La Russie et son miroir d’Extrême-Occident

Le Système politique et les dirigeants de Kaliningrad depuis la fin de l’URSS 

Cinq gouverneurs et deux maires: présentation et analyse 

Cinq mandats, cinq gouverneurs 

L’oblast’ de Kaliningrad est un Sujet fédéré autonome, ethniquement russe, de la Fédération de Russie. En tant que tel, cette entité a pour pivot politique et administratif le gouverneur. En Russie, le pouvoir est toujours entre les mains du pouvoir exécutif, jamais entre ceux du pouvoir législatif. Ainsi les gouvernants de la Russie sont le Président, les gouverneurs, les maires, tandis que les assemblées, qu’elles soient fédérale (Gosduma60), régionale (Oblduma61) ou municipale (Gorduma62), n’ont aucun poids politique réel.

Les élites russes sont économiques plutôt que politiques, en général, elles sont composées d’hommes d’affaires. Elles sont nommées plutôt qu’élues dans la mesure où les gouverneurs sont nommés (depuis 2005) par le Président après un scrutin de liste, alors que les assemblées sont élues.

Le gouverneur concentre entre ses mains l’essentiel du pouvoir politique et économique sur son territoire. Il décide en dernier ressort de toutes les questions d’importance. Il dispose librement du droit de légiférer et des ressources de l’Oblast’ qu’il peut partager comme il le désire avec les entités de l’échelon municipal. Depuis 2005, les gouverneurs ne siègent plus au Sénat (Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement) mais reçoivent des pouvoirs accrus aux dépens des maires qui sont sous leur autorité.

Depuis 2000, le gouverneur est sous le contrôle du Représentant plénipotentiaire du Président, ou Polpred, pour le Nord-Ouest (SZFO) qui siège à Saint-Pétersbourg. Cette échelle de pouvoir de création récente, intermédiaire entre le pouvoir fédéral et le pouvoir fédéré, ressemble à la fonction de préfet. Les districts fédéraux et leurs polpredy ont en fait beaucoup moins de pouvoir que les gouverneurs. Leur rôle se limite à promouvoir la politique fédérale dans les Sujets fédérés (oblasti, kraâ ou Républiques). Les gouverneurs passent par eux pour demander des subsides fédéraux. Les polpredy n’ont pas de pouvoir de gestion opérationnelle ni de pouvoir de décision important. Ils ont néanmoins une influence puisqu’ils siègent au Conseil de Sécurité de la Fédération et rapportent directement au Président leur appréciation des politiques menées par les gouverneurs. Ils coordonnent l’action des organes fédéraux (ministères) qui ont leur antenne dans le District fédéral et surtout ils veillent à la conformité des actes régionaux avec la Constitution fédérale. Pour ce faire, ils s’appuient sur la Prokuratora et le Ministère de la Justice, qui sont l’arme principal du Polpred et du pouvoir fédéral contre le gouverneur. Le cas échéant, le polpred peut inquiéter par le même moyen le gouverneur sur le plan criminel et personnel.

Ûrij Matočkin, l’intellectuel de la post-Perestroïka (1991-96) 

D’origine kaliningradienne, docteur en économie, universitaire, Ûrij Matočkin ressemble beaucoup à Anatolij Sobčak à la même époque à Saint Pétersbourg. C’est un réformateur libéral et un idéaliste, un homme compétent mais sans grand sens politique qui s’entoure d’intellectuels.

Premier gouverneur post-communiste nommé de Kaliningrad, Matočkin est confronté, tout au long de son mandat, à une situation catastrophique. Il faut gérer la fin de l’URSS et du communisme, ce qui signifie tout simplement survivre. En effet, la fin de l’ère soviétique est encore bien plus terrible à Kaliningrad que dans le reste de la Russie puisque l’Oblast’ était totalement dépendant de l’Etat, aussi bien dans le domaine militaire que dans celui de la pêche (voir infra).

Pour pouvoir survivre au cataclysme, le gouverneur Matočkin met en place une Zone Economique Libre (Svobodnaâ èkonomičeskaâ zona, ci-après ZEL) qui consiste en une zone de libre importation. Cette ZEL a des conséquences dévastatrices sur l’économie locale. Les importations réalisées à bas prix créent une concurrence insoutenable pour l’économie locale qui n’est alors pas compétitive, ce qui conduit à un effondrement complet des activités de production. Cette économie réelle est remplacée par les activités de services, et avant tout par le « navettage », commerce transfrontalier intense. Celui-ci est dans une large mesure organisé par des nouveaux riches récemment immigrés dans l’Oblast’.

C’est dans ces conditions que se crée une solide économie parallèle, que certains appellent le « trou noir » (voir infra). Mais selon V. Dyxanov, il ne s’agit nullement d’une économie « noire » c’est-à-dire illégale ou criminelle, mais tout simplement d’une économie « grise », non déclarée. La ZEL conduit en particulier à la mise en place d’un commerce massif de voitures européennes (allemandes) qui entrent à Kaliningrad et sont ensuite vendues ailleurs en Russie.

Leonid Gorbenko, le xozâjstvennik-ingénieur (1996-2000) 

Lui aussi d’origine kaliningradienne, Leonid Gorbenko est un xozâjstvennik, c’est-à-dire un homme qui se présente volontiers comme un « ingénieur », qui apparaît souvent en public avec un casque, tel un chef de chantier. C’est un « directeur rouge», ancien directeur d’un combinat du secteur de la pêche industrielle qui peut compter sur le soutien très influent de ses anciens camarades. De fait, selon Vâčeslav Dyxanov, le lobby de la pêche est l’un des plus puissants de Russie, et son influence est sans doute égale à celle du Président lui-même.

Pragmatique, Gorbenko se dit « apolitique ». Gorbenko est tout à fait à l’image de ses congénères de la même époque, Âkovlev à Saint-Pétersbourg et Lužkov à Moscou. Comme eux, c’est un homme tout à fait inculte, grossier, primitif, spécialiste des mots vulgaires, et des tournures grammaticales incorrectes. Si une partie de la population peut sans doute se reconnaître en lui, il choque l’élite intellectuelle.

C’est en 1996, au tout début du mandat de Gorbenko qu’est mise en place la Zone Economique Spéciale (Osobaâ èkonomičeskaâ zona, ci-après ZES) même si elle a été décidée avant son investiture. La ZES, qui existe jusqu’en 2014, met un terme à l’importation illimitée promue par la ZEL. La ZES vise le renforcement de l’activité locale. Elle consiste à exempter de TVA à l’entrée à Kaliningrad et à l’arrivée en Grande Russie les importations qui subissent un ajout de valeur de l’ordre de 30%. Dans les faits, le seuil de 30% n’est pas toujours respecté et il suffit souvent de transformer un produit au minimum pour échapper à la TVA. Ainsi couper une viande, graver une inscription sur un meuble, emballer un produit, c’est ajouter une valeur et entrer dans l’exemption prévue par la ZES. C’est ainsi que 7% des meubles et 10% de la viande de Russie est « produite » (transformée) à Kaliningrad. Mais, au-delà de toutes les interprétations possibles de la loi et de leur application à géométrie variable, l’économie kaliningradienne se développe réellement.

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Table des matières

Introduction
Avant-propos
Thèse et hypothèses
Etat de la recherche
Cadre théorique : une recherche qui s’inscrit dans la géopolitique critique
Notre approche
Plan
Chapitre I : Présentation historico-géographique et politique de l’Oblast’ de Kaliningrad
I 1-Présentation historico-géographique
I 1 1-Présentation géographique
Atouts et handicaps
Les sous-ensembleS
La question des infrastructures : quels transports avec la Russie ?
I 1 2- Présentation historique
La genèse de l’Oblast’
Chronologie du territoire de l’Oblast’ de Kaliningrad
I 2-Le système politique et les dirigeants de Kaliningrad depuis la fin de l’URSS
I 2 1-Cinq gouverneurs et deux maires: présentation et analyse
Cinq mandats, cinq gouverneurs
Deux « challengers » municipaux
I 2 2-Synthèse : la vie politique dans l’Oblast’ et les conflits d’intérêts
Cycles de pouvoir: des Kaliningradiens et des envoyés moscovites
Une politique incohérente ? Des volte-face permanentes de Moscou
La Ville contre l’Oblast’: conflit interne et pluralisme démocratique
Bilan : système d’acteurs
Chapitre II-Continentalité & insularité.
II.1-Auto-représentation de l’identité géopolitique de la Russie face à celle de Kaliningrad
II 1 1-Conceptions traditionnelles et renouveau
Conceptions traditionnelles
Représentations administratives du territoire
Définitions géographiques: un isthme, une Partie du Monde, un hémisphère.
Définitions politiques et idéologiques de la Russie
Une conception néo-traditionnelle : Aleksandr Neklessa et le renouveau de la vision
plurielle de « toutes les Russies »
II 1 2 – Les continentalismes russes : l’Oblast’ de Kaliningrad niée
Dugin et le « continentalisme eurasiste »
Cymburskij et le « continentalisme sibérien »
Les continentalismes face à Kaliningrad.
II 1 3-La « Péri-russie » : l’oblast’ de Kaliningrad reconsidérée
Une conception géopolitique: l’Isthme, la Sibérie & les Péri-russie-s
La Russie du XXIe siècle : trame héritée du XVIIe ou du XVIIIe siècle ?
Inclusion territoriale* : comment Kaliningrad transforme la nature de l’Etat russe
II.2- « Insularité » & « océanité » de l’Oblast’
II 2 1-Dialectiques insulaires: sécurité et vulnérabilité, ouverture et fermeture
Enclave et exclave
La dialectique prussienne du cordon ombilical
Kaliningrad : une île ?
II 2 2 -Kaliningrad et la maritimité baltique
La Baltique et ses visages
La dévolution géopolitique Suède-Pétersbourg-Kaliningrad
La Baltique : Mare nostrum kaliningradien
Les grandes évolutions d’une flotte un peu plus que baltique
II 2 3-Kaliningrad : une maritimité atlantique ou le « pays des marins et des pêcheurs»
Kaliningrad à la conquête de l’Océan mondial dès 1947
L’homo sovieticus oceanicus
Une analyse provocatrice: Prusse soviétique et Prusse teutonique
Kaliningrad ou la logique géopolitique du point cardinal
Chapitre III-Russification & allogénéisation
III 1-Appropriation fédérale et russification
III 1 1- Des politiques publiques
Le volet scolaire et symbolique : afficher une loyauté
Le volet religieux : vers la sainte Prussie ?
Le volet historique : relier des temps épars
III 1 2-Des mythes géopolitiques
Le mythe principal : le mythe des Wendes de la Baltique
Deux mythes secondaires mais en développement
III 2-Appropriation locale, enracinement et « allogénéisation »
III 2 1-Une identité soviétique originelle et une culture russe intégatrice
De l’identité soviétique au « multiculturalisme Potemkine »
L’appropriation culturelle russe du genius loci prussien
III 2 2-Identité nationale et identité régionale dans la Fédération de Russie
Introduction et théorie
Couleur locale et « effet rodina »
Province baltique, « Europe russe » et occidentalisme territorialisé*
III 2 3-De nouveaux « Prussiens » à Kaliningrad
Une affirmation subethnique par « allogénéisation »
Un patriotisme prussophile très polémique
Les paradoxes de la borussité
Conclusion

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