La projection monumentale et l’espace public

LE SOUVENIR ET SES TRACES

Monument invisible monument est dépassépuisque le monument s’érige normalement dans un contexte d’histoire positive. Il «mémorise» un événement remarquable comme une bataille victorieuse par exemple. Lors d’une guerre, il y a des vainqueurs et des vaincus. Parler de sa victoire au milieu de la souffrance des perdants, c’est assez délicat. Si l’on tient compte du XXème siècle, et particulièrement de l’histoire allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, on peut, aujourd’hui, aisément comprendre le sentiment d’être non seulement vaincu mais aussi coupable. Cela remet en cause le terme même de monument. Le rapport habituel d’un individu, voire d’une nation, avec le monument est également perturbé.
Les monuments de Jochen Gerz vont par conséquent prendre une autre forme, ils ne vont plus s’ériger, mais seront conçus de manière à disparaître, ou d’emblée, à ne pas être visibles. Ils auront de plus une signification différente. Ces monuments auront bien entendu pour but de contribuer à se remémorer, mais ils ne seront plus le symbole des vainqueurs, mais bien celui des vaincus, ou encore des vivants qui participent à son œuvre.
Nous pouvons nous demander comment la mémoire peut être montrée, ou plus précisément évoquée, par le biais d’un monument invisible ? Plusieurs œuvres de Jochen Gerz ont pour particularité de « jouer » sur l’invisible. Tout d’abord, afin de répondre à une commande de la ville de Hambourg (Allemagne), l’artiste réalise avec Esther Shalev-Gerz (née à Vilnius en 1948) Monument contre le fascisme [Fig. 1-7] en 1986, dans le quartier de Harbourg à Hambourg. Ce monument, inauguré le 10 octobre 1986, est une colonne de douze mètres de haut recouverte de plomb. Un panneau de texte disposé à côté de l’imposante colonne invitait, en sept langues différentes, les habitants, passants et visiteurs du quartier à apposer leur signature sur ce monument à l’aide de stylets prévus à cet effet.

Monument invisible

Nous invitons les citoyens de Harbourg et les visiteurs de cette ville à joindre ici leur nom au nôtre. Cela pour nous engager à être vigilants et à le demeurer. Plus les signatures seront nombreuses sur cette barre de plomb haute de douze mètres, plus elle s’enfoncera dans le sol.
Et un jour, elle disparaîtra complètement et la place de ce monument contre le fascisme sera vide. Car à la longue, nul ne s’élèvera à notre place
contre l’injustice.

Jochen Gerz & Esther Shalev-Gerz

Tel que nous le connaissons, le monument s’érige et parait « intouchable », seulement ici le procédé est inversé. En effet, c’est la colonne qui s’enfonce dans le sol, mettant dès lors à disposition de nouveaux espaces vierges sur sa surface afin d’accueillir de nouvelles signatures. C’est en s’enterrant et en accueillant des messages d’autrui que le monument prend vie. Ce dernier devient de moins en moins visible, mais prend une place plus imposante dans les esprits. Car par cette œuvre Jochen Gerz dénonce le fascisme, faisant de cette colonne une œuvre participative et collective afin que tous ensembles s’engagent contre le fascisme.
Malgré les instructions municipales, le lieu du monument a judicieusement été choisi par Jochen Gerz. Le quartier de Harbourg est un lieu de trafic, de circulation intense, le passage y est fréquent. Par conséquent, personne ne pouvait passer à côté de ce monument sans le remarquer, et sans éveiller la curiosité. Le 10 novembre 1993, après huit étapes d’enfoncement, la colonne a finalement disparu sous terre. Aujourd’hui, cette œuvre enfouie ne montre désormais sa présence que par le sommet de l’édifice placé sous plaque de verre, et par l’invitation encore visible aux cotés de cette colonne dorénavant invisible, devenue monument invisible. « Le monument a pour but de faire revivre au présent un passé englouti dans le temps.
La place faite de pavés n’est ici pas choisie au hasard. En effet, cette place était le quartier général de la Gestapo durant la Seconde Guerre mondiale, reflétant un lieu emblématique de l’Histoire de la ville que ses habitants seraient plutôt d’avis à oublier. Mais pour Jochen Gerz, les pavés de la place avaient une toute autre signification. Tout à fait, si l’on traduit ce terme, en allemand, sflaster ne veut pas seulement dire « pavé » mais également « pansement », ce qui, par le biais de l’artiste, donne la possibilité aux Allemands de faire acte de mémoire, et de contribuer à panser les plaies du passé. Pour Jochen Gerz, le souhait était de réaliser un « Mahnmal », c’est-à-dire un monument qui rappelle un passé négatif et vise à empêcher sa répétition aussi bien dans le présent que dans l’avenir. L’action de l’artiste rend hommage aux juifs disparus durant le génocide. C’est un mémorial à la fois fort dans sa symbolique et discret par sa forme. Ce monument est destiné aux disparus de la « solution finale », à ces juifs morts dans  les chambres à gaz des camps nazis. Ces derniers sont dès lors commémorés de manière invisible, l’absence des corps restitués de manière symbolique sous les pieds des passants par l’action entreprise par Jochen Gerz.
Par ces deux réalisations, Jochen Gerz renverse la conception du monument et nous donne à voir autrement la mémoire de la Shoah qui y est associée. En travaillant in situ, l’artiste choisit non pas d’installer ses œuvres dans un musée, mais bien dans l’espace public. En cela il confronte directement les passants à cette mémoire latente. Les lieux judicieusement choisis ont pour but de donner un sens plus profond, et de renforcer le message que Jochen Gerz souhaite offrir au public. Ces œuvres permettent aux passants de se remémorer les souffrances d’un autre temps qui n’est pourtant pas si lointain et les obligent à voir, à regarder, leur environnement quotidien d’un œil différent, afin qu’ils prennent conscience de ce qu’il s’est « joué » ici des années auparavant. Car en effet, il y a près de soixante-dix ans, ces lieux avaient une forte symbolique, des évènements tragiques se sont déroulés ici. Jochen Gerz a décidé de donner, non seulement la parole aux habitants, mais également de donner une « présence » aux disparus, aux vaincus, afin que personne ne puisse oublier ce lourd passé.
Ces deux œuvres sont construites par l’invisible. Pour Monument contre le fascisme, la volonté de faire disparaitre la colonne apparait dès sa mise en place. Etape par étape, elle s’enterre devant les yeux des passants jusqu’à devenir imperceptible.
Néanmoins, son emplacement est toujours présent par la plaque au sol recouvrant la colonne, et par l’invitation à signer des deux artistes, Jochen Gerz et Esther Shalev-Gerz. Quant au Monument contre le racisme, ce monument se veut invisible aussi bien dans son « exposition » dans l’espace public que dans sa conception et sa mise en place initiales. Les noms des cimetières juifs inscrits sur le revers des pavés deviennent invisibles aux yeux des passants. De plus, le fait que l’artiste et ses étudiants opéraient, au commencement, clandestinement et de nuit, devenait une action proche de l’invisible. En effet, qui pouvait se douter de ce qui était en train de se tramer sur l’une des places principales de la ville de Sarrebruck ? Leur action était cachée, et ne s’est révélée au grand jour que quelques temps plus tard, avec un soutien politique évident. Afin que ce monument ne soit pas totalement invisible le nom de la place a été changé, étant désormais la « Place du monument invisible ». Cela rappelle donc la présence de ce monument caché.
Que ce soit pour Monument contre le fascisme, ou pour Monument contre le racisme, la présence de ces monuments invisibles n’est pas seulement suggérée, mais visible si l’on sait où regarder. Ce ne sera pas le monument lui-même, mais des indices plus ou moins dispersés qui permettront de prouver leur présence dans ces espaces publics pour ceux qui n’étaient pas présents lors de leur mise en place et implantation dans l’environnement. Ces indices participent à la mémoire du monument et servent à prouver visuellement leur présence.
Bien que ces monuments soient invisibles, bien que quelque peu perceptibles par les indices entreposés autour de ces derniers, ils déclenchent de vives discussions, puisqu’ils vont à l’encontre de ce que l’on connait d’une part du monument, et d’une seconde part de l’œuvre d’art. Dans ses réalisations, Jochen Gerz fait en sorte que le spectateur devienne acteur, notamment pour Monument contre le fascisme, qui ne prend visuellement de sens que lorsque les signatures viennent s’intégrer au monument. Par conséquent, l’œuvre participative donne la possibilité au spectateur, passant, visiteur… d’élaborer et de contribuer aussi à cette œuvre. Ainsi, la mémoire appartient aux vivants, et c’est eux qui transmettront la présence de ces œuvres devenues invisibles dans la ville. Car ce n’est pas dans l’espace public que ces monuments prennent réellement place, mais bien dans les esprits.

L’empreinte, la trace

LE SOUVENIR ET SES TRACES

L’empreinte est un geste technique, elle produit une marque par pression d’un corps sur une surface, de fait elle procède à la trace. L’empreinte est une affaire de temps, et par conséquent de mémoire. Quels que soient les endroits où nous nous trouvons, les empreintes nous précèdent et à la fois nous succèdent, même si la plupart nous échappent ou encore disparaissent.
Dès lors, comment les artistes nous mettent-ils face à ces empreintes qu’ils produisent et de quelle manière ces dernières nous confrontent-elles au monde qui nous entoure ?
Tout d’abord, certains artistes appartenant au Land art font intervenir ces notions d’empreinte et de trace. Ces derniers réalisent des œuvres qui laissent des traces dans la nature. Par leur pratique, ils affectent notre appréhension du paysage, de la nature, ou encore le rapport que nous entretenons avec la terre.
Par conséquent, les œuvres produites nous poussent à changer notre mentalité et notre vision du monde.
Deux catégories d’artistes peuvent se distinguer. D’abord, ceux qui utilisent directement les phénomènes naturels, tel que le gel, le soleil, ou encore la vapeur… Ils travaillent à même la nature, in situ, avec des matériaux naturels ; Puis il y a ceux qui s’en inspirent afin de produire artificiellement dans un espace artistique, tel que la galerie d’art ou le musée.
D’abord, Richard Long (né à Bristol en 1945) réalise des œuvres éphémères insituet laisse des traces, telles que des cercles, des lignes, des courbes de pierres, entre autres. La marche est une pratique importante de son travail, cette dernière lui permet de ressentir le monde et de faire l’expérience de l’espace dans lequel il s’exécute. C’est de ce déplacement que résultent ses œuvres.
Richard Long a fait de la marche la base de son travail, qui lui permet de prendre directement contact avec la terre. Le plus souvent dans des espaces où l’être humain est absent, l’artiste s’approprie des espaces vides où la marche devient une simple action physique. En effet, elle intègre dans l’œuvre l’expérience que l’artiste peut avoir du monde. Richard Long nous montre la matière pour ce qu’elle est, sans la transformer mais en la disposant seulement de la façon voulue.

Confronter la mémoire du passé et le présent

Dans leurs œuvres, certains artistes confrontent le passé et le présent de manière à nous faire percevoir autrement des actions passées, des parts historiques, ou encore des espaces dans lesquels nous circulons. Cela nous pousse à changer le regard que nous portons sur le monde qui nous entoure et à nous questionner.
Seulement, le fait de confronter deux époques différentes ne suffit il pas à nous questionner sur la véracité de ce que ces artistes nous donnent à voir ? Pouvons-nous discerner la vérité de la fiction ?
Tout d’abord, les faits divers se trouvent être une source d’inspiration intéressante pour certains artistes, notamment quand ces derniers cherchent à les reconstituer, créant ainsi des œuvres d’art.
Par ses œuvres, Pierre Huyghe (né à Paris en 1962) interroge la mémoire collective ou individuelle, en faisant des liens avec le cinéma. Ses œuvres mêlent dès lors réalité et fiction. De cette manière, la mémoire est perpétuée par le corps qui s’installe dans ses œuvres.
En 1999, Pierre Huyghe réalise Third Memory [Fig. 27], une vidéo de dix minutes s’apparentant à un fait divers datant de 1972, une attaque de banque orchestrée par John Wojtowicz. Cette dernière va inspirer le film de Sydney Lumet, Un après-midi de chien (1975) dont le personnage principal est joué par Al Pacino. Dans son œuvre, Pierre Huyghe va demander à John Wojtowicz, auteur du braquage d’origine, de « rejouer » les faits en corrigeant le film de Sydney Lumet. Ainsi, l’auteur du braquage, commis en 1972, va devenir l’acteur de Third Memory, rappelant les faits qu’il garde en souvenir. Lors de l’installation de cette œuvre, Pierre Huyghe expose des éléments documentaires et fictionnels, montrant les différences entre la réalité et la réinterprétation qui en a été faite.
Dans une première salle, des documents d’époque, la reconstitution faite en studio avec John Wojtowicz et un extrait du film de Sydney Lumet prennent place. Dès lors, Pierre Huyghe multiplie les pièces à conviction afin de nous permettre de discerner ce qui est réel de ce qui n’est que fiction. La mémoire est donc ici sujette à interprétation. Cependant, dans ce procédé, le souvenir de l’auteur du braquage lui-même ne peut-il pas porter à confusion ?
En effet, nos souvenirs peuvent être altérés avec les années, et nos propres souvenirs peuvent s’apparenter à la fiction. Le temps, la mémoire que nous avons concernant certains moments de notre vie peuvent être altérés, modifiés par nous-mêmes. En cela, la mémoire que nous gardons de tel ou tel évènement peut s’avérer être faussée. De plus, le contexte d’une époque, d’un temps donné, ne peut jamais être recréé car chaque seconde vécue ne peut se ressembler de manière identique, elle est unique. La mémoire d’un acte vécu peut-elle donc être considérée comme « réelle » ? En recréant cette scène dans un espace identique mais pourtant factice, Pierre Huyghe nous confronte au souvenir de John Wojtowicz, mais en aucun cas à une réalité certaine. De ce fait, le questionnement sur la mémoire et sur ses capacités se pose. Le temps permet de faire « murir » les évènements passés, et par conséquent de les appréhender d’une manière différente. La spontanéité du braquage réalisé auparavant ne peut avoir la même force en étant rejouée, réinterprétée, dans un contexte de fiction où tout est orchestré et calculé par avance.

La projection monumentale et l’espace public

L’espace public

Pour pouvoir aborder le terme d’« espace public », il s’agit d’abord de le définir. Dans son ouvrage L’espace public,Thierry Paquot explique ce qu’est l’espace public. D’abord, il nous précise les différences entre « espace public » et « espaces publics ». En effet, pour l’auteur l’espace public fait référence au lieu du débat politique, de la confrontation des opinions privées, avec une circulation des points de vue ; tandis que les espaces publics font référence à des endroits accessibles au(x) public(s). Ces deux termes sont pourtant directement concernés par la communication et, par conséquent, par les mass médias et leurs supports diversifiés. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la communication a commencé à diversifier ses supports, et aujourd’hui, ceux-ci sont présents partout et sous diverses formes (ordinateur, journaux gratuits, téléphone portable, etc.). Ces différents outils nous permettent donc de communiquer, mais également de nous informer, voire d’interagir depuis les espaces publics et privés.
Les termes de « privé » et de « public » varient et évoluent constamment selon la culture, le sexe et la génération. Comme Thierry Paquot l’explique « […] une telle enquête géoanthropologique sur le «privé» et le «public» dans diverses langues et cultures démontre […] que ces notions et leurs significations, tant individuelles que sociales, sont grandement déterminées par la langue, le genre, la hiérarchie sociale, l’âge, et surtout qu’elles n’ont pas toujours existé et que, d’une certaine façon c’est au moment où elles se parasitent mutuellement qu’elles conquièrent une réelle portée. » L’auteur nous fait également remarquer que nous avons tous fait l’expérience de la rue et que des adjectifs positifs («aimable», «accueillante», «colorée», «animée») et/ ou négatifs («revêche», «prétentieuse», «triste») entrent en compte selon nos parcours, nos rencontres, nos destinations, etc. Les « espaces publics » deviennent des lieux publics grâce à de nouvelles sociabilités (l’école, les lieux de culte, le centre commercial…). Par conséquent, le terme « espace public », qu’il soit au singulier ou au pluriel, reste indissociable de la communication.

La projection comme monument

PROJETER LA MEMOIRE

Le fait de projeter des images à très grand format, de manière spectaculaire, est souvent le parti pris de certains artistes. Créée en intérieur ou en extérieur, cette forme de projection a souvent pour but de surprendre le spectateur, de l’immerger dans un univers qui lui est inconnu, et qu’il découvre au fur et à mesure que les images défilent.
Comment les artistes usent-il de la projection à grande échelle pour transformer l’architecture ? En quoi cela change-t-il notre appréhension d’un lieu que nous connaissions différemment ? De quelle manière le message livré par le monument se transforme-til grâce à la projection ?
Dans ses œuvres, Tania Mouraud (née à Paris en 1942) montre un engagement social en se questionnant sur notre monde actuel afin d’éveiller la conscience du spectateur. Elle utilise depuis les années 2000 le médium de la vidéo dans ses productions afin d’évoquer le monde contemporain. Ses pièces récentes constituent une nouvelle recherche sur l’observation et l’analyse du monde en constante mutation. Les thèmes de l’angoisse et de la responsabilité du monde sont à la base de ses vidéos.
Dans Ad Infinitum[Fig. 42], œuvre réalisée en 2008, Tania Mouraud interpelle le passé des baleiniers du port de Nantes qui étaient en pleine prospérité pendant la première partie du XIXe siècle. Dans cette vidéo, l’artiste utilise des images qu’elle a tourné au large du Mexique, là où les baleines séjournent avec leurs petits avant de faire le voyage vers l’Arctique. L’artiste nous dévoile un univers étrange et mystérieux grâce à des images en noir et blanc et par le biais d’enregistrement sonores effectués sur place. Les images ont par la suite été projetées dans le chœur de la Chapelle de l’Oratoire de Nantes en 2009, prenant tout son espace, accompagnées des restes d’un petit bateau placés dans la nef. L’anecdote n’existe pas dans cette œuvre, l’intérêt seul était de montrer la puissance des baleines, nous permettant ainsi de nous questionner sur la sauvegarde de notre environnement.
Contrairement au documentaire animalier, filmé de manière frontale ou en contre-plongée, chez Tania Mouraud la caméra se trouve être toujours en plongée. Dans sa vidéo, l’objectif est serré sur les animaux, et le ciel n’est pas visible. De cette manière, le visiteur se retrouve entièrement immergé dans l’univers des baleines, en entendant de plus le son qui reprend le cri des baleines, le bruit de la mer ainsi que celui du moteur du bateau. Avec cette installation, le spectateur est sollicité de manière active. Ce dernier vit l’œuvre par le biais des images et du son. Le titre Ad Infinitum peut être traduit par «A l’infini». Il illustre la manière dont l’œuvre est construite et dure, en se répétant indéfiniment par la bande vidéo qui tourne en boucle. L’artiste propose une vision positive de la vie qui est renouvelée et régénérée par la mer.
Tania Mouraud permet au spectateur de se projeter dans l’œuvre, et l’oblige à contempler l’environnement des baleines différemment.
Ces dernières étant en voie de disparition, l’artiste offre à voir une autre image de ces animaux, plus cadrée, resserrée, ce qui peut surprendre et donner un côté d’autant plus étrange à la projection.
Le fait d’investir le chœur de la Chapelle de l’Oratoire de Nantes rappelle le passé oublié des navires de la ville qui permettaient de pêcher et de stocker les baleines. En investissant ce lieu, l’artiste transforme l’architecture qui semble n’être offerte qu’aux baleines.
La projection à échelle du chœur ne permet pas de voir autre chose que ces gigantesques animaux. Le spectateur est confronté à une architecture qui semble changer de forme, lui offrant un nouveau message, celui de se préoccuper de son environnement, et de le regarder différemment, de manière plus sensible.

LE PROJET DE CREATION

Comme nous avons pu le constater précédemment, la technique de la projection à grande échelle est de plus en plus utilisée par les artistes d’une part, et demandée par les municipalités pour divers évènements d’autre part. Cette technique apparaitra également au cœur de ce projet, prenant comme support la façade de l’Horloge du CENTQUATRE situé au 104 rue d’Aubervilliers dans le 19e arrondissement de Paris.
Anciens bâtiments des pompes funèbres, les façades et verrières ont été inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1995. Par conséquent, le CENTQUATRE conserve en mémoire une histoire et un passé liés au quartier et à la ville toute entière.

Historique du CENTQUATRE

Ce que nous appelons aujourd’hui le CENTQUATRE (établissement artistique de la ville de Paris) était auparavant, de 1874 à 1998, un service de pompes funèbres au sein de la ville. Sa fonction était d’offrir à chacun des obsèques dignes. Ce lieu que l’on appelait l’« usine à deuil », permettait le passage de la vie à la mort à Paris.
Situé au 104 rue d’Aubervilliers dans le 19e arrondissement, entre la place de Stalingrad et le parc de La Villette, le CENTQUATRE garde encore en mémoire ce passé par son architecture, ses proportions, et les traces du travail visible qui se sont imprimées dans les murs.

Mise en place du projet

En préambule, pour mettre en place Réminiscences du 104, un repérage des lieux était indispensable, permettant de déterminer l’endroit précis où la projection pourrait être exécutée. La façade de l’Horloge, située dans la cour de l’Horloge, s’est alors révélée comme étant un espace spécifique. Non seulement elle se situe en extérieur tout en restant dans l’enceinte du CENTQUATRE, mais elle est directement liée à la seconde entrée du site, soit le 104 rue d’Aubervilliers. C’est par cette dernière qu’au temps des pompes funèbres les cortèges quittaient les lieux chaque jour par dizaines pour se rendre à la demeure du défunt avant de l’emmener au cimetière. C’était ici que les allées et venues de la rue aux pompes funèbres se faisaient, c’était l’unique point de passage. Mais depuis sa réhabilitation, l’entrée principale du CENTQUATRE a changé, elle se situe désormais au 5 rue Curial. Pour ce projet, le public serait invité à entrer dans l’établissement non pas par son actuelle entrée principale, mais par l’entrée qui caractérisait celle des pompes funèbres.
Suite au repérage des lieux, des prises de vue se sont avérées essentielles. Ce sont ces dernières qui serviront de base de travail, aussi bien pour la partie créative que pour la partie technique, comme nous le verrons plus loin.
Afin que passé et présent puissent se confronter, des photographies d’époque étaient nécessaires. Ces dernières représentent les ouvriers des pompes funèbres en uniforme dans leur contexte de travail [Fig. 51-52]. Ainsi, ces images passées vont fusionner avec l’espace présent par le biais de montages. Le passage du temps dans l’espace du CENTQUATRE prend tout son sens dans ce procédé. Les images du passé, apparaissant comme des souvenirs d’une autre époque, tendront à prendre place dans l’espace bien réel représentant le lieu tel qu’il est aujourd’hui.
Le passage du temps est clairement retrouvé dans les photographies d’Hiroshi Sugimoto (né à Tokyo en 1948). En effet, dans ses œuvres, l’artiste choisit généralement des lieux où les gens se réunissent pour une contemplation collective, tels que la mer, le cinéma, ou encore le musée. C’est en 1978 qu’il commence la série des Theaters[Fig. 53-54] en photographiant des théâtres des années 1920-1930 réhabilités en cinéma dans les années 1950-1960. En parallèle, Hiroshi Sugimoto s’intéresse également aux Drive-In [Fig. 55], des cinémas à ciel ouvert qui ont fait leur apparition dans les mêmes années. Ces derniers semblent situés dans des paysages désertés, devenant des apparitions dans un paysage urbain. Dans la série des Theaters, l’artiste fait le choix d’exposer sa pellicule photographique durant toute la durée de la séance de cinéma. Dans ce contexte, c’est le projecteur de cinéma qui produit l’unique source lumineuse, ce qui donne un aspect irréel à ses photographies. De manière plus précise, pour la réalisation de ces dernières, l’artiste fait une grande économie de moyens en plaçant sa chambre 8×10 pouces dans le cinéma ou en plein air en paramétrant les réglages de manière à ce que la totalité du temps d’exposition corresponde à la durée du film, ce qui peut varier entre vingt et cent-vingt minutes. Toutes les images du film projeté apparaissent donc en une seule sur la pellicule photographique. Cette dernière représente à elle seule une image statique, muette, et renvoie à la mort. En effet, l’écran qui précédemment était rempli d’images est maintenant vide.
L’écran blanc situé au centre de la composition se trouve être d’une grande blancheur, et nous oblige à réfléchir. Les détails de l’architecture et les sièges du cinéma deviennent les seuls sujets de ses photographies. Le noir et le blanc s’imposent avec un parti pris pour un format 18×24 pouces. L’artiste invite par la suite le spectateur à regarder ses photographies à deux reprises, en deux temps et en deux lieux, de près et de loin.

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Table des matières
INTRODUCTION 
LE SOUVENIR ET SES TRACES
Monument invisible
L’empreinte et la trace
La confrontation entre la mémoire du passé et le présent
PROJETER LA MEMOIRE 
La projection monumentale et l’espace public
La projection comme monument
PROJET DE CREATION
Historique du 104 rue d’Aubervilliers, Paris
Réminiscences du 104
Mise en place du projet
CONCLUSION
ANNEXE 
Entretien avec Hugo Drouin 
Mise en place et calculs techniques 
INDEX 
Noms 
Images
BIBLIOGRAPHIE

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