La prononciation de l’anglais : un défi pour les élèves

Des repères chamboulés

Une syllabe saillante

Lorsque je saluais chacun de mes élèves avant le début de la séance, j’ai remarqué qu’une partie du groupe prononçait « Good morning » ainsi /gudmɔrniŋg/, alors que nous devrions entendre /gʊdˈmɔrnɪŋ/. Je percevais leur salutation comme monotone. Dans la transcription des élèves, on note que certains phonèmes sont modifiés et, contrairement à la seconde transcription, le symbole ˈ est absent. Ce trait vertical placé en haut à gauche de la syllabe /ˈmɔr/ est un accent primaire mettant en relief le début du mot.
L’apprenant francophone a énoncé chaque syllabe avec la même intensité sans qu’aucune ne se démarque. Il doit prendre en compte l’accent primaire pour palier à cette impression de monotonie. En anglais, il existe des accents de mots et de phrases.
L’accent est qualifié de proéminent. Il est porté par une syllabe et se caractérise par quatre facteurs : sa fréquence, son intensité, son timbre et sa durée . La syllabe accentuée est plus aiguë et appuyée, définissant ainsi une ligne mélodique pour le mot « morning ». La prononciation de l’anglais combine deux aspects: les « unités sonores » que sont les consonnes et les voyelles, et la « musique de la langue parlée».

La musicalité : L’ADN de la prononciation anglaise

Lors d’un atelier Corps &Voix , le professeur Dan Frost a cité Charles Darwin qui soutenait l’idée que le chant, accompagné de bruits et de gestes, était la première forme de langage.Aussi, avant lui le philosophe écossais Lord Monboddo avait évoqué cette théorie confirmée par la communauté scientifique . La langue anglaise a gardé cette qualité primaire.
Le maître de conférence a fait une expérience où il parlait à la fois en français et en anglais en camouflant sa bouche de sa main. Même si la source sonore était quasiment mutée, les basses fréquences audibles mettaient en évidence la variation distincte entre la prosodie du français plutôt monotone et celle de l’anglais clairement musicale. Contrairement à un bon nombre de langues européennes, le français n’est pas qualifié de « chantant ».
La raison pour laquelle mes élèves peinent à reproduire la prosodie de l’anglais, est que la majorité d’entre eux ont pour langue maternelle le français. Ils transfèrent donc les traits suprasegmentaux et les phonèmes auxquels ils sont familiers sur la langue en cours d’apprentissage.

L’influence de la langue maternelle

Le poids des mots

Le français est une langue oxytonique, qualifiée en anglais : « syllable-timed », signifiant que les syllabes ont sensiblement la même intensité. Un léger accent est cependant repérable mais celui-ci démarque la fin d’un groupe syntaxique séparant ainsi les unités de sens dans une phrase. L’émetteur francophone sollicite alors une énergie articulatoire qu’il va poser en général sur la dernière syllabe lorsqu’il parle anglais.

Articulation : source d’intimidation

L’apprenant tente de reproduire les phonèmes de la langue cible. La phonétique articulatoire de l’anglais met en lumière le fait que les organes ne sont pas engagés de la même manière qu’en français. Des subtilités doivent être observées et travaillées pour parfaire la prononciation comme le positionnement de la langue ou la variation de l’espace entre la langue et le palais, appelé degré d’aperture.
Le professeur Dan Frost, d’origine britannique nous a confié qu’il restreignait l’amplitude de son système articulatoire pour paraître plus  » monotone  » quand il parlait français. Il souligne ainsi un usage plus relâché des organes impliqués dans la parole en anglais. L’apprenant peut facilement être intimidé par de potentielles adaptations articulatoires.
Quand j’ai instauré le rituel de déclaration de citations positives, j’ai proposé aux élèves de se lever, de prendre une inspiration et je les ai incités à propulser leur voix dans le but de les faire prononcer avec conviction. Je me suis rendue compte d’une certaine réserve pour la majorité d’entre eux. Il a fallu quelques semaines pour qu’ils se sentent à l’aise avec cette tâche. Cette gêne soulève un point essentiel dans le processus d’amélioration de la prononciation : la confiance en soi.

L’environnement de l’apprenant

S’exprimer dans sa langue maternelle en classe peut être source de timidité et s’avère alors bien plus incommode en anglais pour certains élèves dont le « moi linguistique » est atteint par la crainte de l’erreur, de commentaires malveillants du groupe ou de l’appréciation du professeur. Le guide pour l’enseignement des langues vivantes stipule que les adolescents et les adultes « ont tendance à se sentir affaiblis dans leur identité lors de la prononciation de nouvelles sonorités .» Bien que compréhensibles, ces inquiétudes entravent la prise de parole. Afin qu’il agisse avec efficacité et confiance, l’élève doit porter sur lui-même un « regard-jugement » positif.
Le professeur doit établir un climat bienveillant en classe prenant appui sur les valeurs de liberté d’expression et de respect d’autrui. Ce cadre, où l’erreur est acceptable, permet à l’élève de s’impliquer davantage afin de progresser dans sa pratique orale.
L’amélioration de la prononciation de l’anglais sollicite un large éventail de compétences à travailler. Elle représente un réel défi pour l’élève car il tente de s’adapter à une prosodie qui se démarque du français par sa spécificité de sons paroliers et sa musicalité; et le contraint à délaisser les repères de sa langue parlée pour en adopter d’autres. De plus, il fait face à de nombreux obstacles comme la surdité phonologique et l’environnement d’apprentissage dans lequel il pourrait se sentir juger.
Il est essentiel que l’élève soit guidé dans des activités où il affinera ces compétences de réception et production. Aussi, il doit évoluer dans un climat rassurant qui favorisera sa progression. L’apprenant accomplit une tâche cognitive complexe, il doit donc pouvoir compter sur son professeur afin d’être accompagné et encouragé.
L’enseignement de la prononciation de l’anglais se révèle être autant minutieux et délicat que son apprentissage. Par conséquent, quels points importants l’enseignant doit-il garder à l’esprit afin d’adapter sa pédagogie aux besoins des élèves?

La prononciation de l’anglais : un défi pour l’enseignant

Une composante primordiale à la communication

La prononciation est un des éléments fondamentaux d’une langue. En effet, un élève qui maîtrise suffisamment le vocabulaire, la prononciation et la construction de phrases, est en mesure de participer à une conversation . Ces codes lui permettent aussi de parler avec précision afin de penser plus justement.
Quand bien même l’élève connaît un vaste lexique ou structure correctement ses propos, une prononciation incertaine risque d’entacher son discours. En tant que professeur, il est donc essentiel de viser une meilleure maîtrise de la prononciation afin que nos apprenants puissent être compris par leur interlocuteur. La fluidité de l’échange s’opère grâce à la réception d’un message oral, son analyse et sa réponse intelligible.

L’exposition à la langue cible

Une immersion sonore de qualité

Pour aider l’apprenant à aiguiser sa perception de l’anglais, le professeur doit s’assurer de l’exposer de façon régulière aux sons paroliers et à la musique de la langue en se montrant attentif « à la qualité de la prononciation ».Cela implique une pratique de l’enseignement « tout en anglais » à la fois dans les supports sonores audibles et exempts d’erreurs, et dans le discours clair et adapté du professeur. Ce dernier doit en même temps être à l’écoute de chaque intervention orale pour conserver un flux sonore de qualité en classe.

La pratique orale

L’éducation articulatoire

Ce qu’on appelle communément prononciation de l’anglais fait référence à la maîtrise phonologique présentée dans le volume complémentaire du CECRL.
Elle comprend la maîtrise générale du système phonologique afin d’obtenir un message intelligible, de l’articulation des sons et des traits prosodiques .
On constate que la deuxième catégorie touche au domaine de la phonétique articulatoire. Pour que l’enseignant puisse diagnostiquer les erreurs des apprenants, il est primordial qu’il ait une connaissance aiguisée du mécanisme de l’appareil phonatoire, ainsi que la physiologie des organes impliqués dans la production des sons paroliers. Il pourra alors proposer des pistes de remédiations, dont certaines seront kinésiques et aideront les élèves à gagner en clarté et précision. Selon le professeur Evelyne Chabert : « il faut automatiser des positions articulatoires pour intégrer des sons relatifs à l’anglais».
L’enseignant établit et vise des objectifs phonétiques en exploitant cette dimension corporelle. Les textes officiels ne précisent ni les phonèmes à maîtriser en particulier, ni la manière d’utiliser l’alphabet phonétique anglais, ni les méthodes articulatoires à suivre. Le choix revient à l’enseignant qui doit tenter de créer des exercices tout en inscrivant ce travail de prononciation dans une perspective actionnelle. L’élève agissant dans une situation réelle , pourra remobiliser ses compétences phonétiques au sein de la tâche finale orale. La difficulté est d’identifier les besoins des élèves, proposer des remédiations, réadapter les objectifs phonétiques s’ils ne correspondent pas à ceux établis en amont, et enfin les insérer à la pédagogie de projet.
La phonétique articulatoire isole quelques sons spécifiques pour mieux les travailler et ainsi améliorer leur prononciation. Concernant un énoncé plus long, on peut se demander alors comment procéder pour favoriser maîtriser le placement de l’accent primaire, la modulation de l’intonation et le respect du rythme de l’anglais.

Les propositions d’éveil à la prosodie

Les notions prosodiques sont présentées comme indissociables de la sémantique dans le CERCL . Cela représente une piste pour introduire ce domaine aux élèves. En effet, si je considère les citations de motivation, certains mots dont la valeur est positive et encourageante seront plus saillants que le reste de la phrase. Dans un discours, les variations de temps forts et faibles vont correspondre à ce que l’individu veut mettre en lumière ou ce qu’il considère comme déjà évoqué.
Pour sensibiliser à la prosodie de l’anglais, l’enseignant peut s’inspirer de situations proposées par le programme officiel du cycle 4: la mise en voix d’un texte, le chant, l’interprétation d’une scène pour développer la confiance en soi et l’aisance oral, ou la gestuelle en rattachant les formes sonores au sens en les présentant en contexte . Le guide d’enseignement des langues en cycle 3 stipule que l’apprentissage du vocabulaire est l’occasion de sensibiliser les élèves au placement l’accent primaire.
Considérer la prosodie améliore la prononciation de l’anglais. Des exemples de situation sont exposés dans les textes à disposition des enseignants, cependant leur mise en œuvre reste à déterminer. Il faut aussi les articuler avec les activités langagières orales. La didactique phonologique est construite par l’enseignant, ce qui lui laisse une large exploitation de sa créativité mais à la fois révèle to ute la difficulté de viser la maîtrise de cette compétence par les élèves. Comment peut-il bâtir une pédagogie qui prendra en compte les aspects très divers et pointilleux de la prononciation de l’anglais ?
L’élève se familiarise à de nouveaux phonèmes et schémas accentuels, de plus, il exerce son système articulatoire impliquant ainsi une activité cognitive intense. Selon leneurologue Jean Marie Annoni, l’apprentissage d’une nouvelle langue modifie le cerveau : « La première zone modifiée est le siège de la reconnaissance des sons. […]
Les zones liées à la maîtrise des interférences entre les langues se développent aussi ».
Il est nécessaire que professeur comprenne ces mécanismes cérébraux pour développer le potentiel des apprenants.

La phase de mémorisation : une nécessité pour améliorer la prononciation ?

Le fonctionnement de la mémoire

La mémoire est un « système cognitif dynamique »où les données, nommées traces mnésiques ne sont pas seulement stockées dans notre intellect mais sollicitées pour mener différentes tâches. Pour le psychologue Christiane Kekenbosch, on ne peut donc pas la réduire à un simple « réservoir de connaissances ». La mémorisation comporte trois phases : la phase d’acquisition, de rétention et d’activation.
La phase d’acquisition récolte des données. Sa durée varie selon la tâche à réaliser. Par exemple, la reconnaissance et l’intégration de nouveaux sons en anglais représentent des stimuli complexes qui rendent la phase d’acquisition plus longue pour l’apprenant. Elle est cependant plus courte lorsque l’apprenant interagit dans sa langue maternelle.
La phase de rétention permet aux sons spécifiques travaillés en classe d’être stockés. Il existe le stockage à court terme ou à long terme. Si les réactivations ultérieures des connaissances sont fréquentes, elles sont alors retenues par l’apprenant.
La phase d’activation met en lumière l’état opérationnel des sons récoltés et stockés préalablement. On atteste de la présence des données par le biais de tâches observables comme la restitution orale.
Pour améliorer la prononciation des spécificités sonores de l’anglais, il faudrait donc exposer de manière récurrente les élèves aux sonorités par la compréhension orale, réitérer les notions acquises sur les séances à venir puis réactiver celles-ci en encourageant la production orale.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Introduction
I. La prononciation de l’anglais : un défi pour les élèves
1. La prononciation : deux domaines à considérer
2. Des repères chamboulés
2.1 Une syllabe saillante
2.2 Un système accentuel étoffé
2.3 La musicalité : L’ADN de la prononciation anglaise
3. L’influence de la langue maternelle
3.1 Le poids des mots
3.2 Des sons empruntés
4. Les facteurs physiologiques et psychologiques
4.1 Une perception feutrée
4.2 Articulation : source d’intimidation
4.3 L’environnement de l’apprenant
II. La prononciation de l’anglais : un défi pour l’enseignant
1. Une composante primordiale à la communication
2. L’exposition à la langue cible
2.1 Une immersion sonore de qualité
2.2 Un modèle
3. La pratique orale
3.1 L’éducation articulatoire
3.2 Les propositions d’éveil à la prosodie
4. Comprendre le cerveau pour optimiser la prononciation
4.1 Deux aires à solliciter
4.2 Le type d’activités adaptées
III. La phase de mémorisation : une nécessité pour améliorer la prononciation ?
1. Le fonctionnement de la mémoire
2. La mémorisation dans une progression pédagogique
3. La répétition
3.1 Le rôle du cerveau en correction phonétique
3.2 La consolidation d’un son de l’anglais
Formulation d’hypothèses
IV. Expérimentations en classe
1. La maîtrise de sons spécifiques à l’anglais
1.1 Jeux dynamiques et stratégie visuelle
1.1.1 Introduction des symboles
1.1.2 Jeu en équipe
1.1.3 Les duels
1.1.4 Travaux manuels
1.2 Étude de pistes de remédiation ciblant la répétition orale
1.2.1 La prononciation de la voyelle /ɪ/
1.2.2 La prononciation de la consonne/θ/
2. La découverte des traits prosodiques
2.1 Repérage graphique des accents de phrases
2.2 L’éveil au rythme et à l’intonation
2.2.1 Support
2.2.2.1 A cappella
2.2.2.2 Avec un accompagnement
2.2.2 Les consonnes
2.2.3 Les solistes
3. Les rituels
3.1 Les citations de motivation
3.1.1 Phase d’introduction du rituel
3.1.2 Mise en œuvre par les élèves
3.1.3 Les bénéfices de ce rituel
3.1.4 Les encouragements
3.2 Le challenge
3.3 La révision du lexique
4. Recueil de données
4.1 Le travail sur la prononciation vu par les professeurs de langues
4.2 Le travail sur la prononciation vu par mes élèves
Discussion & Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *