La théorie de l’identité personnelle chez Paul Ricœur

La théorie de l’identité personnelle chez Paul Ricœur

Le cadre conceptuel dans lequel Ricœur déploie sa théorie de l’identité personnelle, c’est la distinction entre identité comme mêmeté et identité comme soi (ipséité). La mêmeté évoque le caractère du sujet dans ce qu’il a d’immuable, à la manière de ses empreintes digitales, alors que l’ipséité renvoie à la temporalité, à la promesse, à la volonté d’une identité maintenue en dépit du changement : c’est l’identité dans sa traversée des épreuves du temps et du mal  . Ma thèse, dit-il, « est que bien des difficultés qui obscurcissent la question de l’identité personnelle résultent du manque de distinction entre les deux usages du terme identité »  . Ainsi, pour Ricœur, les deux grandes figures, les deux dimensions essentielles de l’identité sont la mêmeté et l’ipséité. Ces deux figures ont chacune ses spécificités propres. Il s’agira donc de prendre la mesure de ces visages de l’identité pour voir leur implication, leur articulation.

L’identité-idem : la mêmeté 

Le concept

Le concept « même » est défini dans le Dictionnaire Encyclopédique Larousse comme étant « un principe invariant de la pensée » qui, placé entre l’article et le nom, indique l’identité ou l’égalité. Ceci explique peut-être pourquoi Voltaire, le premier, a voulu le dériver sous la forme de « mêmeté » pour exprimer en son temps la notion d’identité. Paul Ricœur reprend ce concept de « mêmeté », mais en lui donnant un appui grammatical plus consistant dans le langage, pour en faire l’expression d’une signification majeure de l’identité. Lorsqu’on parle de l’identité, il y a toujours un rapport à la temporalité ce qui fait que l’identité-idem se conçoit comme ce que le temps laisse perdurer à une substance. Cette considération permet d’appliquer la mêmeté aussi bien aux personnes qu’aux choses. De fait, « les (autres) choses, toutes données et manipulables, peuvent être dites mêmes, au sens identité-idem »  . Pour ce qui, spécifiquement, est de son usage relatif à l’identité de la personne, l’auteur met en exergue ce qu’il y a de permanent en elle dans le temps. Ainsi, la mêmeté se définitelle comme étant l’ensemble des dispositions psychosociales par lesquelles on reconnaît un individu comme étant le même dans le temps. On pourrait même dire que la mêmeté est de l’ordre de l’objectivité commune puisqu’elle se définit aussi à travers les traits et des caractéristiques phénoménologiquement perceptibles. Elle se fonde sur la possibilité d’identifier un certain nombre de caractéristiques qui restent constantes dans un individu et qui permettent de le reconnaître après un espace de temps plus ou moins important. C’est de l’homme en tant que « simple échantillon de l’espèce »  qu’il est question et non de la personne capable d’un retour à soi-même. La mêmeté inclut plusieurs figures de l’identité qui interviennent dans les processus d’identification ; et Ricœur de dire que « la mêmeté est un concept de relation et une relation de relations »  .

Les figures de l’identité-mêmeté 

Nous pouvons dénombrer trois figures de l’identité-mêmeté dans les analyses de Ricœur comme devant servir dans les processus d’identification. La première est l’«identité numérique » qui a comme principe l’ « unicité ». Ricœur lui fait correspondre l’opération d’identification « entendue au sens de réidentification du même, qui fait que connaître c’est reconnaître : la même chose deux fois, n fois »  . La deuxième est l’ « identité qualitative » encore appelée « ressemblance extrême ». Celle-ci se fonde sur le fait qu’une substitution entre deux entités tellement semblables est possible sans qu’il n’y ait pour autant de perte sémantique. Ainsi deux choses qualitativement identiques seraient la même chose deux fois. C’est la ressemblance extrême. Le contraire ici est « différent ». A ces deux figures traditionnelles de l’identité qui renvoient à « la similitude » il faut ajouter une troisième qui puisse permettre à la mêmeté de s’appliquer non seulement aux choses mais aussi aux individus. Cette troisième figure est « la continuité ininterrompue du changement ». L’homme étant un être en perpétuel changement du fait de la croissance, son processus d’identification nécessite que l’on tienne compte du phénomène de vieillissement. Il représente un facteur non négligeable de dissemblance et par implication de diversité numérique. L’exemple de Ricœur sur l’identification des agresseurs par leurs victimes ou des criminels de guerres dont les actes remontent à une distance importante dans le temps illustre bien la nécessité de considérer « la continuité ininterrompue entre le premier et le dernier stade de développement de ce que nous tenons pour le même individu » . Cela limiterait la possibilité pour un accusé, présenté à la barre du tribunal, de contester qu’il est le même que celui qui est incriminé.

L’identité de l’individu soumise aux critères de similitude et de continuité ininterrompue, devrait donc prendre en compte le facteur « temps » qui est une source non négligeable de dissemblance, d’écart et de différence. Cette menace du temps qui, sans cesse, pèse sur l’identité ne peut être entièrement conjurée selon Ricœur que si l’on pose, à la base de la similitude et de la continuité ininterrompue du changement, « un principe de permanence ininterrompue dans le temps ». Un individu qui subit des changements de toutes sortes dans le temps maintient, malgré tout, une structure invariable telle un engin dont on a remplacé toutes les pièces mais qui reste le même. C’est le cas par exemple du code génétique, support matériel des caractères héréditaires, qui maintient constant le système combinatoire des gènes tout au long de la vie et qui, dans certains cas, peut servir à l’identification de l’individu. C’est comme une structure stable.

Cette idée de structure répond au critère d’identité et confirme son caractère relationnel au sens kantien où la substance est classée parmi les catégories de la relation en tant que « condition de possibilité de penser le changement comme arrivant à quelque chose qui ne change pas, du moins dans le moment de l’attribution de l’accident à la substance ». En effet, Kant considère dans son ouvrage Critique de la raison pure que : « tous les phénomènes contiennent quelque chose de permanent (substance) considéré comme l’objet lui-même, et quelque chose de changeant, considéré comme une simple détermination de cet objet, c’est-àdire d’un mode d’existence de l’objet »  .

L’analyse conceptuelle de la mêmeté fait apparaître le caractère relationnel de la substance constitutive de toute chose existante.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I – La théorie ricœurienne du sujet
1. -Le Cogito exalté
2. Le Cogito brisé
3. Des philosophies du sujet à l’herméneutique du soi
Chapitre II – La théorie de l’identité personnelle chez Paul Ricœur
1. L’identité-idem : la mêmeté
1.1. Le concept
1.2. Les figures de l’identité-mêmeté
2. L’identité-ipse : l’ipséité
2.1. Le concept
2.2. Les niveaux d’interprétation du soi
3. Point de convergence de la mêmeté et de l’ipséité
3.1. Le caractère de la mêmeté
3.2. La promesse du soi
Chapitre III – L’identité narrative
1. La constitution du soi et l’identité narrative
2. La dialectique de l’ipséité et de l’altérité
3. L’identité narrative ou la finitude en creux
Chapitre IV – Contingences et limites de la théorie de l’identité personnelle de Ricœur
1. Quelques orientations de l’éthique de Levinas
2. La notion de récit chez Levinas
3. Etre soi-même avec et pour l’autre
Conclusion générale
Références bibliographiques

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