La vulgarisation de la science dans la société victorienne 

Organisation de la communauté scientifique

Le « Grand Amateur »

Au début du XIXe siècle, la communauté scientifique en Grande-Bretagne était composée d’amateurs éclairés que les historiens des sciences Allan Chapman et Bernard Lightman appellent Grand Amateur : grand, dans la mesure où ces hommes et femmes de science aspiraient à effectuer un travail de qualité qui permettrait de faire avancer les sciences, et amateur en référence à l’étymologie latine du verbe amare, celui qui aime et qui cultive les sciences, sans en rechercher un avantage pécuniaire. Comme le souligne Chapman, le mot « amateur » présente souvent aujourd’hui une connotation péjorative qui n’existait pas à l’époque et qui apparut au fur et à mesure que le monde scientifique se professionnalisait durant l’ère victorienne, pour être ensuite largement assimilée après 1880.
On comptait parmi ces Grand Amateurs en grande majorité des hommes – car la culture scientifique était encore très masculine – issus de la classe moyenne et de la gentry essentiellement, parfois de l’aristocratie mais rarement de la classe ouvrière ou paysanne. Eux-mêmes se définissaient comme des « philosophes de la nature » (natural philosophers), au sens antique du terme, ou  encore « cultivateurs de science » car le mot « scientifique » (scientist) pour désigner un homme de science ne fut inventé par le polymathe et historien des sciences William Whewell (1794-1866), qu’en 1834. C’est en effet dans un article paru dans le magazine The Quarterly Review où il faisait l’éloge du livre On the Connexion of the Physical Sciences de Mary Somerville que Whewell proposa que le terme scientist, par analogie avec le mot « artiste », désignât toute personne qui s’adonnait aux sciences et remplaçât alors celui de « philosophe », jugé trop large.
La quasi-totalité de ces amateurs éclairés soit disposaient d’une fortune personnelle qui les dispensaient de travailler et leur permettait de se consacrer à leurs occupations scientifiques, soit exerçaient une profession ou un ministère qui leur procurait des revenus mais leur laissait aussi suffisamment de temps libre pour conduire leurs travaux et lectures scientifiques. Ils étaient alors médecins, maîtres d’école, juristes, officiers militaires, ou membres du clergé de l’Eglise d’Angleterre qui échangeaient entre eux et avec leurs collègues plus fortunés leurs idées et leurs observations sur un pied d’égalité.
En effet, il n’existait alors quasiment pas d’emplois scientifiques rémunérés tels que nous pouvons les concevoir aujourd’hui, à l’exception de celui d’Astronome royal à l’observatoire de Greenwich, de quelques chaires de professeurs de mathématiques et d’astronomie dans les universités d’Oxford, de Cambridge, et les quatre universités d’Ecosse, et de quelques postes d’enseignement de la navigation et de la cartographie dans les écoles d’officiers de la marine, de l’armée et de la Compagnie des Indes orientales. Ce n’est qu’à partir des années 1850 qu’apparurent véritablement des postes scientifiques rémunérés.
Ainsi par exemple, Thomas Young (1773-1829), qui travailla sur les interférences des ondes lumineuses mais aussi déchiffra les hiéroglyphes en concurrence avec Champollion était médecin praticien, tandis que Charles Darwin (1809-1882) put effectuer ses recherches sur la sélection naturelle des espèces et publier ses ouvrages grâce à sa fortune personnelle et n’occupa aucun emploi rémunéré de toute sa vie.
L’acceptation au sein de cette communauté scientifique reposait donc sur les capacités intellectuelles des personnes et leur esprit scientifique, leur « compatibilité sociale » (pour reprendre l’expression de Chapman) avec les autres membres de la communauté et leur indépendance financière.
La possession d’un titre académique en science ne constituait pas un critère d’acceptation, car la majorité de ces scientifiques étaient des autodidactes dans leur discipline, mis à part quelques mathématiciens formés à l’université. Cette indifférence vis-à-vis des titres universitaires constituait une chance pour les rares femmes scientifiques telles que Mary Somerville car elle leur permit de s’insérer dans ce monde britannique de la science, d’y être acceptées et même reconnues. La majorité de ces hommes de science vivaient à Londres ou près de la capitale, mais aussi autour des Universités d’Oxford et Cambridge, ainsi que dans les deux principales villes d’Ecosse, Edimbourg et Glasgow.
Ils correspondaient entre eux pour partager leurs théories ou leurs avancées et se rencontraient dans des dîners ou dans des soirées organisées autour d’un thème scientifique particulier dans les diverses sociétés savantes qui furent créées principalement dans la première moitié du XIXe siècle, et surtout dans la première d’entre elles, la Royal Society.
Fondée en 1660, The Royal Society of London for Improving Natural Knowledge était une institution totalement privée placée dès ses débuts sous le patronage royal de Charles II mais qui avait néanmoins toujours conservé son indépendance vis-à-vis du monarque et du gouvernement. Depuis son origine, toute personne plus ou moins intéressée par les sciences pouvait devenir un Fellow, un membre de la Royal Society, dès lors qu’il disposait du soutien de deux Fellows et des moyens financiers nécessaires pour s’acquitter de la cotisation annuelle.
La Royal Society se distinguait donc des académies des sciences du continent, de Paris, Berlin, Rome ou Saint-Pétersbourg, qui furent fondées par les souverains et où les scientifiques, en nombre limité, sélectionnés et pensionnés par les états, travaillaient souvent sur des projets initiés à la demande de leurs gouvernements. Elle fonctionnait plutôt comme un club de gentlemen où les femmes n’étaient pas admises, et où les membres se réunissaient pour présenter leurs recherches mais aussi pour se rencontrer de manière informelle. La Royal Society publiait dans sa prestigieuse revue The Philosophical Transactions les travaux et observations de ses membres ou bien ceux présentés et cautionnés par ses derniers mais accomplis par des personnalités extérieures à l’institution.
Cette revue constituait donc, avec les cotisations de ses membres, les seules ressources de la Royal Society. Si celle-ci demeurait encore libérale quant à l’acceptation des nouveaux membres (elle comptait ainsi plus de six cents Fellows dans les années 1820, contre une cinquantaine de savants à l’Académie française), elle posa toutefois dès sa création de manière innovante les principes rigoureux qui devaient régir tout travail scientifique et sur lesquels reposent encore la recherche scientifique actuelle. Ces principes étaient l’observation des phénomènes naturels, l’élaboration d’une théorie qui pût être vérifiée par des expériences répétables et certifiées par des pairs et la publication du compte-rendu de ces expérimentations et de leurs conclusions afin que les savoirs pussent être partagés et commentés. Sa devise « Nullius in verba » (ne croire personne sur parole) représentait « the determination of Fellows to withstand the domination of authority and to verify all statements by an appeal to facts determined by experiment ».
Ainsi aujourd’hui, si nous acceptons sans question la véracité d’une découverte, c’est bien parce qu’elle a fait l’objet d’une publication dans une revue reconnue telle que Nature par exemple, et qu’elle a été discutée et validée par d’autres personnalités scientifiques. Nous garderons en mémoire ces principes lorsque nous examinerons les travaux de Mary Somerville en qui certains auteurs au XXe siècle n’ont voulu voir qu’une brillante vulgarisatrice des sciences sans tenir compte de ses recherches qui pourtant répondaient aux exigences scientifiques de son temps.

Vers une professionnalisation de la science

Durant près de cent trente ans, la Royal Society demeura en Grande-Bretagne la seule institution scientifique qui accueillait alors toutes les branches de la connaissance. Dans les premières décennies du XIXe siècle, et suivant la voie tracée par les fondateurs de la Société linnéenne en 1788 (The Linnean Society of London), les hommes de science exprimèrent le besoin de se regrouper au sein d’une même discipline afin de partager entre confrères leurs intérêts spécifiques, mettre en place des normes et des nomenclatures propres à leur domaine et publier leurs travaux dans des journaux spécialisés. C’est ainsi que fut fondée en 1804 la Horticultural Society, et en 1808 la Geological Society of London qui stipulait ainsi la raison de sa création: That there be forthwith instituted a Geological Society for the purpose of making geologists acquainted with each other, of stimulating their zeal, of inducing them to adopt one nomenclature, of facilitating the communications of new facts and of ascertaining what is known in their science and what remains to be discovered.
Dans les années qui suivirent, d’autres sociétés savantes virent le jour, telles la Royal Astronomical Society en 1820, la Royal Geographical Society en 1830 ou la Chemical Society of London) en 1841.
Pour leur établissement comme pour leur fonctionnement, elles prirent comme modèle la Royal Society avec un Président, un Trésorier et des Secrétaires élus ainsi qu’un comité scientifique chargé de définir les lignes de recherche, de suivre et de valider les travaux soumis à son attention. Les membres de ces sociétés, obligatoirement de sexe masculin, étaient élus par leurs pairs et réputés égaux entre eux. Ils s’acquittaient d’une cotisation annuelle indispensable au fonctionnement de l’association. A l’origine et durant des décennies, la cotisation à la Royal Society s’élevait à un shilling par semaine.
Elle fut cependant augmentée de manière significative au XIXe siècle, passant à quatre livres par an en 1819, puis à dix livres après la réforme de 1847 où il fut décidé de restreindre l’accueil de nouveaux membres en tenant compte davantage de leurs mérites scientifiques.
D’autres sociétés savantes identiques furent également fondées ailleurs dans le pays, comme la Société géologique d’Edimbourg en 1834. L’établissement de toutes ces sociétés ou associations marqua donc le début d’une spécialisation de la science où les amateurs éclairés laissaient peu à peu la place à des hommes qui regardaient désormais de plus près la formation scientifique de leurs membres, élaboraient des normes propres à leurs domaines et exerçaient de plus en plus de pression auprès des instances dirigeantes des sociétés savantes pour que l’acceptation des nouveaux membres soit effectuée de manière plus restrictive, en tenant compte au premier chef de leurs connaissances et de la qualité de leurs travaux. Cette spécialisation de la science, qui s’accentua dans la deuxième moitié du XIXe siècle, contribua par ailleurs à la marginalisation des femmes dans la mesure où, d’une part, les sociétés savantes leur fermaient leurs portes, et d’autre part, l’importance croissante accordée à la formation scientifique disqualifiait celles-ci puisque l’enseignement secondaire pour les filles restait encore très orienté vers la littérature et les arts ménagers et que les femmes n’avaient pas accès à l’université.

Les femmes et la science

Evolution du statut de la femme au dix-neuvième siècle

En 1854, le poète Coventry Patmore (1823-1896) publia « The Angel of the House », un poème narratif dédié à sa femme Emily, dont il vantait les qualités et qu’il présentait comme le modèle de l’épouse idéale.
La femme décrite dans ce poème est innocente, docile, dévouée à son mari et à son foyer, totalement dépendante des sages conseils de son époux pour tout ce qui ne concerne pas sa maisonnée; elle est une fleur délicate qu’il faut protéger et chérir. The Angel of the House fut relativement peu remarqué à sa sortie, mais au cours des décennies suivantes, son succès alla en grandissant, et il devint l’un des poèmes les plus populaires de l’ère victorienne. La femme ainsi célébrée fut projetée comme le modèle de la féminité pour la classe moyenne britannique mais les qualités féminines exaltées dans cette œuvre lyrique étaient déjà celles admises par la société de l’époque.
Tout au long du XIXe siècle en effet, la pensée dominante en Grande-Bretagne concernant l’organisation de la société était celle de deux sphères distinctes dédiées à chacun des sexes: la sphère masculine ou sphère publique, où les hommes agissaient, travaillaient, participaient à la vie économique et politique du pays, et la sphère féminine, privée, dans laquelle les femmes se voyaient assignées un rôle d’épouse et de mère, de gardienne du foyer et des bonnes mœurs, et dont les interventions à l’extérieur de la maison devaient se limiter aux œuvres sociales.
Cette distinction des rôles entre les hommes et les femmes resta plus floue parmi les classes laborieuses (working class) où le travail des femmes et des filles dans les champs, les fabriques ou les mines n’était pas considéré comme une émancipation mais comme une nécessité. Comme les filles des classes moyennes et supérieures étaient destinées à se marier et à rester au foyer, et que les emplois non-manuels ouverts aux femmes demeuraient quasiinexistants, leur éducation n’était  en général pas considérée comme une priorité. Celle-ci se limitait souvent aux apprentissages fondamentaux (lire, écrire et compter), accompagnés de leçons domestiques et artistiques.
Il ne fallut toutefois pas attendre l’ère victorienne pour entendre des voix s’élever contre cette représentation de la femme. L’écrivaine et philosophe anglaise Mary Wollstonecraft (1759-1797), dans son livre Vindications of the Rights of Women paru en 1792, critiquait les valeurs de la société contemporaine qui considéraient que les femmes étaient moins capables que les hommes physiquement et intellectuellement. Appuyant son analyse sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle s’attaqua à la définition de la nature et du rôle social des femmes défendue par des penseurs et philosophes tels que Rousseau.
Comme le résume Françoise Barret-Ducrocq, professeure de civilisation britannique: Elle déduit de l’égalité naturelle entre tous les êtres humains, l’égalité entre les femmes et les hommes et, à partir du postulat selon lequel la civilisation a été « très partiale » vis -àvis des femmes, elle réclame des mesures fortes destinées à éradiquer cette injustice. 42 Wollstonecraft préconisait une réforme de l’éducation des femmes, en faisant valoir que les filles devraient être instruites dans les mêmes matières et selon les mêmes méthodes que les garçons. Au moment de sa publication, le livre reçut un accueil favorable, mais plus tard dans la décennie, Mary Wollstonecraft fut vilipendée dans la presse après les révélations de son mari William Godwin au sujet de ses enfants illégitimes, ses amours et ses tentatives de suicide dans son livre Memoirs of the Author of A Justification of the Rights of Woman. Par conséquent, pendant une grande partie du XIXe siècle, la plupart des militantes impliquées dans les mouvements de revendication des droits des femmes prirent leurs distances par rapport à Mary Wollstonecraft car « hers was a name to brandish at feminists as evidence of the horrific consequences of female emancipation ».
Cette organisation patriarcale de la société, où les hommes détenaient le pouvoir au niveau économique et politique mais aussi dans les relations individuelles avec les femmes, considérées plus faibles physiquement et intellectuellement et qu’il fallait donc protéger, s’appuyait sur un système juridique qui figeait le statut inférieur de la femme. Légalement en effet, elle était jusqu’à l’âge de 21 ans considérée comme mineure et la loi la plaçait sous la tutelle de son père; lorsqu’elle se mariait, elle passait alors sous la tutelle de son époux. Entre 1765 et 1769, le juriste William Blackstone (1723-1780) publia son livre en quatre volumes intitulé Commentaries on the Laws of England.
Celui-ci constituait le premier ouvrage clair et organisé sur la Common Law, le système juridique en vigueur en Grande Bretagne, fondé sur le droit coutumier non écrit et sur la jurisprudence des tribunaux depuis le Moyen-âge.
L’ouvrage remporta un grand succès dès sa parution, et devint le livre de référence pour l’enseignement du droit à l’université jusqu’au début du XXe siècle. Il contribua ainsi à fixer les lois du droit coutumier et d’une certaine manière en rendit l’évolution plus difficile. Dans le premier volume qui traitait du droit des personnes, Blackstone expliquait au chapitre quinze ayant pour titre « du mari et de la femme » (of Husband and Wife) : by marriage, the husband and wife are one person in law: that is the very being or legal existence of the woman is suspended during the marriage, or at least is incorporated and consolidated into that of the husband.
Ainsi, la loi stipulait que lorsqu’elle se mariait, la femme perdait son identité légale et devenait une « femme couverte » (feme covert) par la personnalité juridique de son époux, par opposition à la feme sole, la femme célibataire. Avant le mariage en effet, une femme pouvait librement signer des contrats, rédiger un testament, ester en justice ou être poursuivie en son nom propre, vendre ou donner ses biens immobiliers ou personnels comme elle le souhaitait.
Une fois mariée en revanche, elle perdait toute capacité juridique au profit de son époux qui exerçait alors tout pouvoir sur ses biens et ses revenus. Cette doctrine de la « couverture » (coverture), qui constituait la pierre d’angle du statut de la femme dans l’Angleterre du XIXe siècle  allait, à partir des années 1850, être critiquée par les premières militantes des droits des femmes. En 1854, Barbara Bodichon (1827-1891), qui devint une des figures du mouvement pour l’éducation et pour les droits civiques des femmes, publia A Brief Summary in Plain Language of the Most Important Laws Concerning Women, Together with a Few Observations Thereon.
Dans ce petit livret d’une douzaine de pages, elle établit la liste des règles concernant la femme mariée telles qu’énoncées par Blackstone dans ses Commentaires en les présentant dans une langue simple afin d’en rendre la compréhension plus aisée. Elle rappela ainsi ce que la loi permettait aux femmes célibataires de faire, puis elle dénonça le statut inférieur des femmes mariées dans tous les aspects de la vie courante (enfants, divorce, propriété, travail, revenus, contrats, vie publique) avant de terminer en demandant que soient abrogées ces règles de la Common Law « which made marriage a gift of all the woman’s personal property to the husband. »
Dans les années qui suivent, d’autres femmes s’exprimèrent sur le même sujet, comme la journaliste et militante Frances Power Cobbe (1822-1904) qui publia en 1868 dans la revue généraliste et littéraire Frazer’s Magazine un article remarqué dont le titre, « Criminels, Idiots, Women and Minors : Is the Classification Sound ? » ne manqua pas d’interpeller le lecteur.
Elle y discutait des dispositions de la Common Law qui plaçaient la femme mariée et ses biens sous l’entière domination du mari. Commençant astucieusement son argumentation par une allégorie, elle expliqua que les femmes dissolues ou criminelles recevaient un meilleur traitement de la loi (concernant leurs biens) que les femmes mariées vertueuses. Elle démontra également que la Common Law promouvait une image idéaliste du mariage dans laquelle des couples mariés heureux vivaient en paix et où le mari subvenait aux besoins de sa femme et de ses enfants tout en gérant sagement la bourse commune.
Cependant, rappela-t-elle, la réalité était loin de cet idéal d’union d’intérêts et la Common Law ne protégeait pas la femme dans le cas où le mari devenait violent ou négligent. Soulignant que seuls les riches pouvaient se soustraire à la loi en arrangeant des contrats prénuptiaux (avec l’aide de coûteux avocats) qui garantissaient à leurs filles ou à leurs sœurs de conserver la gestion de leur patrimoine personnel, Frances Power Cobbe tenta ainsi de convaincre la classe moyenne que la seule façon de protéger les femmes était de modifier la loi.

La vulgarisation de la science dans la société victorienne

Une science présente dans la culture britannique

Les formidables développements que connut la science britannique au XIXe siècle en termes de découvertes, de création de nouvelles disciplines, de professionnalisation et d’applications au niveau des techniques et de l’industrie, furent annoncés et commentés au sein de la communauté scientifique mais aussi auprès du grand public. La science envahit tous les vecteurs possibles de la communication, que ce fussent ceux de la production écrite (livres, journaux, revues) comme ceux de la production orale (conférences) ou événementielle (expositions, spectacles) pour faire ainsi complètement partie de la culture britannique. Ce fut cependant dans les journaux et les magazines, dont le nombre crut de manière exponentielle tout au long des décennies, que les idées scientifiques se propagèrent à tous les niveaux de la société. Selon John North qui a dressé le catalogue des journaux et périodiques britanniques au XIXe siècle, quelques cent vingt-cinq mille titres différents furent publiés durant cette période.
Certains n’eurent une durée de vie que de quelques semaines tandis que d’autres furent publiés durant plusieurs années, comme la prestigieuse Edimburgh Review (1802-1829), voire plusieurs décennies comme l’hebdomadaire satirique Punch (1841-2002).
Diverses raisons viennent expliquer cette rapide expansion de la presse, avec une nette envolée à partir des années 1850. Les améliorations technologiques d’une part, à la fois dans la production de papier et dans l’industrie de l’imprimerie et des arts graphiques rendirent les illustrations dans les journaux plus faciles à produire et augmenta l’attractivité des publications illustrées. Les progrès techniques concernèrent également les nouveaux réseaux de distribution rendus possibles par l’amélioration des routes et, surtout, l’avènement du chemin de fer.
D’autre part, la levée progressive à partir de 1836 des taxes et des droits de timbre sur les journaux, leur contenu publicitaire et sur le papier, avant leur abandon en 1861, abaissa le prix de vente des journaux et facilita alors leur diffusion. Les livres cependant restèrent avec des coûts de production relativement élevés et donc plus difficiles d’accès.
Enfin, les progrès de l’alphabétisation tout au long du XIXe siècle, même s’il est difficile pour les historiens de s’accorder sur des chiffres, ont élargi l’électorat parmi les couches plus populaires de la société, et favorisé en particulier la presse généraliste bon marché. On estime ainsi qu’en 1860, « a quarter of a million of daily penny papers [were] circulating, and weekly penny papers were springing up in every little town […] ».
En ce qui concerne la publication scientifique, celle-ci étaient relativement peu étoffée au début du siècle. Les scientifiques communiquaient fréquemment leurs idées et leurs découvertes par lettre adressée à leurs confrères, dans les livres qu’ils publiaient et dans les articles qui paraissaient dans les Transactions de la Royal Society ou des autres sociétés savantes. Les journaux scientifiques commerciaux tels que The Philosophical Magazine, lancé en 1798 par Richard Taylor, n’étaient pas nombreux mais leur nombre augmenta de manière significative au fur et à mesure que la science britannique se scindait en différentes disciplines et en différentes professions.
A partir des années 1830 cependant, les communications scientifiques étaient presque toujours effectuées en premier lieu dans les journaux spécialisés plutôt que dans les livres. Au milieu du siècle, on dénombrait environ un millier de ces journaux, dont soixante pour cent environ de journaux commerciaux, le reste représentant les publications des sociétés savantes et diverses associations. Certains journaux s’intéressaient à toutes les sciences, d’autres ne traitaient que d’une discipline en particulier. Dans le domaine de la médecine par exemple, on estime que pas moins de quatre cent cinquante huit périodiques médicaux parurent tout au long du XIXe siècle.

Science et Education

L’enseignement primaire et secondaire

L’enseignement de la science en Grande-Bretagne, quasi inexistant au début du XIXe siècle, fut lentement introduit dans le système scolaire anglais tandis que celui-ci subissait également un certain nombre de changements. Ce n’est qu’à partir des années 1870 en effet que l’Etat commença à s’impliquer financièrement dans le système scola ire en faisant voter une loi qui prévoyait l’enseignement élémentaire en Angleterre et au Pays de Galles de tous les enfants âgés de 5 à 13 ans et établissait des commissions scolaires (School Boards) chargées de superviser et de compléter le réseau des écoles et de les placer toutes sous une certaine forme de supervision. Jusqu’alors, les écoles et les universités étaient essentiellement aux mains de l’Eglise Anglicane (Church of England), des autres églises protestantes ou des autorités religieuses catholiques ou juives, ou alors fondées et gérées par des personnes privées.
Sans soutien de l’Etat, la scolarité était payante dans toutes les écoles primaires – excepté parfois dans celles accueillant les plus pauvres quelques heures par semaine – et secondaires ainsi qu’à l’université. Les établissements disposaient de moyens très différents les uns des autres, selon qu’ils étaient fréquentés par les enfants (essentiellement les garçons) des classes pauvres, aisées ou riches. Le nombre des enseignements et la qualité de ces derniers étaient également très variés selon les établissements.
En ce qui concerne les classes laborieuses (working class), à partir des années 1820, la demande de la part des industriels de disposer d’une main-d’œuvre mieux formée sur le plan technique, en particulier au niveau des ouvriers qualifiés et des contremaîtres, ainsi que la volonté de certains milieux libéraux réformateurs d’améliorer l’éducation des moins favorisés, résulta dans la création des Mechanic’s Institutes dont le premier ouvrit à Londres en 1824,suivi d’un autre à Manchester un an plus tard.
En 1850, il y avait 610 instituts en Angleterre et 12 au Pays de Galles, et en incluant des institutions similaires dans leurs buts éducatifs et leur fonctionnement, telles que les Literary and scientific Institutes, les Reading Rooms ou les Useful Knowledge Societies, la Grande-Bretagne dans la deuxième moitié du XIXe siècle comptait environ 1200 établissements dédiés à l’éducation générale (assortie de connaissances techniques basiques) de la classe ouvrière.
Les Mechanic’s Institutes s’adressaient en priorité aux ouvriers adultes, mais certains ouvrirent à côté des classes pour les jeunes gens, en particulier ceux en apprentissage. Il faut cependant noter que hormis dans quelques centres manufacturiers, ce furent plutôt des commerçants et des employés issus des classes moyennes inférieures (lower middle class) qui fréquentèrent ces instituts. Et comme le précise William Spens, le président du Comité sur l’éducation.

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Table des matières
INTRODUCTION
I. LA SCIENCE DANS LA GRANDE-BRETAGNE VICTORIENNE 
1. Organisation de la communauté scientifique
a. Le « Grand Amateur »
b. Vers une professionnalisation de la science
2. Les femmes et la science
a. Evolution du statut de la femme au dix-neuvième siècle
b. La femme scientifique : une exception
3. La vulgarisation de la science dans la société victorienne
a. Une science présente dans la culture britannique
b. Contribution des femmes à la vulgarisation de la science
4. Science et Education
a. L’enseignement primaire et secondaire
b. Les universités et la science
c. L’éducation des femmes
II. QUATRE FEMMES DE SCIENCE EXCEPTIONNELLES 
1. Education et formation
a. Contexte familial et social
b. Education
c. Soutien ou désapprobation de la famille
2. Carrière et contributions scientifiques
a. Vie professionnelle et vie privée
b. Relation avec la communauté scientifique
c. Publications
3. Opinion publique et prises de position
a. Notoriété
b. Normes sociales : acceptation ou non-conformisme
c. Militantisme et cause des femmes
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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