La strate des mousses et lichens dans les écosystèmes forestiers boréaux

La strate des mousses et lichens dans les écosystèmes forestiers boréaux

En forêt boréale, le parterre forestier est principalement dominé par les mousses et les lichens terricoles. Ces organismes non vasculaires, bien que petits par la taille, sont susceptibles d’avoir des effets considérables sur le fonctionnement de l’écosystème en participant notamment à la structuration de la communauté forestière.

Particularités écologiques des mousses et des lichens terricoles

Dans le cadre de cette thèse, nous utiliserons le terme commun de mousse comme un synonyme de bryophyte, bien que taxonomiquement, le groupe des bryophytes lato sensu ne comprend pas uniquement le phylum des mousses mais également celui des Hépatiques et des Anthocérotes (Glime, 2013). Les bryophytes sont des organismes poikilohydriques, c.-à-d. leur état d’hydratation dépend directement du taux d’humidité associé à leur environnement direct. De cette particularité nait la nécessité de développer une grande résistance à la dessiccation chez ces organismes qui restent dépendants de l’eau pour l’essentiel de leur métabolisme ainsi que pour leur reproduction. Les bryophytes étant dépourvues de trachéides, le mouvement de 1′ eau à l’interne y est plus lent et limité que chez les végétaux vasculaires. A ceci s’ajoute l’absence de racines qui ne leur permet pas une acquisition efficace de l’eau contenue dans le sol. Les rhizoïdes non-vasculaires présents chez la plupart des bryophytes sont principalement utiles au support et à l’acquisition des nutriments (Glime, 2013). Ils aident également à limiter la vitesse de dessiccation de la plante en cas de réduction de l’humidité aérienne ambiante (Glime, 2013), dans la mesure où ces organes sont situés sous la surface du sol et bénéficient d’un effet d’isolation thermique. Les bryophytes, qui se distinguent également des autres végétaux terrestres par la dominance de leur stade gamétophytique, forment un groupe d’une grande diversité spécifique largement distribué à l’échelle mondiale (Glime, 2013). Parmi les types de mousses présents dans la forêt boréale canadienne, deux seront distingués par la suite du fait de leurs particularités et de leurs effets contrastés sur le fonctionnement de l’écosystème forestier : le groupe des mousses hypnacées (dont la plus répandue en forêt boréale est Pleurozium schreberi (Brid.) Mitt.) et le groupe des sphaignes (Sphagnum spp.). Les lichens terricoles du genre Cladonia, également connus sous le nom francisé de cladonies, sont très répandus en forêt boréale où ils forment des tapis de densité et d’épaisseur variables, notamment sur les sols forestiers bien drainés (Haughian and Burton, 2015). Bien que la taille et le port de ces organismes dans le tapis forestier leur donnent des allures de mousses, leurs caractéristiques physiologiques et leur origine taxonomique sont bien différentes de celles des végétaux. En effet, les cladonies sont des lichens, c.-à-d. des champignons en association symbiotique avec un ou plusieurs photobiontes, généralement des algues ou des cyanobactéries (Honegger, 1993 ; Crittenden, 2000 ; Spribille et al., 2016). Comme les bryophytes, les lichens terricoles sont poikilohydriques. Ils sont donc métaboliquement inactifs en cas de sécheresse, leur activité photosynthétique étant restreinte à des périodes intermittentes d’humidité
suffisante (Crittenden, 2000). Les lichens terricoles se distinguent de la vaste majorité des autres lichens par leur croissance apicale et leur faible ancrage au substrat (Crittenden, 2000 ; Kytôviita et Crittenden, 2007). En vieillissant, la base du thalle qui devient sénescente continue de servir de support physique au développement vertical de la partie supérieure vivante du thalle. Ainsi, les tapis vieillissants de lichens terricoles sont constitués d’une couche supérieure vivante basée sur une ass1se inférieure de biomasse morte plus ou moins profonde (Crittenden, 2000). Ce caractère
est d’ailleurs partagé avec plusieurs groupes de bryophytes qui tendent eux aussi à croître sur leurs propres nécromasses (Glime, 2013). Les lichens sont capables de se reproduire de manière sexuée et asexuée (mycobionte uniquement), ainsi que par fragmentation du thalle (Crittenden, 2000). La reproduction par fragmentation permet de conserver l’association entre les deux partenaires symbiotiques, c.-à-d. mycobionte et photobionte.

Influence de la strate des mousses et lichens sur les processus écosystémiques

La composition de la strate des mousses et lichens influence la dynamique du carbone en forêt boréale (Turetsky, 2003 ; Cornelissen et al., 2007), du fait de ses effets sur la productivité primaire (DeLucia et al., 2003 ; Bond-Lamberty et Gower, 2007) et la décomposition (Lang et al., 2009; Fenton et al., 2010). Par exemple, le remplacement des mousses hypnacées par les sphaignes tend à modifier l’équilibre entre productivité primaire et décomposition, et donc à favoriser l’accumulation progressive d’une épaisse couche organique sur le sol forestier (Fenton et al., 2005 ; Lavoie et al., 2005 ; Fenton et al., 2010). Le taux de décomposition des lichens tend quant à lui à être plus grand que celui des bryophytes (Lang et al., 2009). La couche de matière organique
associée à ce type de couvert au sol est en général moins profonde que celle associée à un couvert de bryophytes (Haughian et Burton, 20 14). La composition et la structure de la strate des mousses et lichens peut avoir des répercussions importantes sur les propriétés physico-chimiques du sol forestier (Turetsky, 2003 ; Cornelissen et al., 2007), dont, entre autres, le pH (Lavoie et al., 2005), l’humidité (Fleming et Mossa, 1994; Lafleur et Schreader, 1994), la température (Soudzilovskaia et al., 2013; Kayes, 2016) et l’oxygénation (Lavoie et al., 2005 ; Fenton et al., 2006). Ces modifications vont avoir un impact important sur la composition et 1′ activité des communautés microbiennes (Ohtonen et Viire, 1998 ; Sedia et Ehrenfeld, 2003 ; Lavoie et al., 2005) et donc sur la décomposition de la matière organique et la minéralisation des nutriments
(Dioumaeva et al., 2003 ; Sedia et Ehrenfeld, 2006 ; Cornelissen et al., 2007). En limitant les amplitudes de variations thermiques du sol forestier et la fréquence des évènements de gel-dégel au cours de la saison, la présence d’un tapis muscinal intervient comme un mécanisme important de régulation de l’activité microbienne (Soudzilovskaia et al., 2010, 2013). Les lichens, dont l’effet de tampon thermique est moindre que celui des mousses hypnacées (Kayes, 2016), sont également connus pour réduire la température du sol et l’activité microbienne via leur forte réflectance des rayonnements solaires (Kershaw et Field, 1975 ; Bernier et al., 2011). La rétention
d’eau par certaines mousses telles que la sphaigne peut également av01r des répercussions importantes sur l’activité microbienne et la décomposition (Lavoie et al., 2005), notamment lorsque la température est en-dessous du point de congélation (Dioumaeva et al., 2003 ).

 La strate des mousses et lichens structure la communauté végétale forestière

Compte-tenu de ses effets sur les conditions physico-chimiques et biologiques du sol forestier, la composition de la strate des mousses et lichens joue un rôle clé dans la structuration de la communauté végétale forestière en devenir via différents niveaux de facilitation et/ou d’inhibition de la régénération des plantes vasculaires (Malmer et al., 2003 ; Nils son et Wardle, 2005 ; Gomall et al., 2011 ; Turetsky et al., 20 12). En effet, les caractéristiques de la végétation au sol déterminent la disponibilité des microsites favorables à la germination (Ohlson et Zackrisson, 1992 ; Groot et Adams, 1994 ; Camill et al., 2010 ; Soudzilovskaia et al., 2010) et les conditions de croissance des
jeunes arbres (Mallik, 2003; Lavoie et al., 2007a, 2007b; Thiffault et al., 2013; Kayes, 2016). Les effets de la strate des mousses et lichens peuvent être positifs ou négatifs pour les plantes vasculaires voisines (Comelissen et al., 2007 ; Soudzilovskaia et al., 2010), dépendamment notamment de l’épaisseur du tapis muscinal (Gomall et al., 2011) ou lichénique. Par exemple, une strate muscinale d’épaisseur modérée (10- 20 cm) tend à maintenir une humidité favorable au développement des plantes vasculaires (Hesketh et al., 2009 ; Go mali et al., 2011) et à limiter les dommages du gel sur les racines en jouant un rôle de tampon thermique (Soudzilovskaia et al., 2013). Au contraire, l’accumulation d’une épaisse couche fibrique d’origine muscinale réduit la
température du sol et la disponibilité des nutriments (Gornall et al., 2011), et favorise la rétention de l’eau dans le sol organique, ce qui a pour effet de retarder le dégel du sol et donc de raccourcir la saison de croissance pour les plantes vasculaires (Gornall et al., 2007). Ainsi, l’accumulation d’une épaisse couche de matière organique sur le sol forestier est connue pour avoir un effet négatif sur l’établissement (Fleming et Mossa, 1994 ; Greene et al., 2007) et la croissance des arbres (Lecomte et al., 2006 ; Simard et al., 2009 ; Lafleur et al., 2016). Les lichens sont en général associés à une couche organique moins profonde (Haughian et Burton, 2014), mais leur effet d’albédo retarde le réchauffement du sol et donc la saison de croissance, ce qui a pour effet de
ralentir la croissance des arbres (Kershaw, 1977). Les jeunes plantules peuvent également être affectées par certaines mousses et lichens en termes de compétition pour la lumière (Stuiver et al., 20 14), ou peuvent être littéralement recouvertes par des mousses à croissance verticale rapide notamment dans les tourbières (Groot et Adams, 1994 ; Carnill et al., 2010). L’existence d’effets plus directs tels que l’émission de composés allélopathiques et/ou antibiotiques a également été suggérée pour plusieurs espèces de bryophytes et lichens (Brown et Mikola, 1974 ; Crittenden, 2000 ; Michel et al., 2010; Molnar et Farkas, 2010; Chiapusio et al., 2013), bien que cette hypothèse reste controversée (Stark et al., 2007; Kytôviita et Stark, 2009). En effet, la plupart des
études ayant suggéré l’existence de processus allélopathiques et/ou antibiotiques se sont appuyées sur des extraits de tissus végétaux (Sedia et Ehrenfeld, 2003 ; Molnar et Farkas, 2010). Or, il reste à démontrer que ces substances présentes dans les tissus végétaux se retrouvent dans la solution du sol et ce en quantité suffisante pour avoir les effets observés au laboratoire. Ceci va dépendre entre autres de la solubilité et de la dégradation de ces composés en conditions naturelles.

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Table des matières

AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
RÉSUMÉ
CHAPITRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 La strate des mousses et lichens dans les écosystèmes forestiers boréaux
1.2 Établissement de milieux ouverts stables en forêt boréale
1.3 Aménagement écosystémique en forêt boréale
1.4 Caractéristiques de la région d’étude
1.5 Problématique et objectifs de la thèse
CHAPITRE II GROUND LAYER COMPOSITION AFFECTS TREE FINE ROOT BIOMASS AND SOIL NUTRIENT A V AILABILITY IN JACK PINE AND BLACK SPRUCE FORESTS UND ER EXTREME DRAINAGE CONDITIONS
2.1 Abstract
2.2 Résumé
2.3 Introduction
2.4 Material and methods
2.5 Results
2.6 Discussion
2. 7 Conclusion
2.8 Acknowledgements
2.9 References
CHAPITRE III LICHENS CONTRIBUTE TO OPEN WOODLAND STABILITY IN THE BOREAL FOREST THROUGH DETRIMENT AL EFFECTS ON PINE GROWTH AND ROOT ECTOMYCORRHIZAL STATUS
3.1 Abstract
3.2 Résumé
3.3 Introduction
3.4 Materia1 and methods
3.5 Results
3.6 Discussion
3.7 Acknow1edgements
3.8 References
CHAPITRE IV DIFFERENTIAL EFFECTS OF FEATHER MOSSES AND SPHAGNUM SPP. ON BLACK SPRUCE GERMINATION AND GROWTH
4.1 Abstract
4.2 Résumé
4.3 Introduction
4.4 Materia1 and methods
4.5 Results
4.6 Discussion
4.7 Conclusion
4.8 Acknow1edgements
4.9 References
CHAPITRE V DIFFERENTIAL EFFECTS OF LICHEN, SPHAGNUM SPP. AND FEATHER MOSS LEACHATES ON JACK PINE AND BLACK SPRUCE GROWTH
5.1 Abstract
5.2 Résumé
5.3 Introduction
5.4 Materia1 and methods
5.5 Results
5.6 Discussion
5.7 Conclusion
5.8 Aknowledgments
5.9 References
CHAPITRE VI GROUND LAYER COMPOSITION MAY LIMIT THE POSITIVE IMPACT OF PRECOMMERCIAL THINNING ON BOREAL STAND PRODUCTIVITY
6.1 Abstract
6.2 Résumé
6.3 Introduction
6.4 Material and methods
6.5 Results
6.6 Discussion
6. 7 Conclusion
6.8 Management Implications .
6.9 Aknowledgments
6.10 References
CHAPITRE VII CONCLUSION GÉNÉRALE
7.1 Effets des mousses hypnacées, des lichens et des sphaignes sur la germination et la croissance ligneuse
7.2 Rôle de la strate des mousses et lichens dans l’établissement et le maintien de milieux ouverts stables en forêt boréale
7.3 Implications des résultats pour l’aménagement écosystémique
ANNEXE A SUPPORTING INFORMATION FOR MATERIAL AND METHODS
ANNEXEE SUPPLEMENT ARY DATA
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

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