La recherche de solutions durables pour les mineurs non accompagnés

La thématique migratoire a marqué les esprits en 2015. L’Europe entière a été témoin d’une augmentation sans précédent des dépôts de demandes d’asile. A tel point qu’elle « a ainsi été confrontée aux plus grands mouvements migratoires qu’elle ait connus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » comme l’a décrit le Secrétariat d’Etat aux Migrations (ci-après, SEM) dans l’un de ses communiqués (2015). En effet, comme relevé dans la statistique en matière d’asile du SEM, la Suisse n’a pas été épargnée avec une hausse de 66,3% par rapport à 2014 (2016). Si l’année 2016 semble être plus modérée en matière de statistiques, certains points peuvent être soulevés pour expliquer cette tendance ; la fermeture de la route des Balkans, très prisée en 2015 par les migrants, mais aussi le fait que la Suisse ne fait plus partie des Etats de destination phares pour les requérants d’asile (SEM, 2016). De plus, certains requérants d’asile se voient refuser le dépôt d’une demande en Suisse s’il en incombe à un autre Etat selon le règlement Dublin. Cela implique donc que les Etats puissent collaborer les uns avec les autres afin de faciliter les renvois qui tombent sous le règlement Dublin mais également afin de promouvoir une politique migratoire humaine et respectueuse.

Parmi ces requérants d’asile, un nombre important se trouve être des enfants, filles et garçons, qui sont mineurs et sans la présence de leurs parents ou d’un représentant légal à leurs côtés. On les appelle des « mineurs non accompagnés » (ci-après, MNA), mais aussi des « mineurs isolés étrangers » ou des « enfants séparés ». En tant qu’enfants, il est du ressort des Etats de les protéger et de leur accorder une aide et des mesures spécifiques à leur situation, qui les rend particulièrement vulnérables, en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989 (ciaprès CDE). Si la Suisse s’en sort plutôt bien en terme de protection immédiate, il n’en n’est pas toujours le cas lorsque l’on s’intéresse aux perspectives sur le long terme. En effet, ces jeunes font face aux mesures imposées par les politiques et les lois relatives à l’asile et à l’immigration qui sont très souvent restrictives et qui ne permettent pas de pouvoir se projeter sur le long terme. De plus, les demandes d’asile déposées par des MNA sont maintenant traitées prioritairement, dans les deux ou trois mois après leur arrivée, ce qui engendre de plus en plus de permis provisoires ou de décisions négatives qui tombent pendant la minorité comme nous avons pu le voir dans la pratique et lors de divers discussions informelles avec des professionnels du domaine. Ces jeunes se retrouvent donc dans une situation d’incertitude quant à leur avenir et sont contraints de rester sur le territoire suisse plusieurs années parfois, car aucun renvoi de mineur n’est effectué. Cela pose donc des questions quant à la prise en charge de ces jeunes relativement à leur avenir et aux répercussions que cela peut leur causer. Fort de ces constats, il est donc nécessaire pour le bien-être de ces jeunes de réfléchir à la construction d’un projet de vie individuel et de mettre en œuvre des « solutions durables » qui correspondent aux besoins de l’enfant, et ce, quelque soit le lieu où la solution durable sera mise en œuvre, qu’il s’agisse de la Suisse, du pays d’origine ou d’un pays tiers. La possibilité de pouvoir créer des perspectives d’avenir et de pouvoir se projeter dans un projet concret et dans la durée est essentielle pour ces jeunes en vue de favoriser leur évolution vers l’âge adulte et ce, dans le respect de leurs droits tels que promulgués par la CDE.

La CDE fait partie des instruments juridiques internationaux des droits humains des Nations Unies. Ce traité a été créé afin de garantir et de protéger les droits de tous les enfants sans exception. Il est le premier texte international juridiquement contraignant qui incombe aux Etats qui ont ratifié la CDE l’obligation de respecter et de faire respecter tous les droits qu’elle contient. Elle représente ainsi le texte international le plus complet sur les droits de l’enfant dans leur globalité. En effet, la CDE consacre l’ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des enfants. Pour s’assurer du respect des principes de la CDE, le Comité des droits de l’enfant (ci-après, le Comité) est l’organe de contrôle de la mise en œuvre de la Convention. Tous les cinq ans, les Etats parties transmettent leur rapport sur l’application de la CDE et le Comité les examine en vue d’émettre des recommandations visant à l’amélioration du respect de celle-ci. Le Comité rédige également des documents qui servent à préciser certains articles de la Convention : on les appelle les Observations Générales.

La Suisse a ratifié la CDE en 1997 l’obligeant dès lors à s’assurer que son droit national soit en adéquation avec les principes qui se trouvent dans celle-ci. La CDE contient également un article spécifique aux MNA, stipulant qu’elle leur accorde les mêmes droits qu’aux autres enfants, tout en insistant sur la nécessité de leur accorder une protection spéciale. De par leur triple vulnérabilité, du fait qu’ils sont à la fois mineurs, migrants et non accompagnés, ces jeunes ont droit à des mesures spécifiques liées à leur situation (Gaudreau, 2013). Cependant, dans la pratique, diverses études ont révélé les contradictions qu’il existe entre la politique d’asile suisse et l’accès aux droits contenus dans la CDE. En effet, lorsque le MNA arrive en Suisse, il tombe sous le régime de l’asile souvent décrié comme non conforme aux principes énoncés dans la CDE (Antony, 2010). Le MNA est donc avant tout perçu comme un étranger avant d’être un enfant (Lachat Clerc, 2007).

Le Comité a ainsi fait part à la Suisse de ses préoccupations notamment quant aux disparités cantonales qui vont à l’encontre du principe de non discrimination à l’égard des enfants migrants. Le Comité attend aussi plus d’efforts notamment par rapport au fait que la procédure d’asile ne soit pas guidée par le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que sur la réserve émise par la Suisse sur le regroupement familial, contraire à l’article 10 de la Convention (Observation finales, 2015, let. H). Ainsi, nous remarquons que la Suisse peine à se conformer aux principes dictés par la CDE ainsi qu’à leur application formelle dans la pratique.

Dès lors, pourquoi la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, véritable pilier de la CDE, est-elle si difficile à appréhender alors qu’il existe un certain nombre de recommandations, directives et bases légales sur le sujet ? Comment parvenir à mettre en œuvre des solutions durables pour les MNA, qui soient en adéquation avec les principes énoncés dans la CDE ? Quels sont les défis relatifs à ces questions ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous nous intéresserons aux particularités relatives à la recherche de solutions durables et leur impact sur les MNA ainsi qu’à la notion mondialement connue mais encore difficilement cernée de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Définition du MNA : de qui parlons-nous ?

Comme nous l’avons mentionné, il existe plusieurs dénominations lorsque l’on parle de ces jeunes. Nous allons donc définir la terminologie utilisée dans ce travail afin d’éclairer la définition qui s’y rattache.

En Suisse, les terminologies les plus utilisées sont celles du « mineur non accompagné »  (ci-après, MNA) et du « requérant d’asile mineur non accompagné » (ci-après, RMNA), relativement proches dans leur définition. En effet, l’acronyme MNA englobe à la fois les requérants d’asile mineurs non accompagnés et les mineurs non accompagnés alors que celui de RMNA ne comprend qu’une partie de ces jeunes, à savoir ceux qui déposent une demande d’asile et « entrent dans une catégorie administrative (RMNA) pour laquelle une procédure existe » (Stoecklin, Scelsi, Antony, 2013, p. 575). Cette définition exclut donc les mineurs qui ne déposent pas de demande d’asile et qui se trouvent dans la clandestinité. De plus, la définition du MNA inclut tant les mineurs qui se trouvent en procédure que ceux qui ont déjà reçu une décision quant à leur permis de séjour. Le Conseil fédéral suisse, dans son Ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure (OA1, 2011) définit le mineur comme « quiconque n’a pas encore 18 ans révolus » (art. 1a, let. d) et « est considéré comme non accompagné le mineur qui a été séparé de ses deux parents et qui n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume » selon les précisions apportées par la Directive relative au domaine de l’asile (SEM, 2008, 1.3.1, p.12).

Hors de nos frontières, nous retrouvons également d’autres façons de nommer ces mineurs telles que « mineurs isolés étrangers » en France (France Terre d’Asile, 2009), « mineurs étrangers non accompagnés » en Belgique (Bussien, 2010, p. 11), ou encore « children on the move » par une campagne internationale dirigée par Terre des Hommes (Destination Unknown Campaign, 2015). Sur le plan européen, la terminologie « d’enfants séparés », adoptée par le Programme en faveur des Enfants Séparés en Europe (ci-après, PESE), qui est un réseau réunissant des organisations non gouvernementales (ONG) européennes, précise que ces mineurs peuvent effectivement être seuls, sans la présence de leurs parents ou représentant légal, mais qu’ils peuvent également être accompagnés d’autres membres de leur famille ou d’autres adultes. Cette terminologie comprend également les manques auxquels sont confrontés ces jeunes en termes de protection et les souffrances qui y sont liées, notamment physique, sociale et psychologique .

Dans ce travail, nous faisons le choix d’utiliser l’appellation MNA, utilisée dans le domaine de l’asile en Suisse, tant en Romandie que dans la partie Suissealémanique. Nous aurions pu utiliser celle d’enfants séparés qui est une définition plus complète et plus large de ces jeunes mais comme notre recherche se base principalement sur le rôle de la Suisse dans la mise en œuvre de solutions durables, il nous semble donc plus pertinent de parler de MNA.

Le MNA dans les méandres de l’asile

Ce sous-chapitre se décline en deux parties. Tout d’abord, il explicite brièvement le contexte dans lequel se trouvent les MNA en Suisse, à savoir celui de l’asile, puis il offre un aperçu des différentes bases légales qui concernent les MNA. Celles-ci permettent de comprendre dans quel contexte sont insérés ces jeunes et quelles sont les difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien. Enfin, nous nous intéressons à la notion de solutions durables afin de comprendre non seulement ce qu’elles signifient mais aussi leur implication dans les politiques migratoires, nous permettant ainsi de délimiter les bases pour la suite de notre travail.

Asile en Suisse
Le droit d’asile permet à toute personne de trouver refuge hors de son pays d’origine, en demandant ce que l’on appelle une protection internationale. En Suisse, le droit d’asile dépend de la Confédération et est défini par la loi fédérale sur l’asile (ci-après, LAsi) comme « la protection et le statut accordés en Suisse à des personnes en Suisse en raison de leur qualité de réfugié. Il inclut le droit de résider en Suisse » (art. 2, al. 2 LAsi). Pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, les critères suivants sont définis par la LAsi, inspirés de la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié ratifiée par la Suisse en 1955 : « Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques » (art. 3, al. 1 LAsi).

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Table des matières

INTRODUCTION
APPROCHE METHODOLOGIQUE
PROBLEMATIQUE
CHAPITRE 1 : DEFINITIONS ET BASES LEGALES 
1.1 DEFINITION DU MNA : DE QUI PARLONS-NOUS ?
1.2 LE MNA DANS LES MEANDRES DE L’ASILE
a) Asile en Suisse
b) Cadre légal international
c) Cadre légal européen
d) Cadre légal national
1.3 LES SOLUTIONS DURABLES : DE QUOI PARLE-T-ON ?
a) La notion de « solutions durables » : une notion obscure
b) Cadre légal relatif à l’asile et aux solutions durables : quelle place leur accorde-t-on ?
1.4 DEFIS IDENTIFIES
CHAPITRE 2 : LES SOLUTIONS DURABLES EN LIEN AVEC LES DROITS DE L’ENFANT ET LEURS IMPACTS SUR LES MNA
2.1 VERS UNE COMPREHENSION GLOBALE DU TERME DE SOLUTIONS DURABLES
a) Solutions durables et développement durable : quel lien ?
b) Les diverses appellations et interprétations des solutions durables : qu’est-ce que cela implique ?
2.2 COMPRENDRE LES SOLUTIONS DURABLES EN RELATION AVEC LA CDE : L’IMPORTANCE DE LA
NOTION D’INTERET SUPERIEUR DE L’ENFANT
a) L’intérêt supérieur de l’enfant : de la critique à la pratique
b) Application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant : quels critères et quels outils ?
2.3 MIGRATION, ADOLESCENCE ET RECHERCHE DE SOLUTIONS DURABLES
a) La tumultueuse et délicate expérience de l’adolescence
b) Expérience migratoire et adolescence : quelles répercussions sur la santé des MNA ?
2.4 CONCLUSION AUX PARTIES THEORIQUES
CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE 
3.1 METHODE
3.2 CHOIX DES PERSONNES SOLLICITEES
3.3 OUTILS DE RECOLTE ET D’ANALYSE DE DONNEES
3.4 CONSIDERATIONS ETHIQUES
CHAPITRE 4 : LES SOLUTIONS DURABLES ET LA RÉALITÉ DU TERRAIN 
4.1 RESULTATS ET ANALYSE DES ENTRETIENS
4.2 DISCUSSION
4.3 BONNES PRATIQUES IDENTIFIEES
4.4 RECOMMANDATIONS
CONCLUSION

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