La problématique de l’engagement dans les processus de création musicale

MÉTHODOLOGIE : TERRAIN, RESSOURCES, OUTILS ANALYTIQUES, ÉCRITURE

Pour le travail de ce mémoire, je m’appuie sur un certain nombre de ressources différentes, à partir desquelles je construis ma réflexion. Celle-ci se nourrit également d’une longue expérience personnelle, en tant que pratiquant au sein de la culture musicale bèlè, et en tant qu’observateur passionné des cultures musicales antillaises. Parmi les ressources à partir desquelles je nourris mon travail, figure le fruit des enquêtes de terrain. Ce travail je l’ai réalisé auprès d’un certain nombre d’informateurs, afin de récolter des données informatives sur mon sujet d’étude portant sur le renouvellement des cultures musicales du contemporain antillais, depuis le dernier quart du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Le terrain m’a donc permis, comme je le souligne plus loin dans ce chapitre, d’observer de l’intérieur quelques expériences musicales évocatrices, à travers lesquelles se redéfinissent les formes nouvelles des créations musicales antillaises, comme c’est le cas avec Tanbou bò-kannal (TBK). J’ai d’ailleurs profité du carnaval 2016, moment privilégié de renouvellement des cultures musicales, pour investiguer en plein cœur de la pratique de musique de rue où les créations nouvelles également sont constantes.
Je m’appuie aussi sur un corpus bibliographique, qui touche de près ou de loin, aux thématiques et problématiques que je soulève dans ce mémoire.
Parallèlement à ces ressources bibliographiques, il existe un corpus de ressources sous la forme de conférences (séminaires, colloques, conférences, journée d’études), au sein duquel je puise volontiers pour enrichir mes connaissances et réflexions. Mon travail se nourrit aussi d’un important des éléments discographiques, qui servent de matériau pour l’analyse musicale, afin de comprendre les mécanismes et procédés à partir desquels s’élaborent des formes musicales nouvelles qui fondent ma problématique.
Toutes ces ressources m’ont permis de, entre autres, questionné et d’investiguer mettre à l’épreuve mes postulats de départ, de structurer ma pensée et d’étayer mon argumentaire. J’ai pu avoir pour tenter d’apporter des éléments de réponses sur ce qui conduisait des musiciens à fabriquer du nouveau, à reformuler l’ancien.
Ces hypothèses, autour de la place et de l’impact des cultures musicales bèlè, Gwo Ka et haute-taille dans les processus de renouvellement des musiques à la Martinique et en Guadeloupe, justifient donc l’intérêt que j’ai porté au travail de terrain, dont les détails sont développés en infra. Il s’agit là d’un travail ethnographique de traitement et de classification des données recueillies, mais aussi d’une méthode pour confronter les données récoltées, et pour dégager un certain nombre de règles permettant d’articuler les fameuses dynamiques de renouvellement et de reformulation des pratiques musicales, déjà largement évoquées en supra.
Si le choix de la thématique que je souhaitais traiter, émergea assez rapidement au point de faire l’unanimité avec mon directeur et mon tuteur de mémoire, ce sont plutôt les problématiques retenues qui ont évolué au fur-et-à-mesure de l’avancée de mon travail, au point de m’obliger à reconsidérer certaines de mes hypothèses initiales ainsi que les questionnements qui les sous tendaient. Je reviens plus loin sur les réajustements alors opérés, ainsi que sur les évolutions de mon argumentaire, après avoir confronté un certain nombre de données, dont je ne disposais pas au départ. À titre d’exemple, les propos de Manuel Césaire sur les manières d’exister et de s’inscrire dans son époque, en construisant des expériences musicales différentes de celles préexistantes, m’ont obligé à reformuler mes questionnements autour de l’idée de la modernité en musique, et à reconsidérer donc le point de vue du musicien que je suis, pour mieux saisir le pourquoi et les enjeux sous-jacents des voies que les musiciens peuvent être amenés pour des créations nouvelles.
Je terminerai le traitement de ce point sur la méthodologie par le rappel des ressources, à partir desquelles, j’ai construit ma recherche et mon argumentaire. Il y a donc l’enquête de terrain, les ressources bibliographiques, les ressources discographiques et vidéographiques, les conférences, master-class et autres documents disponibles sur le Web, etc. Comment alors suis-je arrivé au choix du sujet de mon mémoire ?

B1 : CHOIX DE LA THÉMATIQUE

Je l’ai déjà indiqué, ce mémoire entend questionner les continuités qui s’opèrent entre trois grandes cultures musicales, deux martiniquaises (le bèlè et la haute-taille) et une guadeloupéenne (le Gwo Ka), ainsi que les formes nouvelles ou réélaborés de musiques du contemporain, qui se sont inspirées desdites cultures musicales, ce, depuis le dernier quart du XXe siècle environ. Quelles places et quels rôles tiennent alors les traditions en question, dans le renouvellement des musiques de créations contemporaines à la Martinique et à la Guadeloupe ? Ce questionnement est fondamental pour étudier le lien entre le passé et le présent, dans le champ musical riche d’identités et de rebondissements historiques, sur les plans culturel et social, voire sociétal. Ce questionnement de base m’a donc conduit à interroger les processus qui mènent à l’émergence de fameuses pratiques musicales nouvelles, tant du point de vue de la forme musicale que des ancrages sociaux, symboliques. Qu’est-ce qui motivent des musiciens à inventer et/ou réinventer des formes nouvelles ? Comment s’appuient-ils sur les traditions de leurs territoires, et par quels moyens opèrent-ils pour atteindre leur objectif ?
Autant de questions qui nous a permis de réfléchir également sur les cadres et les contextes sociaux où se pratiquent les musiques et se réalisent ces dynamiques de renouvellement et de transformation culturels, sociaux, sociétaux, et avec eux, l’homme, l’individu qui en est à la source.
A travers ce mémoire, nous nous attelons, en outre, à saisir ou à comprendre le rapport à la modernité, ainsi que les motivations et les nécessités qui poussent des individus à vouloir absolument construire et partager des formes, des esthétiques et des créations nouvelles, en puisant dans un fond ancien. Quelles sont les raisons qui m’ont poussé à choisir ce thème et pourquoi alors me suisje appuyé sur les trois grandes cultures musicales antillaises précédemment évoquées, pour le traiter ?
Pour répondre à ces interrogations, e commencerais par noter que j’appartiens à une de ces grandes cultures musicales, la martiniquaise, où je fais partie du « monde bèlè ». J’y interviens en tant que musicien, compositeur et formateur, puisque je suis titulaire d’un Diplôme d’Etat de professeur de musique, dans la catégorie des musiques traditionnelles et de musiques actuelles amplifiées. Je participe aux swaré bèlè souvent dans le « pupitre » des répondè , je côtoie aussi les « jan bèlè », mais également les acteurs qui participent aujourd’hui au renouvellement des pratiques de la tradition, ainsi que les acteurs de terrain encore en activité ayant initié des dynamiques de renouvellement dans les années 1970-80.
C’est d’ailleurs parmi eux que j’ai choisi quelques-uns de mes informateurs, en tant que personnes-ressources de première importance. Enfin, pour saisir les motivations qui m’ont poussé à faire le choix de cette thématique, il nous faut remonter à un fait majeur de l’histoire musicale antillaise (martiniquaise et guadeloupéenne). Ce fut à la fin des années 1960. Un musicien chercheur guadeloupéen, citele ici, va profondément changer les manières de questionner le rapport aux traditions, notamment pour le Gwo Ka. Ces questionnements vont aussi toucher les enjeux
épistémologiques d’une recherche musicologique, portée par des Antillais, sur des pratiques
musicales de leurs territoires. L’œuvre de Gérard Lockel va résonner comme un manifeste sur la création musicale aux Antilles ! Aussi vat-t-elle profondément influencer la démarche de quelques autres créateurs de musique du contemporain aux Antilles. Ma rencontre avec ce manifeste s’est donc révélée déterminante, quant à l’orientation de ma démarche musicale et artistique.

B 2 : MES INFORMATEURS

Le choix de mes informateurs, au même titre que les situations d’enquête de terrain, tient un rôle important dans ce travail, tant pour des besoins méthodologiques qu’analytiques.
Il est donc important de souligner ici que, le fait d’appartenir au milieu bèlè, mais également le fait d’avoir côtoyé des musiciens comme Edmond Mondésir, Étienne Jean-Baptiste, Casimir Jean Baptiste ou encore Nico Gernet- pendant de très nombreuses années, ce, au cours de mon parcours de musicien martiniquais, au-delà de la musique bèlè -, a facilité mon approche du terrain sur deux points essentiels. Le premier concerne le choix des informateurs susceptibles de me donner accès à des données de grande importance. Ma connaissance du milieu et des grands moments charnières de l’histoire musicale martiniquaise, notamment celle qui se déroule depuis la seconde moitié du XXe siècle, s’est révélée appréciable au moment de faire l’inventaire de ceux qui pouvaient être mes informateurs, d’une part. D’autre part, le fait que le choix des informateurs soit étroitement lié aux expériences de renouvellement des pratiques musicales antillaises du contemporain, pratiques inspirées des traditions originelles, qui ont marqué les musiques martiniquaises notamment, signifiait bien qu’une connaissance solide de l’histoire musicale de ce territoire s’avérait nécessaire et précieuse.
Une fois ce postulat posé, je dois maintenant préciser que j’ai également, dès le départ, en m’appuyant sur les conseils et éclairages de mon directeur et de mon tuteur de mémoire, fait le pari de profiter du fait que certains des acteurs principaux, qui ont été à l’initiative du renouvellement des cultures musicales martiniquaises et qui ont un lien fort avec les traditions bèlè et haute-taille, étaient d’une part, encore vivants, et de l’autre, surtout accessibles. C’est ainsi que des musiciens comme Edmond Mondésir, Etienne Jean-Baptiste, Nico Gernet se sont tout naturellement imposés dans mes choix et mes objectifs.
Nous avons ensuite, parallèlement, ciblé avec mes directeurs et tuteur, quelques expériences musicales qui ont renouvelé significativement le champ culturel de mon étude, et qui ont un lien avéré avec les fameuses traditions du bèlè et/ou de la haute-taille, en ce qui concerne la Martinique. Ainsi, nous avons fait le choix d’informateurs comme Manuel Césaire qui, à travers son œuvre Rhapsodie nègre, par le biais duquel il expérimente et positionne une esthétique nouvelle et un rapport singulier aux traditions de musique, à travers l’usage particulier des tambours de Noirs martiniquais et de la culture musicale dite créole, au sein de sa nouvelle création où l’on retrouve les traits culturels musicaux de filiation, à la fois, européenne et africaine, traités dans un harmonieux équilibre. J’ai été intéressé par Claude Césaire, avec le groupe Bwa Koré, mais aussi pour son rôle incontournable joué dans la formation et l’enseignement musicaux. Je me suis référé à Eric Seguin-Cadiche, pour ses expériences expérimentales, menées à partir de la haute-taille.
Enfin, un dernier critère est venu influencer mon travail de terrain. J’ai ciblé, avec l’aide de mon directeur et mon tuteur, le carnaval et les pratiques de rue comme des lieux favorables au renouvellement des pratiques musicales. C’est tout naturellement que je me suis appuyés sur le carnaval, comme expérience de terrain significatif en lien avec mon sujet d’étude. Ainsi, j’ai pu suivre des groupes carnavalesques, en participant de l’intérieur à leurs activités culturelles, et questionner quelques-uns des acteurs de cet univers, et/ou membres des groupes, au cours du carnaval 2016. Cette expérience participative, s’est révélée, pour moi, essentielle pour, entre autres, comprendre comment s’organise, d’une façon générale, le jeu musical ? Comment se modifient certains paramètres sous-jacents ? Comment se renouvellent les formes résultantes ? Le groupe de rue Tanbou Bò Kannal a été, à cet égard, un formidable laboratoire pour moi, puisque j’ai pu, grâce à leur acceptation, partager avec eux, le temps du carnaval, une singulière expérience de musique de rue Avant même d’apporter quelques éléments complémentaires sur mes informateurs, il est utile de souligner ici que j’ai rapidement pris conscience, au cours de mon expérience de terrain, combien c’était précieux de me retrouver ainsi au cœur d’une « expérience de jeu d’acteurs », que je n’hésiterai pas de qualifier d’exceptionnelle, et que le fait, pour moi, d’appartenir au milieu bèlè, d’être musicien et de connaître parfois, personnellement, les informateurs pouvaient avoir quelques inconvénients. L’une d’elle réside dans les idées reçues, dans tout ce qui semble faire consensus ou être partagé de tous, alors même que le contenu peut comporter des insuffisances, qui mériteraient quand même d’être discutées, mais pour lesquelles les protagonistes refusent d’engager une sérieuse discussion ou d’apporter quelques argumentaires utiles. Il y a aussi le fait, qu’entre personnes appartenant aux même milieux artistiques, l’informateur , comme du reste l’enquêteur appartenant à la culture étudiée, que je suis, ne trouvent pas forcément utile d’expliquer bon nombre de données, qui nécessiteraient pourtant des explications préalables, car jugées de grande intelligibilité pour mériter encore d’être explicité outre mesure. J’ai donc essayé, autant que faire se peut, d’éviter ces inconvénients. En amont de l’interview de Niko Gernet, j’ai fait une immersion dans le groupe Tanbou Bò Kannal, pendant le carnaval 2016, à fin de bien observer, tenter de mieux percevoir et identifier les rythmes, ainsi que le sentiment musical qui s’y dégageait. J’ai pu également observer le fonctionnement du groupe lui-même, ce, à plusieurs niveaux. Cette plongée au cœur de TBK me donnait l’opportunité de suivre le travail des différentes sections instrumentales et d’en saisir, notamment, les logiques de catégorisation des corps d’instruments à l’intérieur d’un ensemble.

LA PROBLÉMATIQUE DE L’ENGAGEMENT DANS LES PROCESSUS DE CRÉATION MUSICALE

Dans l’engagement, il y a une volonté réelle de prendre position dans un champ quelconque, ou dans un milieu qui possède déjà ses éléments constitutifs, ses logiques de hiérarchisation, ses valeurs et référentiels, ainsi que ses critères de catégorisation. Lorsqu’un musicien ou un artiste s’engage et entend apporter du nouveau ou encore modifier les normes et les hiérarchies existantes dans le milieu auquel il appartient, c’est là un engagement dans l’action qu’il prend pleinement en toute conscience, même s’il n’a pas immédiatement conscience de l’impact qui en résultera. C’est ce qu’observe très justement David Khatile qui le souligne en ces termes : « C’est là aussi que l’éthique et l’esthétique se rencontrent. Les choix d’un musicien comme Manuel Césaire ou encore Francisco qui visent, par exemple, à repositionner le tambour dans les cultures musicales, là où celui-ci est soit absent ou en retrait, sont tout autant motivés par des raisons d’ordre idéologique, politique qu’esthétique. Les termes et modalités de l’équation éthique/esthétique et éthique/politique ne se définissent pas de la même façon selon les situations, pour autant elles se retrouvent souvent étroitement liées dans les processus de renouvellement des formes musicales à la Martinique » . Notons que si l’engagement se révèle sous des formes diverses et véhiculent des enjeux différents, il sous-tend, dans chacun des cas, l’idée de positionnements, qui visent à modifier la donne en matière de pratique musicale, de représentation des musiques martiniquaises, pour ce qui nous concerne, et d’inscription de l’ancien dans le contemporain.

LA PROBLÉMATIQUE DE L’ENGAGEMENT DANS LES PROCESSUS DE CRÉATION MUSICALE

Dans l’engagement, il y a une volonté réelle de prendre position dans un champ quelconque, ou dans un milieu qui possède déjà ses éléments constitutifs, ses logiques de hiérarchisation, ses valeurs et référentiels, ainsi que ses critères de catégorisation. Lorsqu’un musicien ou un artiste s’engage et entend apporter du nouveau ou encore modifier les normes et les hiérarchies existantes dans le milieu auquel il appartient, c’est là un engagement dans l’action qu’il prend pleinement en toute conscience, même s’il n’a pas immédiatement conscience de l’impact qui en résultera. C’est ce qu’observe très justement David Khatile qui le souligne en ces termes : « C’est là aussi que l’éthique et l’esthétique se rencontrent. Les choix d’un musicien comme Manuel Césaire ou encore Francisco qui visent, par exemple, à repositionner le tambour dans les cultures musicales, là où celui-ci est soit absent ou en retrait, sont tout autant motivés par des raisons d’ordre idéologique, politique qu’esthétique. Les termes et modalités de l’équation éthique/esthétique et éthique/politique ne se définissent pas de la même façon selon les situations, pour autant elles se retrouvent souvent étroitement liées dans les processus de renouvellement des formes musicales à la Martinique » . Notons que si l’engagement se révèle sous des formes diverses et véhiculent des enjeux différents, il sous-tend, dans chacun des cas, l’idée de positionnements, qui visent à modifier la donne en matière de pratique musicale, de représentation des musiques martiniquaises, pour ce qui nous concerne, et d’inscription de l’ancien dans le contemporain. A ce propos, il est intéressant de constater, comme nous le verrons en détail plus loin que, dans les expériences musicales qui sont à l’origine de l’avènement de nouvelles formes ou des reformulations de formes anciennes, issues de grandes traditions musicales que nous avons énoncé dans la première partie du mémoire, à savoir le bèlè, la Haute-Taille et le Gwo Ka, l’inscription du tambour intervient souvent comme une des motivations de l’engagement à travers l’affirmation identitaire. Nous le verrons à travers l’expérience, notamment, de TBK, du Bèlè Légliz, de Rhapsodie nègre, de Claude Césaire.
Dans certains cas, il ne s’agit pas seulement du tambour, en tant qu’instrument de musique, mais également de cultures musicales au tambour voire de cultures musicales des Noirs esclaves et leurs descendants. C’est le cas avec le Bèlè Légliz où se manifeste, enfin, l’inscription des cultures musicales des Noirs dans la pratique liturgique chrétienne. Casimir Jean-Baptiste, Antoine Maxime et le père Moncontour En sont des acteurs et des fervents artisans. C’est aussi le cas dans les rencontres entre cultures musicales européennes, étatsuniennes et africaines, avec celles de la Martinique, avec Claude Césaire, entre autres.
Un autre élément nous semble intéressant de relever dans ces rapports entre éthique, esthétique et politique. Il touche le champ de la recherche, lorsque celui-ci vient s’associer à la pratique musicale, dans le cadre du renouvellement des formes existantes. C’est ainsi que l’on va voir mis en avant des enjeux épistémologiques, tant dans l’expérimentation de nouvelles formes musicales (Bèlènou, TBK, Dédé Saint-Prix ou d’autres encore) que dans la valorisation de pratiques endogènes comme le bèlè. Il n’en est pas moins dans la recherche et la mise en place d’outils conceptuels et analytiques nouveaux, qui ne sont pas ceux de la musicologie académique (cf. la théorie de Lockel sur le Gwo Ka Modènn et la gamme résultante, JeanBaptiste avec son concept de Welto, pour ne citer que ces deux cas), sans négliger les autres contributions en la matière (Rhapsodie nègre, Biguine jazz et d’autres également). Quant à la posture idéologique du musicien, il tient aussi une place importante dans ce contexte, surtout lorsque l’on sait que les années 1970 sont charnières pour l’affirmation des mouvements qui revendiquent alors la souveraineté territoriale (l’indépendance), la reconnaissance des droits civiques et moraux des travailleurs martiniquais, la reconnaissance de la langue créole, la valorisation des cultures des Noirs, la liste est encore longue. Un grand nombre des musiciens, qui sont à l’initiative ou au cœur des processus de création de formes et esthétiques musicales nouvelles, sont impliqués de près ou de loin dans ces mouvements. Le moins que l’on puisse dire ici, c’est qu’il y a des liens avérés entre leurs engagements politiques, idéologiques et leurs choix musicaux.

La messe Tam-Tam : un acte fondateur de l’inscription des cultures musicales des Noirs dans la pastorale liturgique catholique

Avril 1966 va devenir un moment fondateur, dans l’inscription des cultures musicales des Noirs dans la pastorale liturgique catholique, ce, à travers son premier « rallye choral » qui se déroulé à la cathédrale de Fort-de-France. Une dizaine de chorales y était présente. Parmi elles, la chorale Joie de chanter, de Paulette Nardal et la chorale du François. Dans la dernière partie du rallye, Toutes ces chorales interprètent alors la fameuse messe Tam-Tam, accompagnée des membranophones bèlè, du ti-bwa qui, pour la première fois dans l’histoire martiniquaise, prennent place au sein de l’instrumentarium de la pastorale liturgique catholique.
La messe Tam-Tam est, par ailleurs, chantée en langue créole. L’évêque traditionnaliste Monseigneur Varin-de-la-Brunelière est présent et semble enthousiaste. Il interpelle Antoine Maxime à la fin du spectacle pour lui faire la remarque suivante : « Mais mon p’ti, il n’y avait pas assez de tambours ! ». Cette remarque est sans doute due au fait que ce dernier avait assisté, trois ans plus tôt, à une messe éthiopienne à Rome au cours de laquelle les chants étaient accompagnés des dizaines de tambours. La messe Tam-Tam, entrant ainsi dans l’histoire, ne va pas s’arrêter là. Son succès, grandissant, va la conduire à être jouée dans différentes paroisses de l’île : du François, de Rivière-Pilote, des Terres-Saint-Ville notamment. Le vicaire Louis Élie va même introduire, le 24 décembre 1966, quelques morceaux de la messe Tam-Tam et des psaumes en créole, au cours de la célébration de la messe de minuit.
Il va s’ensuivre un enregistrement de la messe Tam-Tam, en direct, à l’église de Balata, ce qui va définitivement immortaliser cet événement majeur de l’histoire musicale martiniquaise sur un disque vinyle 33 tours . En 1966, Paulette Nardal participe à l’enregistrement de la Messe Tam-Tam d’Antoine Maxime et du vicaire Louis Elie. Deux morceaux de la messe TamTam vont être de nouveau enregistrés quelques mois plus tard, dans une discothèque de Fortde-France nommée pareillement le Tam-Tam.
Cet enregistrement participe aussi à l’acte fondateur majeur qui va impulser des nouvelles dynamiques d’inscription de la pratique chorale religieuse d’obédience catholique dans les cultures des Noirs martiniquaises. Lorsque l’on sait que la très grande majorité de la population de ce territoire est d’origine Noire, on mesure l’importance d’une telle initiative à l’intérieur du champ social.

Le carnaval un prétexte pour développer des activités musicales parallèles ?

L’apport de TBK ne va pas s’arrêter à la musique de carnaval. Cet événement (le carnaval) est très rapidement devenu, pour TBK, un tremplin pour la création. En effet, parallèlement à l’activité du groupe TBK de carnaval, d’autres expériences vont être menées avec une ossature de TBK. C’est ainsi que voit le jour des expériences de fusion entre musique de carnaval, de bèlè, de Chouval-Bwa et les « musiques actuelles ».
L’activité musicale, théâtrale, chorégraphique va, par la même occasion, s’intensifier pendant cette période, au point de donner lieu à d’innombrables représentations, concerts et spectacles. Le carnaval va ainsi dynamiser les actions de recherche sur l’imaginaire créole. Les personnages de la mythologie martiniquaise et caribéenne vont être mis en valeur, dont Le diable rouge, Mariàn Lapo fig. Cette partie a permis de comprendre les cadres sociaux de pratique à l’intérieur desquels s’opèrent les expériences de renouvellement des pratiques musicales à la Martinique et à la Guadeloupe. Elle approche ces processus dynamiques à partir des questions qui touchent à l’éthique, au politique, à l’idéologique dans le but de rendre compte des phénomènes musicaux qui nous intéressent. Elle a permis de mettre en valeur certains liens entre éthique, politique et esthétique. La partie qui suit appréhende les processus de création et de reformulation des musiques du contemporain antillais à partir de l’analyse musicale. Elle propose une plongée au cœur même des procédures et des mécanismes qui conduisent à l’émergence de formes musicales nouvelles. Dans le même ordre d’idées que pour la partie précédente, les liens entre esthétique, forme, politique et éthique sont relevés à chaque fois qu’ils paraissent pertinents.

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Table des matières
REMERCIEMENT
SOMMAIRE 
INTRODUCTION
PARTIE I 
I A : APPROCHE CONCEPTUELLE DE L’OBJET D’ÉTUDE : TRADITION, CRÉATION, INNOVATION ET REFORMULATION DES PRATIQUES
I B : MÉTHODOLOGIE : TERRAIN, RESSOURCES, OUTILS ANALYTIQUES, ÉCRITURE
PARTIE II
II A : LA PROBLÉMATIQUE DE L’ENGAGEMENT DANS LES PROCESSUS DE CRÉATION MUSICALE
II B : RÉSISTANCE CULTURELLE ET CRÉATION MUSICALE
II C : LIEUX, ESPACES ET SITUATIONS DE PRATIQUE COMME VECTEUR DE CRÉATION : LE CARNAVAL ET LES PRATIQUES DE RUE COMME LIEUX PRIVILÉGIÉS DE LA MODERNITÉ
II C 1 : PLONGÉE AU CŒUR DE TANBOU BÒ-KANNAL
PARTIE III 
III A : PLONGÉE AU CŒUR DES PROCESSUS DE CRÉATION MUSICALE
III B : L’INFLUENCE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES, DÉVELOPPEMENT DE
LA FACTURE INSTRUMENTALE, APPARITION DE NOUVEAUX INSTRUMENTS
DANS LES CRÉATIONS MUSICALES
III C : PERSPECTIVES DE RECHERCHE SUR LES PROCESSUS DE CRÉATION
MUSICALE DU CONTEMPORAIN
CONCLUSION 
ANNEXES 
BIBLIOGRAPHIE 
WEBOGRAPHIE 
DISCOGRAPHIE 
VIDEOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES 

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