La stratégie culturelle dans le renouveau urbain, quelles finalités ?

Présentation du contexte: les enjeux des villes postindustrielles et leur renouveau grâce à la culture

La ville post-industrielle

La France, et plus généralement l’Europe, connaissent de profondes mutations économiques depuis les années 1950, passant d’une majorité d’emplois manufacturiers à une large part de services. Dans les pays occidentaux, l’arrêt de certaines activités d’extraction de matières premières telles que le charbon et la désindustrialisation progressive entraînent la perte de nombreux emplois et donc l’augmentation du taux de chômage, la paupérisation d’une partie de la population ainsi que l’abandon des sites industriels. Ainsi, dès les années 1950, ces changements affectent les tissus urbains et les premières friches industrielles apparaissent. La France n’étant pas épargnée compte, en 1991, 20.000 hectares de friches industrielles d’après un recensement de la délégation interministérielle de l’aménagement du territoire (DATAR). Parmi celles-ci, 5.000 hectares de friches d’origine minière se trouvent dans le Bassin Minier du Nord-Pas de Calais en 1983 (Mission Bassin Minier), soit ¼ de la totalité des friches industrielles du pays !

La régénération urbaine postindustrielle par la culture

Éléments de définition
L’image négative véhiculée par ces délaissés urbains ainsi que la faible qualité de vie des villes postindustrielles, ont poussé les décideurs politiques à porter une attention toute particulière à la requalification des villes dès les années 1980. Ceux ci, dans l’optique de réinvestir les vacants industriels et de renverser leur image ont fait appel à la culture. Si à l’origine la culture était perçue comme un luxe, elle devient un levier du développement territorial notamment sur des thématiques de requalification urbaine (Lusso, 2013). Elle s’impose aujourd’hui comme un outil phare et quasi-systématique pour recycler les espaces latents, notamment les friches industrielles (Vickery, 2007). Les exemples d’initiatives culturelles et artistiques pour réinvestir voire tout simplement pour occuper les friches industrielles bâties ou non ne manquent pas: installation de galeries d’artistes, création de musées, de salles de concerts.

La stratégie culturelle dans le renouveau urbain, quelles finalités ?

Pourquoi utiliser la culture comme levier de reconversion urbaine ? Selon Bailoni, l’objectif est triple. Premièrement, la culture est utilisée afin de donner une nouvelle image aux villes postindustrielles généralement associées à des territoires en déclin, criblés de friches et victimes du chômage. Une des stratégies pour remplir cet objectif est celle des grands équipements (les projets dits phares comme nous le verrons par la suite) qui avec leur architecture iconique incarnent à eux seuls le renouveau de toute la ville. Ils attirent entreprises, investissements et touristes donc ont plutôt une vocation économique. Deuxièmement, le renouveau urbain par la culture constitue aussi une occasion pour développer de nouveaux secteurs d’activités, d’attirer des investissements et de créer des emplois. A titre d’exemple, nous pouvons citer la création de « quartiers de la culture » favorisant l’implantation d’entreprises liées à l’économie culturelle et créative. La finalité de cet objectif et de renforcer l’économie locale et de créer des nouveaux emplois Enfin, la culture peut servir à requalifier et réaménager de vieux espaces industriels en friche. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la désindustrialisation a laissé derrière elle des milliers d’hectares vacants. Il est nécessaire de les réinvestir pour créer une nouvelle continuité urbaine. D’après ces définitions, la culture serait motrice de renouvellement urbain. Selon Bailoni, il existe deux approches distinctes concernant la reconversion culturelle postindustrielle. La première réside dans la mise en valeur du patrimoine industriel et de la culture locale. L’idée générale de cette démarche est de réinvestir l’existant par la culture afin de préserver et de renforcer l’identité locale. Il s’agit de ne plus disqualifier le passé industriel et ses friches mais de le reconsidérer. La seconde approche ne part pas de l’existant mais au contraire propose de bâtir ex nihilo de nouveaux pôles culturels. L’objectif premier de ces stratégies culturelles, pour Greffe et Bailoni, est de restaurer l’image et l’attractivité du territoire en le montrant dynamique, créateur et innovateur. D’un point de vue économique, la culture constitue un nouveau secteur économique à développer, avec la création de produits et de services dits culturels qui seront consommés sur place ou à l’extérieur. Comment ces deux stratégies prennent-elles forment sur le territoire ? Il s’agira maintenant de détailler ces deux approches et de les illustrer.

La quête de renforcement de l’identité locale, la mise en valeur du patrimoine par le biais de la culture

Mettre en valeur le patrimoine industriel, la préservation d’une identité collective 

Comme énoncé ci-dessus, la mise en valeur du patrimoine industriel s’érige comme une stratégie de renouvellement urbain. Autrement dit, il s’agit de ne plus stigmatiser la ville postindustrielle en déclin mais de la revaloriser. Pour cela, l’existant est réinvesti culturellement. Ici l’enjeu est double, il s’agit d’une part de sauvegarder le patrimoine industriel et d’autre part de reconvertir ces espaces en lieux de culture. Cette démarche est héritière d’une volonté de préserver le passé et de construire une identité collective autour d’une histoire commune. Ainsi se dessine ce qui va suivre : l’importance de l’identité locale. Cette dernière “is about creating a distinguishing character, one that is not imitative but draws on the unique nature of a place and its people” (Landry, Greene, Matarasso, Bianchini, 1996). En d’autres termes, l’identité se construit autour d’une histoire unique et propre à un territoire et à sa population. En effet, pour parler d’identité, il est nécessaire que celle-ci soit partagée par tous les habitants du territoire. De cette manière, l’identité collective prend racines dans “the conviction that other inhabitants in distant streets, whom one will never meet or see, share elements of a common culture and react to events as one would react oneself” Afin de renforcer l’attractivité d’un territoire il s’agit alors d’identifier les différents éléments constitutifs des forces locales et de les mettre en valeur. Réaffirmer l’identité rime donc avec valorisation du patrimoine. Avant de détailler plus précisément cette stratégie, il semble nécessaire de définir ce qu’est le patrimoine. Étymologiquement parlant, le mot patrimoine est issu du latin patrimonium qui signifie les biens de la famille et l’héritage du père. Ainsi, à l’origine le patrimoine constituait l’ensemble des bien privés et familiaux transmis à la descendance. Cependant, cette définition a évolué sur deux points. Premièrement, le patrimoine, au fil des années, ne se limite plus qu’aux biens privés mais englobe aussi ceux communs et publics. Deuxièmement, la notion s’étend non plus seulement aux bien concrets (objet, œuvre, site) mais également à des réalités idéelles et symboliques telles que les valeurs, coutumes, connaissances, savoirs et cultures. Dès lors, la notion de patrimoine peut être définie comme les biens matériels ou immatériels qui sont transmis aux générations suivantes, dans une logique d’intemporalité et d’éternel (Di Méo, 2008) .

Mettre en valeur le patrimoine, le processus de patrimonialisation 

Pour le géographe Guy Di Méo, il n’existe de patrimoine que si les acteurs le reconnaissent et souhaitent le sauvegarder, en bref ils lui accordent une certaine authenticité, une véracité. Ce processus qui permet de reconnaître les biens, objets, espaces et pratiques ainsi que leur le passage générationnel est appelé patrimonialisation. Ce phénomène s’encadre de procédures de sauvegarde, de conservation, de restauration et de valorisation. L’importance de la patrimonialisation réside dans l’identité collective qui s’accorde sur l’importance des biens et valeurs à transmettre, elle dépend donc d’une certaine affectation sociale. Comme le souligne la professeur de géographie Maria Gravari-Barbas, l’élargissement du patrimoine et donc du processus de patrimonialisation n’apparaît pas uniquement au niveau de la définition mais se note également en terme de géographie : passant d’un monument, à un périmètre de protection autour de ce bâtiment, puis à tout un territoire. Plus encore, elle explique qu’aujourd’hui « notre société semble intellectuellement (sinon sentimentalement) encline à accepter qu’a priori, tout peut devenir patrimonial ». Cette course à la patrimonialisation peut s’expliquer selon plusieurs facteurs et les deux géographes se mettent d’accord. Tout d’abord, la mondialisation influe la notion de patrimoine puisque de nos jours celui-ci est exposé au monde entier, les territoires se veulent toujours plus attractifs ainsi le tourisme international joue un rôle clef dans les initiatives patrimoniales. Par ailleurs, les changements sociétaux tels que le développement de la mobilité ou l’invention des Nouvelles Technologies et l’Information et la Communication permettent respectivement d’abolir les distances et la perception du monde qui nous entoure et ainsi changent nos rapports à l’environnement et à la culture qui tend à s’universaliser. Plus généralement, l’hybridation des modes de vie et des pratiques (hypermobilité, multiterritorialité, multirésidence, rurbanisation, polynucléarité familiale, renversement des rôles et brouillage des genres, etc.) complexifie les sphères d’attachement et les sensibilités patrimoniales (Oster, 2015). Enfin, les régulations patrimoniales nationales et internationales telles que la Convention du Patrimoine Mondial de l’UNESCO de 1972 ont largement diffusé de la notion du patrimoine dans le monde et de la fait la prolifération du processus de patrimonialisation.

Le cas de la plateforme du Flon, Lausanne (Suisse) :
En Suisse, à Lausanne, l’ancienne plateforme de stockage du Flon s’est transformée en friche à partir des années 1950, suite au choix des entreprises de déplacer leurs activités en périphérie. Elle se compose de bâtiments en dur et de hangars qui s’étendent sur une surface de 5,5 hectares. Cependant, cet espace au cœur du centre ville reste sous-utilisé pendant presque cinquante ans et laissera alors place à la marginalisation (prostitution, insécurité, drogues)… Pendant ce temps de veille, des activités économiques et culturelle s’installent : de petits artisans et commerçants trouvent alors leur place. Ainsi, peu à peu, la zone se dynamise à nouveau et change d’image en passant d’un lieu évité à un lieu très fréquenté (restaurants, boites de nuits, galeries, antiquaires, friperies). Bien qu’ayant d’autres projets sur le site, les élus choisissent de ne pas changer les nouveaux usages et la vision du Flon. De nombreuses activités sont maintenues comme les restaurants et les boîtes de nuit, mais, l’image anarchique du Flon ne persiste pas à cause de la gentrification (Andres 2006). La métamorphose du Flon offre de nouvelles alternatives pour créer l’urbain. En effet, les différents acteurs impliqués (artistes, commerçants,…) nous obligent à repenser notre façon de construire la ville sous un angle plus créatif, plus sensible (Andres 2006). De plus, cette initiative bottom-up, revendiquée par les acteurs locaux a servi d’une part à valoriser le site et d’autre part à enclencher la mutation de cette friche. Ceux-ci ont prouvé l’intérêt que présentaient les bâtiments industriels.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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