LA QUESTION DE LA LEGITIMATION DU POUVOIR CHEZ MAX WEBER

L’«idéal type » » comme concept méthodologique

   Considéré comme un concept opératoire dans le domaine des sciences sociales, Weber emploie l’idealtype comme outil méthodologique nécessaire permettant d’interpréter les connaissances dans la recherche. Cette théorie de l’idéaltype est abordée, voire explicitée dans l’œuvre intitulée Essais sur la théorie de la science.Dans cette œuvre, Weber procède à sa conceptualisation la plus complète, en soutenant que l’idéaltype est un tableau de pensée, il n’est pas une réalité historique ni surtout la réalité « authentique », il ne sert encore moins de schéma dans lequel on pourrait ordonner la réalité à titre exemplaire. Il n’a d’autre signification que d’un concept limité purement idéal, auquel on mesure la réalité pour clarifier le contenu empirique de certains de ses éléments importants et avec lesquels nous construisons des relations ». En effet, l’usage de ce concept permet de faire une comparaison des différentes formes modernes de domination, voire de système d’autorité avec d’autres plus anciennes. Ainsi, il décrit une panoplie de formes de soumission. Dans l’organisation sociale des peuples, par exemple, on a vu apparaitre la domination féodale, la domination de type traditionnel, charismatique et celle légale rationnelle. Ces différentes formes d’autorité se distinguent par les mobiles qu’elles mobilisent .Par le procédé de la théorie de l’idéaltype, Weber évoque ces modalités d’exercer le pouvoir pour simplement montrer comment les gouvernants parviennent à obtenir le consentement des populations dans la relation d’obéissance. En ce sens, l’idéaltype, selon Weber, est une accentuation unilatérale d’un ou de plusieurs appréhensions sociales, économiques et politiques .Il est un moyen de pensée utilisé dans le but de mettre en place une méthode de réflexion, et/ou un tableau référentiel de conceptualisation. Il l’explicite dans les propos qui suivent : [l’idéaltype] « ne prétend pas reproduire la réalité, mais doter la description des moyens d’expressions « univoques » et « précis ». Il est, ainsi, une technique de recherche qui peut être mise au service de la méthode comparative de la recherche de sens, mais aussi de l’analyse du rapport de cause à effet. C’est pour dire que ce serait dogmatique de postuler que la théorie de l’idéaltype serait liée à une démarche spécifique. Par un emploi rigoureux de ses concepts, Weber arrive à écarter toute univocité. En outre, il prend beaucoup de soins les plus pertinents dans la construction idéal-typique d’une réalité sociale en mettant l’accent sur les points les plus saillants, pour ne pas dire les plus particuliers du concept utilisé afin que celui-ci soit distingué de manière singulière et indépendante des autres quels que soient l’espace et le temps. Le concept d’idéaltype se caractérise donc par son intemporalité. De ce point de vue, il faut noter que Weber, en basant sa méthode de recherche sur cette théorie, avait comme soucis principal de fonder une pensée sociologique et politique claire. Une telle théorie va dissiper tout malentendu et toute idée controverse. C’est en ce sens qu’il défend l’idée selon laquelle la théorie de l’idéaltype n’est pas une hypothèse, mais elle vise à guider l’élaboration par plusieurs hypothèses. En plus, elle n’est pas non plus une pensée élaborée en vue de conceptualiser le réel, mais qui se propose plutôt de fournir l’ensemble des matériaux nécessaires, voire incontournables pour celui qui veut mener des recherches sociologiques et politiques permettant d’appréhender rationnellement le réel. A partir de ces considérations, on comprend que l’idéaltype est un concept opératoire dans le domaine des sciences sociales .C’est un concept est intéressant dans la mesure où il permet d’interpréter les phénomènes sociaux dans leur singularité historique. A titre d’exemple, Weber, en usant de la théorie de l’idéaltype de la domination ou celle de la bureaucratie, ne nous dit pas que ces phénomènes seront rencontrés concrètement tels que nous les découvrons. Mais, il nous permet de les conceptualiser en nous fondant sur certaines caractéristiques relevées sur différentes formes d’organisation légales –rationnelle observées. De plus, Weber, en étudiant le concept de « capitalisme », montre qu’on ignore tout de ce phénomène économique. Mais en créant son idéaltype, on verra que c’est une pratique fondée sur l’économie par la recherche de profit individuel. Une recherche effrénée de profit qui se fait, cependant, sur des bases rationnelles. L’entreprise, occupant une place de choix, séparée de la vie familiale, est organisée sur la base de règles strictes pour permettre l’échange et l’exercice du travail libre. Du coup, ce qu’il faut retenir ici, c’est que par la construction de l’idéaltype, l’objectif recherché par le chercheur, est de trouver les caractéristiques et les traits du phénomène étudié. Toutefois, peut-on considérer que la théorie de l’idéaltype est un concept qui s’appuie seulement sur les caractéristiques d’un phénomène et non sur sa valeur, si l’on sait que c’est par l’observation rationnelle d’un ou de plusieurs phénomènes que sa construction est faite? Répondre à cette question reviendrait à analyser la relation de domination. En effet, on construit l’idéaltype de la domination en convoquant les notions de relation interindividuelle, de soumission, de relations d’autorité, d’obéissance et d’influence. De telles relations sont hiérarchisées et normées par les lois et les règles, mais aussi par la confiance entre les sujets. De ce point de vue, la théorie de l’idéaltype ne saurait être une idée abstraite et totalement séparée du monde. Elle trouve sa racine dans les traits que présente le phénomène observé, mais aussi sur la signification de celui-ci .Cependant, pour mieux expliciter cette notion d’idéaltype, ne serait-il pas plus pertinent de la comparer avec un autre type que Weber appelle aussi le « type moyen ».

Légitimité et légalité

   Dans le domaine politique, Max Weber a élaboré plusieurs concepts idéaux typiques pour appréhender les phénomènes de pouvoir dans la relation sociale .Les idéaux types de domination, de puissance et de légitimité figurent en bonne place dans sa pensée sociologique et politique. En définissant le concept de domination comme une relation sociale de subordination et de consentement entre les individus de catégories sociales différentes, Weber défend qu’elle peut épouser différentes natures. Elle peut être personnelle comme la relation entre le maître et l’esclave, entre père et son fils. Elle peut prendre le caractère impersonnel dans le cadre d’obéissance à des contraintes systémiques. En ce sens, la domination peut passer d’une nature volontaire et arbitraire à une autre qui est objective, voire rationnelle qui transcende toutes les composantes de la société. Dès lors, pour analyser les deux concepts de légitimité et de légalité, nous allons les étudier dans la relation de domination ou de pouvoir. Apres une clarification conceptuelle pour saisir leur sens précis, nous essayerons d’établir le rapport qu’ils entretiennent dans le jeu du pouvoir. Une domination, au vrai sens du terme, doit, selon Weber, se fonder non pas seulement sur les intérêts matériels, mais sur le consentement du dominé .Si l’on en croit Julien Freund,une domination ne peut pas se contenter seulement de la soumission des dominés, mais elle doit chercher à éveiller chez ses sujets la foi en la légitimité. Autrement dit, la relation de domination doit chercher à transformer le dominé jusqu’à ce qu’il adhère de manière consentante et disciplinée à l’autorité revendiquée par le dominant. En ce sens, le dominant doit transformer la discipline comme une sorte d’adhésion à une vérité qu’elle représente. Ainsi, pour une stabilité sociale, la relation entre le dominant et le dominé doit être une production des structures symboliques partagées entre les détenteurs de l’autorité et les gouvernés, c’est-à-dire, ceux qui sont dans une position d’obéissance. Pour une vie sociale harmonieuse et paisible, il faut que la relation d’obéissance ait comme fondement l’ordre légitime défini rationnellement. L’ordre légitime est toujours revendiqué par celui qui exerce le pouvoir. Ce dernier est celui qui en a besoin dans l’exercice de son pouvoir. Et sur cette position de revendication de légitimité, Weber en dénombre plusieurs de formes particulières d’obéissance .A ce propos, il soutient que « l’action de celui qui obéit se déroule en substance comme s’il avait fait de sa conduite et cela simplement de par le rapport formel d’obéissance sans considérer la valeur ou la non-valeur de l’ordre ».De ce point de vue, la légitimité que revendiquent les gouvernants, va instaurer un rapport d’obéissance à l’administration quelle que soit la nature de l’ordre. Donc, des différentes formes de domination théorisées par Weber, il y a une constance. C’est que chacune d’elles cherche la légitimité fondée sur la croyance aux ordres du dominant. C’est dire que l’obéissance n’est pas seulement suffisante pour instaurer une relation de dominant et de dominé. Pour que celle-ci puisse perdurer, il faut la foi en la légitimité chez les membres qui participent dans les rapports d’interaction. Ainsi, La légitimité, est comprise, selon Weber, comme une autorité s’exerçant avec l’assentiment au moins tacite des dominés. Et partant de là, il observe que « La forme de légitimité actuellement la plus courante consiste dans la croyance en la légalité, c’est-à-dire, la soumission à des statuts formellement corrects et établis selon la procédure d’usage  . Cette façon de concevoir la légitimité ne semble-t-il pas soulever quelques problèmes complexes ? Ainsi, ne peut- elle pas être invoquée contre la légalité ? Si une chose ou un acte est jugé légal parce que conforme à la loi, la légitimité, quant à elle, ne prend-elle pas appui sur un ordre supérieur ? D’où la nécessité de les distinguer. En effet, la légitimité et la légalité sont deux concepts qui sont au centre de l’exercice du pouvoir. Une grande confusion est cependant entretenue sur ces notions. La légitimité est un accord, une autorisation que le peule a donnée à un homme ou un gouvernant ou un groupe organisé pour le diriger. Par exemple, le peuple peut octroyer l’autorisation à un parti politique pour le diriger et/ ou pour prendre des décisions à son nom sur la base des normes préalablement définies et acceptées par tous. Confondu à celui de légalité, le concept de légitimité est défini, en substance, par Olivier DUHAMEL et Yves MENY, dans leur Dictionnaire Constitutionnel, ainsi : la légitimité est différente de la légalité qui est la conformité à la loi telle qu’elle est établie par les organes ou organismes habilités .Alors que par légitimité, il faut entendre l’accord avec une demande ou une exigence que l’on considère comme étant supérieure. La légitimité donne, ainsi, à ceux qui sont élus une autorité ou une autorisation à exercer un pouvoir ou une autorité. L’autorité tient de ce pouvoir de demander à sa popularité. En ce sens, la légitimité a de la valeur. Elle vient de ce que le pouvoir qu’elle instaure ne s’appuie pas sur la force des dominants. Ce pouvoir d’autorité vient de l’extérieur. En d’autres termes, c’est la volonté libre des individus qui confère ce pouvoir. Par conséquent, la légitimité consolide le pouvoir en lui octroyant un fondement solide. De ce point de vue, il faut retenir que la légitimité est la capacité pour le détenteur du pouvoir de faire admettre ses décisions. La reconnaissance de son pouvoir ou l’adhésion à ce dernier par ceux qui sont sous sa domination et qui sont les principaux acteurs de son élection lui donne une certaine jouissance. L’autorité élue par les citoyens bénéficie d’une autorisation de commander sur la base du droit que les dominés ont préalablement édicté. En ce sens, il est très difficile de s’opposer au pouvoir et aux décisions d’un chef légitimement élu ou choisi. Donc la légitimité relève de la science politique et se distingue nettement de la notion juridique de légalité. Elle permet de caractériser le type de domination. Ainsi comprise, elle est une croyance, mais une croyance de ceux qui sont gouvernés en une valeur intrinsèque de l’ordre social où ils évoluent. Pour le détenteur du pouvoir, la domination ne serait durable que si elle permet de dépasser l’obéissance orientée par un processus rationnel et instrumental ou par l’habitude. Les dominés, non seulement, doivent pouvoir donner un sens à leur consentement mais aussi, ils doivent être dans une position de souhait car ils voient dans la position à laquelle ils sont une garantie de leur sécurité, de leur stabilité sociale, voire de leur épanouissement. Cependant, pourquoi l’acceptation de la domination ne doit-elle pas se fonder uniquement sur l’utilité ou l’habitude ? En effet, Weber nous en donne les raisons. Pour lui, si la soumission à l’ordre social n’est motivée que par l’utilité, alors il suffit qu’il ait un changement dans la distribution des avantages et des sanctions pour que l’ordre soit remis en cause, voire se retrouve dans une situation périlleuse. De même, si les gouvernés se soumettent par l’habitude, il y a risque de changements de comportement permanents dans l’avenir. Et cette situation risque de déstabiliser la cohésion sociale. La solution ,selon Weber, c’est de faire de telle sorte que l’adhésion des dominés trouve sa source dans des valeurs morales profondes .Weber ajoute que l’ordre respecté selon les motifs rationnels en finalité est généralement beaucoup plus stable si l’orientation faite est basée simplement en vertu de la coutume car ce comportement, épouse un caractère routinier .Cet ordre, comparé aux autres , est moins stable que celui qui s’affirme grâce au prestige de l’exemplarité et de l’obligation ,pour dire de la légitimité. Toutefois, doit-on se méfier des explications fonctionnelles qui appréhendent l’origine de la légitimité dans le besoin de stabilité ? Ce genre d’argumentaire est souvent retrouvé dans de nombreuses études sur les écrits politiques de Weber. Mais, pour mieux expliciter le concept de légitimité, interrogeons-nous pour comprendre les raisons de la domination. Pour qu’il ait une domination, il faut au moins que les rapports soient justifiés en se fondant sur un principe partagé. Il faut qu’aussi le consentement des individus puisse avoir comme fondement des mécanismes qui assurent une obéissance consentie à travers le principe de légitimation. A ce propos, Augustin Simard soutient que la légitimité n’est jamais envisagée comme un élément fonctionnel susceptible de résoudre « l’énigme de l’obéissance » ou encore de révéler les mécanismes souterrains qui assurent l’intégration de la société » : elle désigne, au contraire, un phénomène autonome dont les effets sont d’ailleurs, pour l’essentiel, internes au groupe dirigeant lui-même . En effet, selon Simard, les gouvernants font de la légitimité un moyen politique pour stopper toutes volontés d’émancipation des dominés dans l’objectif de bien asseoir une stabilité sociale durable dans l’exercice de leur pouvoir. Explicitement, l’effet de stabilisation évoqué dans la théorie de la légitimation du pouvoir provient de deux sources. Une première qui est une grande manipulation qu’organise le gouvernant pour pallier à toute idée ou volonté de son renversement. Une seconde qui émane d’un besoin de stabilité du système politique .Partant de l’idée selon laquelle, le pouvoir politique accepté est détenu par celui qui dirige ou exerce un certain pouvoir, il nous semble difficile qu’on puisse échapper à l’une ou l’autre de ces deux hypothèses. Loin de se séparer, elles se complètent, voire vont ensemble. Ainsi, vouloir comprendre la nature de la légitimité reviendrait à considérer ces deux aspects. Par ailleurs, deux niveaux de différenciation sont aussi notés dans la conscience des dominants et des dominés. Pour les dominants, il y a aucun doute des effets de la légitimité et ils y font recours, alors que les dominés se considèrent comme esclaves de leurs croyances. La situation de soumission dans laquelle ils sont confinés ne leur permet pas de voir la manipulation parfois latente et rationnelle des dominants. L’autre problème qu’il faut aussi souligner vient d’une surévaluation de la stabilité qu’engendre la légitimité. C’est paradoxal, par exemple, qu’on observe dans certains pays des rebellions et des coups d’état, voire des révolutions politiques alors qu’on a toujours considéré que les systèmes de légitimité engendrent la paix sociale et le pouvoir durable. Cette situation permet de remettre en cause la légitimité de certains pouvoirs .C’est pourquoi pour le dominant, il y a nécessité, à côté des systèmes de légitimité, d’instaurer un pouvoir fort pour contraindre toute velléité de contestation. Autrement dit, un pouvoir qui use de la contrainte de manière rationnelle est le meilleur garant de la stabilité de son autorité. Des lors, n’est-il pas possible de voir par là un problème dans l’analyse de la légitimité par Weber ? En effet, si la domination est un processus qui n’a pas besoin à tout moment que des raisons qui la guident soient clarifiées et convaincantes, on peut se demander si une domination peut avoir une légitimité par les charges qu’elle regorge. La réponse qu’on pourrait défendre serait que la légitimité s’impose à tous car elle est un déjà là. Elle s’impose parce qu’elle est aussi un élément culturel d’une société. Lequel élément n’est pas le produit d’une aspiration d’un quelconque leader ou dirigeant charismatique. Au contraire, elle traduit l’aspiration de tout un peuple à travers un système d’obéissance qui est la reproduction sociale de la société. Cependant, cette conception de la légitimité wébérienne a des limites. En les analysant, Gerald Mendel affirme que la légitimité de la loi ne va plus de soi pour nous, aussi bien celle de la loi nazis ordonnant l’exclusion sociale des juifs et l’élimination des handicapés que celle de la loi stalinienne permettant de condamner à mort un enfant à partir de l’âge de douze ans .

Le pouvoir : « monopole de la violence physique légitime »

   Weber, guidé par la théorie de l’ « idéaltype », analyse le phénomène du pouvoir en le définissant comme une relation d’influence. Il s’est interrogé sur ses conditions d’émergence et d’institutionnalisation. A ce propos Laurent Fleury soutient ceci : « Considéré comme un rapport de force, le pouvoir est pensé en terme d’action d’un individu sur l’action d’autres individus, rapports de forces inégalitaires relativement stabilisé ». En ce sens, le pouvoir peut être défini comme la capacité d’un agent à affecter les actions d’autrui. La relation de pouvoir est dirigée de façon à assurer la production d’effets recherchés en provoquant un comportement ou un ensemble de comportements déterminés. Ce principe d’asymétrie permet d’éclairer la notion de contre -pouvoir. Le jeu de pouvoir et du contre- pouvoir est généralement présenté comme un moyen efficace de parvenir à un équilibre social. Si nous nous référons à Weber, on voit que sa réflexion sur cette question aura exercé sur la conception de la théorie de la légitimation du pouvoir une influence exceptionnelle. Dès lors, en quoi Weber considère que le pouvoir est l’expression du «monopole de la violence physique légitime »? Ne dissociant pas l’Etat et le pouvoir politique, Weber considère que ce dernier est l’exercice d’une autorité politique. Il le définit comme une structure qui s’exerce par l’usage d’un moyen spécifique à savoir la violence physique. A cet effet, par cette définition, Weber clarifie les formes de pouvoir dans les sociétés diverses. C’est parce que l’Etat use de la force pour réguler la société que Trotski, théoricien et homme politique russe considère que « Tout Etat est fondé sur la force » rapporte Weber .Ainsi, les structures sociales sont-elles capables d’instaurer la paix sociale sans l’emploi de la force ? La violence peut-elle être absente dans la gouvernance sociale ? Si les hommes pouvaient exercer leur autorité sans usage de la violence, une organisation politique comme l’Etat ne disparaîtrait elle pas ? Convenons avec Weber que le pouvoir s’exerce difficilement, voire n’existerait pas sans l’usage de la force, de la violence. D’autres moyens pour son exercice existent, mais la violence semble être le moyen le plus efficace. A son absence, l’anarchie ne s’installerait elle pas ? La présence de l’Etat comme structure centralisateur de la violence ne semblerait- il pas être la voie du salut pour la pérennité de la coexistence pacifique ? En effet, Weber définit la violence comme l’ensemble des actes que caractérise la force physique de manière abusive. Elle peut être exercée physiquement par l’utilisation des armes et symboliquement par le système des taxes et autre. De son côté, la légitimité est une notion beaucoup plus subjective et exprime l’adhésion profonde de la population à la manière dont elle est gouvernée. Et la violence légitime s’oppose à la violence tout court car celle-ci est infligée conformément à la loi. Ainsi, la légitimité de la violence n’épouse-t-elle pas un caractère juridique ? Si la violence est une opposition à la violence alors la question de l’appréciation de la légitimité se pose .Dès lors, la violence peut-elle être légitime ? Tenter de répondre à cette problématique reviendrait à essayer de comprendre en quoi la violence n’est pas toujours déployée dans le but de faire souffrir ou torturer .Mais aussi, voir en quoi elle est reconnue comme le moyen de l’autorité. Sur ce, on pourrait dire que la violence, quand elle est exercée, a pour première conséquence la souffrance, la douleur morale ou physique .C’est la raison pour laquelle on croît que la violence ne peut servir qu’à violenter l’autre. Et pourtant, on note que ce n’est pas toujours le cas. Beaucoup de choses motivent l’usage de la violence. Celle qui nous intéresse pour notre étude, c’est celle qui est utilisée pour instaurer ou rétablir l’autorité dans l’exercice du pouvoir politique. Une violence est dite légitime selon l’intention qui anime son usage. Par exemple, en période de guerre entre les Etats, l’usage de la violence est légitime dans la mesure où elle est utilisée par les belligérants pour sauvegarder leur intégrité territoriale et se protéger. La légitimité de la violence est aussi admise quand elle est déployée pour rétablir, voire instaurer l’ordre. Cela montre la difficulté d’interpréter cette notion de violence légitime. En regardant la définition du terme de « violence physique légitime », on note qu’il est question de la violence exercée selon les prescriptions de la loi. Donc, le rapport entre la légitimité et la légalité est bien visible et semble nécessaire pour caractériser la légitimité de la violence .Ainsi, une violence est légitime quand elle est exercée dans le respect des lois et des règlements. De manière précise, il s’agit de la violence déployée dans les situations de légitime défense et dans l’application du droit. La légitime défense est l’accord donné légalement de faire cesser une agression physique contre soi-même en utilisant des moyens qui seraient interdits dans d’autres cas. De ce point de vue, on peut dire que la violence qui met fin à celle-ci, est acceptée, voire légitimée. Car, il est admis que la violence est légitime si elle est une violence qu’on peut admettre et excuser, voire justifier .Elle s’appuie sur des concepts subjectifs. Certes, les lois et règlements procèdent par une délimitation de l’excusable et ce qui ne l’est pas. Mais, on sait que la loi ne couvre pas toujours toutes les situations possibles. Le juste n’est pas toujours légal. A ce titre, on a, au cours de l’histoire, quelques exemples où la conscience morale s’insurge souvent à juste raison contre le droit établi .Par exemple, le cas de l’Apartheid en Afrique du Sud. Ce qu’il faut retenir et qui est important, c’est qu’on a la possibilité de remettre en question le droit dans le sens de pouvoir corriger ses limites. Dans le droit, on note la notion de justice sociale. C’est pour cela, après la Seconde guerre mondiale, on condamna les officiers nazis au procès de Nuremberg prônant la notion de crime contre l’humanité et la protection des droits de l’homme. Cependant, Weber va plus loin et développe l’idée selon laquelle l’Etat peut assurer son rôle et garder son statut grâce à l’usage de la violence. C’est, donc, la violence qui définit la force d’un Etat et empêche la société de tomber dans l’anarchie. Car il s’agit de la figure suprême de l’autorité pour une population entière. Et la violence est son moyen légitime d’établir son autorité. Mais de façon plus moderne, il faut retenir, en substance que, l’Etat reste un territoire déterminé par des frontières géographiques avec une communauté humaine et qui revendique dans la limite de son territoire le monopole de la violence physique légitime. Par le monopole de l’utilisation de la violence que détient une structure politique comme l’Etat, Weber considère que l’Etat est la seule institution qui peut utiliser légitimement la force physique. En effet, par l’expression « légitime » il montre que si des personnes peuvent faire usage de la violence elle n’est en aucun cas légitime. Seul l’Etat, pouvoir politiquement institué, est habilité à user de la violence légitimement car cela fait partie de ses prérogatives légales. Ainsi, lorsqu’un individu est autorisé à user de la violence, il le fait par délégation de l’Etat. Toutefois, interrogeons-nous pour pousser un peu la réflexion en cherchant à savoir si la violence est légitime partout. En d’autres termes, si l’Etat légitime la violence, alors qu’en estil de la violence internationale ? Si le concept de légitimité dépend du système légal d’un pays ou d’une organisation, alors ne peut-il pas y avoir de nombreuses visions différentes ? La légitimité de la violence dépend du contexte et des circonstances dans laquelle elle est employée, mais aussi de la nature des buts visés. Lors d’une guerre, par exemple, chaque pays peut penser que l’usage de la violence est légitime car il va s’agir de protéger sa population dans un sens et/ou de protéger ses principes idéologiques. C’est pour ces raisons que des terroristes revendiquent leurs idées par la violence. Cette violence est légitime à leurs yeux. Des organisations extrémistes comme  organisation regroupant plusieurs pays en l’occurrence l’ONU est nécessaire pour « surveiller » les relations internationales. Bien qu’une fois encore il peut y avoir des conflits sur le droit à l’intervention (l’Etat souverain) dans un conflit et sur l’arbitrage de la légitimité des pays.

La légitimité charismatique

   La légitimité charismatique est une forme de domination légitime qui est, tout entier, fondée sur le charisme d’une personne ou d’un chef (sauveur, prophète, héros..) etc. …Weber la définit comme suit : La domination charismatique sous sa forme originelle ne connait pas par conséquent, ni de principes juridiques abstraits, ni règlements, ni exercices « formel » du droit. Son droit « objectif » est l’émanation concrète de l’expérience éminemment personnelle que le maitre charismatique fait de la grâce céleste et d’une force héroïque semblable à celle des dieux ; il implique le refus de la soumission à tout ordre extérieur, au profit de l’idéalisation exclusive de la mentalité authentique prophétique et héroïque. En d’autres termes, elle est une forme de domination qui dépend des qualités extraordinaires de la personne qui l’incarne. Elle obéit à aucune règle juridique. Il faut, cependant, préciser que la légitimité charismatique est développée par une organisation sociale d’autorité. Parmi les formes de légitimité théorisées par Weber, elle est celle qui le fascine le plus. Si on sait qu’elle s’oppose à toute forme d’organisation administrative bureaucratique, on peut se demander les fondements de la légitimité charismatique .Puis, on peut s’interroger aussi pour voir comment elle se déploie. Avant d’apporter des esquisses de réponses à ces interrogations, n’est -t-il pas pertinent d’étudier d’abord l’idéal type du charisme ? Si le terme « charisme » est de manière très forte banalisé dans notre façon de s’exprimer dans la mesure où il renvoie à toute sorte d’ascendant que l’on impute au rayonnement ou au magnétisme propre d’un individu, il n’en va pas de même en sociologie. Dans les sciences sociales, plus précisément en sociologie, il « pointe vers une dimension véritablement exceptionnelle et s’applique principalement à deux domaines de l’activité humaine : le religieux d’abord et, par extension, le politique » .En effet, l’individu qui joint du charisme peut être un « envoyé de Dieu » ou un « chef guerrier » .Il se distingue des autres parce qu’il possède des qualités qui transcendent les valeurs humaines. Pour parler comme Weber, le personnage charismatique détient le « feu sacré » qui le particularise des autres hommes ordinaires. Une telle particularité lui confère une autorité éminente sur ceux qui manifestent en vers lui une reconnaissance de sa dimension. En effet, à en croire à Weber, le charisme est un mode de domination .Dans sa signification initiale plus précisément en théologie chrétienne, le concept renvoie à la présence d’une grâce divine qui se manifeste chez l’individu par des dons extraordinaires .Dans le champ sociologique, même si la dimension extraordinaire est toujours conservée, on met plus l’accent sur la personne qui la possède et sur l’autorité qu’il est sensé exercer sur des disciples. La nature des dons que le personnage charismatique possède n’est pas trop mise en valeur. En ce sens, le le charisme est au principe d’un mode particulier de domination, dans lequel un leader impose son autorité grâce à une qualité ou un ensemble de qualités spécifiques, nimbes de sacre ou de vertu héroïque ; elles sont inhérentes à sa personne et il doit en prouver régulièrement la possession à ses disciples par un ensemble de hauts faits ou de prestation à caractère magique. Religieux par sa nature(en particulier dans les sociétés les plus anciennes, où la domination religieuse tend à imprégner l’intégralité des domaines de l’agir social), le charisme est politique par ses effets : il confère à son possesseur une autorité personnelle décisive qui peut lui permettre de rompre avec la tradition et avec les pouvoirs établis au nom de sa relation particulière avec une dimension transcendante. Le leader charismatique est celui qui a le pouvoir d’énoncer – et de faire respecter –des commandements nouveaux légitimes par sa seule parole. En ce sens, on pourrait dire que le charisme est une disposition qui donne à une personne un comportement singulier, un caractère extraordinaire qui montre qu’elle est dotée de pouvoirs et de qualités surnaturelles, voire surhumaines, ou tout le moins, exceptionnelles. Le personnage charismatique bénéficie de la confiance des individus qui lui voue une confiance aveugle et une obéissance consentante. Julien Freund ne dit pas autre chose, à propos du charisme. Il précise que le charisme est rupture de la continuité, qu’elle soit légale ou traditionnelle ; il brise les institutions, il remet en question l’ordre établi et la contrainte habituelle pour en appeler à une nouvelle manière de concevoir les rapports entre les hommes. Il est à la fois destruction et construction » En d’autres termes, le personnage qui jouit du charisme a autour de sa personne une cohorte d’individus qui appliquent sans aucune réflexion ses ordres, voire ses décisions car ils les considèrent comme des lois établies pour l’intérêt de la communauté. Le personnage charismatique, de ce point de vue, se donne un régime d’exceptionnalité au regard des règles qu’il met en œuvre dans des domaines comme l’économie, la vie sociale, mais dans l’exercice de son autorité. Cette dernière est exercée suivant une hiérarchie interne qui dépend des faveurs du chef ou des disciples qu’il a choisis. En outre, le charisme est devenu un modèle contemporain .C’est dans ce sens que Weber nous le présente dans un modèle typologique. Le charisme wébérien représente un des formes de domination permettant de légitimer le pouvoir politique, voire l’exercice d’une autorité. Cependant, à côté de la tradition des ancêtres et de la compétence encadrée par les procédures et lois, peut-on affirmer que le charisme ne peut pas se présenter dans les sectes religieuses et dans les structures d’ordre naturel où la soumission est de rigueur ? Autrement dit, « les sociétés modernes, de plus en plus profondément gouvernées par des règles impersonnelles de nature bureaucratique, peuvent-elles encore succomber à la fascination pour un chef détenteur de charisme »? Sous ce rapport on voit que la sociologie politique contemporaine, en étudiant la genèse des régimes totalitaires dans l’Europe des années de guerres et de toutes les atrocités humaines, nous a présenté une nouvelle approche d’une pertinence extraordinaire au concept de charisme dans le domaine politique. En occultant les autres domaines comme le religieux, la pensée politique a montré comment un leader arrive à imposer sa vision.A titre d’exemple, prenons un cas très remarquable, celui de Hitler .On se demande comme il a réussi à imposer ses convictions, ses idées et sa volonté du destin de la nation allemande à un Etat fortement bureaucratisé .Non seulement, il a réussi à rendre universelle sa vision, mais il a mis en place une société très différenciée dans ses fonctions. Si la communauté charismatique classique mettait l’accent sur la mise en place d’un groupe restreint très proche du leader, l’Etat totalitaire de la vision d’Hitler ne créait qu’un simulacre de proximité à travers des rites de communion entre le guide, c’est-à-dire, le leader et son peuple. Ce rapprochement artificiel permet d’anéantir toutes les autorités intermédiaires susceptibles de constituer un obstacle à « l’atomisation de la société ».Le charisme, inefficace dans les sociétés de population très grande, peut donner des résultats probants dans celle de taille réduite. Le personnage charismatique, dans cette dernière, peut changer radicalement le destin d’une société et l’orienter vers la direction voulue par le leader. Le charisme, que d’aucuns considèrent comme un phénomène imprévisible, voire irrationnel semble susceptible d’amorcer une révolution voire un changement social d’une envergure très grande. Il reste même très actuel dans nos sociétés modernes. En admettant que la légitimité traditionnelle présente les hommes comme déterminés par leur culture, l’idéal type de la légitimité charismatique repose selon Weber « sur la soumission extraordinaire au caractère sacre, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d’une personne ; ou encore (émanant) d’ordres révèles ou émis par celle-ci » .En d’autres termes, c’est une forme de domination légitime qui repose sur la croyance aux valeurs et vertu que possède le leader charismatique. Ce dernier dispose de qualités humaines qui transcendent celles des autres. Pour comprendre les fondements de la légitimité que procure cette forme de pouvoir, il semble important de convoquer la définition que Weber donne du concept de charisme. Weber appelle charisme la qualité extraordinaire ( à l’origine déterminée de façon magique tant chez les prophètes et les sages, thérapeutes et juristes, que chez les chefs des peuples chasseurs et les héros guerriers) d’un personnage, qui est, pour ainsi dire, doué de forces ou de caractères surnaturels ou surhumains ou tout au moins en dehors de la vie quotidienne, inaccessibles au commun des mortels ; ou encore qui est considéré comme envoyé par Dieu ou comme un exemple , et en conséquence considéré comme un « chef » [ Führer] . A la lecture de cette définition, on comprend que le chef charismatique n’est pas un individu comme les autres. D’abord, le charisme peut provenir de pouvoirs surnaturels. Les pouvoirs du personnage charismatiques peuvent être expliqués par les liens qu’il entretient avec des chamans, des mages, des oracles selon Weber. Puis, il peut aussi provenir d’un caractère personnel que le leader porte à un niveau extraordinaire. A titre d’exemples, on peut convoquer les génies artistiques, les leaders politiques qui ont la possibilité de faire usage de leurs dons pour légitimer leur position de pouvoir. Enfin, le charisme peut être constaté dans la gloire de ceux qui ont pu réaliser des choses extraordinaires en participant à des évènements extraordinaires ou en réalisant des prouesses au bénéfice de la communauté. Les personnes qui ont été témoins de grands évènements sont dépositaires de récits qui font d’eux des hommes exceptionnels. Bref, le charisme réside plus dans une forme de mise en scène de la qualité que dans ses caractéristiques propres, au point que, n’importe quelle disposition humaine pourrait être production de charisme si elle est bien exploitée.

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Table des matières

Introduction
Chapitre premier : Le pouvoir comme rapport de domination
I .1. L’ « idéal type »,comme concept méthodologique
I .2. Légitimité et légalité
I. 3. Le pouvoir :« monopolisation de la violence physique et légitime »
Chapitre II : Une typologie des formes de légitimité
II .1. La légitimité traditionnelle
II .2. La légitimité charismatique
III .3. La légitimité légale-rationnelle
Chapitre III : « Weber ou la démocratie inachevée »
III .1. De l’inactualité de la typologie wébérienne
III .2. L’idéal démocratique wébérien
III .3. La légitimité démocratique
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE

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