La procalcitonine comme marqueur précoce d’infection dans les décompensations aiguës de cirrhose

Les complications infectieuses sont fréquentes chez les patients cirrhotiques, avec une prévalence estimée entre 25 et 35 % parmi les patients hospitalisés, soit cinq fois plus que chez les patients non cirrhotiques (1). En France, une étude multicentrique menée dans les centres hospitaliers universitaires en 2016 avait évalué leur prévalence à 46 % (2). La survenue d’un sepsis chez le cirrhotique est un tournant évolutif dans la maladie, dont il grève le pronostic avec un taux de mortalité à un mois de 30 % et à un an de 63 %. Ces chiffres dramatiques ont amené à faire considérer le sepsis comme un stade évolutif spécifique dans la cirrhose décompensée (stade 5), au même titre que l’ascite ou la survenue d’une hémorragie digestive (3). Les infections bactériennes sont les plus fréquentes, au premier rang desquelles figurent les infections spontanées de liquide d’ascite (ISLA) et les infections urinaires (IU), puis les infections respiratoires et cutanéomuqueuses. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer la plus grande susceptibilité des patients cirrhotiques à développer des complications infectieuses et leur mortalité. Ont ainsi été identifiées l’immunodépression induite par l’insuffisance hépatocellulaire et l’hypersplénisme, la plus grande perméabilité de la barrière intestinale et la pullulation microbienne favorisant la translocation bactérienne, des prédispositions génétiques notamment en cas de mutation NOD2 et enfin la réponse systémique au sepsis bactérien (1,4). Ce dernier mécanisme est caractérisé par une première phase proinflammatoire avec un orage cytokinique pouvant engendrer une défaillance multi-viscérale, puis une seconde phase de sidération immunitaire favorisant quant à elle la survenue d’infections nosocomiales secondaires et rendant compte de la surmortalité à court terme. Le sepsis chez le cirrhotique est à la fois une complication en soi, mais peut également être le facteur déclenchant d’autres complications telles que l’encéphalopathie hépatique, une décompensation œdémato-ascitique, un syndrome hépatorénal ou encore une hémorragie digestive persistante (5). Le diagnostic et la prise en charge précoce de ces infections est donc un enjeu majeur de la gestion des décompensations de cirrhose. Cependant, la présentation clinique est souvent pauvre et peu indicative du foyer infectieux (4,6,7), et rend donc nécessaire la réalisation d’un bilan infectieux qui se veut à la fois probabiliste et ciblé (hémocultures, examen cytobactériologique des urines, examen cytobactériologique des crachats, analyse du liquide d’ascite, radiographie thoracique …) (4), mais dont l’attente des résultats ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. Par ailleurs, les marqueurs biologiques tels que la protéine C réactive (CRP) ou le compte leucocytaire (GB), et plus particulièrement les polynucléaires neutrophiles (PNN), ne semblent pas adaptés chez le patient cirrhotique car synthétisée par le foie pour la première et impactés par l’hypersplénisme pour les seconds. Dans ce contexte, la procalcitonine (PCT), dont la synthèse dans les tissus thyroïdien et extrathyroïdiens (hépatique, pancréatique, intestinal, leucocytaire …) est précoce et induite par des cascades cytokiniques et endotoxiniques, a fait l’objet de nombreuses études hétérogènes dont les résultats discordent (4,8–11). Nous avons donc mené une étude rétrospective multicentrique afin d’étudier, dans notre population de patients cirrhotiques hospitalisés pour décompensation aiguë de cirrhose, la valeur diagnostique de la PCT comme marqueur précoce d’infection bactérienne et la comparer aux autres marqueurs habituels (CRP, PNN).

MATERIEL ET METHODES 

Caractéristiques de l’étude
Une étude rétrospective multicentrique a été menée entre janvier 2017 et juin 2019 dans les services d’hépato-gastroentérologie du Centre Hospitalier Universitaire de La Timone (Marseille), de l’Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne (Toulon) et du Centre Hospitalier Intercommunal Toulon – La Seyne.

Objectifs principal & secondaires
L’objectif principal était d’évaluer la performance diagnostique de la PCT dans le diagnostic précoce d’infection bactérienne chez les patients hospitalisés pour décompensation aiguë de cirrhose, et de la comparer aux autres marqueurs cliniques et biologiques usuels que sont la fièvre et les dosages de CRP et du compte des PNN. Les objectifs secondaires étaient de décrire les épisodes infectieux et leur prise en charge, ainsi que le devenir des patients après leur hospitalisation. Le dernier objectif de cette étude était d’élaborer un score diagnostique composite pour identifier de façon précoce les infections bactériennes chez les patients cirrhotiques afin de pallier l’absence de moyen diagnostique simple dans ce domaine.

Critères d’inclusion / non inclusion / exclusion
Les patients inclus étaient tous majeurs et hospitalisés pour une décompensation aiguë de cirrhose, quelle qu’en soit la cause. Pour ces patients, un bilan biologique à l’admission ou réalisé dans les 7 premiers jours incluant le dosage sérique de la PCT ainsi qu’un bilan infectieux minimal comprenant des hémocultures et un examen cytobactériologique des urines (ECBU) devaient avoir été réalisés. En cas d’ascite, l’analyse du liquide d’ascite à la recherche d’une ISLA et l’envoi en culture étaient systématiques. Les patients pour lesquels ce bilan avait été réalisé au cours de l’hospitalisation, souvent motivé par une suspicion d’infection nosocomiale, étaient inclus lorsqu’ils n’avaient pas été préalablement traités par antibiothérapie. Étaient exclus les patients pour lesquels le bilan infectieux n’avait pas été réalisé ainsi que les patients hospitalisés depuis plus d’une semaine et ayant été traité par antibiotiques avant la réalisation du bilan biologique incluant le dosage sérique de PCT. Les valeurs extrêmes de PCT (supérieures à 50 µg/L), de signification incertaine, ont été exclues, car à risque de fausser les analyses statistiques.

Méthodes de dosage
La technique de dosage de la PCT était différente en fonction des sites, soit par électrochimiluminescence sur automate Cobas 6000 (normales estimées entre 0,020 et 0,046 µg/l) ou sur automate Cobas e411 e601 et e602 (normales estimées entre 0,00 et 0,10 µg/l), soit par méthode immunoenzymatique avec détection finale en fluorescence par technique ELFA sur automate VIDAS (VIDASÒ B-R-A-H-M-S PCT Ô, normale estimée inférieure à 0,02 µg/l). Le dosage de la CRP était le plus souvent obtenu par technique d’immunoturbimétrie sur automates Cobas c311/501 ou c502, ou encore par méthode néphélémétrique avec le système Dimension Vista Ò (FlexÒ reagent cartridge) (normales inférieurs à 5 mg/L). Les facturations des dosages de PCT et de CRP étaient respectivement 19,71€ et 2,16€.

Définition des critères retenus pour le diagnostic d’infection 

Les infections étaient considérées communautaires lorsqu’elles étaient présentes à l’admission chez des patients n’ayant pas été hospitalisés dans le mois précédent. Les infections étaient nosocomiales lorsqu’elles se déclaraient plus de 48h après l’admission. Enfin, les infections  étaient « associées aux soins » lorsqu’elles se déclaraient dans les 48 premières heures d’hospitalisation chez un patient ayant été hospitalisé dans le mois précédent (12,13). Les critères diagnostiques retenus étaient, en plus des possibles signes généraux et signes fonctionnels fonction du foyer infectieux, les suivants :
– Infection spontanée de liquide d’ascite (ISLA) : polynucléaires neutrophiles dans le liquide d’ascite  250 / mm3 en l’absence de cause de péritonite secondaire.
– Infection spontanée d’ascite pleurale : polynucléaires neutrophiles dans le liquide pleural  250 / mm3 en l’absence de cause de pleurésie secondaire.
– Infections urinaires (IU) : leucocyturie > 10 / mm³ , bactériurie > 10³ chez l’homme et 10³ chez la femme pour Escherichia coli ou Staphylococcus saprophyticus mais 10⁴ pour les autres germes. En cas de discordance clinique et biologique, la clinique primait pour le diagnostic.
– Infections respiratoires (IR) : foyer radiologique (radiographie ou scanner), documentation microbiologique si disponible (examen cytobactériologique de crachats, analyse de liquide broncho alvéolaire, hémocultures, antigénurie positive à pneumocoque ou légionnelle)
– Bactériémie isolée (BACT) : hémoculture positive sans point d’appel infectieux
– Infections cutanées : diagnostic clinique (placard inflammatoire d’apparition aiguë, unilatéral, avec ou sans porte d’entrée cutanée retrouvée), documentation microbiologique si disponible (hémocultures) Le statut vis-à-vis de l’infection était déterminé par deux médecins distincts.

Analyses statistiques 

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide des logiciels XLSTAT et R. Les performances diagnostiques de chacun des marqueurs biologiques ont été évaluées (sensibilité (Se), spécificité (Sp), valeurs prédictives positive (VPP) et négative (VPN), rapports de vraisemblance positif (RVP) et négatif (RVN), exactitude) et les intervalles de confiance ont été estimés selon le modèle de Wald ajusté avec correction de continuité. Les courbes ROC ont été extraites avec calcul de leur aire sous la courbe (AUC) et de la variance de celle-ci selon la méthode de Bamber. La distribution de la population n’étant pas normale, les analyses univariées ont été obtenues à partir du test de Mann-Whitney et de Kruskal-Wallis pour les variables quantitatives et par test du Chi-2 pour les variables qualitatives. La recherche de variables explicatives d’infection a été abordée par algorithmes décisionnels binaires selon la méthode de classification et de régression dite CART. Avec les données issues de cette dernière analyse, les variables les plus significatives ont été retenues pour élaborer un score diagnostique composite dont les performances diagnostiques ont été vérifiées selon les mêmes méthodes précédemment décrites. La significativité des résultats était retenue pour p < 0,05.

Aspects éthiques 

Les données recueillies ont fait l’objet d’un prétraitement et d’une anonymisation complète dans chaque centre. Une demande de traitement de données de santé a été formulée et acceptée auprès de chaque centre. L’étude étant rétrospective, une déclaration auprès de la CNIL n’était pas nécessaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL & METHODES
Caractéristiques de l’étude
Objectifs principal & secondaires
Critères d’inclusion / non inclusion / exclusion
Méthodes de dosage
Définition des critères retenus pour le diagnostic d’infection
Analyses statistiques
Aspects éthiques
RESULTATS
Population incluse
Infections
Marqueurs prédictifs d’infection
Devenir à un mois
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
FIGURES
ABREVIATIONS

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