LA PROBLEMATIQUE DU CHLORDECONE ET DES AUTRES POLLUANTS ORGANOCHLORES AUX ANTILLES FRANÇAISES

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Hépatite virale B

La première épidémie enregistrée comme provoquée par le virus de l’hépatite B a été observée par Lurman en 1885. Le virus n’a été découvert qu’en 1963 par Blumberg qui reçoit pour cela le prix Nobel de médecine en 1976.Il est classé parmi les Hepadnaviridae en raison de son tropisme hépatique et de la nature ADN de son génome. Dans le monde, environ 240 millions de personnes souffrent d’une hépatite B chronique. Plus de 780 000 personnes meurent chaque année des suites d’une infection par l’hépatite B notamment de cirrhose ou de carcinome hépato-cellulaire(1). Dans la population adulte française on estime à 0,65% le nombre de porteur de l’AgHbs et parmi cela 55% qui l’ignorent et constitue donc un réservoir de transmission de l’AgHbs. De plus on estime la population couverte par la vaccination <60% chez les enfants âgés de 2 ans en 2009, bien que la vaccination soit recommandée depuis 1995 pour les « tout petits » et les pré-adolescents. En France, le nombre de nouveaux cas contaminés par le VHB a été estimé à 2324 (IC95% [1817-2832]) en 2010, soit une incidence estimée à 3,6 pour 100 000 habitants (IC95% [2,8-4,4]). Le nombre annuel de cas passant à la chronicité a été estimé à 180 (IC95% [129-230])(3). Le VHB se transmet par le sang, le sperme, les sécrétions vaginales ou la salive. Il est cent fois plus contagieux que le VIH.
Il existe donc un risque de contamination en cas de rapports sexuels non protégés, de transfusion sanguine avant 1992, de piqûre avec des seringues contaminées, chez les toxicomanes ou le personnel médical (risque contrôlé par l’utilisation de matériel à usage unique), de tatouage, piercing, scarification, coupure involontaire faite avec des instruments contaminés, de griffure entre enfants porteurs, de petite coupure ou piqûres faite par des rasoirs, ciseaux à ongles ou brosses à dents contaminés et partagés. En France, ce sont les transmissions par voie sexuelle et par injection avec du matériel contaminé qui sont majoritaires. Dans 25 à 30 % des cas, le mode de contamination reste inconnu. La transmission materno-foetale est très importante par sa fréquence et sa gravité à long terme. La fréquence de cette transmission est moindre dans les pays occidentaux qu’en Extrême Orient. Notamment en France où le dépistage est obligatoire chez la femme enceinte depuis plus de 20ans ainsi que la mise en place de la sérovaccination du nouveau né. La contamination n’est pas intra-utérine, mais pendant et après la naissance, d’où l’efficacité de la sérovaccination du nouveau-né. Le risque de contamination dépend de la réplication virale au moment de l’accouchement. Le sang est le vecteur principal mais non exclusif du VHB et il existe des professions à risque, mais depuis la mise en place de la vaccination obligatoire, il n’y a quasiment plus de contamination professionnelle. Lorsqu’un sujet entre en contact avec le VHB, il est soumis à un double risque, celui de survenue d’une hépatite fulminante et celui d’évolution vers la chronicité. En cas d’hépatite aiguë B, le risque d’hépatite fulminante est de 0,1 à 1%. Il est majoré par une infection associée par le virus de l’hépatite D. Dans 85% des cas cette phase est asymptomatique. Dans les formes symptomatiques, on retrouve une phase pré-ictérique avec asthénie à laquelle s’associe parfois un syndrome pseudo-grippal ; puis succède la phase ictérique. L’évolution vers la chronicité est marquée par la persistance de l’Ag Hubs dans le sérum pendant plus de 6 mois. Le risque d’évolution vers la chronicité est très différent selon l’âge au moment de la contamination. Il est de 90% lorsque la contamination survient à la naissance ou dans la petite enfance et de 5 à 10% lorsque celle-ci survient chez l’adolescent ou l’adulte. La fibrose induite par l’infection chronique va évoluer progressivement en cirrhose qui expose au risque de complications dont le carcinome hépatocellulaire. Il existe schématiquement 4 phases au cours de l’infection chronique :la phase de tolérance immunitaire qui correspond à une multiplication active du virus sans ou avec minime réaction immunitaire de l’organisme. L’activité hépatique est normale, il n’y a pas ou peu de lésions hépatiques, les transaminases sont normales ou peu élevées, le taux d’ADN dans le sang est très élevé et l’AgHBs est positif. La phase active correspond à une attaque du système immunitaire contre les hépatocytes. C’est à cette phase qu’est en général découverte l’hépatite B. Les transaminases sont élevées et l’ADN viral diminue dans le sang. La phase inactive de la maladie qui suit la séroconversion HBe pour le virus sauvage est marquée par l’absence de multiplication virale dans l’organisme (taux d’ADN viral négatif ou inférieur à 105 copies/ml, AgHBe négatif, AcHBe positif), un taux normal de transaminases dans le sang et une absence de lésions significatives du foie. La phase de réactivation : 20 à 30 % des porteurs non réplicatifs peuvent présenter une réactivation spontanée du VHB, avec une élévation des transaminases et un taux élevé d’ADN viral, avec ou sans réapparition de l’AgHBe pour le virus sauvage. Cette réactivation est habituellement asymptomatique. Elle peut cependant prendre la forme d’une hépatite aiguë, avec ou sans ictère.
Dans le cadre d’une co-infection B et Delta : les formes fulminantes sont 100 fois plus fréquentes, l’évolution vers la chronicité est augmentée et il existe une accélération du processus de fibrose hépatique et de cancérogénèse. L’objectif du traitement antiviral B est de diminuer le risque de complications et de décès liés à l’hépatite chronique B. L’objectif à court terme est d’obtenir une viro-suppression durable, c’est à dire un ADN du VHB indétectable avec les méthodes sensibles utilisées actuellement dont le seuil de détection est à 20 UI/mL. Cette viro-suppression est associée à une normalisation du taux de transaminases, une amélioration des lésions histologiques et une diminution du risque d’évolution vers la cirrhose ou le carcinome hépatocellulaire. Chez les patients Ag HBe positif, sa perte survient dans 20 à 35% des cas : elle est souvent associée à un arrêt de la réplication virale. Enfin chez certains patients on peut observer une disparition de l’Ag HBs. Il y a deux grandes catégories d’antiviraux pour l’hépatite chronique B : d’une part les inhibiteurs de la polymérase du virus B appelés « analogues » et d’autre part l’interféron pegylé. Parmi les inhibiteurs de la polymérase il y a deux catégories : les analogues nucléosidiques (Entecavir, Lamivudine) et les analogues nucléotidiques (Tenofovir, Adefovir). Ils ont le même mécanisme d’action mais des profils de résistance différents(4).

Hépatopathie alcoolique

L’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en France. En l’absence d’infection virale B ou C, la consommation d’alcool est considérée délétère si elle dépasse 20g/J chez la femme et 30g/J chez l’homme.
L’alcool demeure une cause majeure de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire dans le monde et la première en Europe, celle-ci connaissant la plus grosse concentration de buveurs excessifs avec plus de 20% de la population européenne âgée de plus de 15 ans rapportant une consommation excessive régulière définie par plus de 50g/J d’alcool au moins une fois par semaine (5). Les maladies hépatiques provoquées par une consommation excessive d’alcool comportent des atteintes de trois types : la stéatose avec une accumulation de triglycérides sous forme de macrovésicules, préférentiellement dans les hépatocytes de la zone centrale du lobule hépatique, l’hépatite alcoolique avec association de nécrose hépatocytaire, d’inflammation à polynucléaires et de fibrose initialement péri sinusoïdale, et enfin la cirrhose avec nodules de régénération et fibrose. Le diagnostic est clinique, surtout en cas de cirrhose constituée, mais aussi biologique avec des perturbations du bilan hépatique, des signes d’insuffisance hépato-cellulaire ou d’hypertension portale. L’échographie est utile pour mettre en évidence la stéatose, caractérisée par un foie hyperéchogène, la cirrhose est quant à elle identifiée comme une dysmorphie hépatique et des signes d’hypertension portale.

Méthodes d’évaluation de la fibrose

L’examen histologique du foie permet d’apprécier non seulement l’abondance du tissu fibreux, les anomalies associées qui peuvent être la cause ou la conséquence de la maladie virale ou alcoolique, mais aussi des lésions d’autres origines, susceptibles de modifier la prise en charge. La ponction biopsie hépatique reste toutefois un geste invasif, avec un risque de complications (morbidité 0,6%, mortalité 0,03%) et un manque de compliance des patients. Il s’agit néanmoins du gold standard pour l’évaluation de la fibrose hépatique. Il existe également des tests non invasifs d’évaluation de la fibrose.
Le fibrotest est calculé à partir de 5 paramètres biologiques : haptoglobine, bilirubine totale, γGT, α2macroglobuline, apolipoprotéine A1(6).Ce score varie de 0 à 1 et a d’abord été évalué dans l’hépatite chronique C. Pour des valeurs seuils de 0,31 (absence de fibrose ou minime) et 0,60 (fibrose sévère), il permet d’éviter ainsi une biopsie hépatique dans 40% des cas. Le fibromètre est calculé à partir de 4 ou 7 paramètres biologiques selon l’étiologie virale ou alcoolique : α2macroglobuline, acide hyaluronique, plaquettes, taux de prothrombine, ASAT, ALAT, urée, ajustés sur l’âge et le sexe. Ce score varie de 0 à 1 et a initialement été évalué dans les hépatopathies virales C et alcooliques(7).
Enfin, le fibroscan repose sur la mesure de la vitesse de propagation d’une onde de choc dans un tissu (8).Cette vitesse est modifiée par la dureté du tissu, elle-même corrélée à la fibrose dans le cas du foie. C’est pour cette raison que ce principe a étéadopté pour mesurer la fibrose hépatique. Les valeurs d’élasticité sont modifiées en cas d’hépatiteaiguecytolytique,decholestase,d’insuffisancecardiaque,denodule hépatique ou en période post-prandiale. Il permettrait un diagnostic fiable de cirrhose en tenant compte des variables sus-citées. Ainsi une valeur de fibroscan <7 kPa (kiloPascals) correspondrait à une fibrose F0 et une valeur >12,5 kPa à une fibrose F4. Entre ces 2 valeurs seuils, la mesure nécessite l’absence de cytolyse (6-8kPa=F1-F2,>8kPa=F3), mais ces seuils intermédiaires peuvent varier en fonction de la pathologie sous-jacente (scoring card ci-dessous).

Epidémiologie des hépatopathies chroniques virales (B et C) et alcooliques en Guadeloupe

Les hépatopathies virales B et C

Les premières données épidémiologiques publiées en Guadeloupe, en 1991 ont porté sur la prévalence des hépatites virales chez les donneurs de sang avec une prévalence du portage de l’anticorps anti-VHC estimée à 0,8%(9). Concernant l’hépatite B, cette même étude a montré que 3,2% des donneurs de sang étaient porteurs de l’Ag HBs et 22% de l’anticorps anti-HBs.
Une étude de prévalence menée en population générale dans un centre de santé en Guadeloupe en 2009 a permis de montrer une évolution décroissante des taux de prévalence des hépatites chroniques en Guadeloupe. Ceux-ci ont été évalués à 1,41% pour le portage chronique de l’Ag HBS et 0,55% pour la sérologie virale C(10). Ces résultats diffèrent des estimations de prévalence rapportées jusque-là et permettent de classer la Guadeloupe dans une zone de faible endémie virale B et C. Les principaux facteurs de risque d’infection virale B en Guadeloupe sont la multiplicité des partenaires sexuels (28,2%) et la provenance d’une zone de forte endémie virale B(26,8%)(11). Concernant l’hépatite C chronique, les principaux modes de contamination sont la voie nosocomiale et en particulier la chirurgie gynécologique qui a été pourvoyeuse de nombreuses contaminations (50%). Il existe une prédominance du génotype 1 (en particulier 1b) en Guadeloupe(10). En Guadeloupe l’hépatite B ou C est découverte le plus souvent de façon fortuite à l’occasion d’un bilan systématique. La proportion de malades séropositifs pour l’hépatite B ou C connaissant leur statut reste cependant insuffisante, estimée en Guadeloupe autour de 25 et 7% respectivement(10). La prise en charge des hépatites virales en Guadeloupe est principalement assurée par le centre de référence des hépatites virales situé dans le service d’hépato-gastro-entérologie du CHU de Pointe à Pitre.

Les hépatopathies alcooliques

La Guadeloupe est une zone agricole productrice de rhum. Cela a donc entraîné une consommation excessive dans ce territoire. En 1989 un travail a été réalisé par Moutet et al.(12)pour évaluer l’impact de la consommation d’alcool en population guadeloupéenne et il en est ressorti qu’une consommation excessive était plus fréquente chez les hommes (30%) que chez les femmes (10%). Ils constatent que les hommes consomment préférentiellement du vin, du rhum et de la bière alors que les femmes préfèrent le vin.

Facteurs de progression de la fibrose des hépatopathies chroniques virales et alcooliques

Outre les mécanismes de progression de la fibrose, spécifiques à l’agent causal, viral ou alcoolique, il existe plusieurs facteurs de co-morbidité identifiés comme co-facteurs de progression des hépatopathies chroniques. Ceci illustre le caractère multi-factoriel du développement d’une cirrhose et l’effet cumulatif des différents agents profibrosants (13).

Hépatite virale C

Les données les plus récentes et les plus étayées quant à l’évolution de la fibrose concernent l’hépatite C.
Poynard et al.(14)ont publié en 2001 une étude de cohorte transversale incluant 2313 porteurs d’une hépatite C chronique naïfs de traitement dont on connaît la date de la contamination et l’évaluation de la fibrose par biopsie hépatique. La progression de la fibrose est étudiée par la méthode Kaplan-Meier et le taux de progression de la fibrose par la fonction de risque. Sept facteurs de risque d’évolution de la fibrose sont évalués : l’âge au moment de la biopsie, le mode de contamination, le sexe, la consommation d’alcool, l’activité histologique, le génotype et la charge virale. Le pourcentage de patient sans cirrhose après 20 ans d’infection est de 91% (IC95% [90-92]) et 56% après 40 ans d’infection (IC95% [48-64]). Trois facteurs sont associés significativement à un taux de progression rapide de la fibrose (p<0,001) : l’âge, le sexe masculin et la consommation d’alcool supérieure ou égale à 50g par jour. Ces résultats sont en accord avec ceux de l’étude menée par Poynard et al.en 1997(15). Matsumara et al.(16),comme Poynard et al.(14),suggèrent que la progression des lésions hépatiques n’est pas linéaire, et qu’il existerait une accélération importante après l’âge de 40-50 ans, quelque soit l’âge de contamination. L’effet de l’alcool sur la progression de la fibrose est dose dépendant mais il semble que même des quantités d’alcool inférieures à 50 g/j jouent un rôle délétère(17), notamment en cas de stéatose associée(18). En pratique, il est habituellement conseillé aux malades atteints d’hépatite chronique C de cesser toute consommation régulière d’alcool. Les femmes ont dans l’ensemble une progression de la fibrose plus lente que les hommes (15). Cette différence serait surtout nette en cas de fibrose importante (F3,F4) et après 20 ans d’infection (14). On invoque un effet inhibiteur des oestrogènes sur la fibrogenèse, suggéré par certains travaux expérimentaux(19). La co-infection VIH influence également de façon négative l’évolution de l’hépatite C chronique par plusieurs mécanismes : en augmentant le risque de passage à la chronicité, en facilitant la progression de la fibrose au cours de l’hépatite chronique, en favorisant l’accroissement de la charge virale C et enfin en diminuant la réponse immunomodulatrice à l’interféron(20–22). Il existe une association entre VHC et stéatose, d’origine virale (génotype 3)(23, 24) ou métabolique (non 3) et le diabète de type 2, en particulier pour les génotypes 1et 4(25, 26).
Le surpoids, l’obésité et les troubles métaboliques fréquemment associés tels que le diabète de type 2 et l’hyperlipidémie accélèrent la progression de la fibrose par l’intermédiaire d’une insulino-résistance responsable du développement d’une stéatose hépatique(26, 27).
L’IMC est corrélé à la stéatose dans deux études : Hourigan et al.(28) et Monto et al.(23), alors que c’est l’obésité androïde (reflétée par la mesure du tour de taille) qui serait plus en cause dans l’étude d’Adinolfi et al., 2001a(29). Pas d’effet de la charge virale ou du génotype, hormis le génotype 3 par le biais de la stéatose(30). Le tabagisme actif jouerait un rôle important sur la progression de lafibrose comme l’ont suggéré plusieurs études (31, 32).Bien sûr, compte-tenu de la forte prévalence du tabagisme, ce rôle néfaste nécessite confirmation. Costentin et al.(33) ont évalué en 2010l’association entre la consommation de café et la sévérité des lésions histologiques chez des patients porteurs d’hépatite chronique C naïfs de traitement. Il en ressort un rôle protecteur du café avec une association inversement significative. En effet, une activité >A2 est retrouvé dans 78%,61%, 52%, et 48% chez les patients des groupes :<225 mg/j, 225-407 mg/j, 408-678 mg/j, et >678 mg/j, respectivement (p <0.001). En analyse multivariée, la consommation quotidienne de café > à 408mg/J (~3 tasses) est associée avec un risque moindre d’activité grade >A2 (OR = 0.32 [0.12-0.85]). Le cannabis quant à lui est plutôt un facteur aggravant (34). Concernant l’impact d’une infection virale B, associée à l’infection virale C, Kruse et al.en 2014(35)ont publié une étude établie à partir du registre des vétérans américains qui a permis de montrer que le taux de cirrhose, de CHC et de décès est significativement plus important en cas de co-infection qu’en cas de mono-infection : 36.8, 6.9, et 41.7 versus 17.4, 3.6, et 31.4 par 1,000 personne année, respectivement ; p<0.05. Il n’y avait pas de différence en termes de cirrhose, de CHC et de décès en cas de mono-infection C et les co-infectés avec une charge virale B indétectable.

Hépatite virale B

Il a été démontré que le risque de CHC était accru chez les porteurs inactifs ayant une consommation excessive d’alcool comparé aux non-buveurs(36). A l’inverse du VHC, il n’existe pas de relation entre le VHB et l’insulino-résistance ou la stéatose. L’infection par le VIH modifie inexorablement l’histoire naturelle du VHB et aggrave le pronostic de l’hépatite chronique B.Celle-ci accroît le passage à la chronicité de l’hépatite aiguë B par augmentation de la réplication virale B (37). Le VIH augmente la fréquence des réactivations du VHB chez les porteurs inactifs du VHB (séroréversions HBe ou HBs).Il accélère en même temps la vitesse de progression de la fibrose, le développement de la cirrhose et du carcinome hépatocellulaire(38). Concernant le virus Delta, que ce soit en cas de co-infection (lorsque celui-ci est acquis en même temps que le VHB) ou de surinfection (lorsqu’il vient compliquer une hépatite B chronique): celui-ci aggrave le pronostic de l’hépatite B avec une augmentation de l’évolution vers la chronicité. Paradoxalement l’infection B/Delta se traduit souvent par une inhibition de la réplication du VHB, mais aussi par une accélération du processus de fibrose hépatique et de cancérogenèse. La charge virale semble également intervenir comme facteur d’aggravation de la fibrose(39).

Hépatopathie alcoolique

Dans la maladie hépatique alcoolique, la fibrose est corrélée à l’âge, à l’IMC, au sexe féminin et à la glycémie. Ces différents facteurs jouent probablement un rôle synergique dans la fibrogenèse. Le sexe féminin augmente la sensibilité hépatique à l’alcool. En effet, pour des doses ingérées identiques chez les hommes et les femmes, l’alcoolémie est supérieure chez les femmes (40). L’obésité, tout comme la résistance à l’insuline, contribue à augmenter le taux d’acides gras libres, potentiellement cytotoxiques ainsi que les produits de la peroxydation lipidique contribuant à l’activation des cellules étoilées. La surcharge en fer entraîne des phénomènes oxydatifs également fibrogéniques. Au total, le sexe, le surpoids, l’âge supérieur à 40-45 ans, la consommation excessive d’alcool, l’infection à virus hépatotropes et le diabète de type 2, sont des facteurs péjoratifs d’évolution de la fibrose au cours des hépatopathies chroniques, quelles qu’en soient leur cause. A ce jour aucun co-facteur environnemental n’a été incriminé dans l’évolution pro-fibrosante des hépatopathies chroniques. Cependant le rôle de certains toxiques environnementaux sur l’hépatocarcinogenèse a pu être mis en évidence, notamment les polluants organochlorés dont fait partie le chlordécone.

La problématique du chlordécone et des autres polluants organochlorés aux Antilles françaises

Les polluants organochlorés

Les polluants organochlorés sont issus des composés organiques organochlorésde synthèse employés dans le passé dans de nombreuses activités humaines, agricoles ou industrielles.
De par leurs propriétés physiques et chimiques, ces molécules ou certains de leurs produits de transformation métabolique restent intacts pendant de nombreuses années et de ce fait sont toujours présents dans l’environnement(41). Certains sont classés comme des polluants organiques persistants (POPs) selon la convention de Stockholm. Leur persistance dans l’environnement et leur capacité à s’accumuler dans la chaine trophique jusqu’à l’Homme, suscite de nombreuses interrogations sur l’impact sanitaire d’une telle contamination. Il existe plusieurs sortes de composés organochlorés, parmi lesquels, des produits industriels tels que les biphényls polychlorés (PCBs) et des insecticides tels que le dichloro-diphenyl-trichloroethane (DDT) et son métabolite persistant, le pp’-dichlorodiphenyldichloro-ethylène (pp’-DDE), ou le chlordécone. Tous ont été classés comme des POPs. Les Antilles françaises sont confrontés comme le reste du monde à la pollution et à la contamination des populations par des substances comme les PCBs ou le DDT (et son métabolite DDE). A cela s’ajoute une pollution assez spécifique, celle du chlordécone. A cet égard, les Antilles françaises représentent un terrain d’étude assez unique pour observer les conséquences sanitaires des expositions au chlordécone.

Le chlordécone

Le chlordécone est un produit phytosanitaire, insecticide organochloré de la famille des bishomocubanes. Il est aussi connu sous les noms commerciaux de Képone ou de Curlone. C’est un polluant organique persistant (POP), de très faible dégradation biotique et abiotique, sa demi-vie dans les milieux naturels étant évaluée, suivant les conditions, de quelques années à plusieurs dizaines d’années. Une toxicité évidente, alliée à cette persistance, l’a fait interdire dans de nombreux pays (dès 1976 aux États-Unis). En effet, la production a été stoppée aux USA, suite aux effets sanitaires constatés chez les ouvriers de l’usine de fabrication à Hopewell (Virginie).
Près de 90% du chlordécone produit aux USA a été exporté en Amérique latine, Asie, Afrique et dans les Caraïbes (Antilles françaises). Par la suite, une entreprise française a racheté le brevet de synthèse du chlordécone et les autorités françaises l’ont autorisé jusqu’en 1993 pour la culture de la banane. Son usage aux Antilles françaises, de 1973 à 1993, sur la sole bananière (pour lutter contre le charançon du bananier) a entrainé une importante pollution des milieux naturels (eaux, sols) et une contamination de denrées alimentaires animales et végétales qui perdurent de nos jours (BASAG 2005. Pesticides organochlorés et santé publique aux Antilles françaises. Bulletin d’Alerte et de Surveillance Antilles Guyane 8, 2005). L’application du chlordécone par enfouissement aux pieds des bananiers a constitué le point de départ de la pollution des sols. Sa persistance dans les sols est liée à ses caractéristiques physico‐chimiques tels que son affinité pour les sols organiques, sa faible volatilité, sa faible solubilité limitant son évacuation par les eaux de ruissellement, et surtout par sa très faible capacité de dégradation. Il en résulte actuellement une contamination de la population générale comme en témoignent les dosages plasmatiques de chlordécone dans le sang des hommes et femmes adultes, femmes enceintes et nourrissons réalisés aux Antilles(42, 43). De nos jours, la principale voie de contamination de l’Homme par le chlordécone est alimentaire via les poissons et les crustacés (~40%), les légumes racines (~30%) et les cucurbitacées (~10%). La transmission materno-foetale se fait via le sang du cordon.

La toxicité hépatique du chlordécone et des autres polluants organochlorés

La toxicité hépatique des polluants organochlorés

Chez l’animal, la toxicité hépatique a été montrée. Le foie étant un organe de stockage et de transformation métabolique, il est la première cible après une longue période d’absorption. En 1991, l’agence nationale de recherche sur le cancer met en évidence chez la souris des cas de tumeur du foie dose dépendante après administration orale ou sous-cutanée de DDT. Chez l’Homme, les premières études sur la toxicité des polluants organochlorés ont été réalisées aux USA, où ils sont largement utilisés depuis la guerre et pendant plus de 20 ans. Il a été évalué l’impact des POPS sur la survenue de CHC(44). En 1993, une étude cas-témoins menée au Vietnam a montré que l’exposition aux pesticides organochlorés chez des patients porteurs d’hépatopathies virales B entrainait un sur-risque de CHC, au même titre que la consommation excessive d’alcool ou la co-infection VHC(45).
C’est le DDT et le DDE qui sont associés aux plus forts risques de CHC(46).

La toxicité hépatique du chlordécone

Administré par voie orale, le chlordécone est absorbé à plus de 90%. Ensuite il subit une transformation métabolique puis une accumulation préférentielle dans le foie (47), contrairement aux autres polluants organochlorés qui s’accumulent plutôt dans les graisses. La fraction métabolisée (réduction de la fonction cétone en alcool) est éliminée par la voie biliaire dans la lumière intestinale, puis subit en grande partie une ré-oxydation et une réabsorption intestinale. Chez l’animal, il a été montré qu’il favorisait significativement la survenue de carcinome hépato-cellulaire chez les rats et les souris exposés (48, 49). Il a donc été classé comme cancérigène possible chez l’Homme par le centre international de la recherche sur le cancer de l’OMS en 1979(50). Le chlordécone n’est pas à lui seul hépatotoxique, sa toxicité surviendrait en cas de co-administration avec un agent hépatotoxique. Cela a été démontré avec le tétrachlorure de carbone (CCl4), dont le chlordécone potentialise 67 fois l’action délétère(51, 52). Cette potentialisation se traduit par une insuffisance hépatocellulaire grave couplée à une diminution, voir suppression de régénération tissulaire. Tabet et al. Ont publié en février 2016 (53)une étude qui démontre que la fibrose hépatique peut être influencée par l’exposition chronique au chlordécone. En effet, dans leur modèle chez la souris, le chlordécone potentialise la fibrose hépatique chez les animaux présentant des lésions hépatiques chroniques induites par le CCl4. Chez l’Homme, contrairement aux autres polluants organochlorés, il y a peu de données sur l’hépatotoxicité du chlordécone. Les données disponibles proviennent de l’étude des ouvriers de l’usine Hopewell (54). L’hépatomégalie est le symptôme le plus fréquent observé chez les personnes exposées au chlordécone. Des biopsies hépatiques réalisées ont montré une prolifération du réticulum endoplasmique lisse due à une augmentation de l’activité enzymatique mitochondriale des cellules hépatiques, secondaire à une absorption massive du chlordécone.
Des dosages réalisés chez des sujets asymptomatiques ont montré des concentrations élevées de chlordécone dans le foie.

Objectifs de l’étude

Actuellement il n’existe aucune donnée épidémiologique montrant un impact de l’exposition au chlordécone sur l’évolution de l’hépatite chronique vers la cirrhose quelque soit son étiologie, alors que de nombreuses études chez l’animal convergent vers un rôle délétère du chlordécone dans l’atteinte hépatique. L’objectif principal de l’étude HEPATOCHLORD est de déterminer si l’exposition au chlordécone agit comme un cofacteur susceptible d’aggraver l’évolution des hépatites chroniques actives, virales ou alcooliques vers la cirrhose, en Guadeloupe. Cette étude vise à comparer, des patients porteurs d’une fibrose débutante (stades F0 et F1) à des patients porteurs d’une fibrose avancée (stades F2, F3 et F4) en évaluant l’impact que pourrait avoir le chlordécone sur cette évolution. Les objectifs secondairessont l’évaluation de l’imprégnation en chlordécone et autres pesticides organochlorés de cette population d’étude. Nous présenterons ici le volet descriptif de l’étude. Le volet analytique sera réalisé dans un second temps.

Les critères de jugement

Le critère de jugement principal est lacomparaison des taux sanguins de chlordécone entre les patients présentant une fibrose avancéeet ceuxayant une fibrose débutante.
Les critères de jugement secondaires sont ledosage du chlordécone et des autres pesticides organochlorés des patients vivants sur le territoire guadeloupéen, ainsi que la comparaison des taux sanguins de DDE et PCB153 entre les deux groupes de l’étude.

Analyse statistique

Les données issues des questionnaires et des analyses des polluants ont été codées et saisies sur le logiciel Epi Data. L’âge a été calculé par la différence entre la date d’inclusion et la date de naissance. L’IMC a été calculé selon la formule poids (kg)/taille(cm)². L’IMC a été catégorisé en 6 classes : faible poids <18,5 ; normal 18,5-25 ; surpoids 25-30 ; obésité modérée 30-35 ; obésité sévère 35-40 ; obésité morbide >40. Les communes de résidence au moment de l’inclusion ont été regroupées en 3 catégories : Grande Terre, Basse Terre, Dépendances. Les analyses descriptives ont été réalisées en utilisant des indicateurs statistiques usuels. Les variables quantitatives ont été décrites à l’aide d’indices de position (moyenne, médiane), des valeurs extrêmes (minimum, maximum) et de distribution (percentiles). Les variables qualitatives ont été exprimées en pourcentage selon la répartition des classes.
Les variables continues ont été étudiées à l’aide du test paramétrique de t de Student ou du test non paramétrique de Mann-Whitney en fonction des caractéristiques de la distribution des variables. Les variables catégorielles ont été étudiées avec le test du Khi 2 (2). Dans leur ensemble, ces tests étaient bilatéraux avec un risque de première espèce (risque alpha) de 95% et réalisés à l’aide du logiciel StatView.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I) INTRODUCTION
1) HEPATOPATHIES CHRONIQUES VIRALES ET ALCOOLIQUES : GENERALITES
A) HEPATITE VIRALE C
B) HEPATITE VIRALE B
C) HEPATOPATHIE ALCOOLIQUE
D) METHODES D’EVALUATION DE LA FIBROSE
2) EPIDEMIOLOGIE DES HEPATOPATHIES CHRONIQUES VIRALES (B ET C) ET ALCOOLIQUES EN GUADELOUPE
A) LES HEPATOPATHIES VIRALES B ET C
B) LES HEPATOPATHIES ALCOOLIQUES
3) FACTEURS DE PROGRESSION DE LA FIBROSE DES HEPATOPATHIES CHRONIQUES VIRALES ET ALCOOLIQUES
A) HEPATITE VIRALE C
B) HEPATITE VIRALE B
C) HEPATOPATHIE ALCOOLIQUE
4) LA PROBLEMATIQUE DU CHLORDECONE ET DES AUTRES POLLUANTS ORGANOCHLORES AUX ANTILLES FRANÇAISES
A) LES POLLUANTS ORGANOCHLORES
B) LE CHLORDECONE
5) LA TOXICITE HEPATIQUE DU CHLORDECONE ET DES AUTRES POLLUANTS ORGANOCHLORES
A) LA TOXICITE HEPATIQUE DES POLLUANTS ORGANOCHLORES
B) LA TOXICITE HEPATIQUE DU CHLORDECONE
6) OBJECTIFS DE L’ETUDE
II) MATERIEL ET METHODES
1) LES PATIENTS
2) DONNEES COLLECTEES
3) LES CRITERES DE JUGEMENT
4) ANALYSE STATISTIQUE
III) RESULTATS
IV) DISCUSSION
V) CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *