La situation des jeunes sur le marché de l’emploi 

Selon le Conseil supérieur de l’éducation (1997), les taux de productivité sont à la hausse et la croissance économique va bon train. Par contre, la société québécoise fait face au paradoxe d’une économie dynamique qui génère du chômage. La crise économique des années 1980 a amené beaucoup de changements structurels. La reconfiguration de l’économie associée à la mondialisation des marchés, à la technologisation, de même que la prégnance de l’idéologie néolibérale ont donné beaucoup de pouvoir aux employeurs. Les bouleversements du marché de l’emploi ont mené à la raréfaction de l’emploi typique, c’est-à-dire l’emploi à temps plein, permanent et assorti de mesures de protection sociales, comme des assurances collectives et un fond de pension au profit de l’emploi atypique, ou flexible. Bernier (2007) définit l’emploi atypique comme étant du travail à temps partiel, de l’emploi à durée déterminée, du travail temporaire, du travail occasionnel, du travail sur appel, du travail obtenu par l’intermédiaire d’une agence de location de personnel, voire de la création de son propre emploi à titre de travailleur indépendant ou autonome. De plus, il montre, à partir des données de Statistique Canada, que le phénomène du travail atypique touche plus du tiers de la population active. Selon Malenfant, LaRue, Mercier et Vézina (2002), des 670000 emplois créés au Québec entre 1976 et 1995, plus de 73% l’ont été dans les formes dominantes de l’emploi atypique. De plus, en 2000, il existait trois fois plus de chômeurs de longue durée, c’est-à-dire de plus d’un an, qu’en 1976. Ce phénomène touche tous les groupes d’âge, mais les jeunes sont les plus touchés et encore plus les jeunes femmes. Selon Bernier (2007), la proportion de travailleurs âgés entre 15 et 29 ans qui occupent des emplois atypiques atteint 43,0% chez les garçons et dépasse 50,0% chez les jeunes femmes.

Toujours selon Malenfant, LaRue, Mercier et Vézina (2002), cette nouvelle forme du travail amène plusieurs jeunes à vivre l’expérience de la précarité. Cette précarité se construit dans l’expérience multiple de la pauvreté économique, de l’insécurité d’emploi et du travail dévalorisant et est fortement liée au sentiment d’exclusion sociale. De plus, cette réalité récente comporte des avantages importants pour les entreprises, car la main-d’œuvre devient plus flexible. L’objectif de plusieurs entreprises est de réduire leur noyau d’ employés réguliers afin de limiter les responsabilités financières associées à l’emploi de cette main-d’œuvre. Pour atteindre cet objectif, les entreprises ajustent plus étroitement les heures de travail au volume de production et elles ne s’engagent plus à fournir une sécurité d’emploi. En effet, selon le Conseil permanent de la jeunesse (2001), les employeurs tentent d’embaucher plus d’employés à temps partiel, de sous-traitants et de consultants parce qu’ils peuvent disposer de leurs services lorsqu’ils ne sont plus requis. Cette organisation de la main-d’ œuvre a pour effet direct de diminuer les coûts de fonctionnement pour augmenter la productivité. Dans cette logique, les jeunes sont soumis à ce que le sociologue français Pierre Bourdieu nomme la « flexploitation ». Ce néologisme issu de la contraction des termes «flexibilité» et « exploitation » explique bien la réalité des jeunes qui doivent être disponibles à l’emploi, et ce, à n’importe quel moment en tenant compte qu’un refus peut entraîner un retrait de la liste de rappel de l’employeur dans certaines entreprises non syndiquées (Deschenaux, 2006). Ce type de flexibilité se nomme, selon Diane-Gabrielle Tremblay (2008), la flexibilité des coûts de la main-d’ œuvre. Cette auteure distingue plusieurs autres formes de flexibilité associées au travail et à l’emploi qui s’ ajoutent à celle-ci. Il y a flexibilité d’emploi qui touche les statuts d’emploi et la flexibilité du temps de travail qui renvoie plutôt aux horaires. Il existe aussi la flexibilité technoorganisationnelle qui, elle, se manifeste dans les modes d’utilisation des compétences et des aptitudes des travailleurs dans la production, comme par exemple, le développement de la polyvalence, l’enrichissement des tâches ou le travail en équipe. De plus, même si le concept d’emploi normal ou permanent ne peut s’exporter sans difficulté d’un pays à l’autre puisque les caractéristiques institutionnelles, économiques et juridiques de chaque pays ainsi que les pratiques en matière de relations de travail diffèrent et influencent la définition de l’emploi type, Tremblay (2008) mentionne que plusieurs autres pays comme l’Allemagne, la Suède, l’Italie et l’Australie s’adaptent, eux aussi, à une nouvelle organisation du travail.

Dégradation des conditions d’insertion

Diane-Gabrielle Tremblay (2008) explique comment sont survenues, vers la fin des années 1970, certaines modifications du marché de l’emploi. À la suite de la crise du pétrole des années 1974-1975 et de l’importante récession du début des années 1980, suivie de celle des années 1990, certains employeurs ont su saisir l’opportunité qui se présentait à eux. Pour certains d’entre eux, il importait essentiellement de retrouver la rentabilité perdue au cours des années de récession. Mais pour d’autres, il s’agissait plutôt de profiter d’une conjoncture économique défavorable pour obtenir des concessions de la part des salariés. À cette époque, les périodes de récession et la mondialisation faisaient craindre à tous des pertes d’emploi. C’est pourquoi syndicats et salariés étaient plus réceptifs aux remises en question de certaines conditions de travail et échelles salariales. Au fil des ans, les stratégies des employeurs, le gouvernement comme les entreprises privées d’ailleurs, se sont affinées pour en arriver aux conditions connues aujourd’hui.

Pour prendre acte de la qualité des emplois occupés par les jeunes, il existait, avant 1997, un indicateur très utile dans les Relances du ministère de l’Éducation, soit le taux de placement dans un emploi à temps plein, permanent et lié au domaine d’études. Or, cet indicateur n’existe plus dans les documents du Ministère depuis 1997, mais son examen entre 1985 et 1997 montre une constante chute (Deschenaux, 2007). Auparavant, la dégradation des conditions d’insertion professionnelle ne touchait pas les plus scolarisés de chaque génération. Maintenant, ce sont tous les niveaux de scolarité qui en subissent les effets et les plus scolarisés semblent être sur une pente encore plus abrupte. Vultur (2006) croit que la reprise de la croissance économique au cours de la seconde moitié des années 1990 a profité davantage aux travailleurs moins qualifiés, avec une création d’emplois de 330000 entre 1995 et 2002 contre 160000 pour les emplois hautement qualifiés. Les jeunes font donc face au déclassement ou à la suréducation, c’est-à dire qu’ils possèdent parfois un niveau de formation qui dépasse celui requis pour l’emploi occupé.

Plusieurs approches sont utilisées pour expliquer et mesurer le déclassement. Les résultats ressortant de l’utilisation de ces approches démontrent que la surqualification touche plus particulièrement les jeunes. D’entre eux, 57% des hommes et 33% des femmes entre 18 et 26 ans se considèrent comme étant surqualifiés par rapport à l’emploi qu’ils occupent. Vultur (2006) citant l’Enquête nationale auprès des diplômés (Statistique Canada, 2000) montre les pourcentages des diplômés surqualifiés pour leur emploi principal selon le sexe, pour la cohorte de 1990 au Québec . En 1992, c’est-à-dire deux ans après la sortie des études, 39% des hommes et 40% des femmes diplômés du collégial sont surclassés. C’est 28% des hommes et 31 % des femmes universitaires qui sont dans cette situation. Au niveau de la maîtrise, les chiffres sont plutôt surprenants, c’est 64% des hommes et 57% des femmes qui sont surclassés, alors qu’au doctorat, 24% des hommes et 31% des femmes sont dans la même situation. En 1995, cinq ans après la sortie des études, les pourcentages diminuent légèrement pour chaque niveau de scolarité, et ce, autant chez les hommes que chez les femmes. Cela peut laisser penser, toujours selon Vultur (2006), que le déclassement n’est qu’un accident au début du parcours d’insertion et que les individus déclassés auront tendance à quitter leur emploi dans le but d’en obtenir un autre plus adapté à leurs compétences.

Les valeurs 

A vant de faire ressortir les nouvelles valeurs et les conséquences de celles-ci chez la jeunesse actuelle, il est important de nuancer le concept de la jeunesse. En effet, l’âge biologique regroupe une multitude de situations différentes, c’est pourquoi il est délicat de parler d’une jeunesse unique et monolithique. Certains jeunes cadrent parfaitement dans la nouvelle tendance des valeurs décrites ci-dessous tandis que d’autres s’y retrouvent un peu moins ou même pas du tout. Donc, c’est avec prudence que le terme jeunesse est utilisé car, comme le dirait Bourdieu (1980a) «c’est par un abus de langage formidable que l’on peut subsumer sous le même concept (la jeunesse) des univers sociaux qui n’ont pratiquement rien de commun» (p.145). Toutefois, la jeunesse ciblée par cette recherche s’inscrit dans la définition de l’Observatoire Jeunes et société et représente le portrait général des jeunes de 20 à 34 ans.

Pour débuter, en plus de devoir composer avec une structure économique complexifiée et des conditions d’insertion de plus en plus difficiles, la jeunesse est une période marquée par différents événements. Trottier (2000) en fait ressortir trois principaux qui sont: la formation d’un couple, la création d’une nouvelle famille et le départ du foyer familial, qu’il nomme les « événements contemporains ». Selon Galland (1996), les jeunes ne prendront pas nécessairement les mêmes décisions concernant leur cheminement de formation et n’élaboreront pas les mêmes stratégies d’insertion s’ils ont à prendre en considération ces «événements contemporains ». Les itinéraires de vie se diversifient lors de la phase de transition vers l’âge adulte. L’entrée dans la vie adulte n’obéit plus à un rythme défini par une séquence de phases préétablies telle celle-ci : la fin de la scolarisation, l’insertion professionnelle, la décohabitation parentale et la formation d’un couple. Galland (1996) parle alors de désynchronisation de ces phases, ce qui bouleverse les rôles et les statuts traditionnellement associés à certains âges de la vie. Selon Robert et Pelland (2007), le changement temporel de ces événements a des impacts sur l’organisation de la vie familiale et affecte le lien entre les générations. La déconnexion des phases traditionnelles du passage à l’âge adulte produit une fragmentation des itinéraires dorénavant marqués par des discontinuités, des investissements et des désinvestissements multiples tant sur le plan personnel que professionnel.

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Table des matières

INTRODUCTION 
PREMIER CHAPITRE  LA PROBLÉMATIQUE 
1.1) La situation des jeunes sur le marché de l’emploi
1.1.1) Dégradation des conditions d’insertion
1.1.2) Les valeurs
1.1.3) Les stratégies d’insertion professionnelle
1.2) La mobilité géographique ou la migration
1.3) Les données issues des enquêtes gouvernementales
1.4) Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes (GRMJ)
1.5) Motifs de mobilité
1.5.1) Migrer pour les études
1.5.2) Migrer pour le travail
1.5.3) Migrer pour « vivre sa vie »
1.6) Question de recherche
1.7) Objectifs de recherche
DEUXIÈME CHAPITRE  LE CADRE CONCEPTUEL 
2.1) L’insertion professionnelle
2.1.1) Le paradigme phénoménologiste
2.1.2) Le paradigme humaniste
2.1.3) Le paradigme fonctionnaliste
2.1.4) Le paradigme structuraliste
2.2) La définition de l’insertion professionnelle retenue
2.2.1) La formation professionnelle
2.2.2) La transition professionnelle
2.2.3) L’intégration professionnelle
2.3) Le rapport au travaiL
2.3.1) Les différents types de rapport au travaiL
TROISIÈME CHAPITRE LA MÉTHODOLOGIE 
3.1) La recherche quantitative
3.2) Le sondage
3.3) L’analyse de données secondaires
3.4) Le sondage du GRMJ
QUATRIÈME CHAPITRE  LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1) Profil des répondants
4.1.1) Le genre
4.1.2) L’âge
4.1.3) Le type de région d’origine
4.1.4) L’âge du départ du foyer familial
4.1 .5) La scolarisation
4.1.6) La scolarisation des parents
4.2) Situation actuelle des répondants sur la marché de l’emploi
4.2.1) Situation objective
4.2.2) Situation subjective
CINQUIÈME CHAPITRE  LA DISCUSSION DES RÉSULTATS 
5.1) L’insertion professionnelle
5.1) Le rapport au travail
5.3) Influence des motifs de mobilité sur le rapport au travail et l’insertion
professionnelle
CONCLUSION

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