La surdité est un trouble périphérique qui s’accompagne de déficits centraux

La surdité est un trouble périphérique qui s’accompagne de déficits centraux

L’utilisation de l’implant a des bénéfices perceptifs mais ne corrige pas complètement la perception de l’enfant sourd

L’implant cochléaire améliore considérablement l’audition, mais ne permet pas d’atteindre les performances d’une audition normale. En effet, le problème majeur est qu’il ne restitue pas l’intégralité des composantes du son. Le son peut être décomposé en deux dimensions : les modulations temporelles et les modulations fréquentielles. L’implant donne accès à l’information temporelle, mais plus difficilement à l’information fréquentielle (Lorenzi, Gilbert, Carn, Garnier, Moore 2006). Cette transmission imparfaite affecte le développement de la communication chez les enfants implantés cochléaires (Huotilainen, Tervaniemi 2018). Ils ont une intelligibilité moins bonne que les enfants normo-entendants (Niparko, 2010), même si leurs scores ne sont parfois que faiblement chutés (Montag, 2014). Il existe aussi des répercussions sur le plan expressif (Niparko, Tobey, Thal, Eisenberg, Wang, 2010).

Le déficit de perception pénalise le développement du langage

On constate que les compétences lexicales sont déficitaires chez les enfants implantés. Leurs difficultés se situent principalement en compréhension, lorsque cela nécessite une discrimination phonologique importante. La production lexicale reste quant à elle d’un niveau similaire à celui d’enfants normo-entendants du même âge (Caselli, Rinaldi, Varuzza, Giuliani, Burdo 2012). Les compétences syntaxiques sont également déficitaires, notamment la compréhension et la production de la grammaire (Caselli et al., 2012). Ils peinent à s’appuyer sur le contexte de la parole et ont ainsi tendance à traiter les phrases indépendamment les unes des autres. Les schémas grammaticaux du langage oral ne sont pas traités correctement, ce qui altère la compréhension globale. Cela est corrélé à leur mauvaise intégration de l’information séquentielle dans le langage parlé (Conway, Deocampo, Walk, Anaya, Pisoni, 2014).

La surdité entraîne également des répercussions centrales

Au-delà des conséquences perceptives, la surdité impacte également des fonctions cognitives. Les différentes fonctions ne se développent pas indépendamment les unes des autres : un déficit sensoriel dans les premières années de vie a des répercussions sur le développement des capacités neurocognitives et de certaines fonctions cérébrales (Kronenberger, Henning, Ditmars, Roman, Pisoni, 2018). On constate que plusieurs domaines sont touchés, comme l’attention auditive ou les fonctions exécutives telles que l’inhibition et l’autorégulation (Conway, Pisoni, Kronenberger, 2009). Une fonction cognitive très importante est également impactée, la mémoire de travail. Cette fonction est d’autant plus intéressante qu’elle présente des liens étroits avec les compétences langagières. Le déficit de mémoire de travail chez les enfants sourds pourrait expliquer en partie leurs déficits au niveau du langage.

La mémoire de travail, déficitaire dans la surdité, est une fonction cognitive multiple, intimement liée au langage

D’après le modèle de Baddeley, la mémoire de travail est composée de 4 sous-systèmes

La mémoire de travail est une fonction cognitive associée à deux capacités. Elle permet de stocker temporairement l’information et de la manipuler. Elle permet, par exemple, de retenir un numéro de téléphone tout en réalisant une autre action avant de pouvoir le noter, ou bien de maintenir les informations lors d’une lecture de texte et de les agencer entre elles pour comprendre le texte dans son ensemble. La mémoire de travail possède donc une place importante au quotidien. Le modèle de mémoire de travail le plus utilisé est celui de Baddeley, publié pour la première fois en 1974 (Baddeley, 1974), et régulièrement mis à jour (Baddeley, 2003b).

Dans ce modèle , la mémoire de travail constitue un interface entre l’information perçue et la mémoire à long terme. Elle est composée d’un administrateur central et de trois sous-systèmes : la boucle phonologique, le tampon ou buffer épisodique et le calepin visuo-spatial. Ces trois sous-systèmes interagissent eux-mêmes avec la mémoire à long terme mais sont indépendants les uns des autres. En effet, certains patients avec lésions cérébrales ont un déficit spécifique d’un des sous-systèmes sans que les autres soient atteints (Baddeley, 2012).
1. Le buffer épisodique possède principalement un rôle de stockage avec une capacité limitée.
2. Le calepin visuo-spatial intervient lors de la rétention et la manipulation d’informations visuelles et spatiales. Il permet de retenir par exemple les différents déplacements d’un objet sur un plan et de les reproduire (Baddeley, 2012).
3. La boucle phonologique est la partie de la mémoire de travail sur laquelle on possède le plus d’informations. Elle se caractérise par un processus appelé articulation mentale. L’articulation mentale est une articulation interne et silencieuse des items à restituer qui permet de les maintenir en mémoire. La boucle phonologique est par ailleurs définie par plusieurs effets, différents mécanismes qui caractérisent son fonctionnement. L’effet de similitude phonologique correspond au fait de retenir plus facilement une série d’items avec des ressemblances phonologiques. C’est un témoin important de l’implication de la boucle phonologique lors de tests de mémorisation. L’effet de longueur traduit une diminution des performances d’un individu lors d’une restitution de mots face à l’augmentation de la longueur de ces mots. Cela est lié au temps nécessaire à l’articulation mentale de ces mots, qui est plus important.
4. L’administrateur central a un rôle de superviseur sur les trois sous-systèmes. Il gère l’attention, c’est à dire la répartition des ressources attentionnelles nécessaires à la tâche. Il hiérarchise également les tâches en fonction de leur difficulté, de leur priorité et de leurs besoins attentionnels.

La mémoire de travail est fortement liée aux capacités de langage

Au sein de la mémoire de travail, la boucle phonologique présente un lien tout particulier avec le langage. C’est elle qui gère les items à composante verbale, lorsque la mémoire de travail est impliquée dans un contexte langagier (Baddeley, 2003). Plusieurs études (voir Baddeley, 1998 pour une revue de la littérature) montrent que la boucle phonologique a un rôle facilitateur lors de l’acquisition du langage et notamment lors de l’apprentissage de nouveaux mots. Un bon fonctionnement de la mémoire de travail apparaît comme un prérequis important au développement du langage. Il faut notamment pouvoir utiliser sa mémoire de travail pour comprendre une phrase complexe, avec plusieurs propositions relatives imbriquées par exemple. Il existe une corrélation entre les scores de mémoire de travail et le niveau de vocabulaire qui suggère que de bons scores de mémoire de travail influencent positivement le niveau de vocabulaire (Akçakaya, Aslan, Doğan, Yücel, 2018). Toutefois, il est difficile d’établir un lien causal direct, car d’autres facteurs pourraient entrer en jeu. L’intelligibilité de la parole est également à mettre en lien avec la mémoire de travail, elle en est un bon prédicteur (Castellanos, Kronenberger, Beer, Henning, Colson, 2014). Il existe une corrélation entre les scores d’intelligibilité et ceux d’empan de chiffres (Montag, AuBuchon, Pisoni, Kronenberger 2014, Pisoni & Geers, 2000). Des liens ont également été établis entre la mémoire de travail et les compétences en lecture (Baddeley 2012, Pisoni & Geers, 2000). Enfin, d’après une méta-analyse de Daneman (Daneman & Merikle, 1996) les scores de mémoire de travail prédisent les scores en compréhension du langage et ils sont corrélés aux mesures de perception de la parole (Pisoni & Geers, 2000).

Les tests d’empan mettent en évidence des performances différentes entre les enfants sourds et normo-entendants, mais il est difficile d’en identifier la source

Les enfants implantés présentent des scores plus faibles que les enfants normo-entendants dans des tests de mémoire de travail

La mémoire de travail est testée chez les enfants à l’aide de l’épreuve d’empan de chiffres de la WISC (Echelle d’Intelligence de Wechsler pour Enfants). Dans cette épreuve, l’enfant entend une série de chiffres qu’il doit ensuite restituer, à l’oral, à l’endroit ou à l’envers. Le nombre de chiffres dans la série augmente jusqu’à atteindre la limite des capacités de l’enfant et rendre la restitution impossible. Le nombre d’items de la dernière série réussie correspond à un score, qu’on appelle “empan” mnésique.

La majorité des études montre que les scores d’empan des enfants sourds sont plus faibles que ceux des enfants normo-entendants. En utilisant la WISC, les différentes équipes ayant mené ces recherches trouvent systématiquement et à tout âge, un déficit d’environ 1 à 2 items d’empan (Pisoni, Kronenberger, Roman, Geers, 2011, Aubuchon, Pisoni, Kronenberger 2015, Burkholder & Pisoni, 2003, Fagan, Pisoni, Horn, Dillon, 2007). A titre d’exemple, Pisoni (2011), dans son étude regroupant 112 enfants implantés cochléaires, obtient un score d’empan moyen de 4.05 chez les enfants implantés alors que le score d’empan moyen des enfants normo-entendants dans la WISC est de 5.5. En 2003, Pisoni et Cleary confirment ces résultats et montrent que les mesures d’empan sont stables dans chacun des quatre groupes d’enfants implantés testés (176 enfants en tout, entre 8 et 9 ans), avec un empan endroit toujours supérieur à l’empan envers (Pisoni & Cleary 2003). On constate par ailleurs que les enfants implantés sont plus lents pendant l’épreuve d’empan de chiffres, ils font des pauses plus longues entre chaque chiffre restitué (Burkholder, Rose, Pisoni, 2005).

L’utilisation du test d’empan de chiffres pour évaluer la mémoire de travail pourrait pénaliser à tort les enfants implantés

Lors du test d’empan de la WISC, l’information à retenir – des chiffres – est verbale (Pisoni et al. 2003, 2011). D’après le modèle de Baddeley, cela suggère que c’est principalement la boucle phonologique qui est impliquée, notamment via le mécanisme de l’articulation mentale. Or la surdité engendre un déficit des compétences verbales comme mentionné précédemment. De plus, l’entrée de l’information est auditive. Il est alors assez difficile d’être sûr que les items sont bien perçus par les enfants sourds et que ce n’est pas une mauvaise discrimination auditive qui fait chuter leurs résultats. Des études ont tenté de répondre à ces problèmes en présentant un empan de chiffre sur modalité visuelle, par exemple en faisant apparaître les chiffres sur un écran d’ordinateur. Les résultats des enfants implantés demeurent plus faibles que ceux des normo-entendants (Aubuchon et al., 2015). Cependant, l’utilisation de chiffres, malgré la présentation visuelle, continue d’engendrer l’utilisation de la boucle phonologique car cela reste du matériel verbal, qui pourrait faire chuter les résultats des enfants implantés.

Par ailleurs, lorsque la tâche est purement visuo-spatiale, leurs résultats approchent ceux des enfants normo-entendants (Aubuchon, Pisoni, Kronenberger, 2019).

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Table des matières

Introduction
La surdité est un trouble périphérique qui s’accompagne de déficits centraux
L’utilisation de l’implant a des bénéfices perceptifs mais ne corrige pas complètement
la perception de l’enfant sourd
Le déficit de perception pénalise le développement du langage
La surdité entraîne également des répercussions centrales
La mémoire de travail, déficitaire dans la surdité, est une fonction cognitive multiple, intimement liée au langage
D’après le modèle de Baddeley, la mémoire de travail est composée de 4 sous-systèmes
La mémoire de travail est fortement liée aux capacités de langage
Les tests d’empan mettent en évidence des performances différentes entre les enfants
sourds et normo-entendants, mais il est difficile d’en identifier la source
Les enfants implantés présentent des scores plus faibles que les enfants
normo-entendants dans des tests de mémoire de travail
L’utilisation du test d’empan de chiffres pour évaluer la mémoire de travail pourrait
pénaliser à tort les enfants implantés
Le test d’empan de chiffres se concentre principalement sur les capacités de stockage,
au détriment de l’étude détaillée des différents sous-systèmes
Rationale
Matériel et méthodes
Population
Protocole
Stimuli
Statistiques
Résultats
L’effet de la modalité de présentation n’est pas significativement différent chez les enfants implantés et chez les normo-entendants
L’effet de la longueur des séquences proposées n’est pas significativement différent chez les enfants implantés et chez les normo-entendants
L’effet de la complexité des séquences proposées n’est pas significativement différent chez les enfants implantés et chez les normo-entendants
Discussion
Conclusion
Bibliographie

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