La théorie antispéciste, résultante et source de nouveaux enjeux épistémologiques

La théorie antispéciste, résultante et source de nouveaux enjeux épistémologiques

L’antispécisme dans le champ de la recherche : fondements théoriques et nouvelles perspectives

Le mot « vegan » a été crée en 1944 par Donald Watson, fondateur de la Vegan Society anglaise. Le terme « vegan » commence par le « veg » de « vegetarian » et termine par la fin du même mot « an » car le véganisme est la continuité logique du végétarisme. S’opposant à la Vegetarian society, la Vegan Society prône l’adoption d’un mode de vie sans aucune exploitation animale. Le refus de l’exploitation animale se traduit par une alimentation végétalienne excluant tous produits animaux (viande, poisson, produits laitiers, œufs, miel), par un rejet des matières issues d’animaux (cuir, fourrure, laine) et par un boycott des loisirs impliquant la domination de l’humain-e sur l’animal (cirques, delphinarium, zoos).

« Le Véganisme est une philosophie et une façon de vivre qui cherche à exclure, autant qu’il est pratiquement possible, toutes les formes d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but ; et par extension, le véganisme soutient et encourage le développement et la mise en oeuvre d’alternatives sans utilisation d’animaux, pour le plus grand bien des êtres humains, des animaux et de l’environnement ». WATSON, 1944, in www.vegan france.fr .

Le mot s’écrit selon plusieurs possibilités en français : l’anglicisme « un vegan », « une vegan », « des vegan » ; le français genré « un végan », « une végane », « des végans » ; et l’écriture épicène « un végane », « une végane », « des véganes ». L’écriture épicène est adoptée et défendue par une grande majorité des associations véganes telles que L214, la Société Végane de France et l’Association Sentience. Franciser le terme permet une appropriation du mot et de la lutte qui y est liée. La francisation intègre le mot dans la langue française et donc dans le système de représentations. L’écriture épicène ne fait pas de distinction de genre et est donc non discriminatoire. Cette orthographe facilite ainsi la construction de textes féministes en allégeant l’écriture militante. Le terme « véganisme » est entré dans les dictionnaires Le Petit Robert (2015), Hachette (2013) et Larousse (2015)3. La présence du mot dans les dictionnaires permet de rendre la cause plus accessible et d’améliorer la prise en considération du mouvement végane .

Les courants philosophiques de l’antispécisme : débats et conclusions

Le spécisme est défini comme une forme de discrimination basée sur l’espèce. L’exploitation des animaux et le carnisme seraient justifiés par la soi-disant supériorité de l’humain-e sur les autres animaux non humains. En effet, la thèse antispéciste rappelle que l’humain-e est un animal, chaque animal étant un individu aux intérêts propres. Il n’existe pas de frontière définie entre les animaux humains et les animaux non humains mais une continuité. Ce n’est pas une différence de nature qui distingue ces groupes mais bien une différence de degré.

« Le spécisme est à l’espèce ce que le racisme et le sexisme sont respectivement à la race à au sexe : la volonté de ne pas prendre en compte (ou de moins prendre en compte) les intérêts de certains au bénéfice d’autres, en prétextant des différences réelles ou imaginaires mais toujours dépourvues de lien logique avec ce qu’elles sont censées justifier. » Texte inscrit sur toutes les couvertures trimestrielles de la revue Cahiers Antispécistes, créée en 1991.

La théorisation de l’antispécisme relève de la philosophie morale et de la bioéthique. L’ouvrage ayant développé le mouvement antispéciste est celui du philosophe australien Peter Singer : La libération animale, publié en 1975. Le véganisme et l’antispécisme existaient avant la publication du livre mais Peter Singer permis une diffusion du mouvement dans le champ de la recherche et donc une légitimation de celui-ci. La libération animale constitue l’ouvrage de référence de l’éthique animale contemporaine. Vendu à plus d’un million d’exemplaires et traduit dans une vingtaine de langues, La libération animale doit son succès au contexte de développement de l’élevage industriel et de sa remise en question tant pour des questions éthiques qu’environnementales. Le livre est militant, l’écriture pédagogique et l’appui sur des faits empiriques doivent avoir un impact sur lecteur.

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (2012)  explique dans la présentation de l’édition française :

« L’éthique animale, qui peut être définie comme l’étude de la responsabilité morale des hommes à l’égard des animaux, consiste notamment à se demander quel est leur statut moral, si nous avons des devoirs envers eux, s’ils ont des droits, si le fait de les exploiter est moralement acceptable, si nous pouvons les tuer et les faire souffrir pour nous nourrir, nous vêtir, tester nos médicaments et nos cosmétiques, ou même nous divertir ». p.21

L’éthique appliquée ou normative se décline selon plusieurs positions : le conséquentialisme, le déontologisme et l’éthique de la vertu. L’éthique de la vertu évalue le caractère moral de l’agent et son intention. Le déontologisme dicte des lois morales universelles, les actes auraient une valeur intrinsèquement bonne ou mauvaise indépendamment des sujets et des conséquences. Le conséquentialisme prend en considération uniquement les conséquences de l’acte. Les actes ne sont ni bons ni mauvais en valeur absolue mais ils entrainent des conséquences bonnes ou mauvaises. Une action est bonne lorsqu’elle produit les meilleures conséquences.

L’utilitarisme des préférences ou la prise en compte des intérêts pour l’égalité animale

Peter Singer adopte une position utilitariste issue du conséquentialisme : « une action est bonne lorsqu’elle maximise le plaisir ou la satisfaction des préférences de l’ensemble des individus concernés » (Jeangene Vilmer,2012). Pour justifier sa position utilitariste envers les animaux humains et les animaux non humains, Peter Singer explique que tous les intérêts sont égaux au delà de la barrière érigée par le spécisme. L’auteur milite donc pour l’égalité animale et l’inclusion des animaux non humains dans la « sphère de considération morale ». Certes les humain-e-s sont différents des autres animaux mais ces différences ne justifient en rien une inégalité de considération des intérêts. « L’égalité est une idée morale, et non l’affirmation d’un fait. Il n’y a aucune raison logiquement contraignante pour supposer qu’une différence de fait dans les aptitudes de deux personnes justifie une quelconque différence dans la qualité de considération à apporter à leurs besoins et à leurs intérêts » (Singer, 1975, p.38). Peter Singer insiste sur l’intérêt à vivre de chaque individu, cet intérêt serait partagé par les animaux humains et les animaux non humains. L’intérêt à vivre est lié à la sensibilité des animaux. Cette pensée était celle de Jeremy Bentham (1780, cité in Singer, 1975, p.30) : « La question n’est pas « peuvent-ils raisonner ? », ni « peuvent-ils parler ? », mais « peuvent-ils souffrir ? »5». Les animaux non humains ont des intérêts parce qu’ils sont sensibles ; et parce qu’ils sont sensibles ils doivent avoir accès la sphère de l’égalité. L’appartenance à une espèce n’est pas moralement pertinente dans la non prise en compte des intérêts des individus sensibles. Peter Singer présente le concept de Sentience dans La libération animale comme étant la capacité d’éprouver des choses subjectivement et d’avoir des expériences vécues. La sentience est donc la faculté de sentir, de penser et d’avoir une vie mentale subjective. Ce concept fonde l’éthique animale : c’est la sentience, et non l’appartenance à l’espèce humaine, qui fonde le statut moral d’un être. Dans son raisonnement, Peter Singer développe l’utilitarisme des préférences en différenciant les êtres ayant conscience d’eux-mêmes et les êtres simplement conscients. La maximisation des préférences propre à l’utilitarisme peut être envisagée selon la « prior existence view » ou la « total view ». La « prior existence view » maxime les préférences selon les êtres déjà vivants tandis que la « total view » examine la globalité des intérêts selon les êtres potentiels. Peter Singer explique que les individus conscients d’eux mêmes ne sont aucunement remplaçables car leur intérêt à vivre et bien supérieur à celui d’un être n’existant pas encore ou n’ayant pas conscience de lui même. Cette théorie permet aussi de ne pas assimiler l’antispécisme au mouvement pro-vie. L’œuvre de Peter Singer a été appropriée, interrogée, et parfois contestée par les antispécistes. La libération animale reste un des textes fondateurs du mouvement.

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Table des matières

Introduction
Méthodologie et réflexivité
Méthodologie
Théorie et langage
Une partie théorique importante mais nécessaire
Langage
Pratiques du terrain
Observation participante
Exploration des lieux
Réflexivité
Positionnement et engagement
Engagement végane et évolution personnelle au cours de la recherche
Enquêté.e.s et Amitiés
Partie 1 La théorie antispéciste, résultante et source de nouveaux enjeux épistémologiques
Chapitre 1 : L’antispécisme dans le champ de la recherche : fondements théoriques et nouvelles perspectives
1- Les courants philosophiques de l’antispécisme : débats et conclusions
1-1 L’utilitarisme des préférences ou la prise en compte des intérêts pour
l’égalité animale
1-2 L’approche déontologique de l’éthique ou les droits des animaux non humains
1-3 L’émergence de la littérature antispéciste en France
2- Les Critical Animal Studies ou l’élargissement de l’antispécisme à d’autres disciplines
2-1 L’étude scientifique des rapports entre espèces animales non humaines et espèce humaine : Les Animal Studies
2-2 Le véganisme scientifique défendu par les Critical Animal Studies
2-3 Les principes fondateurs des critical animal studies
Chapitre 2 Véganisme et géographie : réflexions, sujets et enjeux
1- La théorie antispéciste dans l’épistémologie de la géographie
1-1 Animaux non-humains en géographie : évolution des représentations, du naturalisme à l’antispécisme
1-2 Critiquer l’idée de Nature : un objectif antispéciste et géographique
1-3 Le discours antispéciste comme composante de la géographie postmoderniste
2- Les nouvelles géographies antispécistes : entre espaces, discours et pouvoir
2-1 La déconstruction d’un discours socialement construit sur les animaux non humains
2-2 Espaces imposés, résistance et lieux hybrides
2-3 L’antispécisme comme conséquence et catalyseur d’une réflexion éthique en géographie
3- Le véganisme : géographie d’un mouvement social, de ses spatialités à plusieurs échelles et de ses représentations
3-1 Géographie des commerces : spatialisation du véganisme à Paris et analyse des discours commerciaux
3-2 Le mouvement social végane invite à développer une géographie du quotidien et de l’intime
Chapitre 3 Féminisme et antispécisme : apports théoriques croisés pour une convergence idéologique
1- Emergence du mouvement animaliste : contextualisation et acteurs
1-1 Le militantisme suffragiste au Royaume-Uni
1-2 Le suffrage universel français et l’inclusion tardive des femmes
1-3 L’émergence du mouvement animaliste dans les mouvements suffragistes
2- « Le personnel est politique » : rapports de domination et imbrications du véganisme et du féminisme
2-1 Viande et rapports de genre
2-2 Des oppressions interconnectées
2-3 L’influence de la pensée féministe sur la théorisation de l’antispécisme
3- L’écoféminisme : une théorie végane féministe
3-1 L’approche intersectionnelle et l’éthique du care comme fondements
3-2 De nouveaux paradigmes impliquant une nouvelle réflexivité
3-3 Une nouvelle géographie du genre
Partie 2 Les lieux véganes Parisiens : marqueurs visibles d’une communauté pour un « soft militantisme » du quotidien
Chapitre 1 Les lieux parisiens du véganisme
1- Les commerces liés au corps végane : consommation et sociabilité
1-1 Place du véganisme dans les supermarchés
1-2 La mise en réseau des restaurants véganes
1-4 Les commerces proposant des produits cosmétiques véganes
2- Paris comme capitale du débat et du rassemblement végane
2-1 Les lieux de rassemblement et de loisirs véganes
2-2 Les conférences Vegan Folie’s dans le 2ème arrondissement
Chapitre 2 Discours et systèmes de représentation dans les restaurants véganes
1- Cartographie des restaurants véganes ou « véganes friendly » à Paris
1-1 L’émergence d’un « Veggie Town »
1-2 Répartition des restaurants véganes
Figure 12 : Les restaurants véganes et « véganes friendly » à Paris. Source :
carte réalisée avec Cartes et Données
Figure 13 : Carte des restaurants véganes, véganes friendly à Paris. Réalisée sur Acrgis (avec l’aide de N. Kiszelnik)
2- Représentations idéelles et matérielles des restaurants véganes
2-1 Le restaurant végane entre « géosymbole » et « hétérotopie »
2-2 La portée symbolique du titre d’un restaurant
2-3 Les « vitrines » de restaurants comme « emballages discursifs » du véganisme
3- Analyse de trois « types » de restaurants véganes : la brasserie parisienne, le restaurant « exotique » et le restaurant « bien-être »
3-1 La brasserie parisienne
3-2 Le restaurant « exotique »
3-3 Le restaurant « bien-être »
Conclusion

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