXTE GENERAL
I.1.1 Présentation du terrain d’étude
I.1.2 L’alas : une particularité du paysage de la Yakoutie Centrale
I.1.3 Le permafrost
I.2 DES PREMIERS PEUPLEMENTS A LA COLONISATION RUSSE
I.2.1 Premiers peuplements de la Yakoutie
I.2.2 Pré et protohistoire
I.2.3 Le Moyen-Âge
I.2.4 La colonisation russe
I.3 LE PEUPLEMENT ACTUEL : CARACTERISTIQUES ET REPARTITION
I.3.1 Tchouktches et Youkaguirs
I.3.2 Les populations toungousses : Evenks et Evènes
I.3.3 Les Yakoutes
I.3.4 Répartition actuelle des populations
I.4 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES SUR L’ETHNOGENESE YAKOUTE
I.4.1 L’ethnogenèse yakoute : une problématique complexe
I.5 INTERETS METHODOLOGIQUES ET MOYENS MIS EN OEUVRE
II L’ADN ANCIEN
II.1 LES CHAMPS D’ÉTUDE DE L’ADN ANCIEN
II.1.1 Historique de la discipline
II.1.1.1 Les premières études
II.1.1.2 Les premières désillusions
II.1.2 La réaction d’amplification en chaîne : Polymérase Chain Reaction (PCR)
II.1.3 Les champs d’application
II.1.3.1 Etudes de restes humains
II.1.3.1.1 Détermination du sexe des individus
II.1.3.1.2 Etude des relations de parenté
II.1.3.1.3 Etude des mouvements de populations
II.1.3.1.4 La lignée néandertalienne
II.2 LES SOURCES POTENTIELLES D’ADN ANCIEN
II.2.1 Les os
II.2.1.1 Structure et propriétés
II.2.1.2 Diagenèse des tissus osseux et préservation de l’ADN
II.2.2 Les dents
II.2.2.1 Structure
II.2.2.2 Utilisation des dents en paléogénétique
II.2.3 Les cheveux
II.2.3.1 Structure du cheveu
II.2.3.2 Propriétés structurales et l’analyse moléculaire des cheveux
II.2.4 Les autres substrats
II.3 LES SPÉCIFICITÉS DES ÉTUDES SUR L’ADN ANCIEN
II.3.1 Les dégradations de la molécule d’ADN
II.3.1.1 Nature des dégradations
II.3.1.1.1 Fragmentation du brin d’ADN
II.3.1.1.2 Hydrolyse
II.3.1.1.3 Oxydation
II.3.1.1.4 Liaisons croisées
II.3.1.2 Sources de dégradations et facteurs environnementaux
II.3.1.2.1 La température
II.3.1.2.2 Le pH
II.3.1.2.3 L’humidité
II.3.1.2.4 La quantité d’oxygène
II.3.1.2.5 Le rayonnement ultraviolet
II.3.1.3 Conditions environnementales et taphonomiques dans notre étude
II.3.1.4 Influence des dégradations post–mortem sur l’analyse et l’interprétation des résultats
II.3.1.5 Les méthodes de « réparation » de l’ADN
II.3.2 Les inhibitions
II.3.2.1 Les différents types d’inhibiteurs
II.3.2.2 Mode d’action des inhibiteurs
II.3.2.2.1 Action sur la molécule d’ADN
II.3.2.2.2 Action sur la Taq polymérase
II.3.2.3 Les méthodes de détection des inhibiteurs
II.3.2.4 Les méthodes de purification des inhibiteurs
II.3.2.4.1 L’extraction
II.3.2.4.2 L’amplification
II.3.3 Les contaminations
II.3.3.1 Les sources de contaminations
II.3.3.2 Précautions nécessaires à l’étude de l’ADN ancien
II.3.3.2.1 La fouille et le prélèvement des échantillons
II.3.3.2.2 Typage des personnes impliquées
II.3.3.2.3 Stockage
II.3.3.2.4 Bonnes pratiques de laboratoire
II.3.3.3 Méthodes de décontamination
II.3.3.3.1 Décontamination physique
II.3.3.3.2 Décontamination chimique
II.3.3.3.3 Décontamination des locaux et du matériel de laboratoire
II.4 CRITÈRES D’AUTHENTIFICATION DES RÉSULTATS
III APPROCHE ADOPTEE ET MARQUEURS ANALYSES
III.1 METHODES DE DECONTAMINATION ET DE PREPARATION DES SUBSTRATS
III.1.1 Prélèvement des échantillons archéologiques
III.1.2 Les échantillons anciens
III.1.2.1 Méthodes de fouilles
III.1.2.2 Répartition géographique
III.1.2.3 Datations
III.1.3 Les substrats osseux
III.1.4 Les dents
III.1.5 Les cheveux
III.1.6 Trépanation et cryobroyage des tissus durs
III.2 EXTRACTION ET PURIFICATION DE L’ADN
III.2.1 L’extraction
III.2.2 Lyse et décalcification
III.2.3 Extraction organique
III.2.4 Purification et concentration
III.3 LES MARQUEURS MOLECULAIRES
III.3.1 Quantification de l’ADN par PCR en temps réel
III.3.1.1 Intérêt de la quantification
III.3.1.2 Principe de la quantification
III.3.2 Les marqueurs à transmission biparentale
III.3.2.1 Détermination du sexe des individus : le gène de l’amélogénine
III.3.2.2 Les STR autosomaux
III.3.2.2.1 Généralités et propriétés
III.3.2.2.2 Artéfacts d’amplification
III.3.2.2.3 Amplification et analyse
III.3.2.2.4 Détermination des relations de parentés
III.3.3 Les marqueurs à transmission uniparentale
III.3.3.1 Haplotypes et haplogroupes
III.3.3.1.1 La notion d’haplotype
III.3.3.1.2 La notion d’haplogroupe
III.3.3.2 Les marqueurs du chromosome Y
III.3.3.2.1 Les STR
III.3.3.2.2 Les SNP
III.3.3.3 L’ADN mitochondrial
III.3.3.3.1 Généralités et propriétés
III.3.3.3.2 Les contraintes
III.3.3.3.2.1 Les hétéroplasmies
III.3.3.3.2.2 Les hot spots de mutation in vivo et postmortem
III.3.3.3.2.3 Les mutations fantômes
III.3.3.3.2.4 Les pseudogènes
III.3.3.3.3 Amplification, séquençage et analyse
III.3.3.3.4 Procédure de clonage
CONCLUSION

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