La stratégie européenne de développement des biocarburants

Des biocarburants européens aux origines diverses, qui n’ont pas tous profité du même
développement

On peut définir les biocarburants comme « l’ensemble des carburants et combustibles liquides, solides ou gazeux produits à partir de la biomasse et destinés à une valorisation énergétique dans le transport et le chauffage » (Ministère de la Transition Ecologique, 2020). On distingue en Europe 3 filières de carburants : essence, gazole et gaz ; distincts par la nature de la matière première : respectivement ester ou huile, alcool et gaz.
Le biocarburant essence (bioéthanol) est le plus utilisé à l’échelle mondiale du fait de la prédominance des moteurs à essence. Néanmoins, à cause de la prédominance des moteurs diesels dans le parc automobile européen, les biocarburants diesels représentent 82% des biocarburants consommés en Europe (EurObserv’ER, 2019). Pour cela, dans ce rapport, nous restreindrons notre attention à la filière des biocarburants gazoles, regroupés sous l’appellation «biodiesels».
Il existe actuellement 3 générations de biocarburants définies selon l’origine de la matière première utilisée :
Les biocarburants de 1ère génération. Ils sont appelés pour la filière diesel, «biodiesels conventionnels» et sont élaborés à partir d’huiles végétales d’origine agricole (Ministère de la Transition Ecologique, 2020). Suivant le traitement que subit l’huile végétale, on dissocie 2 types de biodiesels conventionnels :
Les biodiesels EMHV (Esters Méthyliques d’Huile Végétale) produits grâce à la transestérification de l’huile végétale, sont les premiers biocarburants utilisés dans le secteur des transports en Europe (leur développement date des années 1990). la réaction de transestérification produit des co-produits (tourteau et glycérine) qui peuvent être réutilisés dans d’autres industries (respectivement alimentation animale et secteur des cosmétiques notamment) (Beauvais et al., 2020). Les EMHV ne peuvent pas être utilisés seuls dans un moteur diesel, ils sont utilisés en mélange avec un gazole d’origine fossile (Ministère de la Transition Ecologique, 2020).
Les biodiesels HVO (Huiles végétales hydrotraitées) produits grâce à l’hydrotraitement2 des huiles végétales. Les biodiesels HVO ont une structure chimique très proche du gazole fossile, celui-ci peut être mélangé en plus forte proportion qu’un gazole EMHV dans un moteur classique pouvant aller jusqu’à une utilisation de biodiesel HVO pur. Aujourd’hui le marché des biodiesels HVO est moins développé que celui du biodiesel EMHV, mais il pourrait se développer pour traiter des huiles de qualité moins noble comme par exemple des huiles alimentaires usagées (HAU) (Ministère de la Transition Ecologique, 2020).

Politiques européennes de soutien aux biocarburants avancés et évolution de l’utilisation de
déchets dans les biodiesels

Face aux limites des biocarburants de 1ère génération, l’Europe a réorienté sa stratégie, en diminuant le rôle des biocarburants de 1ère génération et en soutenant le développement des biocarburants issus de déchets. En effet, en 2016, la Commission Européenne soulignait dans une communication officielle intitulée « Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions » la place des biocarburants avancés dans cette stratégie à moyen terme (Commission Européenne, 2016).

Les biocarburants avancés soutenus par les politiques européennes

Suite aux limites environnementales des biocarburants de 1ère génération, la première directive à impulser un soutien aux biocarburants avancés est la Directive (UE) 2015/1513 (aussi appelée Directive ILUC (CASI en Français) (Commission Européenne, 2015). Afin de réduire le risque CASI des biocarburants européens, elle limite à 7% la contribution des biocarburants de 1ère génération à l’objectif promu par la directive EnR en 2009. Dans le même temps, cette directive propose un sousobjectif non contraignant : atteindre une contribution de 0,5 % pour les biocarburants avancés d’ici 2017, incombant les EM n’ayant pas atteint cet objectif à le justifier auprès de la commission. En 2018, la refonte de la directive EnR I (Commission Européenne, 2018c), impose aux Etats Membres de l’UE des objectifs contraignants vis-à-vis de l’utilisation des biocarburants avancés tout en limitant l’utilisation de biocarburants de 1ère génération. En effet, la directive (UE) 2018/2001 (dit EnR ou RED II en anglais) adoptée pour la période 2021-2030 fixe un objectif minimum d’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports de 10% d’ici 2020 et de 14% d’ici 2030. La directive limite les biocarburants de 1ère génération en plafonnant leur participation à l’objectif de transport à 7% et en incitant les EM à diminuer l’utilisation de ces biocarburants au-delà du plafond imposé.

Etat des lieux de l’utilisation de matières premières issues de déchets et de résidus de la chaîne de production alimentaire dans les biodiesels européens

Les mandats d’incorporation de biodiesel des Etats Membres associés aux politiques de double comptage ont permis aux biodiesels avancés issus de HAU et de GAF de se développer, prenant une place plus importante dans le mix de carburants des EM. D’après les statistiques d’Eurostat relatives à l’année 2014, la part des biocarburants (compte tenu du double comptage) dans l’utilisation totale de carburants dans les transports, déclarée pour l’ensemble des États membres, avoisinait les 20% .Comme le montre la figure 13, en 2019, les Huiles Alimentaires Usagées étaient la deuxième matière première la plus utilisée dans les biocarburants européens (21% du total des matières premières utilisées), doublant ainsi l’huile de palme. Les Graisses Animales Fondues n’ont pas profité d’une croissance semblable aux HAU, mais leur présence dans le mixte de carburant européen a tout de même profité de la politique européenne ; leur part a doublé d’importance entre 2010 et 2019. S’il n’est pas possible de connaître avec précision la proportion des différentes catégories de GAF dans le carburant consommé en Europe, il semblerait que la politique du double comptage favorise l’utilisation des GAF C1 et C2 pour la production de biodiesel à l’utilisation des GAF C3 qui ne sont pas double comptés (Ecofys, 2012).

La concurrence d’utilisation de la ressource et le risque de déstabilisation des filières

Le risque de déstabilisation des filières causé par les biocarburants repose sur le détournement d’une matière première utilisée dans un secteur A pour sa transformation en biocarburant. Le secteur A ne dispose alors peu ou plus de cette matière première, dont la disponibilité est impactée par son utilisation dans les biocarburants. Cette déstabilisation de filière pourrait être présentée comme le coût d’opportunité du « déchet » utilisé.
Les mesures européennes incitant au développement des biocarburants avancés (détaillées plus haut) ont permis aux matières premières GAF C1 et C2 d’acquérir une valeur marchande importante.
Selon le rapport des consultants du bureau Cerulogy, le premier effet attendu de l’augmentation de l’utilisation des GAF C1 et C2 dans le biodiesel est la réduction de l’utilisation de ces matières premières dans la combustion, remplacées à 75% par le mazout et 25% par du gaz naturel, des matériaux moins onéreux (D. C. Malins, 2017).
La première étude à avoir mis en évidence le risque de déstabilisation de filière porte sur la valorisation de la Graisse Animale Fondue en biocarburants après la mise en place du double comptage. Cette étude a été menée par Ecofys (2012)sous la demande du département des transports anglais.
Grâce à la politique européenne, les GAF C1 et C2 ont acquis une valeur marchande plus importante que les GAF C326. Bien qu’il soit possible de valoriser les GAF C3 en biodiesel, c’est très rarement le cas dans la pratique, car ces dernières ne sont éligibles au double comptage dans aucun pays de l’Union Européenne. Ainsi malgré le prix plus important des GAF C1 et C2, la quantité nécessaire pour répondre aux objectifs de la politique européenne EnR II est de moitié moins importante que la quantité de GAF C3 nécessaire à la réalisation du même objectif. Fort de cet avantage, les GAF C1 et C2 sont très attractifs et certains acteurs peuvent déclasser les GAF C3 par contamination avec des GAF C1 ou C227, augmentant alors la quantité de GAF double comptés. Cette pratique, en divertissant les GAF C3 vers la production de biocarburants est source de la déstabilisation de filières.

Le risque lié aux émissions de gaz à effet de serre indirectes

Une étude par Philips pour la NNFCC, suggère que ces importations peuvent par inadvertance aggraver le changement climatique en augmentant les émissions de GES (au travers d’une déforestation accrue par exemple) (Philips, 2019). Dans cette partie, nous évaluerons les risques liés aux émissions indirectes de GES en lien avec l’incorporation frauduleuse d’huile vierge, à la déstabilisation des filières concurrentes aux biodiesels avancés pour utilisation des HAU et des GAF entraînant le remplacement de ces matières premières par de nouvelles ressources et d’autres émissions indirectement produites par l’augmentation de la demande de biodiesels avancés.

Les émissions indirectes liées à la contamination frauduleuse des HAU

Pour évaluer les émissions GES des biodiesels issus d’HAU et de GAF, la directive EnR II a fait le choix de ne pas prendre en considération les émissions de GES liées à l’amont, c’est-à-dire à la production de la matière première non encore déchet. En effet, en tant que déchets et résidus, il est estimé que ces matériaux ne sont pas produits dans le but d’être transformés en biocarburants mais simplement valorisés en biocarburants. Dans le cadre des HAU où la fraude par contamination d’huile vierge est avérée, cette hypothèse est remise en question. En effet, l’incorporation d’huiles végétales vierges dans les HAU rend pertinente la considération des émissions de GES liées à leur production.
Pour évaluer correctement les émissions attenantes à l’incorporation d’huile vierge dans les volumes de HAU déclarés, il est nécessaire de connaître les quantités et la nature des huiles végétales contaminants les HAU. Or, comme l’ont mentionné dans leur rapport et étude la Cour des Comptes et les consultants de la NNFCC, la fraude est corrélée au manque de traçabilité de la filière des HAU :celle-ci est d’autant moins présente que la chaine d’approvisionnement est longue (Cour des comptes, 2016b; Philips, 2019). Il est donc difficile de produire une analyse fine des émissions indirectes en lien avec cette fraude. Néanmoins, il est intéressant de noter que si l’huile de palme est impliquée dans la contamination frauduleuse des HAU asiatiques, il sera pertinent d’inclure aux émissions des GES des HAU provenant d’Asie, les émissions de GES directes liées à la production de l’huile de palme, mais aussi les émissions GES liées au risque CAS et CASI de cette culture additionnées des émissions GES du transport des HAU d’Asie à l’Europe.

Les émissions indirectes liées à la déstabilisation des filières

Comme nous l’avons vu, les matières premières agricoles peuvent être substituables, en fonction de leurs propriétés chimiques, de leur disponibilité et de leur prix. Ainsi, l’étude des consultants NNFCC met en évidence l’augmentation de l’utilisation de l’huile de palme en Chine pour remplacer les HAU utilisées dans le biodiesel européen (Philips, 2019). En suivant cette hypothèse, l’augmentation de la consommation de biodiesel avancé issu de HAU en Europe augmentera l’utilisation d’huile de palme dans l’alimentation animale en Chine. L’augmentation de la demande en huile de palme pour l’alimentation animale en Chine, entraînera par la suite une augmentation de la production d’huile de palme en Indonésie et/ou en Malaisie30. Ce phénomène participera à favoriser la déforestation (McGrath, 2019) (si l’huile de palme n’est pas produite de manière durable). Les consultants spécialisés sur le climat et l’Energie de ICF international appellent ces émissions, les « émissions de déplacement», il s’agit des émissions supplémentaires qui interviennent lors de la production d’un matériau utilisé pour remplacer une matière détournée par la production de biocarburants (ICF International, 2015).
Pour évaluer les émissions de déplacement liées à la non-disponibilité des HAU dans le secteur de l’alimentation animale en Chine, il est nécessaire d’avoir une vision claire et détaillée de plusieurs points : le secteur de l’industrie dans lequel étaient utilisées les HAU afin d’identifier les différentes huiles végétales qui pourraient les remplacer, ainsi que les émissions liées à la production ces huiles végétales. Les consultants spécialisés de ICF International conseillent dans leur rapport de prendre en compte ces émissions de déplacements si un pourcentage, même limité, de la matière première d’un biocarburant est utilisé dans une application non énergétique (ICF International, 2015). Comme nous l’avons vu, l’importation d’HAU en provenance d’Asie, où les HAU sont utilisées pour l’alimentation animale, sont conséquentes. Il est donc pertinent de prendre en compte ces émissions.

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Table des matières

Introduction
I- Etat des lieux de l’utilisation de biocarburants en Europe : une dominance des biocarburants de 1ère génération
1) Des biocarburants européens aux origines diverses, qui n’ont pas tous profité du même
développement
2) Le développement des biocarburants de 1ère génération grâce au soutien de la politique
européenne à la poursuite d’objectifs agricole, énergétique et environnemental
3) Les limites des biocarburants de première génération
II- Le développement des biocarburants avancés européens issus de HAU et GAF et les opportunités associées
1) Définitions des matières premières « déchet » valorisées en biodiesel avancé : HAU et GAF et
développement des filières de collecte
a) Définitions : HAU et GAF ; matières premières de biodiesels avancés
b) Récupération de ces matières premières – filières de collectes en Europe
2) Intérêts environnementaux, sanitaires et socio-économiques de la valorisation des HAU et
GAF en biodiesels
a) Intérêts environnementaux
b) Intérêts sanitaires
c) Intérêts économiques et sociaux
3) Politiques européennes de soutien aux biocarburants avancés et évolution de l’utilisation de
déchets dans les biodiesels
a) Les biocarburants avancés soutenus par les politiques européennes
b) Etat des lieux de l’utilisation de matières premières issues de déchets et de résidus de la
chaîne de production alimentaire dans les biodiesels européens
III- Les risques liés au développement important des biodiesels avancés issus de résidus et
déchets de la chaîne de production alimentaire
1) Des filières peu développées pour des matières premières convoitées. Une valeur marchande
à la hausse qui favorise le risque de fraude
2) La concurrence d’utilisation de la ressource et le risque de déstabilisation des filières
3) Le risque lié aux émissions de gaz à effet de serre indirectes
a) Les émissions indirectes liées à la contamination frauduleuse des HAU
b) Les émissions indirectes liées à la déstabilisation des filières
c) Les émissions indirectes de GES produites par l’augmentation la production de biodiesels
avancés européens issus HAU et GAF
Conclusion 
Références bibliographiques 

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