La question du sens des apprentissages à l’école primaire

L’obstacle des disciplines d’enseignement

Mes réflexions se sont tout d’abord portées sur la finalité de l’Ecole, ce qu’elle doit faire apprendre et dans quel cadre les apprentissages doivent se faire. Si la finalité de l’Ecole est de « préparer à la vie » comme peut l’indiquer l’étude de Philippe Perrenoud , pourquoi ce lieu est-il si souvent perçu comme coupé de la « vie réelle», comme si les enseignements ne pouvaient se faire que dans un cadre très limité, celui de l’enceinte de l’établissement ? Philippe Perrenoud donne une première explication de cette question par l’étude des disciplines enseignées à l’école élémentaire. Il sépare les disciplines scolaires de ce qu’il nomme les « éducations ». « Les disciplines scolaires sont, pour certaines, faites pour donner les bases qui permettront de continuer à étudier la même discipline au lycée et dans l’enseignement supérieur ». Ces disciplines auraient donc pour finalité la progression de l’élève dans son cursus universitaire mais ne le prépareraient pas à « la vie réelle». Ce serait donc une manière d’enseigner à une certaine catégorie d’élèves, destinés à continuer leur cursus scolaire au lycée et dans l’enseignement supérieur, ce qui creuserait les inégalités sociales et ne permettrait pas de sortir du cadre délimité de l’établissement scolaire. Le sociologue oppose à ces enseignements, les « éducations » qu’il décrit en ces termes :

Les éducations (opposées aux disciplines d’enseignement) visent plus ouvertement au développement de la personne de l’élève, de ses attitudes, de ses valeurs, de ses compétences, de certaines composantes de son identité, ce qui exige bien sûr des connaissances, mais ne s’y réduit pas. Ces éducations ont une place très réduite parmi les disciplines à enseigner (en nombre d’heures notamment).

Philippe Perrenoud évoque plusieurs « éducations » : l’éducation physique, l’éducation musicale, l’éducation artistique, « l’éducation à la citoyenneté », l’éducation aux médias, l’éducation à la santé, l’éducation sexuelle, l’éducation interculturelle, l’éducation technologique, l’éducation au développement durable, l’éducation au fait religieux, l’éducation non sexiste et l’éducation morale et/ou éthique. Toutes ces éducations sont minimes en termes d’heures par rapport aux disciplines d’enseignement, et notamment par rapport aux deux principales à l’école élémentaire que sont le français et les mathématiques. Même s’il existe une autonomie des professeurs des écoles quant à la manière d’enseigner les savoirs, dès lors qu’ils ne font pas l’objet d’une évaluation précise par l’enseignant, les parents ne les reconnaissent pas comme réelles disciplines. Cependant, le professeur peut faire le choix de « préparer à la vie et de tirer les programmes vers cette préparation : en cherchant

systématiquement à relier les savoirs à des pratiques sociales et à des situations de la vie dans lesquelles ils pourraient être utiles ». Ce serait donc au professeur d’orienter sa pédagogie pour créer un lien entre le « monde scolaire » et le « monde réel » .

La « référence » aux pratiques sociales : une approche pédagogique qui donne du sens ?

C’est notamment ce que défend Célestin Freinet lorsqu’il développe sa théorie sur la pratique didactique de « la référence » pour les élèves : d’après lui, les activités scolaires doivent être en lien avec les pratiques sociales repérables par les élèves. Le théoricien refuse que l’école soit coupée de la vie et repliée sur elle-même, c’est pourquoi il ancre les activités scolaires dans le vécu des enfants et dans des pratiques sociales qui leur parlent : lecture du journal, établissement des comptes de la coopérative, travail du jardinage ou de la ferme… Philippe Meirieu donne en ce sens, l’exemple d’un enfant qui fait toujours des fautes d’orthographe en disant qu’il se relira après, « il peut alors comprendre qu’il n’apprendra l’orthographe qu’en se mettant d’emblée dans le « projet d’écrire », en situation de communiquer avec un lecteur dont on connaît les exigences » . C’est parce qu’il est en situation de communiquer, qui se rapporte à une pratique sociale, qu’il donne du sens à cet apprentissage. Cependant, cette idée de « référence » ne suffit pas à faire naître chez l’élève le « désir d’apprendre ». Si le professeur mène une pédagogie qui permet de faire le lien entre les enseignements scolaires et la « vie réelle », est-ce qu’il permet aux élèves d’apprendre ? La « référence » à des pratiques sociales vécues ou connues de l’élève peut faire naître le « désir de savoir » mais pas nécessairement le « désir d’apprendre » . D’après Philippe Meirieu, il ne suffit pas d’établir un lien avec la « vie réelle » pour que l’élève entre dans un processus d’apprentissage et lui donne du sens. Michel Fabre écrit en ce sens que « s’il est entendu que pour faire sens, les activités doivent susciter l’intérêt, si elles doivent se référer à des pratiques sociales repérables par les élèves, il reste qu’elles doivent pouvoir également proposer des apprentissages valables ». Comment proposer des apprentissages qui soient signifiants pour l’élève ?

L’approche par les objectifs : une approche didactique qui donne du sens ?

Philippe Meirieu semble répondre à cette question en proposant une approche par les « objectifs » . Il montre que pour accéder à la signification des savoirs, l’action didactique de l’enseignant consiste à organiser l’interaction entre un ensemble de documents ou d’objets et une tâche à accomplir. Il doit faire en sorte que cette interaction soit accessible et génératrice de sens pour le sujet. Les savoirs sont donc analysés à travers cette approche des objectifs qui « est un outil pour construire plus de rigueur dans la gestion des apprentissages » . L’approche pédagogique de Freinet (par les projets et l’importance de la référence et de la signification des savoirs) servirait alors de moteur et l’approche didactique par les objectifs développée par Meirieu permettrait aux enseignants d’être plus rigoureux dans leur démarche et de savoir ce qu’ils veulent faire apprendre aux élèves. L’exemple de la pédagogie de l’écriture illustre bien cette idée : Schneuwly nous montre que Freinet met en place toute une structure finalisée par l’enclenchement du désir d’écrire, de la découverte de la fonction de l’écrit mais il laisse dans l’ombre l’apprentissage du processus rédactionnel lui-même. Il s’occupe du « pourquoi écrire » et non du « comment écrire ». Autrement dit, le spontanéisme ne suffit pas, il faut donner à l’élève les outils dont il a besoin pour aller jusqu’au bout de son expression et mettre en place des dispositifs didactiques d’écriture, et donc rendre accessible l’interaction, dont parle Philippe Meirieu, entre les documents et la tâche à accomplir grâce à un objectif précis.

Le processus d’apprentissage de l’écriture : comment le rendre significatif pour les élèves ?

Le processus d’apprentissage de l’écriture est intéressant à analyser au vue de ce qui a été dit précédemment. L’écriture appartient à la discipline d’enseignement du français, et n’appartient pas, à première vue, à ce que Perrenoud appelle « les éducations » . Comment motiver les élèves à écrire et, au-delà de la motivation, comment leur permettre d’« apprendre » le processus d’écriture ? Nicole Marty montre qu’ « écrire, c’est aussi rédiger, communiquer par écrit, produire du sens pour soi et pour les autres, s’exprimer ». Dans le processus d’écriture, il y a donc l’idée que cela renvoie à une pratique sociale connue par l’élève, qui est celle de communiquer avec les autres. Cette situation de communication servirait de « référence » au sens de Célestin Freinet. C’est également ce que pense Stéphanie de Vanssay lorsqu’elle affirme que « les élèves font volontiers ce travail car ils savent dans quel but ils fournissent ce travail ». Ici, c’est bien l’idée de finalité de la production écrite qui est importante. Les élèves ont envie de produire quelque chose de valorisant qui leur permette de communiquer. Cependant, pour qu’ils soient dans une réelle situation de communication, le destinataire doit être identifié comme une « personne réelle », cela peut être les camarades de classe ou d’école, la famille ou d’autres proches. Cette idée est ancienne puisque le docteur et écrivain polonais Janusz Korczak la développe dans son projet de « gazette scolaire » dans les années 1920 dans un orphelinat de Varsovie. Il demande aux jeunes orphelins d’écrire dans une « gazette », l’actualité de la vie quotidienne et des événements du monde. Il s’agit d’apprendre « à accomplir avec conscience un devoir non imposé mais librement choisi ; à planifier un travail appelé à s’appuyer sur un effort fourni en commun par tout un groupe de gens différents (…) ». Il y a deux finalités principales dans ce projet de « gazette » : la première est de permettre aux élèves d’écrire librement car ils auront choisi le sujet de leur article, ce qui participe à leur « désir » d’écrire ; la deuxième est de participer à un projet commun, une production qui sera donc commune à tous les élèves même si les articles sont personnels. La finalité première que Janusz Korczak développe se rapporte plus précisément à la notion d’autonomie de l’élève et d’élève actif. C’est cette posture que défend également Stéphanie de Vanssay lorsqu’elle dit que « l’élève devient un vrai auteur : actif, motivé, il fournit plus d’efforts pour être clair dans ses propos ». En s’emparant d’un sujet qui lui plaît, et en étant dans une réelle situation de communication, l’élève comprend l’objectif de l’exercice et entre plus facilement dans un processus d’apprentissage de l’écriture car il va tout faire pour être compris de ses lecteurs. C’est ce que montrait également Philippe Meirieu à travers son exemple de l’apprentissage de l’orthographe par l’écriture . L’écrit de l’élève est valorisé et on lui permet de créer une passerelle avec le monde réel : en décrivant son quotidien ou l’actualité du monde, il fait entrer ses lecteurs dans son « monde privé », constitué à la fois du « monde scolaire » et de son « monde intime ».

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : La question du sens des apprentissages à l’école primaire
A) L’obstacle des disciplines d’enseignement
B) La « référence » aux pratiques sociales : une approche pédagogique qui donne du sens ?
C) L’approche par les objectifs : une approche didactique qui donne du sens ?
D) Le processus d’apprentissage de l’écriture : comment le rendre significatif pour les élèves ?
E) L’évolution des processus d’apprentissage de l’écriture à l’heure du numérique
Chapitre 2 : Le cadre de la mise en œuvre d’un blog de classe en CM1
A) L’école et les élèves
B) L’organisation des séances de blog de classe
C) Les outils d’analyse du blog de classe
Chapitre 3 : L’analyse de la mise en œuvre d’un blog de classe en CM1
A) Les motivations des élèves à écrire sur le blog de classe
A.1 Les motivations liées à la salle informatique
A.2 L’outil informatique, un outil facilitateur de l’écriture
A.3 Le travail collaboratif, un facteur de motivation pour l’écriture
A.4 S’exprimer et devenir expert de son sujet, un élément de motivation important
B) La signification donnée à l’écriture sur le blog de classe
B.1 La rédaction d’articles pour communiquer avec des destinataires identifiés
B.2 L’objectif communicationnel permet un automatisme de la « relecture »
C) La signification donnée aux activités faites en classe
C.1 Le choix des thèmes des articles en fonction de la récurrence des activités
C.2 Les activités à l’école, les activités les plus courantes et les plus remarquées
a) Les activités privilégiées, des activités « en dehors » des enseignements disciplinaires classiques
b) La lecture offerte, une signification plus ou moins importante en fonction du support utilisé
c) Une signification plus importante donnée aux activités de productions d’écrits intégrées dans des projets de long terme
d) Le projet théâtre, une logique de projet annuel qui donne du sens sous certaines conditions
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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