La publicité comme condition de l’existence des médias

La publicité comme condition de l’existence des médias 

La présence de la publicité dans les médias ne peut pas être remise en cause car elle est la condition de leur existence et ce, depuis la création des premiers journaux. Nous verrons d’abord dans cette analyse historique comment leur interdépendance s’est construite.

La presse a toujours été dépendante de la publicité

L’interdépendance entre la publicité et les médias ne date pas d’hier. La publicité a fait irruption dans la presse il y a trois siècles et demi, d’après l’historien des médias Marc Martin . C’est Théophraste Renaudot, le fondateur de la presse française qui invente la petite annonce et l’introduit à partir de 1633 dans la « Feuille du Bureau d’adresse et de rencontres ». Dès sa création, la presse est donc à la fois le support d’un message informationnel et le support d’un message publicitaire. Mais c’est une décision politique qui va généraliser la présence de la publicité dans les pages des journaux. En 1827, le comte de Villèle entend brider la presse en multipliant par deux et demi les tarifs postaux. Cette loi postale contraint les quotidiens parisiens à compenser ces frais supplémentaires. En réponse, ils agrandissent leur format et font le choix de consacrer une partie de leur dernière page aux annonces.

Émile de Girardin fonde l’un des premiers périodiques bon marché, « La Presse » en 1836 et s’inspire du modèle économique inventé par ses contemporains. Afin de multiplier le nombre de lecteurs, il baisse significativement le prix de l’abonnement qui passe de 80 à 40 francs et fait appel aux ressources publicitaires. Si ces nouvelles recettes ne permettent pas de compenser entièrement les frais de timbre, elles vont néanmoins permettre de toucher un public plus large. La démocratisation de la presse est donc intimement liée au développement de la publicité en son sein. L’interdépendance entre journalistes et professionnels de la publicité est donc un fait ancien comme le rappelle Valérie Patrin-Leclère, constitutive du journalisme moderne. Publicité et journalisme ont vocation à exister dans les mêmes espaces. Pour autant, la présence de la publicité dans les pages des journaux est très tôt à l’origine d’une vaste controverse. Le journaliste Alfred Nettement estime que ce mode de financement porte atteinte à la « dignité du journal ». Il faut reconnaître que la pratique de la réclame a largement contribué à écorner l’image de la publicité dans la presse. Les annonces sont rédigées par des charlatans qui promettent des remèdes miracles, comme la poudre à faire pondre les poules qui devait permettre d’avoir des œufs même en hiver. La réclame qui se développe dans les années 1830 adopte la forme d’un article alors qu’il s’agit en réalité d’une publicité. Plus coûteuse que l’annonce publicitaire parce qu’elle est jugée plus efficace, elle est rédigée avec la même typographie que le reste du journal et mélangée au contenu de celui-ci. Selon Karine Berthelot-Guiet, « dès les débuts de la publicité « de presse » des formes plus ou moins identifiables en tant que publicité ont existé et ont nourri une idée de tromperie difficile à effacer ». L’idée que les médias pourraient être corrompus par l’argent s’est développée après deux grandes affaires, le scandale de Panama et les emprunts russes. En 1892, le journal antiparlementaire La Libre parole publie une série d’articles visant à dénoncer les pratiques de la Compagnie universelle du canal de Panama créée par Ferdinand de Lesseps. Cette enquête révèle que des parlementaires ont été achetés en vue de taire les difficultés de la Compagnie et de voter une loi permettant les emprunts. Si les accusations visent avant tout le personnel politique, la presse de l’époque n’est pas épargnée puisque certains directeurs de journaux et journalistes influents sont accusée d’avoir touché des pots-de-vin. Au début des années 1920, c’est le quotidien communiste L’Humanité qui publie des documents visant à démontrer que les grands journaux ont été achetés par la Russie du tsar pour promouvoir les emprunts russes. Cette série d’article fustige « l’abominable vénalité de la presse ». Les journalistes sont là aussi accusés d’avoir touché des pots-de-vin. L’Humanité parvient à démontrer que 6,5 millions de francs ont été versés par la Russie sous la forme d’achats de publicités, de subventions, de financements de suppléments… Ces affaires ne concernent que certains journaux et journalistes, selon Marc Martin : « Dans l’ensemble des rédactions, c’était l’hostilité à toute forme de publicité qui primait ». Pour autant, elles écornent l’image de toute la profession. Dès la fin des années 1920, Léon Blum s’inquiète de la dépendance des milieux d’affaire sur la presse. Il travaille à un projet de loi qu’il ne parvient pas à adopter. Après la libération, une grande réflexion est lancée par le Conseil national de la Résistance (CNR) au sujet du statut des entreprises de presse afin de garantir leur liberté et leur indépendance à l’égard de l’État mais aussi des entreprises marchandes. En 1944, le président de la Fédération nationale de la presse, Albert Bayet, tente de mettre en place un statut spécifique pour ces entreprises mais ces tentatives n’aboutissent pas. Pour l’économiste Julia Cagé, « le statut de l’entreprise de presse est resté un statut d’entreprise privée, constituée le plus souvent sous la forme d’une société commerciale soumise à la loi du profit, du marché et de l’actionnaire tout puissant » .

Les entreprises de presse sont des entreprises comme les autres. Pour pouvoir exister, elles doivent être rentables. « Les médias ne sauraient être assimilés, comme on l’a fait trop souvent, à des espèces de boîtes noires situées dans une totale extériorité par rapport à l’environnement dans lequel ils évoluent » met en garde Remy Rieffel qui rappelle qu’elles existent dans un univers marchand.

Marché publicitaire et médias, un risque pour l’information ?

L’idée qui consisterait à dire que la publicité représente un danger pour les médias d’informations car ils pourraient subir des pressions résultant de sa dépendance à son égard, n’est pas unanime. L’historien Patrick Eveno rappelle que le fondateur du Monde Hubert Beuve-Méry souvent présenté comme un pourfendeur de la liberté et de l’indépendance des médias hostile à la publicité avec cette phrase « Méfiez-vous de l’argent » s’exclamait en 1956 lors d’une conférence : « Par bonheur, il y a la publicité, l’indispensable, la bienfaisante publicité… ». Il considère que la publicité ne pollue par les pages rédactionnelles mais qu’elle apporte une respiration nécessaire à la lecture du journal. La publicité a néanmoins des effets importants sur les médias, comme le rappelle Nadine Toussaint Desmoulins . Des variations significatives dans les montants investis par les annonceurs vont avoir des effets importants sur une publication et même sur l’ensemble du secteur. La publicité peut ainsi avoir des conséquences directes sur la structure du média puisqu’elle va par exemple engendrer la création de rubriques ou de suppléments. « Le marché publicitaire agit tout à la fois sur l’existence du média, l’existence de la rubrique ou du programme audiovisuel, le format et le contenu de la production journalistique » résume Valérie Patrin-Leclère. Or les médias sont devenus de plus en plus dépendants à l’égard de la publicité. À la fin du XIXe siècle, les recettes publicitaires ne représentent que 20% des recettes totales des médias selon Patrick Eveno. Le journal Le Matin fait alors figure d’exception avec 40% de ses recettes provenant des annonces. À partir de la fin des années 1940, les recettes publicitaires augmentent et représentent une source de revenus de plus en plus importante. Elles atteignent 59% des recettes totales du quotidien Le Monde en 1970 et 85% des recettes des quotidiens Le Figaro et Les Échos à la même époque. Bien qu’aujourd’hui, les investissements publicitaires se réduisent au sein des médias traditionnels, ceux-ci subissent tout de même la pression publicitaire. Ce reproche est souvent adressé aux médias et à la profession, accusés d’être à la solde des annonceurs. Il leur serait ainsi impossible de critiquer ceux qui les financent. Cette situation a été vivement critiquée notamment par Florence Amalou. Dans le « Livre noir de la pub », elle donne des exemples des pressions des annonceurs sur les rédactions. En mai 1994, Le Monde informe ses lecteurs que le président d’Alcatel Alsthom est mis en examen. Celui-ci riposte en retirant le budget publicitaire de l’entreprise au journal – un million de francs – correspondant à 0,5% de ses recettes publicitaires annuelles. Si les annonceurs peuvent être tentés de sanctionner les médias qui ont eu l’insolence de publier une information qui ne leur est pas favorable, le risque est, qu’en retour, la presse prenne le parti de dénoncer les pressions qu’elle subit et ternisse l’image de la marque ou de l’entreprise concernée. Dans son édition du mercredi 30 septembre 2015, Le Canard Enchaîné s’était fait le porte-voix de la presse française et avait dévoilé un « chantage » exercé par le constructeur Volkswagen à l’encontre de plusieurs journaux : l’hebdomadaire affirmait que la régie publicitaire 366, qui gère la publicité pour les titres de presse quotidienne régionale, avait envoyé un mail à plusieurs médias afin qu’ils ne publient pas d’articles sur le scandale lié aux tests anti-pollution volontairement faussés par l’entreprise. En cas de refus, elle les menaçait de retirer ses investissements publicitaires. On constate également une forme d’autocensure au sein des rédactions qui craindraient de déplaire à leurs annonceurs. En 2005, un reportage consacré à la Logan (voiture fabriquée par une filiale de Renault) dans l’émission « Capital » est amputée de 7 secondes à la demande de Jérôme Bureau, directeur de la rédaction de la chaîne M6. Dans la séquence supprimée, un des plus gros importateurs de la voiture explique qu’avec le lancement de la Logan, Renault perdrait des parts de marché. Ce passage est supprimé au motif que l’information serait erronée ou du moins invérifiable. La Société des journalistes de la chaîne évoque la volonté de préserver Renault qui est dépeint comme un des gros annonceurs de la chaîne. Selon un article du Monde.fr, le constructeur automobile occupait alors le quinzième rang des annonceurs de M6 avec un investissement de 10,6 millions d’euros. Jérôme Bureau est accusé d’avoir défendu les intérêts commerciaux de la chaîne alors qu’il est directeur de l’information » et d’avoir privilégié les recettes publicitaires. Les journalistes, lorsqu’ils réalisent des enquêtes, auraient d’avantage tendance à s’intéresser aux partis politiques, dont les campagnes publicitaires sont généralement peu présentes au sein des médias d’information, plutôt qu’aux comptes des grandes entreprises qui leurs apportent des subsides publicitaires.

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Table des matières

Introduction
PARTIE 1 : PRESSE ET MONDE MARCHAND, DEUX UNIVERS ÉTROITEMENT LIÉS
1) La publicité comme condition de l’existence des médias
a) La presse a toujours été dépendante de la publicité
b) Marché publicitaire et médias, un risque pour l’information ?
c) La défiance vis-à-vis des médias traditionnels
2) Parallèlement, les journalistes se sont toujours défendus d’être aux mains du capitalisme
a) Des codes de déontologie aux contours flous
b) La mutation de la publicité : des journaux aux formats numériques
3) Le podcast comme échappatoire aux médias traditionnels
a) Le podcast, un format médiatique émergent
b) La « révolution » podcast
c) Le podcast comme espace de liberté
PARTIE 2 : LA POUDRE, UN ESPACE DE LUTTE ENTRE IMAGINAIRES CONTRADICTOIRES
1) Le podcast comme espace propice à la libération de la parole féminine
a) Les médias, un espace où les femmes brillent par leur absence
b) Le podcast, un format qui s’inscrit dans un boom des médias numériques féminins et féministes
c) Le podcast comme lieu d’intimité dédié aux femmes
2) Le journaliste comme nouveau publicitaire
a) Le podcast comme espace publicitaire à prendre
b) La construction d’une légitimité par l’audience
c) Qui écoute La Poudre ? Définition d’une cible publicitaire
d) La liberté rédactionnelle versus l’impératif publicitaire
3) La convocation de la figure du journaliste militant et la construction du « je »
a) La neutralité journalistique
b) La figure du journaliste engagé et la construction d’un éthos
PARTIE 3 : QUI FAIT PARLER LA POUDRE ?
1) La Poudre, un podcast à visée informative ou commerciale ?
2) La continuité rédactionnelle, entre contenu journalistique et annonce publicitaire
a) La publicitarisation ou l’euphémisation du discours marchand
b) L’adéquation entre le contenu journalistique et le contenu publicitaire
c) L’auditeur captif de la publicité
3) Le podcast comme lieu de conflictualité autour de la notion de « féminisme »
a) Il n’y a pas un féminisme, il y a des féminismes
b) Les références aux figures tutélaires et aux clichés du féminisme
c) La résurgence des codes stéréotypiques du féminin
d) Les réserves autour du podcast La Poudre
Conclusion générale

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