La protection des baleines à l’épreuve d’un droit positif fragmenté

Face à une perte de la biodiversité aussi phénoménale que désespérante, certaines rares populations d’espèces sont parvenues à se reconstituer sous l’effet de mesures de conservation. C’est le cas de quelques espèces de cétacés, ordre taxonomique qui comprend notamment les mysticètes, une variété de cétacés à fanons, et les odontocètes regroupant les cétacés à dents, qui doivent leur salut à la Commission baleinière internationale (CBI). Cette organisation internationale qui a été établie par la Convention internationale sur la réglementation de chasse à la baleine (CIRCB) a, malgré ses imperfections, considérablement contribué à restaurer les populations de baleines victimes de la chasse, contrairement aux deux conventions qui l’ont précédée : la Convention pour la réglementation de la chasse à la baleine de 1931 et l’Accord international pour la réglementation de la chasse à la baleine de 1937.

Ces deux conventions s’étaient pourtant révélées indispensables et complémentaires suite au début de la chasse moderne qui avait été marquée par l’évolution des techniques de chasse particulièrement destructrices avec notamment l’invention en 1868 du harpon à tête explosive. Les canons-harpons des années 1920 n’avaient fait qu’aggraver l’épuisement des stocks de baleines . Les navires de plus en plus performants grâce à la construction de « navires-usines », qui permettaient de rester plus longtemps en mer en y conditionnant la chair de baleines, avaient conduit à étendre l’exploitation des baleines en haute mer sans que l’activité y soit réglementée. Les baleines faisaient alors l’objet d’une chasse intensive de la part de plusieurs nations baleinières pour leur huile servant comme combustible pour les lampes, ou pour la fabrication de la margarine, du savon, ou encore de la nitroglycérine, composant indispensable de la dynamite . Les baleines étaient également consommées pour leur viande, surtout au Japon, au lendemain de la seconde guerre mondiale, pour leur source de protéine .

LA PROTECTION DES BALEINES À L’ÉPREUVE D’UN DROIT POSITIF FRAGMENTÉ

La protection des baleines s’inscrit dans un contexte de fragmentation du droit international qui doit être appréhendé de façon à former le plus de cohérence possible entre les différents régimes afin de limiter les conflits ou contradictions normatives. La classification de la Professeure Delmas-Marty est particulièrement utile en ce sens puisqu’elle décrit les processus d’interaction possibles entre ces « ensembles, nationaux ou internationaux » à travers l’unification, l’harmonisation et la coordination.

La Professeure décrit précisément le rôle opéré par ces différents mécanismes. La coordination marque un premier cran dans la « mise en ordre » des différents systèmes. Horizontale, la coordination se manifeste par des « internormativités de fait » , c’est-à-dire des relations qui s’observent surtout entre des ensembles de même niveau (national, régional ou mondial) par imitation – ou emprunts d’un ensemble à l’autre – ou par renvoi, par exemple, interconventionnel qui illustre un lien entre des normes conventionnelles issues de traités différents. La Professeure Delmas-Marty insiste également sur la coordination qui ressort d’un « jeu d’interprétation croisé » , notamment à travers des ensembles normatifs qui font l’objet d’un dialogue entre les juges, ces derniers pouvant relever de différents niveaux (national ou international) permettant ainsi de nourrir différentes thématiques. Si la coordination peut participer à la défragmentation du droit international, elle ne peut en revanche, suffire à établir une véritable « mise en ordre» du fait de l’absence de hiérarchie qui découle de ces échanges horizontaux.

L’harmonisation, par son approche verticale, pourrait alors combler les lacunes de la coordination puisqu’elle implique « une hiérarchie entre le haut (le niveau international, régional ou mondial) et le bas (le niveau national) » . A ce titre, l’harmonisation peut être ascendante « pour rapprocher les droits nationaux au titre de principes directeurs communs (internationalisation) ». La Professeure Thibierge évoque en ce sens la « force harmonisatrice » des lignes directrices par exemple, qui peuvent permettre de modifier et d’aligner le droit national sur un niveau international, régional ou mondial . A l’inverse, l’harmonisation peut aussi être descendante « pour adapter le droit international au contexte national afin de préserver des marges nationales d’interprétations (contextualisation) » comme le rappelle la Professeure Delmas-Marty. Ce mécanisme de « mise en ordre » des normes est particulièrement intéressant par son caractère assez souple, intégrant les marges d’appréciation des États, et promet de plus grandes chances de réussite d’ordonnancement que la coordination, en dépassant les simples liaisons horizontales.

L’unification prétend à plus d’uniformité que les deux autres mécanismes. Elle s’illustre par une « parfaite mise en ordre » , imposée verticalement, qui, pour ce faire, nécessite d’ignorer la notion de « marge nationale » (contrairement à l’harmonisation qui se veut donc être formellement imparfaite). L’unification permettrait alors de « se représenter l’ordre juridique, régional ou même mondial, sur le modèle hiérarchique et cohérent des ordres nationaux traditionnels » . L’unification peut prendre la forme d’une « transplantation », c’est-à-dire d’une transposition unilatérale d’une norme, d’un concept, d’une institution, au profit d’un « système dominant » sans réciprocité. A l’inverse, l’unification peut aussi résulter d’une «hybridation » qui implique une réciprocité des liaisons à travers des interactions entre différents ensembles.

Dans l’océan Indien, ces différentes approches pourraient alors permettre d’exploiter les règles existantes, leurs liaisons, tout en limitant les éventuelles contradictions entre elles, pour bénéficier aux baleines qui migrent dans la région. La démarche de « mise en ordre » est ainsi transposée au pluralisme normatif applicable à la protection des baleines dans la région.

Par conséquent, parvenir à une protection efficace des baleines et cohérente dans la région de l’océan Indien ouest nécessite de prendre en compte l’environnement juridique complexe et fragmenté actuel, pour révéler les liens qui peuvent être envisagés selon une approche descendante (par exemple, par la mise en œuvre d’accords multilatéraux au niveau local) mais aussi dans une dynamique ascendante (par exemple, à travers la mise en cohérence d’outils de protection existant au sein des ordres juridiques internes locaux).

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE LES INTERACTIONS NORMATIVES NÉCESSAIRES À LA PROTECTION RÉGIONALE DES BALEINES
Titre I. La protection des baleines à l’épreuve d’un droit positif fragmenté
Chapitre 1. L’inévitable fragmentation de la protection des baleines selon une approche descendante
Chapitre 2. L’improbable défragmentation de la protection des baleines selon une approche ascendante
Titre II. La protection des baleines soutenue par le droit recommandatoire
Chapitre 1. Le droit recommandatoire au soutien du droit obligatoire à l’échelle locale
Chapitre 2. Le droit recommandatoire au soutien d’un ordonnancement à l’échelle globale
SECONDE PARTIE L’ÉTABLISSEMENT DE RÉSEAUX D’ACTEURS PERTINENTS DANS LA PROTECTION RÉGIONALE DES BALEINES
Titre I. Les liaisons nécessaires entre les sujets de droit international pour la protection régionale des baleines
Chapitre 1. Les difficultés relatives à une coopération interétatique dans l’océan Indien pour la protection des baleines
Chapitre 2. Les atouts des organisations internationales pour la protection des baleines dans l’océan Indien
Titre II. Les liaisons opérationnelles entre acteurs subsidiaires des relations internationales pour la protection régionale des baleines
Chapitre 1. L’implication croissante des acteurs publics infra-étatiques dans la coopération régionale
Chapitre 2. L’implication déterminante des acteurs privés dans la coopération régionale
CONCLUSION GÉNÉRALE

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