La protection des sols dans le cadre de l’Union européenne

Certaines sociétés humaines, faisant montre d’ingéniosité en composant avec les particularités des sols sans en altérer la qualité, ont su prospérer, guidées par la raison et le respect de la nature. D’autres qui ont révélé des appétits démesurés pour le rendement agricole, forçant la récolte, outrageant les terres, sont généralement promises à un avenir plus incertain (§1). Les rapports sur l’état des sols européens, qui se suivent et se ressemblent , nous placent, sans conteste, dans le second cas de figure. L’homme moderne a perdu le lien ancestral qui le liait au sol qu’il continue pourtant de fouler quotidiennement de ses pieds. Le sol est un appui pratique, apparemment inaltérable, auquel personne ne prête attention (§2). Pourtant, il se dégrade à une vitesse folle. Les observateurs environnementaux ont depuis longtemps sonnés l’alerte à tous les échelons décisionnels sans trouver un écho favorable, sauf peut-être du côté de la Commission européenne qui semble depuis une vingtaine d’années prêter une oreille attentive aux mises en garde. Si le sujet se révèle particulièrement confrontant pour l’Union européenne, interrogeant sa mission et l’étendue de ses compétences, il l’est tout autant pour certains Etats et acteurs du sol qui peinent à concevoir une protection des sols à une échelle supra-étatique (§3).

Les hommes et les sols, la singularité d’une histoire millénaire 

Le sol n’évoque dans nos esprits que peu de poésie , sauf à ceux qui ont su déceler le courage dans les mains calleuses des travailleurs de la terre, l’héroïsme dans le labeur quotidien des paysans chevronnés et déduire de la richesse et la beauté de la nature, le renfort du socle généreux et discret qui la nourrit. De tout temps et dans toutes les cultures, le sol a rythmé la destinée des hommes et de leur descendance tel un patrimoine constant ; préservé et chéri, respecté et compris. Il fut une époque où la préservation du sol était assurée par des remparts humains ; des gardiens perpétuant une tradition millénaire, ayant à cœur de préserver leur richesse et d’en garantir la pérennité. Contraints d’assurer quotidiennement leur subsistance, ils eurent à cœur, au fil des époques, d’améliorer leurs pratiques agricoles tout en veillant au maintien de la qualité de leurs sols. Conscients de leurs fragilités face aux caprices de la nature et forts des leçons tirées des erreurs de leurs ancêtres, les hommes guidés par les avertissements et craignant les sentences, participaient avec humilité à la préservation de leur héritage. De nombreux exemples montrent malheureusement que le déni de cet équilibre se trouva, de tout temps, fortement sanctionné.

A travers les âges, les plus grandes civilisations ont acquis, tout autour de la planète, un savoirfaire ancestral transmis rigoureusement de génération en génération. Ainsi, les premiers agriculteurs du Néolithique n’ont cessé d’étendre leurs cultures, recherchant de nouvelles terres fertiles tout en perfectionnant leurs techniques agricoles. Forts de leur expérience, ils développèrent de nouveaux procédés dont certains, par ailleurs, montrèrent vite leurs limites . Notamment, les cultures sur abattis-brûlis furent étendues à la plupart des régions boisées tempérées et tropicales de la planète ; un savoir-faire qui, perdurant durant des millénaires, demeure encore utilisé aujourd’hui dans les forêts tropicales et équatoriales en Afrique, Asie et Amérique du Sud. Dans les zones arides et semi-arides pourvues en eau par des nappes souterraines ou des fleuves, les premières civilisations hydroagricoles de la Haute Antiquité se constituèrent aussi bien en Mésopotamie que dans les vallées de l’Indus et du Nil10. Tandis que de leur côté, les premières sociétés hydro-rizicoles d’Asie firent leur apparition vers -1050, développant un mode de culture qui pris la forme de « casiers contigus, échelonnés selon les courbes de niveau, puis de terrasses en escaliers courant le long des piémonts, des versants et des collines, éventuellement approvisionnées en eau par des systèmes d’irrigation complexes et débarrassées de l’eau excédentaire par des systèmes de drainage. Les terrasses de riz au sud de la Chine et au nord des Philippines conservent la mémoire de ces vestiges du passé, patrimoine paysager qui témoigne de l’ingéniosité des peuples paysans du monde entier. Constatant l’impact social et économique de ces modes de cultures, notamment l’apport de l’irrigation dans la construction sociétale, certains auteurs nous invitent à nous interroger sur «l’incontestable succès de ces anciennes économies adaptées (…) par contraste avec la version industrielle du développement qui provoque salinisation, gaspillage, pollution, épuisement des sols, et finalement, désertification ». Certes, les hommes ont toujours influé, de façon plus ou moins mesurée, sur leur environnement ; des « transformations discrètes, comme chargées de culpabilité dans un premier temps, qui deviendront bientôt brutales, massives et conquérantes». Aussi, certaines pressions anthropiques ont été si excessives qu’elles ont occasionné des catastrophes irrémédiables au détriment des populations et de leur environnement naturel. L’Histoire de l’Humanité nous en compte les dommages, conduisant des civilisations entières au déclin aux quatre coins du monde, que ce soit en Afrique, en Orient ou en Amérique.

Ainsi, les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois et les Romains se sont trouvés contraints, face à la pénurie alimentaire, de coloniser des terres plus fertiles suite à l’érosion des riches sols du pourtour méditerranéen consécutive à la déforestation, au surpâturage et à la conduite de pratiques participant à la dégradation de leur structure. Quant à la ruine des civilisations harappéenne et de Mésopotamie, elle fut la résultant, pour partie, d’une utilisation irraisonnée des sols. Parmi les nombreuses hypothèses formulées sur le déclin de la civilisation classique maya, une des explications les plus plausibles se fonde « sur un épuisement progressif des sols forestiers tropicaux mis en valeur pour la culture du maïs » . Le déséquilibre écologique résulterait d’une inadéquation entre « un mode de production (…) quasi exclusif, en l’espèce, le maïs, entraînant une pression destructrice sur un environnement particulièrement fragile, à savoir la forêt tropicale » et « une croissance démographique inadaptée à ce mode de production ». Pour le Professeur Jean-Noël Salomon, ce désastre humain et écologique devrait être source d’enseignements pour nos contemporains face au constat que « la Terre apparaît de plus en plus rétrécie du fait de sa croissance démographique dont le corollaire est une dégradation sans précédent des milieux naturels et de la biodiversité ». Loin d’être exhaustives, ces illustrations devraient d’autant plus interpeller nos sociétés modernes et nous alerter sur les conséquences parfois irréversibles de nos actions. Ces drames écologiques et humains nous transmettent en héritage la certitude qu’« il n’existe qu’une seule terre couverte d’un sol vivant et actif », et la conviction que « nous autres, êtres humains, sommes responsables de sa sauvegarde». Ces sombres récits ne sont pas le reflet incertain d’un lointain passé. L’histoire tend irrémédiablement à se répéter et les leçons apprises, à tomber dans l’oubli.

La perte d’un lien ancestral entre l’Homme et le sol 

Les conséquences de la perte du lien entre l’Homme et le sol se mesurent à l’ampleur des périls qui le menacent et au désintérêt patent d’une grande partie de l’opinion publique pour leur désagrégation. Cette distanciation prise avec le sol n’est ni le fait de la fatalité ni celui du hasard. D’après le Professeur Rudolph Häberli, plusieurs raisons expliquent ce reniement : « l’évincement du sol naturel et vivant de notre vie quotidienne nous offre la possibilité d’échapper dans l’espace et le temps aux conséquences de nos actes ». De même, « la foi en le pouvoir réparateur de la technique et une multitude de priorités personnelles et sociales concurrentes » empêchent une véritable prise de conscience des phénomènes de détérioration des sols. Quels que soient les motifs, la situation défie l’entendement si l’on prend acte du rôle capital joué par les sols dans la vie et la survie de l’être humain. S’il est tenu pour acquis que la raison ne guide que rarement la main de l’homme, des causes profondes viennent exliquer cette lente mais durable désaffection des hommes vis-à vis de leurs sols, et de la nature en général.

L’homme au centre de l’univers ou la consécration d’un anthropocentrisme absolu

La perte d’un lien entre l’homme et le sol dérive, pour partie, de la manière dont l’homme entrevoit sa place au sein de son environnement. Cette vision anthropocentrée conditionne les rapports qu’il entretient d’une manière générale avec la nature. A cet égard, les travaux du Professeur François Ost sont éclairants. Ils reposent sur le postulat suivant. Mû par la nécessité, l’homme a toujours manifesté une volonté ferme de transformer son environnement, mais cette emprise sur les composantes naturelles s’est considérablement accrue au cours de l’histoire. Ainsi, « à la différence de l’homme moderne qui, délivré de toute attache cosmologique, transforme sans frein le monde naturel par sa technologie, l’homme primitif, quant à lui, ne se risque à perturber l’ordre du monde qu’au prix d’infinis précautions, conscient qu’il est de son appartenance à un univers cosmique au sein duquel nature et société, groupe et individu, chose et personne ne se distinguent guère ». Selon le professeur François Ost, l’empreinte de l’homme sur son environnement est d’autant plus marquée que s’opère « un découplage entre le rythme de l’évolution sociale (…) et le rythme des transformations écologiques ». Il n’est donc pas possible de faire l’économie du facteur temps dans la compréhension des processus de dégradation des milieux naturels. Cette variable revêt une importance toute particulière lorsqu’il s’agit du sol. En effet, le sol constitue une «ressource non renouvelable avec des taux de dégradation potentiellement rapides et  des processus de formation et de régénération extrêmement lents ». Le temps de formation s’étend, en règle générale, bien au-delà de la durée d’une existence humaine et la restauration complète d’un sol dégradé peut prendre plusieurs siècles voire plusieurs millénaires. Par conséquent, « la gestion non durable des sols crée un décalage de plus en plus important entre le temps nécessaire à la formation et la régénération des sols et celui de leur dégradation ». Or cette discordance temporelle se constate particulièrement « à partir de la révolution industrielle ». A partir de cet instant, notre monde moderne, entrainé dans sa course folle vers le progrès et toujours plus de croissance, ne cesse de creuser ce fossé temporel et de l’étendre à toute la planète.

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Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : le sol, appréhendé par l’Union européenne
Titre 1. La protection des sols dans l’Union européenne, une problématique atypique
Chapitre 1 : Le sol, émancipé de ses enclaves territoriales
Chapitre 2 : La politique environnementale de l’Union européenne à l’épreuve des diversités du sol
Titre 2. L’usage du sol dans les politiques de l’Union européenne
Chapitre 1. Le sol, socle négligé de la Politique agricole commune
Chapitre 2. Le sol, socle fragile des politiques sectorielles de développement économique et social de l’Union européenne
Deuxième partie : l’effectivite de la protection des sols au sein de l’Union européenne
Titre 1. L’action de l’Union européenne en faveur de la protection des sols
Chapitre 1. La compétence environnementale de l’Union européenne et la protection des sols
Chapitre 2. Les faux semblants d’une protection des sols dans l’Union européenne
Titre 2. L’avenir de la protection des sols dans la règlementation de l’Union européenne
Chapitre 1. La recherche de lignes directrices pour une politique européenne de protection des sols
Chapitre 2. Les qualités patrimoniales du sol à l’échelle de l’Union européenne
CONCLUSION GENERALE

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