La valorisation des démarches artistiques et littéraires liées à la gauche radicale

L’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires : pôle engagé de la vie artistique et littéraire française

Une association reliée dès sa création au mouvement Internationaliste

Origines et création de l’association

L’Association des Écrivains Révolutionnaires (A.E.R.), a été créée en mars 1932, avec pour mission de réunir les divers courants intellectuels qui se questionnent alors sur l’engagement révolutionnaire, afin de mettre en application les principes déterminés au congrès de Kharkov, principes qui mèneront à l’élaboration d’une doctrine littéraire et artistique, le réalisme socialiste. L’objectif premier de cette doctrine est de créer des oeuvres qui reflètent et promeuvent le communisme de type soviétique – c’est à dire l’idéologie communiste issue des directives de l’Union Soviétique depuis la prise de pouvoir par Joseph Staline face aux autres potentiels cadres et intellectuels du Parti ; le but est donc de figurer la réalité sociale des classes populaires, ceci incluant la vie quotidienne, mais également les actes de militantisme et les conflits dans lesquels les pays sont ou ont été impliqués. Établie comme l’art officiel du régime lors du Premier Congrès de l’Union des Écrivains Soviétiques, tenu en 1934, cette doctrine se caractérise esthétiquement par un recours systématique à la figuration – par opposition à l’abstraction, vue comme le symptôme d’un art bourgeois et/ou inapte à transmettre convenablement l’idéologie du régime – ainsi qu’un académisme des postures et la volonté de rendre compte d’un comportement héroïque des classes populaires.
L’association naissante est ainsi la section française de l’Union Internationale des Écrivains Révolutionnaires (U.I.E.R.) mise en place lors des fêtes du dixième anniversaire de la Révolution, en 1927 à Moscou. Son but est de favoriser le développement d’une littérature prolétarienne dans tous les pays en uniformisant idéologiquement les groupes fondés ou en construction. Elle est placée, ainsi que la revue Commune, sous l’autorité du Parti Communiste.
Alignement qui apparaît, entre autre car Paul Vaillant-Couturier, rédacteur en chef du journal et organe de presse principal du Parti Communiste : l’Humanité, est cadre et fondateur de l’A.E.R.. Elle évolue finalement pour s’élargir au-delà des cercles littéraires, et devient l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires (A.E.A.R.) en décembre 1932.

Le réalisme socialiste

Nous l’avons vu précédemment, l’axe idéologique principal de l’A.E.A.R. est celui du réalisme socialiste, détaillée brièvement plus haut et sur laquelle nous allons revenir de manière plus développer ici.
Le réalisme socialiste est une doctrine artistique et littéraire qui stipule que les oeuvres doivent refléter et promouvoir le socialisme soviétique, l’idéologie politique du communisme mis en place par l’Etat soviétique. La doctrine est mise en place au début des années 30 après la création de l’Union des Écrivains Soviétiques, en 1932 et de son premier congrès en 1934 : elle est alors établie comme la forme d’art officielle du régime soviétique. Initialement littéraire, la doctrine s’élargit à tous les champs artistiques, des arts majeurs – peinture, sculpture et architecture – aux arts visuels, le cinéma et la photographie. Le but, nous l’avons vu, est d’illustrer de manière figurative la réalité sociale des classes populaires et le militantisme qui découle de la défense de ses intérêts. Le mouvement se rapproche donc, dans ses ambitions esthétiques visuelles, du réalisme du XIX e ; il prône l’art figuratif, en opposition à l’art abstrait de l’avant-garde, bourgeois et peu enclins à devenir une forme artistique militante – en effet, l’abstraction, par définition, ne permet pas au public d’opérer une identification claire des enjeux de l’oeuvre car les personnages identifiables sont bien plus à même de générer de l’empathie que des formes. En cela, il apparaît nécessaire aux théoriciens de la doctrine de créer des oeuvres descriptives et basées sur un rapport profond au réel, elle se place donc en partie dans la lignée du mouvement artistique et littéraire du réalisme, dont le besoin de réaction face au sentimentalisme romantique amènera les artistes à vouloir décrire le réel le plus fidèlement possible, mais possède en premier lieu des ambitions militantes et idéologiques particulièrement prégnantes qui donnent une imposante fonction à l’art . Le but est double : à la fois de mettre en avant les failles et les contradictions du capitalisme et proposer une description de l’émancipation du prolétariat par la révolution. Ces objectifs sont décrits dans les statuts de l’Union des Écrivains Soviétiques . On distingue deux axes thématiques majeurs : une présentation véridique, authentique, de la réalité, et la création d’oeuvres pédagogiques capables d’enseigner aux travailleurs les principes de la Révolution socialiste.
Le lien avec le réalisme socialiste va être développé par Louis Aragon dans l’organe de presse de l’A.E.A.R., la revue Commune. Il publie, dans son numéro 37 de septembre 1936 un article intitulé Le réalisme à l’ordre du jour dans lequel il explique une partie des arguments et des idées détaillées dans son livre La querelle du réalisme, publié quelques mois plus tôt, en mai 1936, un compte-rendu de deux débats sur le réalisme en peinture qui ont précédé la parution de l’ouvrage. Aragon se fait ainsi le porte-parole de la politique culturelle du Parti Communiste en faveur d’un art social, influencé par la vision esthétique du réalisme social défini par les discours de Constantin Radek et Nicolaï Boukharine au congrès des écrivains soviétiques de l’été 1934 – publiés par Commune à l’automne de la même année – auxquels il faut adjoindre deux discours de Maxime Gorki qui traite du « romantisme révolutionnaire ».
Cet ensemble définit l’essence du réalisme socialiste comme une doctrine artistique et esthétique, à la fois une méthode de création artistique et une méthode de combat. Cette base est reprise par le monde intellectuel français qui cherche à distinguer cette notion de la tradition réaliste du XIX e et statue donc sur une définition d’un réalisme fondé sur l’analyse et la vision marxiste et optimiste de la société. Cette ré-appropriation de la notion permet de la rendre suffisamment malléable pour agréger les divers courants constitutifs de la gauche radicale.

Un rassemblement d’écrivains et d’artistes : « Compagnons de route » du communisme

Les fondateurs

Les artistes et les écrivains entretiennent pendant la première moitié du XX e siècle une relation particulière avec les forces politiques émergentes, tantôt engagés dans un mouvement, jusqu’à faire prendre parfois à leurs oeuvres un tournant les rapprochant de manifestes ou d’une forme de propagande ; sinon détachés, au moins en art, des problématiques politiques de leur époque, voulant garder une ligne artistique neutre, non imprégnée d’idéologies sociales ou politiques. Les bouleversements idéologiques du XX e siècle, les changements géopolitiques, les nouvelles problématiques sociales, ne laisseront, en effet, pas indifférents de très nombreux artistes et d’écrivains qui inclueront alors leurs travaux dans la notion, elle aussi très floue, d’art engagé. Intellectuels engagés pour tous les bords politiques, nationalistes comme Maurice Barrès auteur de l’Âme française et la guerre en onze volumes entre 1915 et 1920, voire fascinés par le fascisme italien comme le fut le poète américain Ezra Poun d et/ou proches des courants socialistes ou internationalistes. Ainsi, le Parti Communiste connaîtra le phénomène des Compagnons de Route : c’est-à-dire les intellectuels qui n’adhèrent pas forcément au parti mais suivent à distance son combat ; ils appuient ainsi son idéologie, que ce soit au travers de leurs images de personnages publics parfois influents, ou dans leurs travaux artistiques ou littéraires, sans pour autant s’aligner sur le cahier des charges idéologiques ou l’agenda politique d’un parti. Le PC sera ainsi accompagné par nombre de personnalités du monde intellectuel et artistique français du XX e siècle, parmi lesquelles on peut citer, pour les plus connues, le philosophe existentialiste Jean-Paul Sartre (1905-1980) , le surréaliste André Breton (1896-1966) ou le poète Louis Aragon (1897-1982) ; ces deux derniers étant également parmi les premiers membres de l’A.E.A.R.

Une démarche de rassemblement pour les différentes grilles idéologiques de la gauche radicale

L’A.E.A.R tente d’agréger l’essence idéologique de la gauche radicale pour rassembler la pluralité des mouvements qui la compose, des plus contestataires et révolutionnaires aux plus ouverts aux compromis et aux règles républicaines.
La gauche Révolutionnaire a, en effet, un passif de développements idéologiques épars, portés par des personnalités fortes, inspirées par des ambitions et des contextes différents. Le marxisme initial, tel qu’il est théorisé par Karl Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1820-1895) dans Le Manifeste du Parti Communiste, au milieu du XIX e , est chargé, comme tous les manifestes, d’un nombre important de concepts, dépassant la simple analyse socio-économique de la classe ouvrière. Ses objectifs sont autant de produire un ouvrage d’analyse historique, privilégiant une conception des événements à travers le prisme des rapports sociaux – et notamment des rapports de luttes entre les classes sociales, centre névralgique des analyses marxistes – qu’une oeuvre descriptive de la situation des ouvriers à l’époque de la Révolution Industrielle en plein essor du capitalisme occidental, ainsi qu’un programme prescriptif des changements qu’il juge nécessaire à apporter à la société pour la transformer. Marx adjoint également une critique des différents mouvements socialistes déjà existant.
La notion de Communisme est, au début du XIX e siècle, rattaché à deux blocs idéologiques distincts, celui des révolutionnaires radicaux et celui des chrétiens utopistes, tous deux issus des réflexions politiques du philosophe anglais Thomas More, élaborées trois siècles plus tôt (en 1516), dans son ouvrage L’Utopie- il est à noter que cette idéologie politique est alors vue comme à la fois datée et issue de réflexions théologiques prônant l’application d’un égalitarisme: chrétien dans ses principes, et primitif dans son fonctionnement, comme vivaient supposément les sociétés des premiers âges. Existent donc, pendant la première moitié du XIXe siècle, deux groupes idéologiques apparentés au spectre de réflexions sociales traitant de l’égalité économique : la mouvance révolutionnaire radicale, dont les théoriciens principaux sont le révolutionnaire Montagnard Gracchus Babeuf (1760-1797) et Louis-Auguste Blanqui (1805 – 1881), tous deux appartiennent à un groupe idéologique pour qui la révolution ne peut pas se développer de façon pertinente sans violences et préfigurent l’apparition d’une idéologie anarchiste ; et la mouvance du socialisme utopique, portée par des intellectuels influencés par l’humanisme et parfois liés au christianisme social (on retrouve ici les racines religieuses présentées par Thomas More au XVI e siècle) comme Robert Owen (1771-1858) ou Philippe Buchez (1796-1865) qui, dans une démarche résolument optimiste vis-à-vis des progrès techniques envisage la création de sociétés utopistes comme alternative à la société capitaliste du XIX e siècle.
Ces deux pôles de l’idéologie communiste s’organisent donc autour de deux approches théoriques opposées : sur la présence d’idées religieuses, et surtout sur le mode opératoire de la révolution socialiste.
La place de la religion va être un axe de division particulièrement important entre les intellectuels influencés par le christianisme et ceux réfutant tout théisme ou déisme.

La valorisation des démarches artistiques et littéraires liées à la gauche radicale

L’A.E.A.R., rassemble aussi bien des écrivains que des artistes. Ceux-ci trouvent dans les pages de Commune un moyen d’expression à travers des articles, des chroniques et des critiques, mais également un moyen de promotion et de valorisation des arts prolétariens et révolutionnaires. L’association se fait le relais des congrès des écrivains soviétiques dont elle acclame la première édition dans son double-numéro 11 et 12 de juillet et août 1934 ; on peut lire, dans ce même article, la déclaration de l’A.E.A.R. quant à son rôle artistique : « L’A.E.A.R. considère comme son rôle essentiel d’entraîner tous les écrivains et artistes qui ont foi dans la destinée historique du Prolétariat, tous les écrivains et artistes qui se tournent vers l’Union Soviétique et vers le Prolétariat français, au milieu du désarroi du monde capitaliste, dans la crise économique qui les atteints jusque dans leurs conditions de vie et de création.
[…] L’A.E.A.R. saura exprimer dans les conditions nationales de la culture française le mot d’ordre du réalisme socialiste que les écrivains soviétiques ont lancé, non seulement à l’échelle des nationalités de l’U.R.S.S., mais à celle de toutes les nationalités du monde ». Ainsi, la revue se propose d’être à la fois un lieu de développement théorique de la doctrine esthétique du réalisme socialiste et un lieu d’expression pour les Hommes de lettres et les artistes proches de la gauche radicale.
Un grand nombre de publications et d’articles théorisent le rôle des artistes et des écrivains dans le cadre des luttes révolutionnaires. On peut citer par exemple un article intitulé Avec qui êtes-vous, artistes et écrivains ? rédigé par Paul Vaillant-Couturier et publié dans le doublenuméro de janvier et février 1934. Il y dénonce l’idéologie fasciste, présente en Italie et en Allemagne – Adolf Hitler vient d’être élu à la chancellerie de la République de Weimar depuis janvier 1933 – et séduit en France ; il s’agit pour lui de séduire l’Etat bourgeois par la dictature capitaliste. Il appelle donc les écrivains, les artistes, les savants, les étudiants, les techniciens et les intellectuels à « briser les vieilles formes de pensée » issues de la période Révolutionnaire de 1789-1793 pour barrer la route au fascisme. Il explique qu’il est nécessaire pour les artistes de marquer politiquement leurs oeuvres, estimant que l’art digne et un art engagé et que cette dignité d’engagement ne peut se trouver que dans la défense de la Révolution Prolétarienne, et soulève un parallèle entre les arts et les sciences dans leur rôle politique.

René Zuber, photographe engagé

Un photographe issu du monde de l’édition

Une première formation d’ingénieur

René Zuber est né le 19 novembre 1902 à Boussières, village dans lequel il grandit. Ses parents tiennent une manufacture de papiers et le jeune fils s’oriente vers des études d’ingénieur. Il obtient en 1924 un diplôme à l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures à Paris.
Peu motivé par l’idée de prendre une place dans la manufacture familiale, il se destine à l’édition et suit, à Paris toujours, un cursus à École des Hautes Etudes Commerciales. Le monde spécifique de l’édition, combinaison entre ses racines familiales : l’impression, et le monde littéraire et artistique, qu’il fréquentera pendant toute sa vie, sont des domaines qu’il nourrira pendant sa vie professionnelle. Après un diplôme à l’illustre École des Arts Graphiques de Leipzig, René Zuber développe une carrière de photographe, dans la publicité puis dans le documentaire ; il est employé pour le magazine L’Illustration à partir de 1928. Photographe praticien autant que théoricien, il publie des articles consacrés à la création photographique, notamment dans la revue Arts et métiers graphiques, où il signe un article dès 1928. Il retrouve le monde de l’édition dans la deuxième partie de sa carrière, à partir des années 40 et fonde sa propre société d’éditions, Les Éditions du Compas. Il y publiera notamment un album photographique La Mort et les Statues, réalisé par Pierre Jahan (1909-2003) et commenté par Jean Cocteau (1889-1963) édité en 1941 et 1947 , ainsi qu’une réédition d’un ouvrage de fiction Égyptienne paru au début du siècle, Le Livre de Goha le Simple, écrit par Albert Adès et Albert Josipovici. Cet ouvrage est édité pour la première fois en 1919 et remporte alors un franc succès. Zuber sera aussi l’auteur de textes plus personnels comme sa découverte, transformée en nouvelle, de Georges Ivanovitch Gurdjieff – mystique et philosophe -, intitulée Qui êtes-vous Monsieur Gurdjieff, publiée en 1977 aux éditions Le courrier du Livre . Cette rencontre marque sa vie et son implication dans le groupe Gurdjieff, axée sur des thérapies à tendances mystiques et introspectives, dans le cadre duquel Zuber filme des danses : ces six films intitulés Mouvements, Danses sacrées et Danses du Temple sont réalisés entre 1952 et 1968.
René Zuber développe tout au long de sa vie une passion pour les progrès techniques et se fait le relais des innovations présentes dans le transport et l’industrie, les deux centres les plus actifs des transformations technologiques de la première moitié du XX e siècle. On remarque de nombreuses séries photographiques réalisées sur des automobiles – le domaine est alors en évolution mais ne connaît pas encore l’explosion des Trentes Glorieuses -principalement pour des publicités . Mais aussi sur des trains et des avions, éléments indispensables dans ses nombreux voyages, il produira des photographies autant pour documenter sa vie de voyageur – avec un point de vue d’utilisateur – que pour présenter les aspects techniques des appareils . Il produit également de nombreuses séries sur des navires, à la fois des bâtiments militaires ou civils. Il s’agit d’un domaine où Zuber est particulièrement prolifique, alliant souvent séries photographiques et documentaires filmés à partir du milieu des années 1930. Il accompagne notamment l’équipage du Croiseur « La Gloire » de la Marine Nationale en 1938 et celui du chalutier « Pescagel » en 1942, dont il tire un film documentaire éponyme. Enfin, il montre un intérêt pour le monde industriel et réalise des séries photographiques sur des usines de traitements pétrochimiques ainsi qu’un documentaire intitulé « Le grand oeuvre » qui dresse un panorama des industries françaises en 1958.

Une oeuvre photographique et cinématographique engagée

Une carrière de photographe publicitaire

René Zuber commence sa carrière en travaillant pour la revue L’Illustration et signe rapidement un article sur la photographie et le graphisme dans la revue Arts et métiers graphiques, une des premières vitrines du graphisme, créée par Charles Peignot (alors directeur d’imprimerie) en 1927 . Zuber progresse dans sa carrière en s’orientant vers la photographie publicitaire. Recruté dans l’agence d’Etienne Damour (1887-1931) Dam-Publicité, fondée en 1919, en 1929 – et participe cette même année à la FiFo -, il en ouvre le studio photographique. Dans ce contexte, il réalise de très nombreuses vues d’objets et liants ceux-ci à des concepts – ceci étant aussi un élément fondamental du fonctionnement esthétique de la publicité. Il réalise des photographies pour des entreprises très diverses. Des marques de montres, comme Omega, une entreprise d’horlogerie Suisse – fondée en 1848 est transformée en société anonyme en 1903 et est toujours présente aujourd’hui – mais aussi des marques alimentaires, comme CH. Gervais, du nom de son fondateur, Charles Gervais.
Ces photographies de publicité sont réalisées dans le cadre de son agence de photographie, Alliance-Photo, créée en 1933 et dont il est un des fondateurs avec Maria Eisner et Pierre Boucher. L’agence est officialisée en 1934, accompagnée par une partie des acteurs du studio Zuber, notamment Pierre Verger et Denise Bellon. Elle fait partie des toutes premières agence de photographes et le travail de ses membres est publié dans de nombreux périodiques illustrés de l’entre-deux-guerres aux sujets éclectiques, comme l’aviation civile – dans Air-France Revue – la presse de mode – dans Excelsior Modes – ou encore la presse engagée – dans la revue Regards -, permettant à Alliance-Photo d’être considérée comme une des pionnières des agences photographiques, une dizaine d’année avant l’apparition de Magnum Photos. Elle s’exporte également au-delà des seules revues françaises, et publie par exemple dans les revues Harper’s Bazaar et Illustrated London News respectivement de New-York et Londres. Voir un photographe se tourner vers la publicité n’est pas une démarche singulière. Si, au début des années 1920, le dessin de promotion est privilégié – la photographie ne récupère la préférence des annonceurs que pendant les années 1950 – de nombreux photographes vont créer des campagnes de communication pour des entreprises, et notamment pour des produits de luxe. La photographie leur permettant de développer leur image : à la fois pour se démarquer des dessins des gammes de moindre standing et proposer une mise en scène plus élaborée de leurs produits. C’est le monde de la mode qui va le plus se servir du médium photographique pour mettre en valeur ses créations, devenant le troisième pôle de la profession avec les reportages et la publicité. Une publicité de luxe qui contribuera à façonner les carrières artistiques des photographes parisiens de l’époque, notamment Germaine Krull (1897-1985) et Louis-Victor Emmanuel Sougez (1889-1972) qui s’illustrent dans cette pratique. Krull reçoit par exemple une commande publicitaire de Peugeot pour la toute nouvelle 201 en 1929 tandis que Sougez en fera le centre névralgique de son début de carrière avec des créations pour, entre autre, Nestlé, Rodier et Roquefort . C’est dans ce contexte que René Zuber débute comme photographe et intègre le milieu publicitaire après ses études ; il propose une démarche esthétique autour de deux éléments fondamentaux pour le fonctionnement publicitaire : le détail et la mise en contexte.

L’implication dans l’image jusqu’à la réalisation documentaire

La pratique du reportage, bien que prenant racine au siècle précédent – dans le monde littéraire, en premier lieu, puis au travers des nouvelles technologies de production des images,  la photographie et le film – se développe dans la forme moderne au début du XX e siècle et devient un genre majeur pendant l’entre-deux-guerres. Les nouveaux modèles d’appareils photographiques, légers, comme le Leica – au format inhabituel de 24 x 36 – permettent de faciliter encore le transport et la réalisation de photographies. André Kertész (1894-1985) en est notamment un des précurseurs. Il réalise les premiers reportages du magazine VU en 1928 . Il s’agit, pour le photographe, de transposer son savoir -faire dans la création et la composition de photographies vers le nouveau médium cinématographique, accompagné par des praticiens de ce domaine. La revue compte également la participation de Germaine Krull à partir de mars 1928 qui fournit des séries de reportages sur la vie populaire parisienne, détachée des règles conventionnelles de composition et spontanée dans sa pratique .Zuber développe une activité de cinéaste avec l’aide d’un de ses amis d’enfance, Roger Leenhardt ; de cette collaboration naîtra une société de production intitulée Les Films du Compas, qui publiera de nombreux documentaires sur les voyages de Zuber et Leenhardt et sur la vie quotidienne française. Il réalise ainsi, avec différentes productions et co-réalisateurs, vingt films entre 1934 et 1972 ; auxquels s’ajoutent les six films sur les danses sacrées qu’il réalise lors de ses participations aux groupes Gurdjieff.

La formation des premières agences photographiques, le travail communautaire

Avec Pierre Boucher et la photographe italo-américaine Maria Eisner, Zuber fonde la première agence coopérative de photographie, Alliance Photo en 1934, ce qui lui permet d’accroître sa diffusion dans la presse française. Cette expérience servira de modèle à la très célèbre agence Magnum Photos, créée en 1946 (avec notamment Maria Eisner dans son groupe originel) qui continue encore aujourd’hui de fonctionner. Il s’agit alors d’un des premiers groupes, collectif de photographes ou d’agence de photographies dirigés par une coopération de photographes – le Groupe des XV ne sera créé qu’une dizaine d’années plus tard, en 1946 au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ; le Studio Zuber apparaît donc comme une pièce unique de l’univers créatif parisien. Il rassemble autour de lui quelques nouveaux photographes qui partagent une vision commune et des oeuvres régulièrement reproduites dans les revues illustrées ; Vu, Regards, Voilà ou encore Paris Magazine publiaient régulièrement des créations du studio. Parmi les membres, figurent le Hongrois naturalisé français Emeric Feher (1904-1966), le photographe explorateur ethnographe Pierre Verger (1902-1996), la photographe autodidacte Denise Bellon (1902-1999) et Pierre Boucher (1908-2000) son collaborateur . Le groupe pratique deux activités, la photographie publicitaire et le reportage photographique. Des travaux publicitaires, qui permettront au studio de s’assurer des revenus réguliers essentiels à son fonctionnement, sont réalisés pour des entreprises très renommées ; les constructeurs automobiles Hotchkiss ou Peugeot, la marque de linge de maison La Maison de Blanc, la marque de montres Suisses Omega, ou encore les laboratoires pharmaceutiques du Docteur Jacques Debat. Le studio se lance aussi dans la production de reportages photographiques pour des magazines d’informations illustrés (notamment ceux déjà cités plus haut), que ces revues soient non partisanes, comme Voilà, ou politiquement engagées, comme Regards ou Commune.

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Table des matières

Introduction 
I / L’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (A.E.A.R.). Pôle engagé de la vie artistique et littéraire française 
A / Une association reliée dès sa création aux mouvements internationalistes
B / Un rassemblement d’écrivains et d’artistes compagnons de route du communisme
C / Une idéologie portée par la revue Commune
II / René Zuber et l’engagement politique
A / Un photographe issu du monde de l’édition
B / Une oeuvre photographique et cinématographique engagée
C / Une production éclectique
III / Engagement politique et création. L’oeuvre photographique comme stratégie de persuasion
A / L’artiste engagé au début du XXe siècle
B / La photographie comme vecteur d’informations idéologiques chez René Zuber
C / La tentative de figuration d’une conviction, entre présentation et organisation de la réalité
Conclusion
Bibliographie

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