La scénographie : de la représentation à un environnement dialogique

L’art de la mise en scène ou la mise en scène d’un art ?

Au théâtre, les scénographies de Polieri constituent déjà une rupture avec la représentation dans le sens où la scénographie n’est plus un outil simplement mis en place pour ordonner et rendre cohérent le propos narratif mais tend à devenir le sujet même du processus artistique.
En 1969 Harald Szeeman contribue à redéfinir l’espace scénique. En charge de l’exposition « quand les attitudes deviennent formes » à la Kunsthall de Berne, il redéfinit les frontières de la scène publique. Des artistes comme Michael Heizer, Daniel Buren et Richard Long investissent la ville et la campagne d’oeuvres qui s’encrent dans de nouveaux contexte et lieux. Ces lieux font partie intégrante de l’oeuvre en tant que scène. Cette préoccupation de mettre en scène un lieu, une temporalité, d’aller vers des oeuvres éphémères devient primordiale chez beaucoup d’artiste, l’instantanéité devient une manière de marquer la mémoire. L’exposition n’est plus une suite d’oeuvre, le but est que le lieu unifie l’oeuvre comme une seule entité dans une scénographie pensée. Harold Szeeman redéfinit la scénographie comme ayant pour but de créer un espace-mental qu’il appel « climat ». Cette notion s’attache physiquement à un lieu et prend racine par le contexte et la singularité de ce dernier. Le lieu est donc choisi pour faire vivre l’oeuvre, lui donner du sens et réciproquement. Il souhaite détacher l’art du lieu institutionnel qu’est le musée ou le théâtre. Cette volonté de mise en scène fait de l’oeuvre une scène et de la scène une oeuvre. On appellera alors une scène ou espace scénique tout espace de représentation ou d’expression pensé et agencé avec sens, faisant appel à la scénographie.
«il est des lieux qui n’appartiennent pas à l’espace de vie… parmi tous ces lieux qui se distingues les uns des autres , certains qui sont absolument différents : des lieux qui s’opposent à tous les autres qui sont destinés en quelque sorte à les effacer, à les neutraliser, ou à les purifier ce sont en quelque sorte des contres espaces»
Pour Michel Foucault, la scène théâtrale ou artistique est une « hétérotopie » un lieu où se juxtaposent en un seul lieu, plusieurs espaces, plusieurs temporalités. La scène acquiert alors autant de caractéristiques, elle devient autonome se suffisant à elle-même. Elle exerce une influence sur la spatialité et sur la temporalité c’est ce qui la dénote d’un espace quelconque. Ce jeu de composition de l’espace et du temps met en place une dramaturgie qui donne un sens à l’intention de l’artiste. Dans un musée on trouve plusieurs oeuvres qui ont des temporalités différentes mais qui s’inscrivent dans un même lieu alors que la scène théâtrale représente une temporalité mais fait appel à des lieux différents. On pourrait distinguer oeuvre d’arts d’oeuvres d’art de la scène affiliant à cette dernière un caractère éphémère, une manière de recréer l’espace et le temps dans l’instantanéité.
Car les oeuvres permanentes dans un musée apparaissent comme les livres d’une bibliothèque que l’on peut consulter à n’importe quel moment dans un lieu que l’on connaît, ces oeuvres sont figés dans le temps ainsi que leur histoire. Et les commissaires comme Szeemann cherchent à la fois à décontextualiser l’oeuvre d’art spatialement mais qu’elle rentre dans une temporalité qui lui est propre. Ceci va contribuer à populariser les évènements, les expositions temporaires, les festivals ou encore les biennales dans des lieux et temporalités définis par les oeuvres elles même et non régis par l’organisation d’un seul lieu, d’une seule temporalité. Les artistes apprennent à travailler des lieux qui n’ont plus de neutralité mais qui ont une écriture singulière, un contexte particulier qui participe à la mise en scène devenant une base scénographique détacher de toutes autres oeuvres d’art. De plus pour le public la scène relève d’autant plus de l’anecdote, il ne s’attend pas forcément à rencontrer de l’art dans un lieu autre que le musée, cela fait partie de la mise en récit de l’oeuvre qui fabrique son propre contexte, sa propre temporalité.
On se rapproche ici de ce que l’on entend vraiment par oeuvre d’art de la scène. Cette approche relève plus d’une expérience pour le spectateur que d’une visite et c’est ce que vont rechercher des artistes comme Boltanski « Le spectateur doit arriver, ne pas savoir ce dont il s’agit et tomber en syncope » Ici Boltanski recherche l’émotion l’expérience sensorielle. La scène devient alors un contre-espace qui s’échappe de l’institution et ouvre de nouveaux rapports sociaux. Il met en avant le fait qu’une scénographie ne peut se détacher du lieu dans lequel elle a été produite, elle est liée à lui et résonne avec lui, On ne peut ignorer le rapport qu’elle entretient avec lui.
Aujourd’hui des évènements tel que Le voyage à Nantes ou des festivals telle que la Fête des lumières à Lyon, ou les Accroches-coeurs à Angers mettent en scène la ville et remettent en question l’échelle de la scène, jusqu’où peut s’étendre une scène ? Comment peut-on générer des liens entre plusieurs scènes ? Est-ce que plusieurs lieux peuvent constituer une scène ? Une référence illustre bien cette question d’échelle de la scénographie.
L’association Patch_Work va créer une scénographie déambulatoire dans la ville de Toulouse en établissant un parcours sonore juché de pistes sonores enregistrées dans des contextes assez divers. Il s’agit seulement de proposer à l’utilisateur de s’immerger dans plusieurs environnements sonores à travers la porosité urbaine. Cette expérience confronte alors deux environnements sonores, l’environnement réel du lieu où se trouve l’utilisateur ainsi que l’environnement sonore diffusé dans ce même lieu car si la scénographie s’étend dans la ville, c’est bien parce que ces lieux font partie intégrante de cette scène. Ce qui pose la question de la limite spatiale d’une scène. Ainsi ce type de scène ouvre une autre question celle de l’utilisateur et de son parcours. Car dans son action d’aller à l’encontre de la scène urbaine qui n’est défini par aucun cadre remet en question sont statut spectatorial, il devient acteur de ce qu’il souhaite regarder et comment il souhaite le vivre dans l’espace public. On sort ici du cadre imposé par le spectacle traditionnel par la spatialité, la temporalité et le statut de l’oeuvre dans son processus artistique.
On s’interrogera maintenant un art qui convoque et scénarise plusieurs lieux, plusieurs scènes : le cinéma. Il est un moyen de plonger le visiteur dans une multitude de lieux et de temporalité pour autant constitue-t-il un art de la scène ? Par quelle processus l’écran devient une scène ?
Si le cinéma arrive à convoquer n’importe quel lieu et temporalité par la scénographie, son interaction avec le spectateur reste faible. En effet, le point de vue et l’échelle sont donnés le spectateur ne semble pas pouvoir se projeter dans la scène car il n’y a pas de spatialité à appréhender. On a vu pour l’instant que la scénographie était rattachée à des notions d’espace, de profondeur, de repère et d’organisation. Conçue et pensée de matérialité, la scène au théâtre s’observe et se pratique physiquement par des acteurs. Mais qu’en est-il de la scène au cinéma pratiqué et éprouvé par des acteurs pendant le tournage quand elle se retrouve projeter sur un écran en deux dimensions ? Est-elle vécue comme une interprétation ou retranscription d’un ensemble de scènes qui contrôle notre point de vue pour donner l’illusion d’être immergé dans une fiction ou une réalité ?
Le cinéma propose une mise en image de plusieurs scènes empreintes de plusieurs lieux et de plusieurs temporalités mais ne constituent pas une scène à proprement parler car le spectateur n’est pas spatialement projeté dans un espace, ilne peut appréhender réellement les mesures, profondeurs et épaisseurs des éléments constitutifs de la scène car ses repères sont influencés par ce que l’on veut lui montrer. Il n’a aucun autre outil que ceux qu’on lui donne pour pouvoir s’identifier à l’espace qu’on lui présente. Son expérience lors du visionnage d’un film peut être considérée comme passive. Les seuls repères qu’il peut projeter sont ceux qui constituent l’espace dans lequel il se trouve lorsqu’il visionne un film, un espace qui n’a aucune affiliation ni aucun rapport contextuel, temporel et spatial avec le contenu du film. À moins que l’espace de visionnage n’ait été conçu spécifiquement pour un film en particulier alors il s’agirait d’une mise en scène qui participerait à l’immersion de l’utilisateur dans le film. Ainsi il trouverait des indices ou repères spatiaux auxquels il pourrait s’identifier. Certes, le cinéma est devenu un lieu culturel traditionnel composé d’un espace de visionnage constitué de gradin et d’un écran pour les spectateurs. Ce dernier est placé frontalement à l’écran de visionnage sur lequel est projeté le film. Pour l’instant il s’apparente à une salle de théâtre avec une scène en deux dimensions. Alors, notre définition d’une scène jusqu’alors nous pousse à dire que dès lors que le cinéma quitte les plateaux de tournage il ne donne plus à vivre l’expérience d’une scène mais l’image d’une scène ou une représentation subjective de celle-ci. Et ce, en partie parce que la scène convoque chez l’utilisateur un besoin de repères spatiaux-temporels auxquels il doit pouvoir s’identifier. On verra plus tard dans ce mémoire comment le cinéma va reconquérir la scène par le biais de l’immersion et pourra ainsi constituer un espace scénique.
De nombreuses scènes de théâtres sont aujourd’hui filmées en empruntant au cinéma ses techniques de cadrages et de narration. L’expérience est totalement différente, le point de vue et l’environnement sonore sont différents et la scène se décontextualise du lieu dans lequel a été joué la pièce pour se retrouver dans n’importe quel lieu à n’importe quel moment. L’apparition de la télévision a énormément contribué à populariser le théâtre à la fois pour détacher cet art de l’éphémère pour pouvoir l’interpréter et le retranscrire en plusieurs langues. Mais pour adapter le théâtre à l’écran il faut remettre en cause les fondements même du théâtre. Nous voulons dire par là, ce qui en fait un art « vivant ».
La scénographie de la pièce est pensée pour le spectateur dans le public non pour une caméra omnisciente libre de tout point de vue. L’utilisation de ce médium requiert alors une adaptation de la scénographie de la pièce pour pouvoir la filmer. En effet, la focale de la caméra, l’éclairage, la prise de son sont autant d’éléments qui engendrent une adaptation parfois radicale de la scénographie pour rendre compte le plus fidèlement possible une pièce à l’écran. La mise en scène est tout autre et même le jeu et le parcours des acteurs doit être reconsidéré pour se rapprocher le plus de l’effet narratif désiré car même le caractère temporel de la pièce n’est pas perçu de la même manière chez le spectateur derrière un écran ou dans une salle de spectacle. La salle est parfois filmée pour recontextualiser l’ambiance. Le lieu théâtral devient un élément de la scène filmé alors qu’il se détache de la scène dans un lieu de représentation tel qu’un théâtre.
Quand Sacha Guitry parle de «théâtre en conserve» pour exprimer l’indéniable rapport perdu avec la scène et le sens de la pièce, André Bazin lui s’exprime sur l’irréductible différence entre le cinéma et le théâtre filmé : « Plus le théâtre filmé est réussi, plus il approfondit le fait théâtral pour mieux le servir, plus aussi se révèle l’irréductible différence entre l’écran et la scène.» Même si l’on s’accroche à dire que le cinéma et le théâtre filmé n’est pas comparable dans sa dimension interprétative et représentative, on ne qualifiera pas de scène une représentation théâtrale filmée et diffusée, pour les mêmes raison que le cinéma. On verra plus tard comment reconsidérer la question de scène dans le cinéma d’aujourd’hui. Ce qui va mettre le spectateur dans une nouvelle position ; en immersion au coeur de la scène, modifiant largement le rapport qu’entretient le cinéma avec la scène.
Certaines installations participent toutefois à mettre en scène une représentation filmée. C’est le cas de « Double District » ( ReACTOR). Saburo Teshigawara fait d’une représentation filmée, un espace scénique. Cette installation vidéo est composée de 6 écrans disposés en hexagone au centre d’une pièce. Sur ces écrans sont projetés 6 points de vue différents d’une même scène reconstituant ainsi la scène en 3 dimensions et le son est spatialisé tout autour de la structure. L’installation a pour objectif de retranscrire une chorégraphie réalisée par des danseurs professionnels. La configuration de retranscription correspond à la configuration d’enregistrement vidéo.

La scénographie interactive

Qu’est-ce qu’une scène interactive

Nous avons préalablement défini ce pouvait être pour nous une scénographie, on rappellera qu’elle inclut une dimension d’espace et de temps. Nous avons vu comment l’idée de représentation a pu évoluer vers un art de l’expérience.
L’oeuvre n’est plus un objet, l’oeuvre est l’expérience, l’oeuvre est le sujet. On va maintenant s’intéresser à ses capacités à générer de l’interaction.
Pour commencer «inter» signifie entre deux. L’origine latine inter désigne ce qui est « entre, dans l’entre-deux », c’est-à-dire que c’est ce qui « marque un intervalle dans le temps ou l’espace ».
Interaction 4 : Action réciproque de deux ou plusieurs objets, de deux ou plusieurs phénomènes. En psychologie ou sociologie, il s’agit de l’action réciproque qu’exercent entre eux des êtres, des personnes et des groupes
L’interaction est définie par une action générée entre plusieurs entités, elle participe fortement à faire de l’oeuvre une expérience. Dans notre cas d’étude nous nous intéresserons essentiellement aux interactions qui peuvent s’opérer entre spectateur, acteur et un environnement scénographié.
L’objectif d’une scène interactive est de générer un lien de causalité entre un environnement et son utilisateur. Dans l’idée que chaque cause entraîne un effet, qu’une action génère une réaction instantanée. On appelle cela le temps réel c’est à dire que l’information et la réponse d’un système informatique doit se synchroniser avec le temps que vit l’utilisateur. Dans le domaine de la représentation, la scène interactive permet aux acteurs et aux spectateurs d’avoir un autre rapport à la scène, au décor, à la scénographie. La mise en scène s’autonomise et s’actualise en temps réel sous l’influence d’un paramètre réel initié par un utilisateur.
Un dispositif interactif met en place des interfaces qui traduisent le signal de capteurs vers un programme informatique qui, en temps-réel, répond à des lois algorithmiques. Cette écriture algorithmique mise en oeuvre dans les installations interactives se base sur des systèmes prédéfinis par le concepteur, et s’inscrit dans une trame narrative. C’est ce caractère prédictif associé avec le comportement aléatoire de l’utilisateur qui vont alimenter la trame narrative. Ce dernier dialogue directement avec la scène qui devient un environnement expérimental réactif. Qu’il s’agisse d’une oeuvre plastique ou numérique l’interactivité génère des rapports nouveaux entre l’homme et la scène. L’utilisateur s’engage à modifier des propriétés scénographiques de la scène interactive. En effet la scénographie interactive nécessite la présence ou l’intervention de l’homme pour se manifester.

Sa temporalité dépend donc de sa relation avec l’homme

Le projet « BOX » du studio de conception et d’ingénierie Bot and Dolly à San Francisco en 2013 propose un film d’une performance scénographique interactive mêlant l’électronique et l’informatique. Le projet est une hybridation entre le réel et le numérique. Il s’agit d’une chorégraphie qui fait l’objet d’un court métrage.
Le comédien interagit physiquement avec deux écrans faisant à peu près sa taille. Ses écrans sont manipulés par des bras robots informatisés et suivent une chorégraphie précise. Sur ces écrans sont projetées des animations graphiques abstraites qui jouent avec la perspective et la profondeur de l’espace. Un travail de « mapping » est réalisé sur les écrans c’est à dire que l’image est cartographiée sur un élément précis, ici, les écrans en mouvement, et suit leur trajectoire dans l’espace. Le comédien s’engage dans une chorégraphie et semble interagir avec ses espaces génératifs donnant l’illusion qu’il peut arpenter l’espace projeté. Cette prestation est filmée par un robot avec un point de vue mobile qui suit un programme de reconnaissance des objets en mouvement, permettant ainsi l’illusion totale d’une perspective adaptative projetée sur les écrans. En effet la caméra combinée au « mapping » donne l’illusion que l’image projetée est tridimensionnelle.
La scénographie apporte une nouvelle forme d’autonomie à la scène, elle constitue une mise en scène support de l’action du comédien. Ce dernier semble manipulé l’écran comme un objet, un espace. Le film traite plusieurs concepts spatiaux illusoires éprouvés par le comédien. Il est montré comme un tour de magicien, d’illusionniste invitant l’utilisateur à se perdre entre réalité et fiction. Ici la scénographie mise en place est très active, elle organise la narration et devient un repère pour l’acteur. Mais alors dans ce cas l’interaction est prédéfinie et n’en est pas moins qu’un jeu d’acteur. Elle sert à donner l’illusion d’interaction sans totalement s’y soumettre.
Dans la scénographie interactive c’est aussi l’acteur et sa présence dans l’espace de la scène qui doit influencer la mise en scène. C’est le cas dans « Hakanai» de Adrien M et Claire B. Sur une scène centrale carrée, une danseuse exécute une chorégraphie dans un cube de tulle blanc sur lequel est projetée une représentation numérique interactive. Quatre vidéoprojecteurs synchronisent les images mappées sur la tulle. Un système de capture de mouvement permet à la visualisation d’interagir instantanément avec la danseuse. L’univers numérique et sonore est construit par un interprète sur la base du système interactif E-motion (conçu sur la base de modèles et d’algorithmes permettant de construire des systèmes artificiels dotés de capacités de perception, de décision et d’action). Ce processus n’est en aucun cas automatisé, ce qui laisse place à l’improvisation totale de la danseuse. C’est à dire que la prestation peut prendre n’importe qu’elle forme d’improvisation, elle est accompagnée d’un environnement qui s’adapte en temps réel au mouvement de l’artiste et à l’interprétation du technicien. Le public est disposé tout autour de la scène et peut tester le dispositif à l’issue de la représentation. L’installation étant extrêmement légère elle est facilement transportable et peut s’adapter à de nombreux lieux de représentations. La scénographie virtuelle de l’installation est modelée en partie par les mouvements du corps et l’énergie du geste de l’artiste. L’environnement virtuel devient l’extension du corps de la danseuse. La danseuse devient alors la source qui génère progressivement la scénographie du spectacle. Ce qui est intéressant dans cette performance c’est cette ambivalence entre le corps qui génère un environnement et l’environnement qui influence le corps. Ce qui nous amène à nous interroger sur comment la scénographie participe à créer des scénarios corporels. En effet à la base la scénographie est mise au service de la performance, destinée à donner du sens à l’oeuvre par rapport à l’espace qu’elle génère mais une chorégraphie peut aussi être pensée par rapport à une scénographie mise en place. En effet nous pourrions nous demander quels scénarios corporels peut être influencer par la scénographie interactive.
La prochaine sous-partie traite essentiellement de ce rapport au corps celui ici devenant objet de l’interaction.
Mais avant cela nous allons poursuivre notre réflexion sur l’impact de l’interaction sur la scénographie et sa capacité à générer une expérience avec le projet « Rain Room » de rAndom International en 2012. Il s’agit d’une installation interactive qui devient la scène d’une expérience hors du commun « marcher sous la pluie sans se mouiller ». Il s’agit d’une pièce dont le plafond est équipé d’une centaine de buses projetant de l’eau en simulant une forte pluie. Quatre caméras captent la position et les mouvements de l’utilisateur, des données qui sont traduites par le système informatique, sont reliées au système d’ouverture et de fermeture des buses. Ainsi dès qu’un utilisateur entre sous la pluie, les buses qui se trouvent au-dessus de lui se ferment en se synchronisant avec sa position et ses mouvements.
Le résultat est que l’utilisateur peut se promener sur toute la scène sans être mouiller. L’expérience se vit seul ou à plusieurs, la scène qui devient le terrain d’expression des visiteurs et artistes. Pour le visiteur cette expérience est hors du commun car elle met en place un paradoxe. Elle reprend une situation réelle que l’on a tous vécu « marcher sous une forte pluie et être mouillé ». Il s’agit d’un lien de cause à effet, la cause étant « marcher sous la pluie », et l’effet « être mouillé ». Ici l’effet est détourné comme un paradoxe du réel, une anomalie. La présence, puissante presque violente de la pluie qui tombe sans cesse donne une sensation d’oppression lorsqu’on la ressent et qu’on l’entend. Sous une pluie si forte on aurait peur de ne rien voir, d’à peine pouvoir respirer mais le seul fait que l’eau ne nous atteigne pas change tout notre rapport à la situation. L’installation nous plonge dans une situation privilégiée ou notre présence sur scène modifie les propriétés physiques de cet environnement. Les concepteurs ont collaboré avec Wayne McGregor un chorégraphe britannique, dont la compagnie Random Dance fera des « interventions » au coeur de cette scène interactive. La scène se transforme en lieu de représentation pendant de courtes durées devenant le support d’un récit en réponse à la chorégraphie effectuée.
La scénographie interactive devient un moyen de croiser les arts, une occasion de générer des performances et expériences à travers de nouvelles pratique de l’espace. De nombreuses oeuvres incluent une dimension interactive comme outils de représentation ou comme médium permettant de se rapprocher de l’utilisateur, d’engendrer un contact, un dialogue moins distant. L’art interactif se popularise dans des évènements comme la Fête des Lumières à Lyon où les oeuvres interactives sont disposées dans un parcours urbain. Elles appellent les visiteurs à se mettre en scène dans des environnements expérimentaux. Le visiteur détient le pouvoir de les animer, d’activer ou du moins de faire partie du récit qu’elles proposent. Cette nouvelle dimension de l’oeuvre d’art a pour effet d’impliquer le visiteur dans l’image qu’elle renvoi en tant qu’oeuvre. Lors d’une expérience interactive l’intention de l’auteur et l’intention du visiteur entrent en résonance.
« Le point fort de l’interactivité dans l’art et dans ce genre d’événement grand public, c’est de faire comprendre immédiatement aux spectateurs qu’ils peuvent (doivent ? ) être acteurs – de l’oeuvre en particulier… Mais par extension de la vie en général ».
Afin que l’utilisateur puisse s’immerger et interagir dans une scène il doit pouvoir habiter l’environnement qu’on lui propose. L’environnement créé doit répondre à des qualités sensori-motrices proches des habitudes du sujet. Pour ce qui est de l’apprentissage de nouvelles habilités sensori-motrices, elles doivent rester cohérentes pour construire une situation cohérente dans l’espace et dans le temps. Le sujet doit comprendre où il se situe et à partir de quel moment il peut interagir afin d’avoir le rapport le plus naturel et spontané possible. En effet, le dialogue recherché dans l’interaction est presque de l’ordre du réflexe, des émotions c’est ce qui rendra une expérience singulière. C’est ici l’intérêt de tester ces dispositifs auprès du grand publique, afin que l’installation soit éprouvée de manière différente par chaque individu. Qu’elle puisse être témoin d’expériences plurielles et diverses. Pour ce faire il faudrait que le spectateur puisse transférer des données subjectives et personnelles à l’installation. Car dans cette expérience, on cherche à rendre l’action et le résultat de l’action le plus lisible possible afin de comprendre comment le sujet réagit, comment il dialogue et s’approprie sensiblement, presque inconsciemment, un environnement. Lorsque le spectateur entre dans une interprétation subjective définie par la pensée de l’artiste, il doit se l’approprier par ses propres facultés sensori-motrices pour en devenir l’acteur.

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Table des matières

Introduction
I La scénographie : de la représentation à un environnement dialogique
1.1 Questionnements contemporains
– La scénographie comme art de représenter
– L’art de la mise en scène ou la mise en scène d’un art
1.2 La scène interactive
– C’est quoi une scène interactive
– Le corps objet de la scène
1.3 Entrer dans un processus artistique
– Un système narratif qui s’autonomise
– Le statut de l’utilisateur
II Un dispositif scénique virtuel à la recherche d’une expérience sensori-motrice
2.1 Le corps comme organisme perceptif et actif
– La scénographie d’immersion
– La réalité virtuelle
2.2 De l’introspection de l’utilisateur à sa sociabilisation
– Des réponses sensorielles spontanées
– Ce que génère l’expérience collective
2.3 Mesurer l’expérience utilisateur
– Un état psychologique positif : le « flow »
– À la recherche d’un modèle d’évaluation
III Cas pratique, réalisation d’un dispositif interactif et immersif
3.1 « Le mime » une installation réactive
– La scène réversible centrale et périphérique
– Mise en oeuvre et retours d’expositions
3.2 Explorations théoriques du dispositif interactif
– Pistes d’améliorations
3.3 Réorienter le parcours de l’utilisateur
– Une autre échelle pour le réel : « la marche redirigée »
Synthèses et perspectives
Annexes
Remerciements
Bibliographie

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