La stratégie d’internationalisation de l’Etat du Minas Gerais

Le domaine des relations internationales constitue un champ de réflexion complexe, caractérisé par la diversité des enjeux qu’il soulève, l’amplitude des mécanismes qu’il active, la confusion de la terminologie qu’il sollicite. Depuis plusieurs années voire décennies, ce même domaine a vu émerger de nouveaux acteurs de différentes natures s’affirmant peu à peu comme des maillons importants voire incontournables du système international traditionnel, notamment hérité du traité de Westphalie au milieu du XVIIème siècle ou du Congrès de Vienne en 1815, centré sur le rôle presque exclusif des Etats centraux. Le domaine des relations internationales se trouve actuellement dans une phase de mutation dont l’enjeu principal est son adaptation aux réalités politiques, économiques et culturelles contemporaines, dans un contexte de globalisation en accélération exponentielle. Ces nouveaux acteurs viennent questionner et modifier des mécanismes établis, redistribuant largement les cartes de la diplomatie mondiale. Parmi ces nouveaux acteurs, certains ont d’ores et déjà trouvé une place stable et influente à l’international, bénéficiant notamment d’un système économique et financier dont le libéralisme leur est largement favorable – c’est le cas des entreprises transnationales dont le poids est en croissance constante. D’autres sont encore en quête d’une puissance et d’une influence politiques conséquentes alors que leur légitimité et leurs compétences dans ce domaine ne sont pas toujours reconnues – c’est le cas des gouvernements locaux , dont le rôle international sera analysé dans ce rapport, notamment à travers l’exemple de l’Etat du Minas Gerais au Brésil.

Le traitement d’une telle thématique implique avant toute chose la clarification d’un certain nombre de notions polysémiques afin de définir des axes de réflexion cohérents, d’établir des problématiques pertinentes, de comprendre les enjeux soulevés. En tout premier lieu, les relations internationales constituent en elles mêmes un phénomène pluriel, à dimensions multiples; la diversité des acteurs qui le composent alimente bien souvent une diversité de conceptions, une asymétrie de compréhension des mécanismes et des enjeux traités. Dans la mesure où les gouvernements locaux vont occuper une place centrale de l’analyse à venir, la formule « relations internationales » sera considérée au prisme de ces mêmes acteurs, comme un ensemble d’interactions entre entités de différentes natures (autorités publiques, acteurs privés, membres de la société civile, etc) donnant lieu à des dynamiques coopératives et/ou à des rapports de force éventuellement conflictuels. A cet égard, les gouvernements non centraux présentent une richesse et une complexité unique: ils occupent une position centrale, concrète autant que symbolique, dans la réalisation des actions de coopération internationale. Leur sphère d’action et leurs domaines de compétence leur confèrent une certaine proximité avec les acteurs locaux, alors même qu’ils affichent une ambition globale de plus en plus prononcée. Cette ambition allant parfois à l’encontre des prérogatives traditionnelles des gouvernements centraux, il est possible de parler de « paradiplomatie », formule pouvant couvrir plusieurs significations aux frontières parfois perméables: dans le cas où l’action internationale d’un gouvernement local est en pleine adéquation avec celle de son gouvernement central, elle désigne simplement une forme alternative de diplomatie, caractérisée par des actions de coopération placées sous le contrôle implicite ou formel du gouvernement central; dans le cas où cette action internationale s’affranchit des directives centrales, des conflits peuvent alors apparaître concernant les compétences législatives dont dispose chaque niveau de gouvernement. Le terme « paradiplomatie » désigne donc une réponse au problème posé par les éventuels conflits d’intérêts entre gouvernements centraux et locaux; il constitue aussi un mode d’analyse du constat selon lequel le système diplomatique international est modifié du fait de la présence croissante des gouvernement locaux dans ce domaine. C’est là tout l’enjeu de la coopération décentralisée, phénomène politique et administratif précisément apparu alors que les gouvernements locaux faisaient leur entrée sur la scène internationale. Il consiste à décentraliser le traitement des questions internationales en conférant aux gouvernements locaux une autonomie d’action plus ou moins marquée en matière de coopération internationale, notamment en leur déléguant un certain nombre de compétences juridiques et législatives.

Aussi faut-il insister sur l’importance fondamentale des contextes domestiques dans l’analyse des phénomènes liés au rôle des gouvernements locaux à l’international. Cette diversité des contextes se décline à de nombreux niveaux et influence de manière variable les actions de coopération internationale d’un gouvernement donné. Cette influence peut être directe et concrète lorsque l’on évoque le contexte juridique ou administratif: les compétences dont disposent les administrations locales en matière de relations internationales ne sont pas toujours les mêmes et leur autonomie décisionnelle peut s’en trouver réduite. Cette influence peut également être plus indirecte et moins visible: une économie ou une culture plus ou moins ouverte sur l’extérieur déterminera le degré d’implication des acteurs locaux dans les stratégies politiques internationales mises en place par les autorités publiques locales. En considérant que l’objectif majeur de toute politique publique mise en place par un gouvernement est d’augmenter le niveau de développement de son territoire et de ses acteurs, l’implication de ces derniers est un critère primordial de l’accomplissement de cet objectif. Il faut ainsi garder à l’esprit qu’une stratégie d’internationalisation menée par un gouvernement infranational ne peut être efficace que si elle inclut et implique le maximum d’acteurs sur le territoire (entreprises, associations, établissements publics, population, etc). Établir et reconnaître des différences contextuelles entre les entités qui composent les relations internationales est nécessaire et permet d’expliquer que ces mêmes différences peuvent être à l’origine d’une certaine asymétrie dans les projets de coopération internationale.

Ces constats ne doivent pas pour autant empêcher l’analyse détaillée des mécanismes établis par les gouvernements locaux pour agir et gagner en influence à l’international; au contraire, ils ouvrent des possibilités et des richesses comparatives à la fois pour les administrations elles-mêmes, qui peuvent dès lors mettre en place des échanges de bonnes pratiques ou des projets coopératifs variés, mais aussi pour les travaux d’analyse et de recherche sur le sujet. Ces mêmes travaux illustrent à eux seuls la complexité qui compose la place des gouvernements locaux au sein des relations internationales. Cette question n’est apparue que récemment parmi les travaux universitaires et professionnels traitant des relations internationales et de la diplomatie mondiale. L’effacement progressif des Etats centraux et l’émergence d’acteurs transnationaux n’a pas permis de relever entièrement le défi intellectuel consistant à disperser l’idée selon laquelle les Etats centraux disposent d’une primauté et d’une exclusivité absolue en matière de relations internationales. Cette absence d’unité et de clarté dans les définitions conceptuelles de la participation des gouvernements locaux au système de coopération internationale fait subsister un certain manque de légitimité des praticiens de l’action internationale de ces gouvernements, qui peinent à établir clairement des cadres de réflexion et d’action cohérents. Pour ces praticiens comme au sein des milieux académiques, on distingue deux grandes conceptions relatives au constat de l’émergence des gouvernements locaux à l’international: la première consiste à justifier l’apparition de cette paradiplomatie par l’affaiblissement et le morcellement progressif des Etats centraux, qui ravivent les dynamiques locales sans pour autant faire disparaître des enjeux internationaux reconnus et considérés; la seconde consiste à expliquer la présence de ces nouveaux acteurs par le constat d’une recomposition du système international liée à sa complexification, ce qui ne remet pas en cause le renforcement du poids des Etats centraux au sein de ce même système. Ces deux conceptions reconnaissent néanmoins, l’une comme l’autre, le rôle positif de cette paradiplomatie animée et alimentée par les gouvernements locaux.

A la lumière de ces divers constats, rappelons que ce rapport a pour objectif d’analyser le processus d’internationalisation de l’Etat du Minas Gerais au Brésil, notamment à travers l’exemple de l’usage des Jeux Olympiques et Paralympiques 2016 par son administration gouvernementale. Cette stratégie s’intègre pleinement à la logique définie précédemment, selon laquelle les gouvernements non centraux s’affirment de plus en plus comme des acteurs de poids et d’influence dans le domaine des relations internationales. Les termes choisis marquent le caractère positif et pro-actif de ce processus: il correspond à une stratégie politique définie qu’il s’agira de détailler et de critiquer, en rappelant d’ores et déjà qu’elle est à la fois alimentée et construite par des éléments exogènes et par une volonté politique à évaluer. La compréhension de ce processus implique donc l’étude des particularités du contexte dans lequel il se développe, notamment en ce qui concerne l’environnement institutionnel et administratif qui découle du système fédéral brésilien. Il faudra également s’interroger sur la place précise occupée par les relations internationales au sein des gouvernements infranationaux au Brésil et en particulier au Minas Gerais. Enfin, il semble opportun de signaler que la formule « Etat du Minas Gerais » présente dans l’intitulé du rapport et qui sera fréquemment utilisée désignera ici l’administration publique étatique du Minas Gerais (« Gouvernement de l’Etat du Minas Gerais »); aussi la stratégie étudiée est celle développée par cette même administration dont les politiques de dimension internationale cherchent à impliquer un maximum d’acteurs locaux. La multiplicité des enjeux liés au sujet soulève de nombreuses questions, et l’on pourra ainsi se demander en quoi l’expérience du Minas Gerais est pertinente pour illustrer la restructuration du système de coopération internationale et l’émergence du processus d’internationalisation des gouvernements locaux, en particulier à travers l’utilisation politique des Jeux Olympiques et Paralympiques 2016.

Le cas du Minas Gerais permettra d’insister en premier lieu sur l’essor progressif des gouvernements locaux sur la scène internationale, entraînant ainsi une restructuration du système de coopération internationale (I). Il s’agira ensuite d’étudier l’affirmation fragile de stratégies d’internationalisation par les gouvernements locaux, de nouveau à travers l’exemple de l’Etat du Minas Gerais (II). Un intérêt particulier sera ensuite porté à la question de l’utilisation politique et diplomatique des Jeux Olympiques et Paralympiques, considérés comme un instrument politique et stratégique d’internationalisation (III). Enfin, un chapitre sera consacré à la formulation de plusieurs recommandations tirées des analyses préalables, afin d’optimiser l’efficacité des stratégies d’internationalisation mises en place par les gouvernements locaux, en particulier dans l’Etat du Minas Gerais (IV).

L’émergence des gouvernements locaux comme acteurs internationaux a modifié et modifie en profondeur le système international auparavant strictement axé sur les Etats centraux. Le renouvellement des acteurs, des enjeux et des perspectives liés à ce processus entraîne en tout premier lieu des mutations conceptuelles importantes. Le caractère récent du phénomène et la diversité des enjeux qu’il soulève alimente une terminologie de forte amplitude qui complexifie l’analyse à la fois pour les praticiens des relations internationales et pour les milieux académiques. A mesure qu’il gagne en maturité, ce processus développe et clarifie des concepts lui permettant d’améliorer sa coordination, sa légitimité et sa cohérence. Du cadre de la réflexion à la rhétorique de l’action, il apparaît donc nécessaire de s’interroger sur les caractéristiques de l’émergence internationale des gouvernements locaux.

Les premiers indicateurs significatifs du développement de ce phénomène sont majoritairement apparus au tournant des années 1970-1980, accompagnant un processus interne aux Etats – la décentralisation – qui est néanmoins resté limité à un nombre restreint de pays, et un processus transnational de globalisation intégrant avec plus ou moins de dynamisme les territoires du monde entier. Amplifiés par la fin de la Guerre Froide et de la logique des blocs, ces deux phénomènes placent les gouvernements locaux dans une position politique et institutionnelle centrale dans la mesure où ils établissent des points de contact importants entre les sphères locale et globale qui deviennent réciproquement perméables. Alors que la décentralisation politique et administrative permet la dilution des enjeux et des compétences au sein des structures institutionnelles, notamment sur les questions internationales, la globalisation – que l’on comprend comme un phénomène permettant la transmission de biens, de personnes, de capitaux, de représentations et d’idées au-delà des strictes frontières nationales et à un rythme de plus en plus soutenu – la globalisation augmente l’interdépendance des acteurs internationaux et diversifie l’agenda international. Les gouvernements locaux apparaissent alors comme un espace de synergie et d’interface entre les dynamiques internationales, nationales et régionales. L’absence de fondements idéologiques solides et de définitions précises aux origines du processus d’internationalisation des gouvernements locaux a ainsi été compensé par une logique de pragmatisme et de nécessité contextuelle. En considérant que l’un des objectifs majeurs des gouvernements locaux est de développer le territoire sur lequel il exerce ses compétences et son autorité publique, ces mêmes gouvernements trouvent un intérêt certain à établir et entretenir des actions de dimension internationale pouvant favoriser leur développement. Elles permettent de lier des politiques locales de développement avec une action coordonnée au niveau national et une participation au monde globalisé.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I.L’Etat du Minas Gerais, une illustration de l’essor des gouvernements locaux sur la scène internationale
A.La recomposition du système de coopération internationale: nouveaux acteurs, nouveaux enjeux et mutations conceptuelles
B.L’émergence progressive des questions internationales à l’agenda politique des gouvernements locaux
C.Les spécificités de l’exemple brésilien: l’action internationale des gouvernements locaux au sein du système fédéral de l’Union
Chapitre II.L’expérience de l’Etat du Minas Gerais ou l’affirmation fragile des stratégies d’internationalisation des gouvernements locaux
A.Le contexte favorable du Minas Gerais: l’internationalisation comme accélérateur systématique de développement ?
B.Le statut encore incertain des relations internationales au sein des structures institutionnelles de l’Etat
C. La stratégie d’internationalisation de l’Etat du Minas Gerais: analyse d’une action paradiplomatique instable
Chapitre III.Les Jeux Olympiques et Paralympiques: un instrument politique d’internationalisation des gouvernements locaux
A.Un événement à l’impact unique, une opportunité stratégique d’exception
B.Les Jeux et le Minas Gerais: les outils d’une ambition politique de premier plan
C.Impact et héritages: les Jeux comme vitrine temporaire ou instrument stratégique de long terme ?
Chapitre IV.Recommandations pour le renforcement du processus d’internationalisation des gouvernements locaux à travers l’exemple du Minas Gerais
Conclusion

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