La trajectographie par mesures d’angle conventionnelle

La trajectographie par mesures d’angle conventionnelle 

Définition

Rappelons tout d’abord la distinction entre le terme de localisation et celui de trajectographie. La localisation passive correspond au cas où la source S est fixe : c’est ce que font les géomètres lorsqu’ils lèvent des cartes par triangulations successives ou lorsqu’un observateur O a une vitesse relative très importante par rapport à la source (par exemple, un avion vis-à-vis d’un véhicule terrestre). Mais, dans de nombreuses situations, la source et l’observateur sont en mouvement dans la même plage de vitesse et les techniques de localisation deviennent inopérantes. Il est alors nécessaire d’utiliser des méthodes de trajectographie exploitant un modèle paramétrique de la cinématique de la cible.

Le plus courant de ces problèmes de trajectographie est celui dit de « BO-TMA » (BearingsOnly TMA). Sa formulation dite « conventionnelle », correspond au cas où les deux mobiles ( O et S ) se déplacent dans un même plan, S étant en mouvement à cap et vitesse constants (CV2 ) et où la mesure effectuée par O est l’azimut (i.e. l’angle de la direction de S par rapport au nord compté positivement dans le sens des aiguilles d’une montre, voir Figure 1). Ce problème clef, notamment en guerre sous-marine, a fait l’objet de travaux considérables et continus depuis plus d’un demi-siècle (voir la synthèse dans [Pillon05] et [Jauffret08a]).

Un certain lot d’hypothèses accompagne cette formulation :
– O connaît parfaitement sa position tout au long de son déplacement.
– Le délai de propagation du signal de S vers O est supposé négligeable.
– Le bruit de mesure de l’azimut est centré, normal et de matrice de variancecovariance connue.
– La vitesse de la source est non nulle (sinon, ce serait un simple problème de localisation).

Manœuvre de l’observateur et observabilité

Une question maintenant parfaitement résolue dans le cadre du BO-TMA conventionnel est celle de l’observabilité. En effet, il a été démontré dans [Nardone81], [Payne89] et [Jauffret96] que l’observateur doit manœuvrer pour assurer l’observabilité mais cela ne suffit pas : il existe des manœuvres laissant le système inobservable comme par exemple, celle de la Figure 2 (tirée de [Pillon91]). La méthode ayant permis de démontrer ces résultats consiste à mettre sous forme linéaire équivalente l’équation de mesure et à utiliser ensuite les théorèmes relatifs à l’observabilité des systèmes linéaires non-stationnaires. Nous ne pourrons pas utiliser cette démarche pour les problèmes d’observabilité traités dans cette thèse (les équations de mesure auxquelles nous aurons affaire n’ayant pas d’équivalent linéaire) et nous devrons donc utiliser d’autres approches mathématiques.

Manœuvre de l’observateur et précision de la position estimée 

La manœuvre de l’observateur intervient aussi dans la précision du résultat (à bruit de mesure identique). Tout d’abord, dans [Nardone84], les auteurs vont prouver que si l’on considère une trajectoire de l’observateur constituée de legs parcourus à vitesse constante, alors le zigzag présenté à la Figure 5 (tirée de [Nardone84]) permettra d’obtenir la meilleure précision relative de l’estimation de la distance à l’instant final. Il s’agit pour l’observateur de parcourir des legs quasiment perpendiculaires à la trajectoire de la source tout en veillant à ce que la distance relative ne s’accroisse pas trop. Le nombre de zigzags, leur amplitude et la vitesse de l’observateur dépendent des paramètres cinématique de la trajectoire de la source.

Ce résultat a été obtenu pour des cibles suffisamment lointaines et à l’aide d’approximations. Mais on peut optimiser la manœuvre de l’observateur de façon numérique au cas par cas comme présenté dans [Passerieux98] et [LeCadre99]. Par exemple, la Figure 6 (tirée de [Passerieux98]) présente le résultat d’une optimisation de la précision relative de l’estimation de la distance à l’instant final. Cette trajectoire en forme de S, d’ailleurs assez proche du zigzag précédemment évoqué, a été obtenue pour un observateur à vitesse constante (en module). Evidemment, en réalité, l’observateur ne connaît pas la trajectoire de la cible et l’on ne peut donc pas directement appliquer ces algorithmes d’optimisation. Mais en analysant les résultats obtenus pour un très grand nombre de cas, il est possible de déduire des règles de manœuvres qui, bien que sous-optimales, permettent à l’observateur d’atteindre un certain objectif de performance comme par exemple, obtenir pour une durée d’acquisition donnée la précision la plus élevée possible.

Algorithmes employés en trajectographie par mesures d’angle conventionnelle

Une autre grande catégorie de résultats concernant les travaux en BO-TMA est relative aux algorithmes d’estimation et au test d’acceptation du résultat. Les premières méthodes utilisées en BO-TMA furent des filtres de Kalman étendus (EKF) car les calculateurs dans les années 70 étaient peu puissants et surtout parce que ces algorithmes étaient particulièrement en vogue. Une grande variété de tels procédés de filtrages non-linéaires fut développée mais toutes ces méthodes étaient pénalisées par des problèmes de convergence liés à l’observabilité variable du problème.

En effet, avant que l’observateur ne manœuvre, la linéarisation de l’EKF ne peut se faire que pour un vecteur d’état incomplet (i.e. 3D) mais observable et donc a priori, très éloigné du vecteur caractérisant la trajectoire de la source. Lors de la manœuvre, le cumul des erreurs de linéarisation rend en quelque sorte la situation irrécupérable et le filtre diverge. Un autre problème peut être que le filtre récursif converge de façon précoce avant toute manœuvre de l’observateur [Aidala79]. Certaines parades ont été développées comme l’élaboration d’un système de coordonnées spécifiques (par exemple les coordonnées « polaires modifiées » [Aidala83], [Brehard06]) ou utilisant des formes dites « pseudo linéaires » [Aidala79], [Lindgren78] ou en utilisant des initialisations multiples [Barbagelata75] – ce qui n’est pas sans rappeler le filtrage particulaire actuel [Arulampalam04] – . Mais toutes ces approches ne font que repousser les problèmes d’instabilité intrinsèque aux méthodes récursives en BOTMA.

Dès les années 80, sous l’impulsion des travaux fondamentaux du NUSC et grâce à l’augmentation des performances des calculateurs, ces pis-aller furent abandonnés au profit de l’estimateur du maximum de vraisemblance (MLE). Les méthodes de calcul du MLE (dites batch) utilisent des algorithmes du type gradient permettant de minimiser un critère quadratique et des procédés d’initialisation astucieux. Cela permit d’obtenir des solutions de grande qualité statistique que les méthodes récursives étaient dans l’incapacité de fournir. L’autre avantage des procédés non récursifs est que les pistes d’azimut peuvent être lacunaires, c’est-à-dire comporter des « trous » durant des laps de temps importants. Ceci se rencontre couramment dans le domaine de la détection sous-marine à cause des spécificités de la propagation (zones d’ombres) ou de phénomènes de masquage sectoriel des antennes par des superstructures proches. La plupart du temps, lors d’une interruption de la piste, les méthodes récursives divergent pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut ce qui est rédhibitoire. Ce constat nous a conduits, dans le cadre de cette thèse, à l’utilisation exclusive des méthodes batch. Remarquons que la puissance actuelle des calculateurs relativise l’avantage « temps réel » des méthodes récursives sur les méthodes batch.

D’autres outils algorithmiques ont dû être développés dans le but de tester si l’une des hypothèses de base précédemment listées (§1.1.1, p. 15) n’a pas été mise en défaut durant le batch d’estimation ce qui invaliderait la solution obtenue. Par exemple, la source peut avoir manœuvré durant l’observation. Pour détecter un tel changement de cap, un certain nombre de tests statistiques ont été proposés, tous exploitant les résidus d’estimation [BlancBenon89] et [Jauffret08a] : si ces derniers ne sont pas centrés, c’est qu’il y a eu une éventuelle manœuvre de la source. Cette information peut alors être prise en compte dans une certaine mesure en modifiant le modèle paramétrique de cinématique. Ces outils de validation de la solution relèvent de la théorie de la décision et ne sont pas abordés dans cette thèse laquelle est essentiellement consacrée à l’aspect estimation. Le seul critère d’acceptation qui est employé ici est la valeur du critère quadratique obtenu en fin de minimisation (ce n’est autre que la somme des carrés des résidus). C’est ce critère, commode d’emploi, qui nous permet d’éliminer les quelques solutions aberrantes éventuellement issues de l’algorithme de minimisation, phénomène qui peut se produire même lors de l’emploi du modèle exact (accroche à un minimum local).

Comment éviter à l’observateur de manœuvrer

Contraintes résultant de la nécessité de manœuvrer 

En BO-TMA conventionnel, l’observateur doit donc manœuvrer (cf. §1.1.2, p. 16) et pas n’importe comment. Cela représente une contrainte importante pour un bateau de surface ou un sous-marin.

En effet, sur le plan tactique, si la mission de l’observateur est, par exemple, de rejoindre un point donné en un temps minimum, il n’aura guère le loisir de manœuvrer à sa guise. Plus généralement, l’optimisation de la manœuvre pour maximiser la précision d’estimation, n’est pas toujours une opération compatible avec d’autres contraintes tactiques liées à la mission du bateau (comme la protection d’une unité précieuse). Des obstacles de navigation (côtes, hauts fonds, trafic maritime) sont aussi autant d’obstacles entravant la liberté de manœuvre. Si le bateau tracte une antenne remorquée, celle-ci sera déstabilisée lors d’une manœuvre franche ce qui peut avoir comme conséquence la perte de la détection de la cible. Si l’on veut garder le contact, alors il faudra rester en CV. Il existe aussi des plates-formes peu manœuvrantes comme les gliders (i.e. planeurs sous-marins) ou autres plates-formes dérivantes. Mais surtout, pour un sous-marin, les manœuvres sont synonymes d’indiscrétion sur le plan du bruit rayonné. Autrement dit, si l’observateur veut rester discret, il devra privilégier le mouvement rectiligne uniforme. Toutes ces raisons expliquent pourquoi depuis plus de deux décennies, de nombreux travaux seront consacrés à l’étude des moyens permettant de s’affranchir de la nécessité de la manœuvre de l’observateur, ceci conduisant nécessairement à sortir de la définition stricte du BO-TMA conventionnel telle que donnée précédemment au §1.1.1 (p. 15).

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 : Introduction : contexte général des travaux et principaux résultats antérieurs
1.1 LA TRAJECTOGRAPHIE PAR MESURES D’ANGLE CONVENTIONNELLE
1.1.1 Définition
1.1.2 Manœuvre de l’observateur et observabilité
1.1.3 Manœuvre de l’observateur et précision de la position estimée
1.1.4 Algorithmes employés en trajectographie par mesures d’angle conventionnelle
1.2 COMMENT EVITER A L’OBSERVATEUR DE MANŒUVRER
1.2.1 Contraintes résultant de la nécessité de manœuvrer
1.2.2 Apport de mesures additionnelles de fréquence
1.2.3 Trajectographie par mesures d’angle d’une source parcourant à vitesse constante une trajectoire composée de deux legs
1.2.4 Méthodes investiguées ici : changement du modèle de cinématique de la source
1.3 COMMENT MINIMISER LES PROBLEMES POSES PAR LES BIAIS DE MESURES D’ANGLE
1.3.1 Robustification de la trajectographie par mesures d’angle conventionnelle vis-à-vis des biais de mesure
1.3.2 Autre approche : calibration de l’antenne à l’aide de trajectographie par mesures de distance
1.4 BILAN DE CE CHAPITRE : PRESENTATION DU CONTENU DU MANUSCRIT
Chapitre 2 : Trajectographie par mesures d’azimut et/ou de fréquence : source en mouvement circulaire uniforme et observateur en mouvement rectiligne uniforme
2.1 TRAJECTOGRAPHIE PAR MESURES D’ANGLE SEUL D’UNE SOURCE EN MOUVEMENT CIRCULAIRE UNIFORME
2.1.1 Hypothèses et notations utilisées
2.1.2 Observabilité et autres propriétés
2.1.3 Estimateur et performances
2.2 TRAJECTOGRAPHIE PAR MESURES D’ANGLE ET DE FREQUENCE D’UNE SOURCE EN MOUVEMENT CIRCULAIRE UNIFORME
2.2.1 Cas mono fréquence
2.2.2 Cas multi fréquences
2.2.3 Estimation en mono et multi fréquences
2.3 EST-IL NECESSAIRE DE MANŒUVRER ?
2.3.1 Scénario avec mesures d’angle seul
2.3.2 Scénario avec mesures d’angle et de fréquence
2.4 BILAN DU CHAPITRE
2.5 ANNEXES
2.5.1 Matrice des dérivées secondes en trajectographie par mesures d’angle seul d’une source en mouvement circulaire uniforme
2.5.2 Gradient en trajectographie par mesures d’angle et de fréquence : cas mono fréquence
2.5.3 Algorithme de recherche du vecteur d’initialisation
2.5.4 Test d’arrêt de la procédure de minimisation
Chapitre 3 : Trajectographie par mesures de distance seule : source en mouvement rectiligne uniforme et observateur manoeuvrant
3.1 NOTATIONS ET HYPOTHESES
3.2 ANALYSE DE L’OBSERVABILITE
3.2.1 Trajectoire de l’observateur composée d’un seul leg
3.2.2 Trajectoire de l’observateur composée de deux legs
3.2.3 Trajectoire de l’observateur en trois legs
3.2.4 Observateur en mouvement circulaire uniforme
3.2.5 Trajectoire de l’observateur composée de tronçons dont l’un au moins est un arc de cercle
3.3 BORNE DE CRAMER-RAO ET ESTIMATEUR
3.3.1 FIM en RO-TMA et FIM en BO-TMA
3.3.2 Estimateur du maximum de vraisemblance
3.4 SIMULATIONS DE MONTE-CARLO
3.4.1 Trajectoire de l’observateur en deux legs
3.4.2 Trajectoire de l’observateur composée de 3 legs
3.4.3 Observateur en mouvement circulaire uniforme
3.4.4 Observateur parcourant une trajectoire composée de deux legs reliés par un arc de cercle
3.5 EXEMPLE DE L’UTILISATION DE LA RO-TMA : CALIBRATION D’ANTENNE
3.6 BILAN DU CHAPITRE
3.7 ANNEXE
3.7.1 Rappels sur les matrices d’isométries linéaires
3.7.2 Analyse de l’observabilité d’une source en mouvement rectiligne uniforme, lorsque l’observateur parcourt une trajectoire composée d’un ou deux legs
3.7.3 Caractérisation de la trajectoire d’une source en mouvement rectiligne uniforme à azimut constant lorsque l’observateur a une trajectoire en deux legs (ou défilement angulaire nul)
CONCLUSION

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